Mois : décembre 2023

CUMA : La dette de la coopérative liée au remboursement des parts sociales et la créance souscrite par le coopérateur auprès de la coopérative pour l’utilisation du matériel sont connexes,

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

2. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 16 novembre 2021), Mme [N], agricultrice, adhérente de la CUMA, a été placée en liquidation judiciaire et la société Actis a été désignée comme mandataire-liquidateur.

3. Par ordonnance du 24 juillet 2020, le juge-commissaire a retenu que la connexité n’était pas établie entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès de la coopérative, et rejeté la demande de compensation formée à ce titre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La CUMA fait grief à l’arrêt de rejeter la demande tendant à ce que soient constatées la connexité et la compensation entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès d’elle, alors « que la Coopérative d’utilisation de matériel agricole de Lambon – Cuma se prévalait de la nature des créances réciproques des parties pour conclure à leur connexité, précisant à cet égard que les parts sociales détenues par Mme [X] correspondaient à des fractions d’équipements et de matériels agricoles et que la facture dont le paiement par compensation était poursuivi correspondait précisément à l’utilisation de ces équipements et matériels agricoles pour lesquels Mme [X] détenait des parts sociales ; que, pour écarter la connexité des créances invoquées, la cour d’appel a retenu que « s’il est exact que la coopérative aux termes de l’article 12, présente un capital social variable, réparti entre les associés coopérateurs comme égal à 52 % du montant du chiffre d’affaires estimé à la souscription sur la base du bulletin d’engagement, il n’en résulte pas, contrairement à ce qu’elle soutient, un lien direct entre le contrat de société et les obligations de l’associé au titre des prestations réalisées, dès lors qu’elles ne sont pas défraies à titre d’avances de trésorerie ou encore de répartition du fonctionnement des achats ; au contraire, l’obligation de paiement des prestations fournies par la coopérative n’est pas prévue au titre de l’apurement des comptes résultant de la cessation des droits d’associés, et d’autre part le remboursement des parts intervient au terme de l’adhésion à hauteur de leur valeur nominale, telle que définie ci-dessus, et réduit à due concurrence de la contribution de l’associé aux pertes inscrites au bilan lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves. Il en résulte qu’il n’est défini aucune interdépendance entre ces deux contrats » ; qu’en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la nature des créances réciproques des parties, ayant trait au remboursement de parts sociales afférentes à du matériel agricole et dans la dépendance de la facturation de l’utilisation de ce même matériel, ne révélait pas leur lien de connexité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-7 du code de commerce et L. 521-3 du code rural et de la pêche maritime :

5. Aux termes du premier de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.

6. Selon le second, ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative que les coopératives dont les statuts prévoient l’obligation pour chaque coopérateur d’utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d’activité.

7. Pour rejeter la demande tendant à ce que soient constatées la connexité et la compensation entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès de la coopérative, l’arrêt retient, après avoir relevé que la coopérative présentait un capital social variable, réparti entre les associés coopérateurs comme égal à 52 % du montant du chiffre d’affaires estimé à la souscription sur la base du bulletin d’engagement, qu’il n’en résultait pas un lien direct entre le contrat de société et les obligations de l’associé au titre des prestations réalisées, dès lors que celles-ci n’étaient pas définies à titre d’avances de trésorerie ou encore de répartition du fonctionnement des achats.

8. Il énonce, ensuite, que l’obligation de paiement des prestations fournies par la coopérative n’est pas prévue au titre de l’apurement des comptes résultant de la cessation des droits d’associés, et, enfin, que le remboursement des parts intervient au terme de l’adhésion à hauteur de leur valeur nominale, et se trouve réduit à due concurrence de la contribution de l’associé aux pertes inscrites au bilan lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves.

9. En statuant ainsi, alors que la contribution au capital social donne le droit d’utiliser un matériel déterminé et que la facturation rémunère son temps d’utilisation, de sorte que la dette de la coopérative liée au remboursement des parts sociales et la créance souscrite par le coopérateur auprès de la coopérative pour l’utilisation du matériel sont connexes, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de compensation de la coopérative d’utilisation de matériel agricole de Lambon, l’arrêt rendu le 16 novembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers autrement composée ;

Condamne la société Actis mandataires judiciaires aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Actis en qualité de mandataire liquidateur de Mme [N] à payer à la coopérative d’utilisation de matériel agricole de Lambon la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes.

Cour de cassation 3e chambre civile arret du 14 Décembre 2023 Numéro de pourvoi : 22-15.598

ORDONNANCE DU JUGE COMMISSAIRE :

La poursuite de la personnalité morale d’un GAEC pendant la liquidation, faisant suite à la dissolution conformément aux dispositions de l’article 1844-8 alinéa 3 du code civil, a permis que celui-ci fasse l’objet d’une liquidation judiciaire ouverte par un jugement en date du 24 janvier 2017, dans le cadre de laquelle les anciens cogérants, qui avaient perdu leur mandat social du fait de la dissolution, n’ont pas recouvré leur pouvoir de représentation du GAEC, seul un mandataire ad hoc, dont la désignation pouvait intervenir à la demande de tout intéressé (sans avoir été, en l’espèce, sollicitée), était susceptible d’exercer le droit propre, dont bénéficie le débiteur en matière de vérification et d’admission de créances.

FAITS, PROCÉDURE – PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Le groupement agricole d’exploitation commun (GAEC) de [Localité 12], ayant son siège à [Localité 10] (Aude), a été constitué en 1994 entre MM. [M] et [P] [J], qui en étaient cogérants, tandis que le groupement foncier agricole (GFA) [J] frères, ayant également son siège à [Localité 10], a été constitué en 1996 entre MM. [M], [P] et [O] [J], les trois frères étant cogérants.

Les deux structures ont été immatriculées au registre du commerce et des sociétés de Carcassonne le 1er janvier 2000 ; le GAEC de [Localité 12] exploitait les terres apportées et/ou données par le GFA [J] frères, l’exploitation portant sur trois activités principales, 164 ha en grandes cultures, 23,5 ha de viticulture et un élevage de volailles.

Un conflit ayant opposé les trois frères, le président du tribunal de grande instance de Carcassonne, statuant en référé, a, par une ordonnance rendue le 8 août 2008, désigné un administrateur judiciaire pour le GAEC de [Localité 12] en vue notamment d’accomplir les actes de gestion courante, de dresser la liste des dettes et de proposer une solution de dissolution, alternative à une liquidation judiciaire ; M. [G], finalement désigné, a, par lettres des 21 octobre 2008 et 2 mars 2009, rendant compte de sa mission, indiqué qu’il ne pouvait exister un boni de liquidation au bénéfice des associés et qu’il ne pouvait mener à bien sa mission.

Un protocole d’accord transactionnel a été signé le 9 avril 2009 entre les divers protagonistes prévoyant la cession à M. [P] [J] de l’intégralité des parts du GAEC et du GFA, mais ce protocole transactionnel n’a pu être mis à exécution.

Sur l’assignation délivrée par M. [M] [J], le tribunal de grande instance de Carcassonne a, par jugement du 31 mars 2011, prononcé la dissolution du GAEC de [Localité 12] et du GFA [J] frères en raison de la mésentente entre les associés paralysant le fonctionnement des deux structures, ordonné la liquidation du GAEC et du GFA et désigné pour y procéder Mme [C] en qualité de liquidateur.

Saisi par requête déposée le 23 septembre 2016 par Mme [C] ès qualités, le tribunal de grande instance de Carcassonne a, par un jugement du 24 janvier 2017, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard du GAEC de [Localité 12] et du GFA [J] frères, M. [H] étant désigné aux fonctions de liquidateur.

M. [P] [J] a déclaré entre les mains du liquidateur une créance de 165252,57 euros au titre des dettes réglées pour le compte du GAEC et de 186431,94 euros au titre de sa rémunération sur la base d’une estimation.

Statuant sur la contestation de ces créances, le juge-commissaire en charge de la procédure collective a, par une ordonnance en date du 21 mai 2019, constaté l’existence d’une contestation sérieuse, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et invité M. [Z] [H], en qualité de mandataire liquidateur du GAEC de [Localité 12], à saisir le tribunal de grande instance de Carcassonne dans le délai d’un mois à compter de la notification à peine de forclusion, et a ordonné le sursis à statuer sur la contestation des créances dans l’attente de la décision à venir.

Par déclaration en date du 25 novembre 2019, M. [M] [J] a interjeté appel de cette ordonnance et par arrêt en date du 12 juillet 2022, la présente cour a :

– déclaré irrecevables les conclusions déposées le 17 mai 2022 par [M] et [P] [J] et le 18 mai 2022, par [O] [J], après clôture de l’instruction,

– dit que [M] [J] n’a pas qualité à interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire rendue le 21 mai 2019 relevant son incompétence et invitant M. [H] en sa qualité de liquidateur à saisir le tribunal de grande instance de Carcassonne,

– déclaré d’office son appel irrecevable,

– condamné [M] [J] aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à [P] [J] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir, par une ordonnance du 14 mai 2020, sursis à statuer, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Carcassonne, saisi par M. [P] [J], a, par une ordonnance rendue le 14 mars 2023 (RG 16/01543) :

– déclaré irrecevable l’intervention de M. [M] [J] en son nom personnel ;

– déclaré la contestation relative aux créances déclarées par M. [P] [J] atteinte par la forclusion ;

– rejeté les créances déclarées par M. [P] [J] pour les montants suivants :

– 165 252,57 euros au titre du passif qu’il a réglé pour le GAEC,

– 186 431,94 euros à titre de la créance prévisionnelle au titre de sa rémunération,

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration du 27 mars 2023, M. [P] [J] a relevé appel de cette ordonnance en ce qu’elle a rejeté sa créance déclarée « pour un montant de 100 000 euros à titre chirographaire en paiement des heures de travail et au titre des améliorations et des impenses engagées pour le compte du GAEC. »

Par conclusions du 28 avril 2023, M. [P] [J] demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel partiel en ce que l’ordonnance du juge-commissaire a rejeté les créances qu’il a déclarées ;

– pour le surplus, confirmer la décision entreprise ;

– en conséquence,

– admettre au passif de la liquidation judiciaire du GAEC [Localité 12] les créances qu’il a déclarées pour les sommes suivantes :

– 165 252,27 euros au titre du passif qu’il a réglé pour le compte du GAEC [Localité 12],

– 186 431,94 euros au titre la rémunération qui lui est due pour les années 2006, 2007, 2008 et 2009,

– condamner M. [M] [J] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuer ce que de droit quant aux dépens.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

– M. J-B [J] a été convoqué en qualité de cogérant et à ce stade de la procédure, il ne peut prématurément intervenir en son nom personnel pour former réclamation sur l’état des créances, en qualité de tiers intéressé,

– le liquidateur n’a pas saisi le tribunal au fond dans le délai imparti ; il n’y a pas d’erreur sur la personne désignée devant saisir le juge compétent, puisque c’est le liquidateur, qui contestait les créances et que celui-ci pouvait parfaitement procéder à la vente de matériel pour financer l’action,

– M. J-B [J] pouvait saisir le juge compétent en sa qualité de gérant, ce qu’il ne l’a pas fait,

– il n’a pas soustrait les convocations et notifications du greffe du juge-commissaire, ne résidant pas sur place, seuls leurs parents, résidant à la même adresse, les ayant reçues,

– la forclusion atteint le moyen opposé à la demande d’admission et les créances doivent être admises (passif pris en charge et rémunération),

– subsidiairement, elles sont justifiées en lecture du rapport d’expertise de M. [Y] du 10 octobre 2013 et du rapport de Mme [C] du 10 octobre 2014, puisqu’il a seul poursuivi l’exploitation, l’échec de la transaction ne lui étant pas imputable.

Par conclusions du 25 mai 2023, M. [M] [J], agissant en son nom personnel et en qualité de gérant du GAEC de [Localité 12], demande à la cour au visa des articles L624-2 du code de commerce en vigueur depuis le 1er juillet 2014 et R. 624-5 du code de commerce, de :

– statuer ce que de droit sur la forclusion de la contestation et l’éventuelle demande de relevé de forclusion formulée par Me [H] ès qualités,

– juger que faute de régulière signification de l’ordonnance au débiteur, celui-ci n’est pas forclos dans sa contestation,

– juger que tant en son nom personnel qu’en qualité de gérant du GAEC [Localité 12], il est recevable et fondé à solliciter le rejet de la demande d’admission de créance formulée par [P] [J] au passif de la liquidation du GAEC [Localité 12].

– confirmer l’ordonnance du juge-commissaire en ce qu’elle a débouté [P] [J] de sa demande d’admission au passif de la liquidation du GAEC de [Localité 12] :

– dont 165 252,27euros au titre d’un passif réglé pour le compte du GAEC [Localité 12],

– dont 186 431,94euros au titre d’une prétendue créance provisionnelle au titre de sa rémunération,

– juger que nonobstant la forclusion de la contestation formulée par le liquidateur judiciaire, le juge-commissaire conservait son pouvoir d’admettre ou de rejeter la créance déclarée,

– juger que les contestations qu’il développe tant en son nom personnel qu’ès qualités de gérant du GAEC et soutenues par le liquidateur sont suffisamment sérieuses pour rejeter les déclarations de créances formulées par [P] [J],

– juger qu’un rapport d’expertise a déjà conduit Me [C] à ne pas les admettre,

– juger que faute d’éléments nouveaux ces demandes d’admission de créances doivent être rejetées et non admises au passif des liquidations du GAEC,

– juger que faute de droit, ni de titre, [P] [J] ne justifie en réalité d’aucune créance à l’encontre du GAEC,

– rejeter les demandes d’admission des deux créances présentées par [P] [J] au passif de la liquidation du GAEC de [Localité 12],

– condamner [P] [J] au paiement de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Il expose en substance :

– il est recevable à agir en son nom personnel disposant d’une action en contestation en qualité de tiers dans le délai d’un mois de l’état des créances,

– le recours des tiers intéressés peut être formé devant le juge-commissaire comme devant la cour et ce même avant la publication au Bodacc,

– il est recevable à agir en qualité de gérant de la personne morale débitrice, qui dispose d’un droit propre,

– [P] [J] a réceptionné et conservé les trois convocations et notifications des ordonnances du 21 mai 2019, privant le GAEC de son recours,

– le sursis prononcé pour permettre à une partie de faire trancher les contestations sérieuses dans un délai imparti ne dessaisit pas le juge-commissaire, qui demeure compétent pour rejeter la créance,

– au demeurant, le juge-commissaire ne s’est pas déclaré incompétent, mais a sursis à statuer,

– [P] [J] avait intérêt à saisir le tribunal, ce qu’il n’a pas fait, même s’il n’est pas l’auteur, par définition, de la contestation,

– la forclusion de la contestation ne concerne que le débiteur, représenté par le mandataire, qui justifie son inaction par un défaut de moyens financiers,

– il n’a pu agir en qualité de gérant du GAEC ayant été privé de toute convocation,

– les créances avaient été écartées par l’expert M. [Y], l’expert M. [F] et le liquidateur, Mme [C],

– [P] [J] ne peut justifier d’un bail après la dissolution du GFA, il n’a versé aucun fermage,

– le GAEC a été dissous en 2011, à cette date, le compte courant de [P] [J] était débiteur, aucune assemblée générale n’a fixé de rémunération à son profit,

– la plainte pénale a été classée.

Par conclusions du 2 juin 2023, M. [Z] [H] en qualité de mandataire liquidateur du GAEC la [Localité 12] demande à la cour au visa de l’absence d’effet dévolutif de l’appel, de l’absence de la saisine de la cour et de l’absence de demande de réformation de la décision entreprise dans le dispositif des conclusions de l’appelant, de :

– confirmer le jugement dont appel ;

– subsidiairement déclarer l’appel caduc,

– en tout état de cause, au fond, le dire injuste et mal fondé ;

– débouter dès lors l’appelant de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement dont appel ;

– condamner l’appelant au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’instance et d’appel, avec droit de recouvrement.

Il expose en substance que :

– les chefs critiqués de l’ordonnance déférée dans la déclaration d’appel ne correspondent pas à ceux de l’ordonnance dont appel,

– aucune seconde déclaration d’appel n’a été effectuée,

– il n’y a pas d’effet dévolutif, la cour ne peut que confirmer,

– au surplus, aucune demande de réformation n’est sollicitée dans le dispositif des conclusions de l’appelant, la cour ne peut que prononcer la caducité de l’appel et confirmer le jugement,

– subsidiairement, le défaut de saisine du tribunal au fond en lieu et place du liquidateur eu égard à son intérêt à y procéder, vaut implicitement, mais nécessairement abandon de sa créance,

– les moyens de fait et de droit de M. [M] [J] sont fondés pour justifier un rejet des demandes de fixation.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Assigné le 3 avril 2023 par remise à domicile et destinataire par acte d’huissier déposé à l’étude le 11 mai 2023 des conclusions de l’appelant, M. [O] [J] n’a pas constitué avocat.

Le dossier de l’affaire a été communiqué au ministère public, qui, également été avisé de la date d’audience, n’a pas formulé d’avis.

Instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, la procédure a été clôturée par ordonnance du 17 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- sur l’absence d’effet dévolutif

Par acte en date du 27 mars 2023, M. [P] [J] a saisi la cour d’une déclaration d’appel, visant une ordonnance du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Carcassonne en date du 14 mars 2023 (RG 16/01543), ayant pour objet  : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, à savoir en ce que le juge a rejeté la créance déclarée par M. [P] [J] pour le montant suivant : 100 000 euros à titre chirographaire en paiement des heures de travail et au titre des améliorations et des impenses engagées pour le compte du GAEC. »

L’ordonnance déférée, jointe à cette déclaration (à la demande de la cour) est en date du 14 mars 2023 (RG 16/01543) ; son dispositif comporte une déclaration d’irrecevabilité de l’intervention de M. [M] [J] en son nom personnel et le rejet des créances déclarées par M. [P] [J] « pour les montants de 165 252,37 euros au titre du passif réglé pour le GAEC et de 186 431,94 euros au titre de la créance prévisionnelle au titre de sa rémunération ».

S’il existe une discordance entre le dispositif de l’ordonnance critiquée et l’objet de l’appel, cette déclaration d’appel, qui tend à la réformation partielle de l’ordonnance déférée, mentionne le chef de l’ordonnance qu’elle critique, à savoir le rejet de la créance déclarée, sous réserve d’une erreur affectant seulement le montant de ladite créance rejetée par le premier juge.

Dès lors que cette demande de réformation partielle de l’ordonnance déférée concerne un chef de dispositif énoncé dans ladite ordonnance, sous réserve du montant de la créance, dont l’indication n’était pas impérative en application des dispositions de l’article 901 4° du code de procédure civile, l’effet dévolutif, qui porte le litige à la connaissance de la cour, a pu opérer, les parties intimées étant informées du chef de dispositif de l’ordonnance critiqué ainsi que de l’ordonnance réellement concernée, compte tenu de son annexion à la déclaration d’appel, et ont, d’ailleurs, conclu à la confirmation de ladite ordonnance sans difficulté, ni méprise.

La demande de confirmation de l’ordonnance pour absence d’effet dévolutif sera donc rejetée, la demande de caducité de l’appel, bien que subsidiaire, ne pouvant pas davantage, pour les mêmes motifs, prospérer.

2- sur la demande de confirmation de l’ordonnance déférée du fait de l’absence de demande de réformation dans les conclusions de l’appelant

Le dispositif des conclusions en date du 28 avril 2023 de M. [P] [J] est le suivant :

« déclarer recevable et bien fondé son appel partiel en ce que l’ordonnance du juge commissaire a rejeté les créances qu’il a déclarées ;

– pour le surplus, confirmer la décision entreprise ;

– en conséquence ;

– admettre au passif de la liquidation judiciaire du GAEC [Localité 12] les créances qu’il a déclarées pour les sommes suivantes :

– 165 252,27 euros au titre du passif qu’il a réglé pour le compte du GAEC [Localité 12],

– 186 431,94 euros au titre la rémunération qui lui est due pour les années 2006, 2007, 2008 et 2009. »

Si ce dispositif ne contient aucune demande d’infirmation expresse de l’ordonnance déférée, qui constitue une prétention devant être énoncée comme telle au dispositif des conclusions, la mention selon laquelle l’appelant sollicite de la cour qu’elle  « déclare recevable et bien fondé son appel partiel en ce que l’ordonnance du juge-commissaire a rejeté les créances qu’il a déclarées » équivaut sans ambiguïté à une demande d’infirmation, au demeurant parfaitement délimitée, de l’ordonnance dévolue à la cour par la déclaration d’appel, de sorte que la demande de confirmation de l’ordonnance déférée pour absence d’une demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions de l’appelant sera également rejetée.

3- sur la qualité à agir de M. [M] [J]

L’ordonnance déférée a déclaré irrecevable l’intervention volontaire de M. [M] [J] en son nom personnel sur le fondement de l’article R. 624-8 du code de commerce, exposant qu’il avait été convoqué devant le juge-commissaire en qualité de cogérant du GAEC de [Localité 12].

Intimé dans la présente instance, il indique intervenir à titre personnel en qualité de tiers intéressé et en qualité de cogérant du GAEC.

Si les dispositions de l’article R. 624-8 du code de commerce, relatives à la constitution de l’état des créances et sa publication, ne prohibent pas le recours de tout tiers intéressé dès que celui-ci a connaissance de l’état des créances qu’il conteste, M. [M] [J], agissant à titre personnel, ne se prévaut, pas plus à hauteur de cour que devant le premier juge, d’une telle connaissance, qui ne résulte d’aucun élément versé aux débats ou des pièces de procédure, et se borne à soutenir qu’un recours avant toute publication au Bodacc (qui est, ainsi, évoquée sans élément tangible) n’est pas interdit.

Par ailleurs, selon l’article L. 237-15 du code de commerce, les pouvoirs des dirigeants de sociétés prennent fin à dater de la dissolution.

Ainsi, depuis la dissolution du GAEC [Localité 12] prononcée par un jugement en date du 31 mars 2011 avec liquidation et désignation de Mme [C] en qualité de liquidateur, M. [M] [J] a perdu sa qualité de cogérant.

La poursuite de la personnalité morale du GAEC [Localité 12] pendant la liquidation, faisant suite à la dissolution conformément aux dispositions de l’article 1844-8 alinéa 3 du code civil, a permis que celui-ci fasse l’objet d’une liquidation judiciaire ouverte par un jugement en date du 24 janvier 2017, dans le cadre de laquelle les anciens cogérants, qui avaient perdu leur mandat social du fait de la dissolution, n’ont pas recouvré leur pouvoir de représentation du GAEC, seul un mandataire ad hoc, dont la désignation pouvait intervenir à la demande de tout intéressé (sans avoir été, en l’espèce, sollicitée), était susceptible d’exercer le droit propre, dont bénéficie le débiteur en matière de vérification et d’admission de créances.

Il en résulte que M. [M] [J] est irrecevable à agir tant à titre personnel en qualité de tiers intéressé qu’en qualité de cogérant du GAEC [Localité 12].

4- sur la contestation de créance

Aux termes de l’article R. 624-5, alinéa 1 du code de commerce, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivrée à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

En l’espèce, la déclaration de créances de M. [P] [J] à hauteur de 165 252,57 euros au titre du passif qu’il a pris en charge pour le compte du GAEC [Localité 12] et de 186 431,94 euros au titre de sa rémunération due par la structure a été contestée par chacun des autres associés par le biais du mandataire judiciaire.

Le juge-commissaire a, dans une ordonnance en date du 21 mai 2019, constatant une contestation sérieuse, désigné M. [H], mandataire liquidateur pour saisir le tribunal judiciaire de Carcassonne dans le délai d’un mois à compter de la notification, ce qu’il n’a pas fait au regard du caractère impécunieux de la procédure collective sans que M. [P] [J] ne démontre que des réalisations d’actif auraient pu être effectuées afin de financer une telle action, le matériel, qu’il évoque, ayant fait l’objet d’une évaluation concomitamment à l’ouverture de la liquidation judiciaire en 2016 et, selon ses propres dires, été partiellement vendu à une date non précisée.

Cette contestation est forclose en l’absence de toute saisine du juge compétent pour l’apprécier, l’ordonnance étant devenue irrévocable, peu important que M. [P] [J] ait pu avoir, eu égard au caractère indemnitaire des créances déclarées, intérêt à saisir le juge compétent.

En dépit de cette forclusion, le juge-commissaire, comme la cour statuant dans la limite des compétences de celui-ci, reste compétent pour statuer sur la créance déclarée au titre d’une admission ou d’un rejet, ce dernier, n’ayant, d’ailleurs, prononcé qu’un sursis à statuer.

M. [P] [J] soutient avoir supporté à la place du GAEC [Localité 12] diverses dettes, notamment, auprès de la coopérative Arterris et devoir être rémunéré au titre du travail effectué au profit de celui-ci.

Toutefois, d’une part, le GAEC [Localité 12] ne dispose plus d’une comptabilité depuis 2008 ; les sommes réclamées ne sont fondées sur aucun document comptable.

D’autre part, si, malgré l’absence de tels documents, une somme de 165 252,87 euros (10 000 euros ‘vente d’immeubles propres- + 30 000 euros ‘remboursement de prêts- + 5 501,60 euros ‘frais de reconstitution de la comptabilité- + 119 750,97 euros ‘dette Arterris-) est imputée au crédit de M. [P] [J] du fait d’avances au profit du GAEC dans le rapport de l’expert judiciaire M. [Y] en date du 10 octobre 1993 et le « rapport définitif » en date du 10 octobre 1994 de Mme [C], en qualité de liquidateur suite à la dissolution, ces mêmes rapports exposent que le GAEC était créancier à son égard à hauteur de la somme de 138 675,82 euros au titre de son compte courant.

Les associés du GAEC ont cessé tout travail en commun à compter du 10 août 2004, date du départ de M. [O] [J] ; cette cessation a été confortée par l’arrêt de l’activité d’élevage de volailles par M. [M] [J] avec perte de l’agrément préfectoral en 2008 et a justifié en 2011 la dissolution du GAEC et du GFA.

Le transfert des sommes restant dues sur les comptes Arterris du GAEC sur un compte Arterris, ouvert en nom propre par M. [P] [J] en octobre 2009 (après le versement des DPU) s’est inscrit dans la poursuite qu’il a faite, seul, de l’activité du GAEC et du GFA depuis le 1er janvier 2005, sous réserve de l’activité élevage, gérée par M. [M] [J] avant son arrêt fin 2007-début 2008.

M. [P] [J] a d’ailleurs poursuivi cette gestion même après la dissolution de chaque structure sans qu’elle puisse être assimilée à la création d’une société de fait en l’absence de tout affectio societatis, la dissolution étant fondée sur la mésentente des associés et souhaitée par ceux-ci à ce titre.

En conséquence, les sommes réclamées au titre d’avances ne peuvent être considérées comme des créances de M. [P] [J] à l’encontre du GAEC [Localité 12] compte tenu d’une exploitation à son seul profit pendant plusieurs années.

Concernant la créance relative à la rémunération, calculée forfaitairement sur la base du SMIC brut entre 2006 et 2009 conformément à l’article 13 des statuts du GAEC, aucune rémunération n’ayant été fixée chaque année par l’assemblée générale des associés, tel que le prévoyait l’article 14 desdits statuts, cette demande n’est pas fondée.

Les déclarations de créance de M. [P] [J] ne pourront qu’être rejetées.

L’ordonnance du juge-commissaire sera confirmée, par substitution de motifs concernant le rejet des créances, et complétée.

5- sur les autres demandes

Les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective et il y a lieu de condamner M. [P] [J] à payer à M. [H] ès qualités la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le surplus des demandes sur ce fondement étant rejeté.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Confirme dans toutes ses dispositions l’ordonnance du juge-commissaire en charge de la procédure collective du GAEC [Localité 12] en date du 14 mars 2023,

Y ajoutant,

Rejette les moyens tirés de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel et de l’absence d’une demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions de M. [P] [J], appelant,

Déclare irrecevable à agir M. [M] [J] en qualité de cogérant du GAEC [Localité 12],

Condamne M. [P] [J] à payer à M. [Z] [H] en qualité de liquidateur du GAEC [Localité 12], la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du même code,

Rejette le surplus des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective et recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Cour d’appel Montpellier Chambre commerciale 28 Novembre 2023 Répertoire Général : 23/01645

  • Appel sur une décision du juge commissaire relative à l’admission des créances (Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises).

Loi sur la restauration de la nature

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Droit rural n° 12, Décembre 2023, alerte 215 

PE, communiqué, 10 nov. 2023

Le Parlement et le Conseil sont parvenus à un accord politique provisoire sur la loi européenne sur la restauration de la nature. La nouvelle loi fixe l’objectif de restaurer au moins 20 % des zones terrestres et maritimes de l’UE d’ici 2030 et tous les écosystèmes qui en ont besoin d’ici 2050

Les objectifs de restauration de la nature

Les colégislateurs se sont mis d’accord sur un objectif européen consistant à restaurer au moins 20 % des zones terrestres et 20 % des zones maritimes d’ici 2030 et tous les écosystèmes qui en ont besoin d’ici 2050. Pour atteindre ces objectifs, les pays de l’UE doivent restaurer au moins 30 % des types d’habitats concernés par la nouvelle loi d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050.

Les États membres devront adopter, dans le cadre d’un processus ouvert, transparent et inclusif, des plans nationaux de restauration détaillant la manière dont ils entendent atteindre ces objectifs. Conformément à la position du Parlement, les pays européens devraient accorder la priorité aux zones situées sur les sites Natura 2000 jusqu’en 2030. Les colégislateurs sont également convenus qu’une fois qu’une zone a été remise en état, les pays de l’UE doivent s’assurer qu’elle ne se détériore pas de façon significative.

Les écosystèmes agricoles

Pour restaurer la nature dans les terres utilisées par le secteur agricole, les pays de l’UE devront mettre en place des mesures visant à obtenir, d’ici à la fin de 2030 et tous les 6 ans par la suite, une évolution positive de deux des trois indicateurs suivants :

  • l’indice des papillons des prairies ;
  • la part des terres agricoles présentant des particularités topographiques à haute diversité ;
  • le stock de carbone organique dans les sols minéraux des terres cultivées.

La restauration des tourbières drainées est l’une des mesures les plus rentables pour réduire les émissions dans le secteur agricole et améliorer la biodiversité. Les pays européens doivent donc mettre en place des mesures de restauration des sols organiques à usage agricole constituant des tourbières drainées, pour au moins 30 % de ces superficies d’ici 2030 (dont au moins un quart est remis en eau), 40 % d’ici 2040 (dont au moins un tiers est remis en eau) et 50 % d’ici 2050 (dont au moins un tiers est remis en eau), mais la remise en eau restera facultative pour les agriculteurs et les propriétaires fonciers privés.

Les pays européens doivent également remédier au déclin des populations de pollinisateurs au plus tard d’ici 2030, et tendre par la suite à une hausse mesurée tous les 6 ans au moins.

Les autres écosystèmes

D’ici à 2030, les pays de l’UE devront mettre en place des mesures visant à obtenir une évolution positive de plusieurs indicateurs des écosystèmes forestiers. Dans le même temps, trois milliards d’arbres supplémentaires devront être plantés dans l’UE et au moins 25 000 km de cours d’eau devront redevenir des cours d’eau à courant libre.

Ils devront également veiller à ce que, d’ici 2030, il n’y ait pas de perte nette dans la superficie nationale totale d’espaces verts urbains et du couvert arboré urbain dans les zones d’écosystèmes urbains par rapport à 2021. Après 2030, ils doivent l’augmenter, et l’améliorer de façon mesurable tous les 6 ans.

Le financement et interruption d’urgence

Dans un délai de 12 mois à compter de l’entrée en vigueur du présent règlement, la Commission devra évaluer tout écart entre les besoins financiers de restauration et les financements européens disponibles et étudier des solutions pour remédier à toute insuffisance, le cas échéant.

Les négociateurs se sont également mis d’accord sur un « arrêt d’urgence », comme demandé par le Parlement, de façon à pouvoir suspendre les objectifs pour les écosystèmes agricoles dans des circonstances exceptionnelles, s’ils ont de graves conséquences, à l’échelle européenne, sur la disponibilité des terres nécessaires pour assurer une production agricole suffisante pour la consommation alimentaire de l’UE.

Mots clés : Parlement européen. – Loi sur la restauration de la nature. – Écosystèmes.

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