Mois : juin 2023

MODIFICATIONS DU REGISTRE DE COMMERCE ET ANNULATION DE DELIBERATIONS DES ASSOCIES

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Angers, 13 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 9 septembre 2020, n° 19-15.422), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d’apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d’apport et l’augmentation de capital subséquente.

2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA.

3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d’apport du 14 décembre 2004.

4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d’un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l’arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ».

5. La société FDG a, par voie de requête, demandé au juge commis à la surveillance de ce registre d’enjoindre au greffier de procéder à l’annulation de ces modifications et de rétablir l’état antérieur de ces inscriptions.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l’arrêt d’enjoindre au greffe du tribunal de commerce de procéder à l’annulation des modifications inscrites à l’extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l’état antérieur à ces modifications, et d’enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2012, alors « que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n’ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l’efficacité des actes et pièces déposés en vue de l’inscription d’une mention au registre du commerce et des sociétés ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les inscriptions portées au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2012 relatives à la forme sociale de la société Larzul et à la réduction de son capital étaient justifiées par une délibération du 24 mars 2012, par laquelle la société Vectora, en qualité d’associé unique de la société Larzul, avait décidé, en conséquence de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2012, de constater que la société Larzul était une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 3 300 000 euros, et de modifier ses statuts pour adopter à nouveaux ceux en vigueur antérieurement ; que, pour ordonner l’annulation de ces inscriptions, à la demande de la société FDG, qui prétendait qu’elle n’avait pas perdu la qualité d’associé et qu’ainsi la société Larzul ne disposait pas d’un associé unique, la cour d’appel retient, par motifs propres et adoptés, que l’arrêt du 24 janvier 2012 ne statue pas sur les conséquences des annulations prononcées et qu’un retour à la situation antérieure ne résulte pas expressément de cet arrêt ; qu’en se prononçant ainsi, la cour d’appel, qui a remis en cause le statut de société à associé unique de la société Larzul et la perte de la qualité d’associé de la société FDG, et ainsi la validité de la délibération prise le 24 janvier [lire : mars] 2012, par l’interprétation qu’elle a faite de l’arrêt du 24 janvier 2012, a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence et violé l’article L. 123-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l’article R. 123-95 du code de commerce que le greffier vérifie que les énonciations d’une demande d’inscription au registre du commerce et des sociétés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d’une demande de modification ou de radiation, avec l’état du dossier, mais qu’il ne dispose d’aucun pouvoir d’interpréter lesdits actes et pièces justificatives.

8. Il résulte de l’article L. 123-6 du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, compétent pour connaître de toutes contestations entre l’assujetti et le greffier, ne peut, à l’occasion d’une telle contestation, trancher un différend opposant la société assujettie à un tiers, telle la reconnaissance à ce dernier de sa qualité d’associé, qui ressortit au juge compétent sur le fond.

9. Ayant constaté que l’arrêt du 24 janvier 2012 s’était borné à annuler l’apport de fonds de commerce et l’augmentation de capital en résultant, mais qu’il n’en résultait ni l’anéantissement du protocole d’accord du 14 décembre 2004 et de tous les actes qui en sont la suite ni, par voie de conséquence, le retour à la situation antérieure à ce protocole, ce dont il se déduit que les énonciations de la demande de modification de l’inscription de la société Larzul au registre du commerce et des sociétés formée en 2012 n’étaient pas compatibles avec l’état du dossier, la cour d’appel, qui n’a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d’actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l’ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l’annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

  1. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l’arrêt d’enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, alors « que si l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du registre d’enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions complémentaires ou rectifications qu’elle n’aurait pas fait porter dans les délais ou qui s’avéreraient nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ni ce texte ni aucune autre disposition légale ne l’autorise à enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux ; qu’en enjoignant à la société Larzul de modifier ses statuts, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce :

  1. Selon ce texte, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut enjoindre à toute personne immatriculée à ce registre qui ne les aurait pas requises dans les délais prescrits, de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu’elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
  2. L’arrêt confirme la décision du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ayant fait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique.
  3. En statuant ainsi, alors que le pouvoir d’injonction conféré au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d’appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

  1. Ainsi qu’il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
  2. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
  3. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d’enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu’être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l’ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, il enjoint à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2014, et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l’arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable la demande de la société Groupe française de gastronomie tendant à ce que la société Larzul soit enjointe de mettre ses
statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2014 ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d’appel d’Angers ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

1 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-22.446 Chambre commerciale financière et économique – Formation restreinte hors RNSM/NA Publié au Bulletin ECLI:FR:CCASS:2023:CO00407

AIDE PUBLIQUE AU TITRE DU FONDS OPERATIONNEL PAR FRANCE AGRIMER

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril 2021 et 25 août 2022, l’union de coopératives agricoles (UCA)  » Les Vergers de Blue Whale « , représentée par Me Ledoux, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 2 mars 2021 en tant que par cette décision la directrice générale de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a opéré une réfaction d’un montant de 260 208,89 euros sur l’aide attribuée au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel et lui a infligé une pénalité d’un montant de 203 272,64 euros ;

2°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision attaquée n’a pas fait l’objet d’une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration ;

– la réfaction opérée par FranceAgriMer est entachée d’une erreur de droit, dès lors que le point 3.7.2 de l’annexe W de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes ne lui est pas applicable, dans la mesure où les aides sont versées aux producteurs par les coopératives membres de l’UCA et non directement par elle-même ; en tout état de cause, elle a versé les aides à ses coopératives adhérentes avant le 15 février 2020 ;

– la pénalité de 203 272 euros infligée en application du point 3 de l’article 61 du règlement UE n° 2017/891 n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2022, l’établissement FranceAgriMer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 août 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 septembre suivant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

– le règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 ;

– le règlement d’exécution (UE) 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 ;

– l’arrêté du 28 mars 2018 portant modalités de mise en œuvre du règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 et du règlement d’exécution (UE) 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 complétant et portant modalités d’application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des produits transformés à base de fruits et légumes ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. A,

– les conclusions de M. Leymarie, rapporteur public,

– et les observations de Me Delattre, substituant Me Ledoux, représentant l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale « .

Considérant ce qui suit :

1. L’union de coopératives agricoles (UCA)  » Les Vergers de Blue Whale « , en sa qualité d’organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes reconnue par un arrêté du ministre de l’agriculture et de la pêche du 30 octobre 1997, a déposé une demande d’aide d’un montant de 4 702 275,74 euros au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel. Par une décision du 9 novembre 2020, et à la suite d’un contrôle sur place, la directrice générale de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer FranceAgriMer lui a attribué une aide réduite à 4 074 920,02 euros, après application de réfactions et d’une pénalité. Par un courrier du 5 janvier 2021, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » a formé un recours gracieux contre cette décision. Par une décision du 2 mars 2021, et au vu des justificatifs produits par l’UCA, la directrice générale de FranceAgriMer a annulé certaines réfactions, réduit le montant de la pénalité infligée et fixé le montant de l’aide communautaire au titre du fonds opérationnel 2019 à 4 295 730,46 euros. Par la présente requête, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » demande au tribunal d’annuler la décision du 2 mars 2021 en tant que la directrice générale de FranceAgriMer a opéré une réfaction de 260 208,89 euros et lui a infligé une pénalité de 203 272,64 euros.

Sur l’étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de la directrice générale de FranceAgriMer du 2 mars 2021 rejetant partiellement le recours gracieux formé par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » contre la décision du 9 novembre 2020 doivent également être regardées comme dirigées contre cette décision du 9 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la procédure contradictoire préalable :

4. Aux termes de l’article L. 110-1 du code des relations entre le public et l’administration :  » Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l’administration « . Selon l’article L. 121-1 du même code :  » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable « .

5. Dès lors que la décision du 2 mars 2021 a été prise en réponse au recours gracieux formé par la requérante contre la décision du 9 novembre 2020, et constitue ainsi une réponse faite à une demande au sens de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées. Est à cet égard sans incidence la circonstance que le motif fondant la réfaction de 260 208,89 euros litigieuse soit différent dans la décision initiale et dans celle rejetant le recours gracieux.

En ce qui concerne la décision de réfaction :

S’agissant du cadre juridique applicable au litige :

6. Aux termes de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime :  » Les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. / () Les sociétés coopératives agricoles peuvent se grouper en unions de coopératives agricoles () « . Aux termes de l’article L. 521-1-1 du même code :  » La relation entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère ou entre une coopérative agricole et l’union de coopératives agricoles à laquelle elle adhère est régie par les principes et règles spécifiques du présent titre et par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération () « . L’article 5 de la loi du 10 septembre 1947 précitée dispose :  » () Sauf en ce qui concerne les sociétés coopératives agricoles ou leurs unions, les statuts d’une union de coopératives peuvent prévoir que les associés des coopératives membres de l’union peuvent bénéficier directement des services de cette dernière ou participer à la réalisation des opérations entrant dans son objet, sous réserve que les statuts des coopératives le permettent () « .

7. Aux termes de l’article 32 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé :  » 1. Les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes () peuvent constituer un fonds opérationnel. Le fonds est financé par : / a) les contributions financières versées : / i) par les membres de l’organisation de producteurs et/ou par l’organisation elle-même () ; b) l’aide financière de l’Union, qui peut être octroyée aux organisations de producteurs () / 2. Les fonds opérationnels sont utilisés aux seules fins du financement des programmes opérationnels soumis aux Etats membres et approuvés par ceux-ci « . L’article 9 du règlement d’exécution (UE) 2017/892 susvisé dispose :  » 1. Les organisations de producteurs présentent une demande d’aide ou de solde de l’aide auprès de l’autorité compétente de l’Etat membre pour chaque programme opérationnel pour lequel une aide est demandée, au plus tard le 15 février de l’année suivant celle pour laquelle l’aide est demandée. / 2. Les demandes d’aide sont accompagnées des pièces justificatives indiquant : / () d) les dépenses engagées au titre du programme opérationnel () « . Aux termes de l’article D. 664-14 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur :  » Les organisations de producteurs et associations d’organisations de producteurs adressent leurs demandes d’aide financière communautaire au directeur général de FranceAgriMer dans les conditions et délais mentionnés à l’article 9 du règlement d’exécution (UE) n° 2017/892 () « .

8. Aux termes de l’article 36 du règlement (UE) n° 1308/2013 précité :  » () 2. Chaque État membre établit une stratégie nationale pour les programmes opérationnels à caractère durable sur le marché des fruits et légumes () « . Aux termes de l’article D. 664-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige :  » Le ministre chargé de l’agriculture adopte la structure générale et le contenu global de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes mentionnée au 2 de l’article 36 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (). La stratégie peut être consultée sur le site du ministère de l’agriculture et de la pêche et de l’établissement public créé en application de l’article L. 621-1, compétent en matière de fruits et légumes. « . Une annexe W est jointe à la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes. Tout comme la stratégie nationale, l’annexe W, qui constitue un référentiel et fait l’objet d’actualisations régulières publiées sur le site internet de FranceAgriMer, est opposable aux organisations de producteurs.

9. Aux termes du point 3.7.2 de l’annexe W précitée :  » L’OP [organisation de producteurs] prend en charge la dépense en remboursant le producteur. Ainsi, le producteur doit s’acquitter de sa facture avant que l’OP ne règle le paiement de la demande de prise en charge, sauf cas dûment justifiés. Ce paiement (par l’OP) doit avoir lieu avant le 15 février de l’année suivant le fonds et le débit effectif du compte de l’OP doit également avoir été réalisé à cette date. Pour les coopératives, le mouvement du compte coopérateur vaut débit « . Le respect de cette date constitue une garantie pour le producteur.

10. Il résulte de ce qui précède qu’une union de coopératives agricoles reconnue comme organisation de producteurs est, en cette qualité, seule responsable vis-à-vis de FranceAgriMer pour déposer une demande d’aide européenne ou de solde au titre du fonds opérationnel constitué en vue de la mise en œuvre de son programme opérationnel, et pour s’assurer de la bonne exécution des dépenses, conformément aux dispositions qui viennent d’être rappelées. Il s’ensuit qu’alors même que cette union de coopératives agricoles n’a, en principe, pas de lien juridique direct avec les producteurs membres des coopératives adhérentes de l’union, elle est, en tant qu’organisation de producteurs, et sauf dans l’hypothèse où ces coopératives seraient elles-mêmes reconnues comme organisations de producteurs, seule responsable du remboursement à ces producteurs – au plus tard, le 15 février de l’année suivant le fonds opérationnel – du montant pris en charge par le fonds des factures qu’ils ont préalablement acquittées.

S’agissant de la contestation de la réfaction de 260 208,89 euros :

11. D’une part, il résulte du principe énoncé au point précédent qu’au sens des dispositions du point 3.7.2 de l’annexe W, applicables au litige, doivent seules être regardées comme productrices la société civile d’exploitation agricole (SCEA)  » Domaine de Fontorbe  » et la SCEA  » Les Vergers d’Ambres « , dès lors qu’elles se sont acquittées des factures en cause dans la présente instance avant d’en demander la prise en charge au titre du fonds opérationnel 2019. En revanche, la société coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées « , qui n’a donc pas supporté ces dépenses, ne saurait, dans le présent litige, être considérée comme un producteur pour l’application des dispositions précitées. Enfin, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , en tant qu’organisation de producteurs reconnue par arrêté ministériel, était seule garante du remboursement aux productrices susmentionnées, dans les délais réglementaires, des sommes par elles avancées, nonobstant la circonstance qu’elles sont membres de la coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées « .

12. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que les deux SCEA citées au point précédent ont sollicité le remboursement, par le fonds opérationnel 2019 géré par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , de factures pour un montant total de 260 208,89 euros, correspondant à des dépenses éligibles au titre du programme opérationnel, et datées des 18 et 19 décembre 2019. Or, il est constant que ces deux sociétés productrices n’ont été payées que les 27 et 28 avril 2020, soit après le 15 février de l’année suivant le fonds, en méconnaissance des dispositions précitées de l’annexe W. Par suite, la directrice de FranceAgriMer était fondée, pour ce seul motif, à déduire le montant pris en charge des factures tardivement payées de celui des dépenses admissibles servant à calculer l’aide accordée à l’organisation de producteurs UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , sans que la requérante ne puisse utilement faire valoir qu’elle a versé les sommes en litige à la coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées  » avant le 15 février 2020, dès lors que cette coopérative n’est pas, dans le présent litige, un producteur au sens des dispositions précitées du point 3.7.2 de l’annexe W, ni que ce retard est imputable à cette coopérative , dès lors que cette dernière n’est pas une organisation de producteurs. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la directrice de FranceAgriMer a entaché ses décisions d’une erreur de droit en lui faisant application de ces dispositions.

En ce qui concerne la pénalité infligée :

13. Aux termes de l’article 61 du règlement délégué (UE) 2017/891 :  » 1. Les paiements sont calculés sur la base des actions admissibles. / 2. L’État membre examine la demande d’aide reçue et établit les montants admissibles au bénéfice de l’aide. Il détermine le montant qui : / a) serait payable au bénéficiaire sur la seule base de la demande ; / b) est payable au bénéficiaire après examen de l’admissibilité de la demande. / 3. Si le montant établi conformément au paragraphe 2, point a), dépasse de plus de 3 % le montant établi conformément au paragraphe 2, point b), une pénalité est appliquée. Le montant de la pénalité correspond à la différence entre les montants calculés conformément au paragraphe 2, points a) et b). Toutefois, aucune pénalité n’est appliquée si l’organisation de producteurs est en mesure de démontrer qu’elle n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible. 4. Les paragraphes 2 et 3 s’appliquent mutatis mutandis aux dépenses non admissibles relevées lors des contrôles sur place () « .

14. Il résulte de l’instruction que, compte tenu des réfactions opérées par FranceAgriMer et non contestées par la requérante, d’une part, et des énonciations du présent jugement qui valide la réfaction d’un montant de 260 208,89 euros, d’autre part, le montant de l’aide recevable par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » au titre du fonds opérationnel 2019 s’élève à 4 499 003,10 euros, soit 203 272,64 euros de moins que l’aide sollicitée, qui s’élevait à 4 702 275,74 euros. Le montant de l’aide demandée par l’organisation de producteurs excède donc de 4,5 % le montant de l’aide recevable. Dès lors que le dépassement est supérieur à 3 %, une pénalité égale à la différence entre le montant de l’aide demandée et le montant payable était donc encourue en application des dispositions citées au point précédent. En outre, l’UCA étant, en sa qualité d’organisation de producteurs, garante vis-à-vis de FranceAgriMer du paiement des aides aux producteurs dans les délais prescrits, elle doit être regardée comme responsable de la prise en compte du montant non admissible. Par suite, la directrice générale de FranceAgriMer était fondée à appliquer à l’UCA la pénalité contestée, qui est justifiée tant dans son principe que dans son montant. Le moyen tiré de ce qu’aucune sanction n’était encourue doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions attaquées en tant qu’elles appliquent une réfaction de 260 208,89 euros et en tant qu’elles fixent une pénalité de 203 272,64 euros. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale  » est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale  » et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

COOPERATIVE AGRICOLE ET ASSOCIE COOPERATEUR : LES COMPTES ENTRE LES PARTIES

L’EARL des Fougères a adhéré le 13 octobre 2000 à la société coopérative agricole Coopagri, aux droits de laquelle est venue la société Triskalia.

Par acte du 16 avril 2012, l’EARL s’est engagée à apurer le solde débiteur de son compte courant d’adhérente, arrêté au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros, en cédant à la société Triskalia la créance qu’elle détenait sur la coopérative laitière Colarena, à due concurrence de 200 euros par mois à compter de ses apports de lait d’avril 2012 puis de 600 euros par mois à compter d’avril 2013.

Prétendant que le solde débiteur arrêté au 30 novembre 2011 n’avait pas été entièrement apuré en dépit de la cession de créance et que la poursuite des relations avec l’EARL des Fougères, transformée en GAEC S&C Filatre (le GAEC), avait engendré de nouveaux impayés en dépit d’une mise en demeure du 22 juin 2017, la société Triskalia l’a, par acte du 2 mai 2018, fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Vannes.

Estimant que l’action en paiement de la créance cédée ne pouvait être dirigée contre le GAEC qui ne garantissait pas la solvabilité du débiteur cédé, le premier juge a, par jugement du 16 décembre 2019 :

déclaré irrecevable l’action en paiement de la société Triskalia à l’encontre du GAEC et portant sur la créance cédée au titre de l’acte du 16 avril 2012,

condamné le GAEC à payer à la société Triskalia la somme de 1 240,64 euros au titre du solde débiteur du compte courant d’adhérent hors cession de créance,

dit que cette somme est augmentée des intérêts contractuels au taux de 9,60 % l’an à compter du 1er mars 2018,

sursis à l’exécution des poursuites et autorisé le débiteur à se libérer de sa dette au terme d’un délai de 24 mois,

dit que, pour l’intégralité de cette période, les sommes dues produiront intérêts au taux légal non majoré,

rappelé que la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier pendant ce délai,

dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens seront supportés par moitié par la société Triskalia et le GAEC,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Triskalia a relevé appel de cette décision par déclaration du 3 février 2020.

Le 20 mai 2020, l’EARL Ferme de Nonguais (l’EARL) est intervenue à l’instance d’appel, en déclarant se trouver aux droits du GAEC.

Le 24 mai 2022, la société coopérative agricole Eureden (la société Eureden) est quant à elle intervenue à l’instance d’appel, en déclarant se trouver aux droits de la société Triskalia par suite d’une opération de fusion à effet au 1er janvier 2020, sans toutefois former elle-même de demandes et sans que l’EARL ne conclut contre la société Eureden.

Par arrêt du 27 janvier 2023, la cour a :

ordonné la réouverture des débats, avec révocation de l’ordonnance de clôture,

invité la société Eureden et l’EARL à tirer les conséquences, dans leurs prétentions respectives, de la perte de personnalité morale de la société Triskalia,

fixé la date de la nouvelle ordonnance de clôture à la conférence du 23 février 2023,

dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du jeudi 2 mars 2023.

Faisant valoir que la créance de l’EARL sur la société Colarena n’avait été cédée qu’à concurrence des sommes dues par cette dernière et que, du fait de ce que le GAEC avait cessé de lui livrer sa production laitière, elle serait en droit d’agir contre l’EARL en règlement du solde du compte arrêté le 30 novembre 2011 quand bien même celle-ci ne garantirait pas la solvabilité du débiteur cédé, la société Eureden a alors demandé à la cour de :

infirmer le jugement attaqué,

condamner l’EARL à lui payer la somme de 14 689,32 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % l’an depuis le 1er mars 2018 sur le principal de 12 999 euros,

débouter l’EARL de toutes ses demandes,

condamner l’EARL au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ayant formé appel incident pour soutenir que la totalité de la créance, en ce inclus sa fraction née de la poursuite des relations postérieurement au 30 novembre 2011, serait prescrite, l’EARL a quant à elle demandé à la cour de :

déclarer irrecevable l’action en paiement de la société Eureden à son encontre,

en conséquence, débouter la société Eureden de ses demandes,

à titre subsidiaire, accorder un moratoire de 24 mois et, à défaut, un échelonnement de sa dette sur 24 mois,

en tout état de cause, débouter la société Eureden de ses demandes,

condamner la société Eureden à lui régler une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée, ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Eureden le 27 janvier 2023 et pour l’EARL le 24 février 2023, l’ordonnance de clôture prononcée le 23 février 2023 ayant été révoquée et une nouvelle l’ordonnance de clôture ayant été rendue à l’audience du 2 mars 2023, avant l’ouverture des débats.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur le solde du compte précontentieux

Par acte dénommé ‘autorisation de règlement cession de créance’ en date du 16 avril 2012, l’EARL des Fougères, sociétaire de la coopérative Triskalia, s’est engagée à désintéresser cette dernière de sa créance par le versement d’acomptes de 200 euros par mois à compter d’avril 2012 puis de 600 euros par mois à compter d’avril 2013 jusqu’à parfait paiement, et, pour se faire, a autorisé la société Colarena, à laquelle elle fournissait sa production de lait, à verser directement les sommes mensuelles de 200 euros à compter d’avril 2012 puis de 600 euros à compter d’avril 2013, et ‘a cédé et transporté à Triskalia, à concurrence des sommes qui lui sont dues, la créance qu’elle détient sur Colarena à concurrence de la somme mensuelle de 200 euros à compter de ses apports de lait d’avril 2012 puis de 600 euros à compter de ses apports d’ avril 2013 et ce jusqu’à parfait paiement’.

Cette créance, arrêtée au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros, a été affecté à un compte courant de sociétaire ‘précontentieux’ dont le solde restait, au 31 janvier 2018, débiteur de la somme de 13 355,09 euros, dont 11 980,97 euros en principal.

L’acte du 16 avril 2012 ne peut s’analyser en une délégation de paiement, et moins encore en une simple indication de paiement, puisqu’il emporte explicitement cession de la créance d’apports de lait détenue par l’EARL sur la société Colarena, avec subrogation de la société cessionnaire dans les droits et actions dérivant de cette créance ‘dont Triskalia disposera à compter de ce jour comme d’un droit lui appartenant en toute propriété’.

Il résulte toutefois des termes exprès et non équivoques de l’acte que cette cession portait certes sur les créances d’apports futurs de lait, mais n’était réalisée qu’à concurrence des sommes dues par la société Colarena à l’EARL.

Il s’en évince que, quand bien même l’EARL cédante ne s’était pas engagée à garantir à la coopérative cessionnaire la solvabilité de la débitrice cédée, la société Triskalia, qui n’a acquis la créance de l’EARL à la société Colarena qu’à due concurrence des sommes dues par cette dernière au regard des apports de lait effectivement réalisés, conserve la qualité pour agir en paiement du solde débiteur du compte précontentieux dont les modalités d’apurement convenues n’ont été honorées ni par des versements directs de l’EARL, ni par des règlements de paye de lait de la société Colarena, qui a cessé ses paiements en 2016 du fait qu’elle n’était plus livrée en lait, et non en raison d’une prétendue insolvabilité au demeurant non démontrée.

C’est donc à tort que le premier juge a, au seul motif de l’absence de clause de garantie de solvabilité du débiteur cédé, déclaré l’action exercée par la société Triskalia contre l’EARL en paiement de la créance cédée irrecevable.

L’EARL soutient par ailleurs que l’action de la société Eureden serait aussi irrecevable comme prescrite, plus de cinq ans s’étant écoulés entre l’acte du 16 avril 2012 et l’assignation du 2 mai 2018, et les règlements opérés par la société Colarena jusqu’en 2016 ne pouvant être regardés comme une reconnaissance du droit du créancier par le débiteur interruptive de prescription puisqu’ils émanent d’un tiers.

La société Eureden fait cependant à juste titre observer qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.

Il en résulte que, les modalités d’apurement de la dette convenues par l’acte du 16 avril 2012 ayant été honorées jusque courant 2016, l’assignation du 2 mai 2018 a bien été délivrée avant l’expiration du délai de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.

Au surplus, le créancier se trouvait dans l’impossibilité d’agir tant que l’échéancier de remboursement de la dette contractuellement convenu était respecté par les règlements du débiteur cédé, de sorte que, conformément à l’article 2234 du code civil, le délai de prescription n’a pu courir avant 2016.

L’action de la société Eureden est donc en tous points recevable.

D’autre part, si, comme le relève l’EARL, l’acte du 16 avril 2012 n’arrête pas le montant de la créance dont il échelonnait le paiement, celle-ci a été isolée dans un compte spécial ‘précontentieux’ et arrêtée au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros.

Or, l’adhésion à la coopérative agricole emporte, pour le sociétaire, engagement de se conformer à ses statuts et à son règlement intérieur, impliquant notamment l’acceptation des modalités de fonctionnement des comptes courants d’associés dénommés ‘comptes coopérateurs’ et l’établissement de relevés de compte adressés mensuellement à chaque sociétaire pour notification des sommes dues par lui à la coopérative , sur lesquels figurent au débit et au crédit les opérations réalisées pour chaque activité pendant une période déterminée entre la coopérative et le sociétaire.

Il ressort également de l’article 7-9 des statuts qu’en cas de non-paiement d’un solde débiteur à la date d’exigibilité figurant sur l’un quelconque des relevés de compte mensuels adressés à l’associé coopérateur , il serait appliqué des intérêts de retard mensuels sur les sommes dues en principal, à un taux plein de 0,8 % par mois (soit 9,6 % par an) se substituant au taux minoré à l’issue d’une période de deux mois débutant à compter du premier jour du mois suivant celui où tout débit en principal est comptabilisé.

À cet égard, la société Triskalia produit les relevés du compte de l’EARL sur lequel a été affecté la créance arrêtée au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros, faisant apparaître les intérêts statutaires facturés périodiquement à l’EARL ainsi que les règlements effectués par la société Colarena.

Ces relevés n’ont jamais été contestés par l’EARL, laquelle ne suggère à présent qu’en termes généraux et non étayés par une offre de preuves que les comptes de la coopérative seraient confus et imprécis.

Il convient par conséquent, après réformation du jugement attaqué, de condamner l’EARL à payer à la société Eureden, au titre de du solde du compte précontentieux, la somme de 13 355,09 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 11 980,97 euros à compter du 1er mars 2018.

Sur le solde du compte d’activités générales

La société Eureden soutient par ailleurs que le compte d’activités générales de l’EARL présentait, du fait de la poursuite des relations du sociétaire avec la coopérative , un solde débiteur de 1 240,64 euros arrêté au 31 janvier 2018.

Au titre de son appel incident, l’EARL soutient que l’action en paiement de cette créance serait prescrite, celle-ci ne s’étant plus approvisionnée auprès de la société Triskalia ‘de longue date’.

Il ressort cependant du compte d’activité générale produit et des factures incluses dans la production de cette pièce n° 7 qu’une prestation de conseil ‘Agro Planiterre’ a été facturée le 30 juin 2015 pour un montant de 862,80 euros TTC exigible le 28 juillet 2015, qu’une prestation de déclaration PAC a été facturée le 31 juillet 2015 pour un montant de 120 euros TTC exigible le 25 août 2015, et qu’une prestation de laboratoire a été facturée le 31 août 2015 pour un montant de 139,20 euros TTC exigible le 25 septembre 2015, si bien que, compte tenu des intérêts statutaires de retard et de la déduction d’un avoir, le compte était débiteur d’une somme de 1 240,64 euros, dont 1 018,03 euros en principal, au 31 janvier 2018.

Il s’en évince que le délai de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, courant à compter de la date d’exigibilité de ces factures, n’était pas expiré au jour de l’assignation du 2 mai 2018.

L’action en paiement du solde de ce compte est donc recevable.

Dès lors, l’EARL, qui n’a jamais contesté les relevés de ce compte et était, comme précédemment souligné, statutairement tenue de s’acquitter du solde débiteur de celui-ci, sera condamnée au paiement de la somme de 1 240,64 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 1 018,03 euros à compter du 1er mars 2018.

Sur le délai de grâce

Il n’y a pas matière à accorder un délai de grâce à l’EARL, laquelle a déjà bénéficié des larges délais de la procédure pour s’acquitter d’une dette à présent ancienne.

Le jugement attaqué sera donc également réformé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société Eureden l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’EARL, qui succombe, supportera seule les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Vannes, sauf en ce qu’il a condamné le GAEC S & C Filatre au paiement de la somme de 1 240,64 euros au titre du solde débiteur du compte d’activités générales ;

Déclare l’action en paiement du solde du compte précontentieux recevable ;

Condamne à ce titre l’EARL Ferme de Nonguais à payer à la société Eureden la somme de 13 355,09 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 11 980,97 euros à compter du 1er mars 2018 ;

Déclare l’action en paiement du solde du compte d’activités générales recevable ;

Condamne à ce titre l’EARL Ferme de Nonguais à payer à la société Eureden la somme de 1 240,64 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 1 018,03 euros à compter du 1er mars 2018 ;

Condamne l’EARL Ferme de Nonguais à payer à la société Eureden la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’EARL Ferme de Nonguais aux dépens de première instance et d’appel ;

Cour d’appel Rennes 2e chambre du 12 Mai 2023
RG : 20/00811

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