Catégorie : Aides d’Etat

PLANS DE CAMPAGNE DITS ILLEGAUX : ANNULATION DU TITRE DE RECETTES

Par un arrêt avant dire droit n° 22NT00179 du 1er juillet 2022, la cour a, avant de statuer sur la requête de la Société coopérative agricole (SCA)  » Les Vergers d’Anjou  » ordonné une expertise afin de déterminer, après examen de l’ensemble des pièces détenues par la SCA  » Les Vergers d’Anjou « , si ces pièces permettent d’identifier, et dans quelle mesure, les personnes ou entreprises, destinataires finaux, des aides perçues au titre des  » plans de campagne  » entre 1998 et 2002.

L’expert a remis son rapport le 4 décembre 2023.

Par deux mémoires, enregistrés les 19 février 2024 et 17 mai 2024, la SCA  » Les Vergers d’Anjou « , représentée par Me Berkani, maintient les conclusions de sa requête d’appel par lesquelles elle demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de recettes émis le 25 juin 2018 par le directeur général de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en vue d’obtenir le remboursement de la somme de 3 705 767,46 euros correspondant à un montant global d’aides versées dans le cadre du  » programme Plans de campagne  » au titre des années 1998 à 2002, augmenté des intérêts moratoires et à la décharge de cette somme ;

2°) d’annuler le titre de recettes émis le 25 juin 2018 ;

3°) de la décharger de la somme de 3 705 767,46 euros que le titre de recettes a pour objet de recouvrer ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’expert a confirmé les difficultés d’ordre matériel qu’elle avait mises en avant pour retrouver l’intégralité des archives susceptibles d’attester des flux financiers afférents au versement des aides  » Plans de campagne  » aux producteurs en raison notamment de la très grande ancienneté du versement des aides, de la disparition de l’Union des Vergers de France par laquelle les aides ont transité, et de la disparition des archives de l’Union des documents relatifs à l’exercice 1998-1999 ;

– l’expert a en outre relevé les difficultés d’ordre comptable liées à l’asymétrie des dates de clôture des exercices comptables et au versement échelonné des aides ;

– ces difficultés doivent être prises en considération au stade de l’identification des bénéficiaires finaux des aides et du montant dont chacun a pu bénéficier ;

– en dépit de ces difficultés, les conclusions de l’expert confirment que les producteurs membres de la SCA Les Vergers d’Anjou ont bien été les destinataires finaux des aides :

o bien que le montant reversé à chaque producteur n’ait pu être  » attesté  » par l’expert comptablement à défaut de mention explicite sur les bordereaux de règlement du montant des aides incluses dans les sommes versées à chaque producteur, l’expert a conclu que les éléments produits étaient de nature à permettre de comprendre le cheminement des aides issues des  » plans de campagne  » depuis l’ONIFHLOR jusqu’aux producteurs via le comité économique agricole du Val de Loire, l’Union des vergers de France et la SCA ;

o en vertu de la jurisprudence de la CJUE, l’aide illégalement accordée ne peut être récupérée auprès de l’organisation de producteurs que si l’Etat établit que l’aide n’aurait pas, exceptionnellement, été versée à ces derniers ;

o l’identification des producteurs qui ont bénéficié des aides issues des  » plans de campagne  » et du montant qu’ils ont perçu s’effectue de manière pragmatique et l’utilisation d’une méthode de calcul peut être admise, ainsi que cela ressort de la jurisprudence, dès lors que le producteur est présumé être le destinataire final des aides ;

– dès lors qu’elle n’est pas la bénéficiaire finale des aides dont la restitution est réclamée par le titre litigieux, ce titre méconnaît le droit européen tel qu’interprété par la CJUE ;

– les conclusions de l’expert révèlent l’absence de justification des sommes réclamées par FranceAgriMer.

Par des mémoires, enregistrés les 28 mars 2024 et 24 mai 2024, l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête de la SCA  » Les Vergers d’Anjou  » et à ce qu’il soit mis à la charge de cette société une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l’expertise n’a pas permis d’établir que la SCA Les Vergers d’Anjou a effectivement versé les fonds aux producteurs, dès lors que la SCA a procédé à une reconstitution théorique, réalisée à partir d’une règle de trois.

Vu :

– les autres pièces du dossier ;

– l’ ordonnance du 4 janvier 2024 , par laquelle le président de la cour a liquidé et taxé les frais de l’expertise réalisée par M. A… à la somme de 8 853,94 euros toutes taxes comprises.

Vu :

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– le règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 101A8D710D8A8CCB22827C573218C02D portant modalités d’application de l’ article 93 du traité CE A61DBBD8B146A7526679B0B4F47C9163 ;

– le règlement n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 8D97F606DDD05BB17DF0F493C29A4705 concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 du Conseil 101A8D710D8A8CCB22827C573218C02D ;

– la décision n° 2009/402/CE de la Commission du 28 janvier 2009 99A73B968F65CC22A362FE27CD50415D relative aux aides dites  » plans de campagne  » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France ;

– l’arrêt C-277/00 du 29 avril 2004 de la Cour de justice de l’Union européenne ;

– le code de commerce ;

– le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 BE71313B3E61C870AE3C669452A7AE85 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Lellouch,

– les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

– et les observations de Me Sanguinette, substituant Me Berkani, représentant la SCA  » Les Vergers d’Anjou « , et de Me Alibert, représentant l’établissement FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. L’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel est venu l’établissement public national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), a mis en place, entre 1998 et 2002, un soutien financier en faveur des producteurs français de fruits et légumes frais, pour faciliter la commercialisation des produits agricoles concernés. Les aides dites  » plans de campagne  » étaient versées par l’ONIFLHOR à des comités économiques agricoles qui les reversaient ensuite aux organisations de producteurs, lesquelles les distribuaient en dernier lieu à leurs membres. Saisie d’une plainte, la Commission européenne a, par une décision 2009/402/CE du 28 janvier 2009, concernant les  » plans de campagne  » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France, énoncé que les aides versées au secteur des fruits et légumes français avaient pour but de faciliter l’écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés, que de telles interventions constituaient des aides d’Etat instituées en méconnaissance du droit de l’Union européenne et a prescrit leur récupération. Cette décision a été confirmée par deux arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 27 septembre 2012, France c/ Commission (T-139/09) et Fédération de l’organisation économique fruits et légumes (Fedecom) c/ Commission (T-243/09). A la suite de ces arrêts, l’administration française a entrepris de récupérer les aides illégalement versées aux producteurs de fruits et légumes. A ce titre, FranceAgriMer a émis le 25 juin 2018 à l’encontre de la société coopérative agricole (SCA) « Les Vergers d’Anjou » un titre de recettes d’un montant de 3 705 767,46 euros correspondant aux aides qui lui ont été versées dans le cadre des  » plans de campagne  » au titre des années 1998 à 2002, assorties des intérêts. La SCA  » Les Vergers d’Anjou  » relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 novembre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ce titre de recette et à ce qu’elle soit déchargée de l’obligation de payer la somme mise à sa charge par le titre exécutoire.

Sur le bien-fondé de la créance :

2. Aux termes du point 48 de la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne du 28 janvier 2009 citée au point 1 :  » (…) il résulte aussi des explications données par le FEDECOM et non contestées par les autorités françaises que les fonds utilisés dans le cadre des plans de campagne ont été dans un premier temps répartis par les comités économiques agricoles entre les organisations de producteurs, qui avaient adhéré à l’initiative des plans de campagne et payé les parts professionnelles, le bénéfice de ces aides étant transféré ensuite aux producteurs par les organisations professionnelles « . Aux termes, toutefois, du point 49 de cette même décision :  » (…) il ne peut être exclu, dans certains cas exceptionnels, que le bénéfice de l’aide n’ait pas été transféré par l’organisation de producteurs à ses membres, de sorte que, dans ces cas très particuliers, le bénéficiaire final de l’aide sera l’organisation de producteurs « . La Commission européenne conclut au point 84 de sa décision que :  » L’aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l’aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l’aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l’aide ne leur ait pas été transféré par l’organisation de producteurs. La récupération de l’aide doit donc s’effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l’État membre pourra démontrer que l’aide ne leur a pas été transférée par l’organisation de producteurs, auquel cas la récupération s’effectuera auprès de cette dernière « . Et il résulte du point 85 que les Etats ne peuvent procéder à la récupération des aides illégales auprès des organisations professionnelles sans chercher à démontrer que ces organisations professionnelles auraient répercuté cette récupération sur les producteurs individuels ou, alternativement, que l’aide n’aurait pas, exceptionnellement, été transférée à ces derniers.

3. Il résulte du point précédant qu’il appartient à l’autorité administrative, lorsqu’elle entend récupérer les aides en litige, non auprès des producteurs membres d’une organisation de producteurs, mais de l’organisation de producteurs elle-même, de démontrer que les aides n’ont pas été transférées par celle-ci à ces producteurs mais conservées par elle. Cette règle en vertu de laquelle la charge de la preuve de la conservation des aides par l’organisation de producteurs pèse sur l’autorité administrative doit être combinée avec celle suivant laquelle s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Or, pour que l’autorité administrative soit susceptible de déterminer l’identité de la personne ayant bénéficié des montants d’aides, il importe qu’elle dispose de données, qui ne peuvent lui être fournies que par la SCA Les Vergers d’Anjou en sa qualité d’organisme venant aux droits et obligations de l’Union Les Vergers de France.

4. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’expertise, que les aides aux exportations lointaines, issues des plans de campagne 1998 à 2002, versées par l’ONIFLHOR, transitaient par le Comité économique du Val de Loire, qui reversait les fonds à trois organisations de producteurs, dont la SCA Les Vergers d’Anjou, lesquelles les reversaient à leur tour intégralement à l’Union des Vergers de France, chargée notamment de mettre en œuvre des actions commerciales en faveur des producteurs, financées notamment par les fonds des plans de campagne. En 2008, l’Union commerciale Les Vergers de France a été dissoute sans liquidation, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à la SCA Les Vergers d’Anjou, qui en était à cette date la seule associée.

5. La SCA Les Vergers d’Anjou fait valoir qu’une fois les opérations commerciales réalisées, l’Union des Vergers de France restituait les aides aux producteurs, grâce aux marges dégagées par ces opérations, et sous forme de complément de prix du règlement des ventes en fonction de la part que leurs productions représentaient dans la commercialisation, par l’intermédiaire des organisations de producteurs membres de l’Union. Au soutien de ces allégations, la SCA Les Vergers d’Anjou a produit, pour la première fois en appel, quatre tableaux qu’elle a établis à partir des données dont elle disposait, dans lesquels elle a reconstitué les aides indirectement versées aux producteurs dans le cadre du programme  » plans de campagnes  » au titre des exercices 1999-2000, 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003, pour un montant total de 1 405 848,93 euros. La SCA a ainsi identifié, pour chacun de ces quatre exercices comptables, les producteurs individuels bénéficiaires en indiquant précisément, par producteur nommément identifié, le montant de l’aide qui leur a été chacun reversé en fonction de la quantité de fruits qu’ils avaient eux-mêmes apportés. Il résulte de l’expertise ordonnée avant dire droit qu’il s’agit d’une reconstitution théorique du cheminement des aides intégrées dans les prix de vente unitaires sur les bordereaux de règlement, qui ne font cependant pas explicitement mention du montant de l’aide ainsi reversée. Bien que l’expert ait indiqué qu’il n’avait pas les moyens de vérifier l’origine des informations contenues dans ces tableaux, sauf à les rapprocher de tous les bons de calibrage, ce qu’il n’a pas estimé possible de faire, il a toutefois, pour chacun des quatre exercices concernés, et en s’appuyant à chaque fois sur un exemple de variété de pomme, détaillé le circuit de ces aides. Si l’expert judiciaire n’a pas été en mesure, à défaut de flux financiers matérialisés ou directement identifiables, de vérifier la réalité du reversement individualisé aux producteurs des sommes figurant sur les tableaux, il a toutefois attesté de l’existence, constatée par huissier de justice, des documents qui ont servi à les élaborer et a pu observer qu’il existait une méthode de calcul de prix définitifs aux organisations de producteurs et aux producteurs individuels qui tenait compte des aides de campagne, en s’appuyant notamment sur les extraits de procès-verbaux du conseil d’administration de la SCA Les Vergers d’Anjou produits par cette dernière. Au terme de l’analyse approfondie à laquelle il s’est livré, l’expert n’a pas remis en cause le fait que les aides ont bien été reversées aux producteurs en complément du prix de vente des fruits. Il a conclu son rapport en confirmant l’existence d’un calcul intégrant les aides issues des plans de campagne dans le prix de règlement des ventes aux producteurs individuels et en a déduit que  » cette méthode appliquée pour déterminer les prix de vente tend à démontrer que les aides étaient indirectement restituées aux producteurs adhérents de l’Union « . Au regard de l’ensemble de ces éléments, en se bornant à relever qu’aucun document comptable ne retrace les flux financiers des aides, FranceAgriMer ne peut être regardée comme renversant la présomption de perception par les producteurs finaux, que la SCA a précisément identifiés, des aides illégalement versées. FranceAgriMer ne peut ainsi être regardée comme apportant la preuve que les aides n’auraient pas été reversées aux producteurs individuels identifiés dans les tableaux au titre des quatre exercices mentionnés ci-dessus et à hauteur des sommes qui y sont indiquées par la SCA requérante, correspondant à un montant total de 1 405 848,93 euros.

6. En revanche, compte tenu de la disparition des archives de l’Union des Vergers de France des documents relatifs à l’exercice 1998-1999, il est constant que la SCA Les Vergers d’Anjou n’a pas été en mesure d’identifier les producteurs individuels bénéficiaires des aides versées dans le cadre du programme des plans de campagne au titre de cette période. Pour cette période, et en application des principes rappelés au point 3, FranceAgriMer pouvait estimer que les aides d’Etat n’avaient pas été transférées aux producteurs et que la SCA Les Vergers d’Anjou, qui s’est vu transmettre l’ensemble du patrimoine de l’Union des Vergers de France, devait être regardée comme le bénéficiaire effectif des aides illégales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCA Les Vergers d’Anjou est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de recettes émis par FranceAgriMer le 25 juin 2018 à son encontre en tant qu’il porte sur une créance de 1 405 848,93 euros en droits et sur les pénalités afférentes à cette créance et à ce qu’elle soit déchargée de la somme correspondante.

Sur les dépens :

8. Aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative :  » Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. / L’Etat peut être condamné aux dépens « .

9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de FranceAgriMer, partie perdante pour l’essentiel, la somme de 8 853,84 euros toutes taxes comprises au titre des frais d’expertise.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCA Les Vergers d’Anjou, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que FranceAgriMer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCA Les Vergers d’Anjou et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le titre de recettes émis par FranceAgriMer le 25 juin 2018 à l’encontre de la SCA Les Vergers d’Anjou est annulé en tant qu’il porte sur une créance de 1 405 848,93 euros en droits et sur les pénalités afférentes à cette créance.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 18 novembre 2021 est annulé en ce qu’il est contraire à l’article 1er.

Article 3 : Les frais d’expertise sont mis à la charge de FranceAgriMer pour un montant de 8 853,84 euros toutes taxes comprises.

Article 4 :FranceAgriMer versera à la SCA Les Vergers d’Anjou une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 :Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 :Le présent arrêt sera notifié à la Société coopérative agricole Les Vergers d’Anjou, à l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Cour administrative d’appel Nantes 3e chambre 28 Juin 2024 Numéro de requête : 22NT00179

AIDE PUBLIQUE AU TITRE DU FONDS OPERATIONNEL PAR FRANCE AGRIMER

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril 2021 et 25 août 2022, l’union de coopératives agricoles (UCA)  » Les Vergers de Blue Whale « , représentée par Me Ledoux, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 2 mars 2021 en tant que par cette décision la directrice générale de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a opéré une réfaction d’un montant de 260 208,89 euros sur l’aide attribuée au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel et lui a infligé une pénalité d’un montant de 203 272,64 euros ;

2°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision attaquée n’a pas fait l’objet d’une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration ;

– la réfaction opérée par FranceAgriMer est entachée d’une erreur de droit, dès lors que le point 3.7.2 de l’annexe W de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes ne lui est pas applicable, dans la mesure où les aides sont versées aux producteurs par les coopératives membres de l’UCA et non directement par elle-même ; en tout état de cause, elle a versé les aides à ses coopératives adhérentes avant le 15 février 2020 ;

– la pénalité de 203 272 euros infligée en application du point 3 de l’article 61 du règlement UE n° 2017/891 n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2022, l’établissement FranceAgriMer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 août 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 septembre suivant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

– le règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 ;

– le règlement d’exécution (UE) 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 ;

– l’arrêté du 28 mars 2018 portant modalités de mise en œuvre du règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 et du règlement d’exécution (UE) 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 complétant et portant modalités d’application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des produits transformés à base de fruits et légumes ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. A,

– les conclusions de M. Leymarie, rapporteur public,

– et les observations de Me Delattre, substituant Me Ledoux, représentant l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale « .

Considérant ce qui suit :

1. L’union de coopératives agricoles (UCA)  » Les Vergers de Blue Whale « , en sa qualité d’organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes reconnue par un arrêté du ministre de l’agriculture et de la pêche du 30 octobre 1997, a déposé une demande d’aide d’un montant de 4 702 275,74 euros au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel. Par une décision du 9 novembre 2020, et à la suite d’un contrôle sur place, la directrice générale de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer FranceAgriMer lui a attribué une aide réduite à 4 074 920,02 euros, après application de réfactions et d’une pénalité. Par un courrier du 5 janvier 2021, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » a formé un recours gracieux contre cette décision. Par une décision du 2 mars 2021, et au vu des justificatifs produits par l’UCA, la directrice générale de FranceAgriMer a annulé certaines réfactions, réduit le montant de la pénalité infligée et fixé le montant de l’aide communautaire au titre du fonds opérationnel 2019 à 4 295 730,46 euros. Par la présente requête, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » demande au tribunal d’annuler la décision du 2 mars 2021 en tant que la directrice générale de FranceAgriMer a opéré une réfaction de 260 208,89 euros et lui a infligé une pénalité de 203 272,64 euros.

Sur l’étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de la directrice générale de FranceAgriMer du 2 mars 2021 rejetant partiellement le recours gracieux formé par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » contre la décision du 9 novembre 2020 doivent également être regardées comme dirigées contre cette décision du 9 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la procédure contradictoire préalable :

4. Aux termes de l’article L. 110-1 du code des relations entre le public et l’administration :  » Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l’administration « . Selon l’article L. 121-1 du même code :  » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable « .

5. Dès lors que la décision du 2 mars 2021 a été prise en réponse au recours gracieux formé par la requérante contre la décision du 9 novembre 2020, et constitue ainsi une réponse faite à une demande au sens de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées. Est à cet égard sans incidence la circonstance que le motif fondant la réfaction de 260 208,89 euros litigieuse soit différent dans la décision initiale et dans celle rejetant le recours gracieux.

En ce qui concerne la décision de réfaction :

S’agissant du cadre juridique applicable au litige :

6. Aux termes de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime :  » Les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. / () Les sociétés coopératives agricoles peuvent se grouper en unions de coopératives agricoles () « . Aux termes de l’article L. 521-1-1 du même code :  » La relation entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère ou entre une coopérative agricole et l’union de coopératives agricoles à laquelle elle adhère est régie par les principes et règles spécifiques du présent titre et par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération () « . L’article 5 de la loi du 10 septembre 1947 précitée dispose :  » () Sauf en ce qui concerne les sociétés coopératives agricoles ou leurs unions, les statuts d’une union de coopératives peuvent prévoir que les associés des coopératives membres de l’union peuvent bénéficier directement des services de cette dernière ou participer à la réalisation des opérations entrant dans son objet, sous réserve que les statuts des coopératives le permettent () « .

7. Aux termes de l’article 32 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé :  » 1. Les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes () peuvent constituer un fonds opérationnel. Le fonds est financé par : / a) les contributions financières versées : / i) par les membres de l’organisation de producteurs et/ou par l’organisation elle-même () ; b) l’aide financière de l’Union, qui peut être octroyée aux organisations de producteurs () / 2. Les fonds opérationnels sont utilisés aux seules fins du financement des programmes opérationnels soumis aux Etats membres et approuvés par ceux-ci « . L’article 9 du règlement d’exécution (UE) 2017/892 susvisé dispose :  » 1. Les organisations de producteurs présentent une demande d’aide ou de solde de l’aide auprès de l’autorité compétente de l’Etat membre pour chaque programme opérationnel pour lequel une aide est demandée, au plus tard le 15 février de l’année suivant celle pour laquelle l’aide est demandée. / 2. Les demandes d’aide sont accompagnées des pièces justificatives indiquant : / () d) les dépenses engagées au titre du programme opérationnel () « . Aux termes de l’article D. 664-14 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur :  » Les organisations de producteurs et associations d’organisations de producteurs adressent leurs demandes d’aide financière communautaire au directeur général de FranceAgriMer dans les conditions et délais mentionnés à l’article 9 du règlement d’exécution (UE) n° 2017/892 () « .

8. Aux termes de l’article 36 du règlement (UE) n° 1308/2013 précité :  » () 2. Chaque État membre établit une stratégie nationale pour les programmes opérationnels à caractère durable sur le marché des fruits et légumes () « . Aux termes de l’article D. 664-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige :  » Le ministre chargé de l’agriculture adopte la structure générale et le contenu global de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes mentionnée au 2 de l’article 36 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (). La stratégie peut être consultée sur le site du ministère de l’agriculture et de la pêche et de l’établissement public créé en application de l’article L. 621-1, compétent en matière de fruits et légumes. « . Une annexe W est jointe à la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes. Tout comme la stratégie nationale, l’annexe W, qui constitue un référentiel et fait l’objet d’actualisations régulières publiées sur le site internet de FranceAgriMer, est opposable aux organisations de producteurs.

9. Aux termes du point 3.7.2 de l’annexe W précitée :  » L’OP [organisation de producteurs] prend en charge la dépense en remboursant le producteur. Ainsi, le producteur doit s’acquitter de sa facture avant que l’OP ne règle le paiement de la demande de prise en charge, sauf cas dûment justifiés. Ce paiement (par l’OP) doit avoir lieu avant le 15 février de l’année suivant le fonds et le débit effectif du compte de l’OP doit également avoir été réalisé à cette date. Pour les coopératives, le mouvement du compte coopérateur vaut débit « . Le respect de cette date constitue une garantie pour le producteur.

10. Il résulte de ce qui précède qu’une union de coopératives agricoles reconnue comme organisation de producteurs est, en cette qualité, seule responsable vis-à-vis de FranceAgriMer pour déposer une demande d’aide européenne ou de solde au titre du fonds opérationnel constitué en vue de la mise en œuvre de son programme opérationnel, et pour s’assurer de la bonne exécution des dépenses, conformément aux dispositions qui viennent d’être rappelées. Il s’ensuit qu’alors même que cette union de coopératives agricoles n’a, en principe, pas de lien juridique direct avec les producteurs membres des coopératives adhérentes de l’union, elle est, en tant qu’organisation de producteurs, et sauf dans l’hypothèse où ces coopératives seraient elles-mêmes reconnues comme organisations de producteurs, seule responsable du remboursement à ces producteurs – au plus tard, le 15 février de l’année suivant le fonds opérationnel – du montant pris en charge par le fonds des factures qu’ils ont préalablement acquittées.

S’agissant de la contestation de la réfaction de 260 208,89 euros :

11. D’une part, il résulte du principe énoncé au point précédent qu’au sens des dispositions du point 3.7.2 de l’annexe W, applicables au litige, doivent seules être regardées comme productrices la société civile d’exploitation agricole (SCEA)  » Domaine de Fontorbe  » et la SCEA  » Les Vergers d’Ambres « , dès lors qu’elles se sont acquittées des factures en cause dans la présente instance avant d’en demander la prise en charge au titre du fonds opérationnel 2019. En revanche, la société coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées « , qui n’a donc pas supporté ces dépenses, ne saurait, dans le présent litige, être considérée comme un producteur pour l’application des dispositions précitées. Enfin, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , en tant qu’organisation de producteurs reconnue par arrêté ministériel, était seule garante du remboursement aux productrices susmentionnées, dans les délais réglementaires, des sommes par elles avancées, nonobstant la circonstance qu’elles sont membres de la coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées « .

12. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que les deux SCEA citées au point précédent ont sollicité le remboursement, par le fonds opérationnel 2019 géré par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , de factures pour un montant total de 260 208,89 euros, correspondant à des dépenses éligibles au titre du programme opérationnel, et datées des 18 et 19 décembre 2019. Or, il est constant que ces deux sociétés productrices n’ont été payées que les 27 et 28 avril 2020, soit après le 15 février de l’année suivant le fonds, en méconnaissance des dispositions précitées de l’annexe W. Par suite, la directrice de FranceAgriMer était fondée, pour ce seul motif, à déduire le montant pris en charge des factures tardivement payées de celui des dépenses admissibles servant à calculer l’aide accordée à l’organisation de producteurs UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , sans que la requérante ne puisse utilement faire valoir qu’elle a versé les sommes en litige à la coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées  » avant le 15 février 2020, dès lors que cette coopérative n’est pas, dans le présent litige, un producteur au sens des dispositions précitées du point 3.7.2 de l’annexe W, ni que ce retard est imputable à cette coopérative , dès lors que cette dernière n’est pas une organisation de producteurs. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la directrice de FranceAgriMer a entaché ses décisions d’une erreur de droit en lui faisant application de ces dispositions.

En ce qui concerne la pénalité infligée :

13. Aux termes de l’article 61 du règlement délégué (UE) 2017/891 :  » 1. Les paiements sont calculés sur la base des actions admissibles. / 2. L’État membre examine la demande d’aide reçue et établit les montants admissibles au bénéfice de l’aide. Il détermine le montant qui : / a) serait payable au bénéficiaire sur la seule base de la demande ; / b) est payable au bénéficiaire après examen de l’admissibilité de la demande. / 3. Si le montant établi conformément au paragraphe 2, point a), dépasse de plus de 3 % le montant établi conformément au paragraphe 2, point b), une pénalité est appliquée. Le montant de la pénalité correspond à la différence entre les montants calculés conformément au paragraphe 2, points a) et b). Toutefois, aucune pénalité n’est appliquée si l’organisation de producteurs est en mesure de démontrer qu’elle n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible. 4. Les paragraphes 2 et 3 s’appliquent mutatis mutandis aux dépenses non admissibles relevées lors des contrôles sur place () « .

14. Il résulte de l’instruction que, compte tenu des réfactions opérées par FranceAgriMer et non contestées par la requérante, d’une part, et des énonciations du présent jugement qui valide la réfaction d’un montant de 260 208,89 euros, d’autre part, le montant de l’aide recevable par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » au titre du fonds opérationnel 2019 s’élève à 4 499 003,10 euros, soit 203 272,64 euros de moins que l’aide sollicitée, qui s’élevait à 4 702 275,74 euros. Le montant de l’aide demandée par l’organisation de producteurs excède donc de 4,5 % le montant de l’aide recevable. Dès lors que le dépassement est supérieur à 3 %, une pénalité égale à la différence entre le montant de l’aide demandée et le montant payable était donc encourue en application des dispositions citées au point précédent. En outre, l’UCA étant, en sa qualité d’organisation de producteurs, garante vis-à-vis de FranceAgriMer du paiement des aides aux producteurs dans les délais prescrits, elle doit être regardée comme responsable de la prise en compte du montant non admissible. Par suite, la directrice générale de FranceAgriMer était fondée à appliquer à l’UCA la pénalité contestée, qui est justifiée tant dans son principe que dans son montant. Le moyen tiré de ce qu’aucune sanction n’était encourue doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions attaquées en tant qu’elles appliquent une réfaction de 260 208,89 euros et en tant qu’elles fixent une pénalité de 203 272,64 euros. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale  » est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale  » et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Organisation de Producteurs et Question préjudicielle du CE à la CJUE : Conformité au principe de fonctionnement démocratique et à l’obligation pour un membre d’une organisation de producteurs de ne pas appartenir à une autre organisation de producteurs prévus par les articles 152 et 153 du règlement du 17 décembre 2013, dès lors qu’un syndicat agricole est susceptible de représenter des planteurs qui sont potentiellement membres d’autres organisations de producteurs ?

Pour s’assurer du respect du principe prévu par le c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n°1308/2013, selon lequel les producteurs membres d’une organisation de producteurs doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière :

– y a-t-il lieu, pour apprécier l’indépendance des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ‘

– suffit-il, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix, ou convient-il d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation ?

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Saint-Louis Sucre jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur les questions énoncées à l’article 1er.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Saint-Louis Sucre, au Premier ministre, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, à la SICA des betteraviers d’Etrepagny et au greffier de la Cour de justice de l’Union européenne.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février, 9 juillet 2020 et le 8 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Saint-Louis Sucre demande au Conseil d’Etat :

1°) à titre principal, d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 20 décembre 2019 portant reconnaissance de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Etrepagny en qualité d’organisation de producteurs dans le secteur du sucre pour la betterave sucrière ;

2°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne sur le fondement de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne portant sur les points suivants :

– la présence directe ou indirecte au capital social d’une organisation de producteurs d’un syndicat agricole, tel que la Confédération Générale des planteurs de Betteraves (CGB), ou d’entités affiliées à un tel syndicat, telles que la CGB Eure ou la CGB Ile-de-France, est-elle conforme au principe de fonctionnement démocratique et à l’obligation pour un membre d’une organisation de producteurs de ne pas appartenir à une autre organisation de producteurs prévus par les articles 152 et 153 du règlement du 17 décembre 2013, dès lors qu’un syndicat agricole est susceptible de représenter des planteurs qui sont potentiellement membres d’autres organisations de producteurs ‘

– dans l’affirmative, quelles sont les conditions encadrant la participation d’un syndicat agricole ou des organisations affiliées à celui-ci au fonctionnement d’une organisation de producteurs afin de garantir le respect des principes de fonctionnement démocratique et de non appartenance d’une organisation de producteurs à une autre organisation de producteurs ‘

– les accords, décisions ou pratiques conclus ou mis en œuvre au sein d’une organisation de producteurs dont est membre un syndicat agricole ou une entité affiliée à un tel syndicat telles que celles mentionnées plus haut et qui pourraient être qualifiés d’anticoncurrentiels au regard de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne peuvent-ils échapper à la prohibition prévue par cet article, en particulier au regard de la dérogation prévue au 1 bis de l’article 152 du règlement, dès lors que ce syndicat agricole a pour mission de représenter les intérêts de la profession, y compris ceux des planteurs qui ne sont pas membres de cette organisation de producteurs ainsi que des planteurs qui sont potentiellement membres d’autres organisations de producteurs ‘

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– le décret n° 2019-1163 du 8 novembre 2019 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d’Etat,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel – Rameix – Gury – Maître, avocat de la société Saint-Louis Sucre et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Etrepagny ;

Considérant ce qui suit :

1. L’arrêté du 20 décembre 2019 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation porte reconnaissance de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Etrépagny en qualité d’organisation de producteurs dans le secteur du sucre pour la betterave sucrière. La société Saint-Louis Sucre en demande l’annulation pour excès de pouvoir.

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

2. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article D. 553-4 du code rural et de la pêche maritime :  » Le dossier de demande de reconnaissance d’une organisation de producteurs comprend : 1° Les statuts de l’organisation, ainsi que son procès-verbal d’approbation. 2° Une note précisant : (…) c) La répartition du capital, lorsqu’il existe, des droits de vote entre les différents membres de l’organisation de producteurs (…) « . D’autre part, aux termes de l’article D. 611-4 du code rural et de la pêche maritime :  » La commission technique spécialisée du Conseil supérieur de l’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, dite  » Commission nationale technique  » émet des avis sur l’octroi, le maintien et le retrait de la reconnaissance en qualité de groupements de producteurs des organismes prévus à l’article L. 551-1 (…) « . Il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis à la commission nationale technique comprenait, outre les statuts de la SICA des betteraviers d’Etrépagny, une fiche de synthèse précisant la répartition de son capital et des droits de vote entre ses différents membres, dont les syndicats Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) Eure et CGB Ile-de-France et la société Naples Investissement, et satisfaisait ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, aux exigences de l’article D. 553-4 du code rural et de la pêche maritime, lequel n’imposait pas que fut en outre précisée la répartition du capital, le cas échéant, de chacun des membres en cause.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la SICA des betteraviers d’Etrépagny a modifié son règlement intérieur, le 11 décembre 2019, pour tenir compte des observations qui lui avaient été adressées au cours de la procédure d’instruction de sa demande de reconnaissance, en formalisant, conformément à ces observations, à l’article 2, les conditions d’évolution des volumes engagés dans l’organisation de producteurs par ses membres et à l’article 18 une clause de confidentialité et de déontologie pour le directeur et les membres non producteurs de l’organisation de production. Par suite et en tout état de cause, la société requérante ne saurait soutenir que l’arrêté attaqué aurait été irrégulièrement adopté faute de prise en compte de ces observations.

4. En troisième lieu, aux termes du II de l’article D. 611-5 du code rural et de la pêche maritime :  » Lorsqu’elle est réunie pour émettre des avis prévus aux a et b de l’article D. 611-4, la commission nationale technique comprend : 1° Au titre du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire : (…) b) Parmi les membres mentionnés au 1° du I de l’article D. 611-1, le représentant du ministre chargé de la concurrence (…) « . Le premier alinéa de l’article D. 611-7 du même code prévoit que :  » La Commission nationale technique élabore un règlement intérieur définissant les modalités de son fonctionnement (…) « . L’article 6 de ce règlement intérieur dispose que, conformément à l’article R. 133-10 du code des relations entre le public et l’administration :  » Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la Commission nationale technique sont présents ou représentés (…) « . Il résulte de ces dispositions qu’elles n’imposent pas la présence aux réunions de la CNT de chacun de ses membres mais se bornent à fixer une règle de quorum. Par suite, alors qu’il n’est pas même soutenu que le quorum n’aurait pas été atteint lors de la séance de la CNT du 10 décembre 2019, le moyen tiré par la société requérante de ce que l’avis adopté lors de cette séance serait entaché d’irrégularité au motif que le représentant du ministre chargé de la concurrence n’y a pas participé ne peut qu’être écarté.

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

5. Aux termes du 1 de l’article 152 du règlement (UE) n°1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles :  » Les Etats membres peuvent, sur demande, reconnaître les organisations de producteurs qui : / a) se composent de producteurs dans un secteur précis énuméré à l’article 1er, paragraphe 2, et, conformément à l’article 153, paragraphe 2, point c), sont contrôlées par ceux-ci ; / b) sont constituées à l’initiative des producteurs et exercent au moins l’une des activités suivantes : i) transformation conjointe; ii) distribution conjointe, notamment via des plateformes de vente conjointes ou un transport conjoint ; iii) emballage, étiquetage ou promotion conjoints; iv) organisation conjointe du contrôle de la qualité ; v) utilisation conjointe des équipements ou des installations de stockage; vi) gestion conjointe des déchets directement liés à la production; vii) acquisition conjointe des intrants ; viii) toute autre activité conjointe de service visant l’un des objectifs énumérés au point c) du présent paragraphe ; / c) poursuivent un but précis pouvant inclure au moins l’un des objectifs suivants : i) assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en termes de qualité et quantité ; ii) concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de leurs membres, y compris via une commercialisation directe ; iii) optimiser les coûts de production et les retours sur les investissements réalisés pour satisfaire aux normes environnementales et de bien-être des animaux, et stabiliser les prix à la production ; (…) v) promouvoir et fournir l’assistance technique nécessaire à la mise en œuvre de pratiques culturales et de techniques de production respectueuses de l’environnement (…) « .

6. Aux termes du 1 bis du même article 152 :  » Par dérogation à l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une organisation de producteurs reconnue en vertu du paragraphe 1 du présent article peut planifier la production, optimiser les coûts de production, mettre sur le marché et négocier des contrats concernant l’offre de produits agricoles, au nom de ses membres, pour tout ou partie de leur production totale. / Les activités visées au premier alinéa peuvent avoir lieu : a) dès lors que l’une ou plusieurs des activités visées au paragraphe 1, point b) i) à vii), du présent article est véritablement exercée, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; (…) / d) dès lors que les producteurs concernés ne sont membres d’aucune autre organisation de producteurs en ce qui concerne les produits couverts par les activités visées au premier alinéa ; e) dès lors que le produit agricole n’est pas concerné par une obligation de livraison découlant de l’affiliation de l’agriculteur à une coopérative qui n’est pas elle-même membre de l’organisation de producteurs concernée (…) « .

7. En premier lieu, d’une part, le c) du 1 de l’article 154 du règlement (UE) n° 1308/2013 exige, pour que soit reconnue une organisation de producteurs, qu’elle  » offre des garanties suffisantes quant à l’exécution correcte de ses activités tant du point de vue de l’efficacité, de la mise à disposition effective de moyens d’assistance humains, matériels et techniques à ses membres, et s’il y a lieu, de la concentration de l’offre « . L’article 155 du même règlement prévoit toutefois que les Etats membres peuvent autoriser une organisation de producteurs reconnue  » à externaliser n’importe quelle activité autre que la production (…) à condition qu’elle reste responsable de l’exécution de l’activité externalisée « . D’autre part, l’article D. 551-55 du code rural et de la pêche maritime dispose que, dans le secteur du sucre,  » l’organisation de producteurs dispose de moyens en personnel correspondant au moins à un demi-équivalent temps plein « .

8. Il ressort des pièces du dossier que la SICA des betteraviers d’Etrépagny a conclu avec la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) une convention d’externalisation d’activités par laquelle la CGB s’engage à mettre à disposition de la SICA  » au minimum un demi-équivalent temps plein « . Il s’ensuit que les exigences minimales posées par l’article D. 551-55 n’ont pas été méconnues. Il ne ressort en outre des pièces du dossier ni que l’externalisation prévue se ferait dans des conditions ne permettant pas à l’organisation de producteurs de conserver le contrôle de l’activité externalisée, ni que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la SICA disposait de moyens suffisants pour exécuter correctement ses activités. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées du c) du 1 de l’article 154 du règlement (UE) n° 1308/2013 doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la société requérante soutient qu’à supposer même que les conditions de reconnaissance d’une organisation de producteurs soient satisfaites, permettant d’appliquer les dispositions du 1 bis de l’article 152 du règlement (UE) n° 1308/2013, citées au point 6 ci-dessus, l’arrêté de reconnaissance attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions prohibant les pratiques anti-concurrentielles figurant aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, au motif, d’une part, que la présence au sein de la SICA de membres non producteurs tels que la CGB Eure, la CGB Ile-de-France et la société Naples Investissement créerait un risque d’entente et d’échange illicite d’informations au-delà du périmètre de l’organisation de producteurs et au motif, d’autre part, que la seule exemption à la règle prévue par les statuts de la SICA imposant à des adhérents de lui apporter la totalité de leur production étant prévue en faveur des volumes déjà engagés auprès d’une coopérative sucrière, cette règle conduit à favoriser ces coopératives, au détriment de sociétés telles qu’elle-même. Toutefois, d’une part, l’article 18 du règlement intérieur de la SICA limite l’information des membres non producteurs quant aux conditions de vente et de paiement décidées par l’organisation de producteurs et leur impose une clause de confidentialité. D’autre part, l’exemption critiquée étant explicitement prévue par le e) du 1 bis de l’article 152 du règlement, cette exemption ne saurait être regardée comme méconnaissant, en tant que telle, les dispositions prohibant les pratiques anti-concurrentielles invoquées par la société requérante, à qui il appartiendrait, si elle s’estimait victime d’un comportement prohibé de la part de l’organisation de producteurs, d’invoquer la méconnaissance de ces dispositions, à raison de ce comportement, devant la juridiction compétente. Il suit de là que le moyen soulevé ne peut qu’être écarté.

10. Mais, en troisième lieu, tandis que les dispositions du 1 bis de l’article 152 du règlement (UE) n° 1308/2013 subordonnent les activités qu’une organisation de producteurs peut effectuer en dérogation à l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à la condition, entre autres, que  » les producteurs concernés ne [soient] membres d’aucune autre organisation de producteurs en ce qui concerne les produits couverts par les activités visées (…) « , l’article 153 du même règlement dispose que :  » 1. Les statuts d’une organisation de producteurs exigent en particulier de ses membres de : (…) b) n’être membres que d’une seule organisation de producteurs pour un produit donné de l’exploitation (…) « . La société requérante soutient que l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de ces dernières dispositions, dès lors que la CGB Eure, la CGB Ile-de-France et la société Naples Investissement, qui ne sont pas des producteurs, sont membres à la fois de la SICA d’Etrépagny et de la SICA Roye-Déshydratation, également reconnue comme organisation de producteurs.

11. La réponse à ce moyen dépend de la question de savoir si la règle énoncée par le b) du 1 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013 imposant aux membres d’une organisation de producteurs de n’être membres que d’une seule organisation de producteurs pour un produit donné de l’exploitation, doit être interprétée comme valant uniquement pour les membres producteurs ou bien comme valant pour la généralité des membres d’une organisation, y compris les membres non producteurs. Cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’Etat et présente, compte tenu du rapprochement des dispositions du 1 bis de l’article 152 et de l’article 153 du règlement, une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne.

12. Enfin, en quatrième lieu, le c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013 prévoit que les statuts d’une organisation de producteurs comportent des dispositions concernant  » les règles permettant aux producteurs membres d’une organisation de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière (…) « . Dans son arrêt Royaume d’Espagne c/ Commission européenne du 6 mars 2012 (aff. T-230/10), le tribunal de l’Union européenne a jugé, d’une part, que le principe du contrôle d’une organisation de producteurs par ses membres impose que ces derniers en maîtrisent les décisions et, d’autre part que, lors du contrôle par les Etats membres du fonctionnement démocratique d’une organisation de producteurs, il ne saurait être fait abstraction de l’identité des personnes physiques ou morales qui détiennent le capital des membres de cette organisation, afin de vérifier que le nombre apparent de membres de l’organisation soit représentatif du nombre de membres de l’organisation réellement indépendants.

13. La société requérante soutient, à l’appui de son recours, que l’arrêté attaqué ne pouvait reconnaître à la SICA des betteraviers d’Etrepagny la qualité d’organisation de producteurs dès lors que, compte tenu du contrôle qu’y exerce directement ou indirectement le syndicat Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), cette SICA ne satisfait pas à l’exigence que les membres producteurs d’une organisation de producteurs contrôlent, de façon démocratique, leur organisation et les décisions qu’elle prend.

14. Elle fait valoir, à cet égard, que la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB) détient la quasi-totalité du capital de la société Naples Investissement, qui détient pour sa part 8,7 % du capital social de la SICA d’Etrépagny, et que cette Confédération contrôle aussi, de fait, les syndicats CGB Eure et CGB Ile-de-France, qui détiennent respectivement 15,1 % et 7,6 % du capital social de la SICA d’Etrépagny, dans la mesure où ces syndicats sont affiliés à la CGB, que leurs statuts prévoient qu’ils ont  » pour objet d’étudier et de traiter dans [leur] circonscription, conformément aux articles L. 2131-1 et L. 2132-5 du code du travail, ainsi qu’aux directives de la CGB, tous les problèmes concernant l’organisation et la défense économique des producteurs de betteraves (…) « , tandis que les statuts de la CGB prévoient qu’elle a pour objet notamment  » d’unir les syndicats betteraviers membres et de leur transmettre pour exécution les directives de son conseil d’administration « . La société requérante déduit de ces éléments que, nonobstant les dispositions des statuts de l’organisation de producteurs d’Etrépagny limitant à 10% la part de voix de chaque membre, le contrôle exercé par la CGB sur ces trois entités méconnaît à la fois le principe de fonctionnement démocratique de l’organisation de producteurs et le principe de contrôle de celle-ci par ses membres producteurs.

15. La société requérante fait aussi valoir que la méconnaissance de ces principes découle également de ce que, parmi les treize administrateurs de la SICA énumérés par les statuts de celle-ci, outre les trois entités citées au point 14, six sont des producteurs, membres de la CGB, qui y exercent des responsabilités importantes. Elle ajoute que cette méconnaissance est aggravée par la circonstance que le directeur de l’organisation de producteurs d’Etrépagny et une partie des moyens de celle-ci sont mis à sa disposition par la CGB.

16. La réponse à la contestation soulevée sur ce point par la société requérante dépend de la question de savoir si, pour s’assurer du respect du principe énoncé au c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013, selon lequel les producteurs membres d’une organisation de producteurs doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière, il y a lieu, pour apprécier l’indépendance de chacun des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération.

17. La réponse à cette contestation dépend aussi de la question de savoir s’il suffit, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation de producteurs par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix ou s’il convient d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation de producteurs.

18. Ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’Etat et présentent une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne.

19. Il s’ensuit qu’il y a lieu de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne, en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les questions énoncées aux points 11, 16 et 17 ci-dessus et de surseoir à statuer sur la requête de la société Saint-Louis Sucre.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Les questions suivantes, relatives à l’interprétation du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sont renvoyées à la Cour de justice de l’Union européenne :

1°) La règle énoncée par le b) du 1 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013, selon laquelle les statuts d’une organisation de producteurs exigent de ses membres de  » n’être membres que d’une seule organisation de producteurs pour un produit donné de l’exploitation « , doit-elle être interprétée comme valant uniquement pour les membres producteurs ‘

2°) Pour s’assurer du respect du principe prévu par le c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n°1308/2013, selon lequel les producteurs membres d’une organisation de producteurs doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière :

– y a-t-il lieu, pour apprécier l’indépendance des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ‘

– suffit-il, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix, ou convient-il d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation ‘

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Saint-Louis Sucre jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur les questions énoncées à l’article 1er.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Saint-Louis Sucre, au Premier ministre, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, à la SICA des betteraviers d’Etrepagny et au greffier de la Cour de justice de l’Union européenne.

Conseil d’État 3e et 8e chambres réunies 10 Mars 2022 Numéro de requête : 439178

REFORME DE LA PAC 2021-2027

Le Programme stratégique national (PSN) est une nouveauté de la Pac 2021-2027, puisque chaque Etat membre lui permet désormais de décliner les objectifs stratégiques de la Commission européenne, notamment en matière de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique.

  • Favoriser le développement d’un secteur agricole innovant, résilient et diversifié garantissant la sécurité alimentaire (assurer un revenu juste et soutenir la résilience du secteur, renforcer la compétitivité, rééquilibrer les rapports de force dans la chaîne de valeur).
  • Renforcer la protection de l’environnement et l’action pour le climat afin de contribuer aux objectifs de l’Union (s’adapter au changement climatique, lutter contre le changement climatique et s’y adapter, protéger la biodiversité, les paysages et les écosystèmes).
  • Renforcer et consolider le tissu socio-économique des zones rurales (attirer les jeunes agriculteurs, redynamiser les espaces ruraux, répondre aux attentes sociétales sur l’alimentation, la santé et le bien-être animal.

Le Fonds européen agricole de garantie (Feaga) finance les aides directes versées annuellement et avec la réforme de la Pac 2021-2027 le principe de la conditionnalité des aides est renforcé. Ainsi, les trois mesures afférentes au Paiement vert de la Pac 2014-2020 et qui étaient facultatives, deviennent obligatoires et sont assorties d’une définition plus stricte.:

Droit à paiement de base,

Paiement vert,

Paiement redistributif,

Paiement jeunes agriculteurs

et aides couplées.

(bovins allaitants, veaux sous la mère, bovins laitiers, ovins, caprins, fruits transformés, blé dur, pommes de terre, féculières, chanvre textile, semences de graminées, houblon, fourrages, protéagineux, soja, semences fourragères).

Il s’agit de la rotation des cultures  du maintien des prairies temporaires et de la mise en place d’infrastructures agroécologiques, qui ne prennent plus en compte les cultures fixant l’azote, contrairement à ce qui prévalait avec les Surfaces d’intérêt écologique (SIE). Le Paiement vert disparaît au profit des Eco-régimes.

La réforme de la Pac 2021-2027 introduit une nouvelle procédure. Aux contrôles de conformité en vigueur aujourd’hui s’ajouteraient des contrôles basés sur l’évaluation de la performance des politiques et des aides allouées. Actuellement la Commission vérifie, essentiellement au moyen de contrôles sur place, le bon usage par les États membres des ressources mises à leur disposition par le Feaga et le Feader.

La prochaine Pac introduit un contrôle de performance. La Commission contrôlerait les résultats du Programme stratégique national (PSN), à partir d’indicateurs de réalisation, de résultat et d’impact. Les contrôles de conformité seraient l’apanage des États membres, faisant craindre des risques de distorsion.

La Commission européenne propose de poursuivre la convergence interne pour qu’aucun agriculteur reçoive comme aide découplée de base moins de 75 % de la moyenne nationale de son pays, contre 70 % actuellement. De même, elle propose de poursuivre la convergence externe pour réduire les écarts entre Etats membres des montants d’aides découplées versées aux agriculteurs.

Elle propose par ailleurs de rendre obligatoire, et non plus facultatif comme aujourd’hui, le versement du paiement redistributif pour les premiers hectares, mais aussi le plafonnement et la dégressivité des aides à partir de certains montants perçus d’aides par bénéficiaire.

FICHES CONSEILS AIDES COVID 19

Fiches conseils spécifiques téléchargeables (par métier ou secteur d’activité)

Les métiers suivants :

Agriculture, élevage, agroalimentaire, jardins et espaces verts

 Fiche « Travail dans le maraîchage » Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail circuit court – amap – vente à la ferme » Télécharger la fiche 
 Fiche « Activités agricoles » Télécharger la fiche 
 Ficha « Actividades agrícolas » Descargar la ficha (en español) 
 Fiche « Chantiers de travaux agricoles » Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail saisonnier » Télécharger la fiche 
 Ficha « Trabajo de temporada » | Descargar la ficha (en español)  Fiche « Activité viticole et/ou de vinification » | Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail dans la conchyliculture et la mytiliculture » | Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail filière cheval » | Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail dans l’élevage » | Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail en abattoir » | Télécharger la fiche 
 Fiche « Travail sur un chantier de jardins ou d’espaces verts » | Télécharger la fiche

CORONAVIRUS : AIDE EXCEPTIONNELLE : QUELLE DEMARCHE POUR LES INDEPENDANTS ?

https://www.federation-auto-entrepreneur.fr/sites/default/files/fonds_de_soutien_formulaire_pas_a_pas_mars_2020.pdf

Comment déposer une demande d’aide exceptionnelle de 1 500 € du Fonds de solidarité au titre de la crise sanitaire COVID 19?

Si vous êtes une TPE, un indépendant ou une micro-entreprise et que votre entreprise a dû suspendre son activité ou a enregistré une baisse de son chiffre d’affaires de plus de70 % en raison de l’épidémie de Covid-19, vous avez peut-être droit à l’aide de 1 500€ maximum financée par l’État, les Régions et les collectivités d’outre-mer.

Si vous êtes gérant ou tiers agissant pour le compte de votre client, vous pouvez également demander à bénéficier de cette aide.

Comment?

En complétant le formulaire spécifique de votre messagerie sécurisée accessible depuis votre espace «Particuliers» sur le site impots.gouv.fr.

Dès l‘envoi de ce courriel depuis votre compte de messagerie, le formulaire rempli par vos soins sera envoyé automatiquement au service compétent pour le règlement.Attention: une seule demande par entreprise (code SIREN) sera acceptée. Et soyez vigilants: utilisez bien votre compte personnel de messagerie sous votre espace«particulier» du site impots.gouv.fr, et non pas votre compte de messagerie de l’espace

La Commission européenne et la PAC face au coronavirus

La Commission européenne a décidé, le 17 mars, d’autoriser les États membres à accorder une prolongation d’un mois du délai imparti aux agriculteurs pour présenter leurs demandes de paiements directs et de certains paiements au titre du développement rural. Bruxelles en avait déjà fait de même pour l’Italie dès le 13 mars. Les agriculteurs – si toutefois les États membres le décident – vont voir la date limite du 15 mai pour déposer leurs demandes d’aides Pac repoussée au 15 juin. La Commission européenne précise qu’elle « prépare actuellement les mesures juridiques à prendre pour permettre cette dérogation aux règles actuelles ». Quelques heures après cette annonce, la FNSEA a demandé « au gouvernement français d’appliquer ce report ». « Le confinement des conseillers de tous les organismes (FDSEA, chambres d’agriculture, centres de gestion…), ne permet pas l’accompagnement des agriculteurs dans de bonnes conditions », estime le syndicat. Pour la FNSEA, un report d’un mois « permettra de donner le temps aux conseillers de poursuivre leur mission, dans des conditions que nous espérons tous meilleures ».

Les contrats environnementaux

Ces contrats permettent de prendre des mesures agro-environnementales et climatiques dites MAEC.

D’une durée en principe de cinq ans, par ces MAEC, l’exploitant doit s’engager auprès de l’État, des actions en faveur de la qualité des sols, de la protection de la ressource et de la préservation de la biodiversité.

on trouve par exemple, la prime herbagère agro-environnementale, la MAE rotationnelle, l’aide aux systèmes fourragers polyculture-élevage économes en intrants, la protection des races et espèces menacées…

Trois types de dispositifs possibles sont prévus :

  • Les mesures liées à un système de production particulier – Les grandes cultures, polyculture élevage, systèmes herbagers et pastoraux,
  • les mesures liées à un enjeu local,
  • Les mesures liées à la biodiversité génétique

PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 1305/2013, 17 déc. 2013, art. 28

Aides d’Etat

Lorsque les aides découplées auxquelles un agriculteur a droit ont fait l’objet d’une cession ou d’un nantissement de créance auprès d’un établissement de crédit qui a notifié le bordereau correspondant à l’Agence de services et de paiement, cette agence ne peut plus payer ces aides à l’agriculteur mais doit en verser le montant à l’établissement de crédit s’il en fait la demande. Dans l’hypothèse où, après la cession ou le nantissement de sa créance, une société d’exploitation a été régulièrement transformée en une société d’une autre forme et où l’Agence de services et de paiement a été informée de cette transformation, cette règle s’applique aux sommes dues à raison des droits à paiement unique qui ont été transférés de plein droit à la nouvelle société en raison de cette transformation, dès lors que celle-ci n’entraîne pas, en application de l’article 1844-3 du code civil, la création d’une personne morale nouvelle, la circonstance que le bordereau fasse référence à un agriculteur différent, au sens des règlements (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 et n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009, étant inopérante.

Conseil d’État, 3e et 8e chambres réunies, 24 Juillet 2019 – n° 416849

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