EXPOSE DU LITIGE
La société coopérative agricole « LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» effectue pour le compte de ses associés coopérateurs les opérations de stockage, d’assemblage, de vieillissement, d’embouteillage et de commercialisation des récoltes.
L’E.A.R.L [Adresse 5] est adhérente de la coopérative depuis 2014.
Le 29 septembre 2019 elle a notifié au président du directoire de la Société LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ sa volonté de ne pas renouveler son engagement quinquennal avec interdiction d’utiliser la marque «[Localité 4]» à compter du 1er janvier 2020.
La coopérative LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ a considéré que cette demande de retrait était irrégulière, qu’elle était en conséquence de nul effet et emportait de fait la tacite reconduction de l’engagement quinquennal de l’E.A.R.L. [Adresse 5].
Cependant, l’E.A.R.L. [Localité 4] a refusé d’apporter à la coopérative sa récolte 2019, malgré une mise en demeure.
Du fait de cette absence d’apport, la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» a notifié, le 16 décembre 2019, à l’E.A.R.L. [Adresse 5] la décision de son Conseil de Surveillance de retenir à son endroit le paiement d’une participation aux frais fixes d’un montant de 385 048,09 € TTC.
Le Conseil de Surveillance a par ailleurs sollicité auprès de l’E.A.R.L. [Localité 4] le paiement de diverses indemnités :
– 73 659,62 € HT au titre du stock de matières sèches spécifiquement réservé à la production du «[Localité 4]»,
– 113 492 € HT au titre du montant des commissions dues aux divers agents et VRP sur la commercialisation des vins de l’E.A.R.L. [Adresse 5],
– 10 790 € HT au titre du déclassement des vins rouges de la récolte 2018, initialement prévus pour la commercialisation en 2020.
Devant le refus de l’E.A.R.L. [Localité 4] de payer une quelconque somme, la coopérative l’a fait assigner en paiement devant le juge des référés du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN, ainsi qu’en désignation d’un expert aux fins d’évaluer le préjudice économique qu’elle aurait subi.
Par ordonnance du 16 septembre 2020, le juge des référés a condamné l’E.A.R.L. [Adresse 5] à payer à la coopérative la somme provisionnelle de 366 133,61 € et a ordonné une expertise.
Sur appel de la défenderesse, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a, par arrêt du 16 décembre 2021, confirmé la décision déférée en ce qui concerne l’organisation d’une expertise et l’a réformée pour le surplus.
L’expert a déposé son rapport le 8 mars 2022.
Par acte d’huissier du 2 mars 2022, la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» a fait assigner de l’E.A.R.L. [Adresse 5] aux fins de :
– Voir dire et juger que de l’E.A.R.L. [Localité 4] n’a pas respecté son engagement d’apporter sa récolte 2019, suite à sa décision de retrait,
– Condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] au paiement de la somme de 402 996,96 € TTC au titre de la participation aux frais fixes retenue pour le défaut d’apport de la récolte 2019, avec triplement du taux légal des intérêts de retard,
– Condamner l’E.A.R.L. [Localité 4] au paiement de la somme de 206 331,36 € au titre du préjudice économique direct subi, assortie des intérêts au taux légal x 3 à compter du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,
– Dire et juger que le retrait de l’E.A.R.L. [Adresse 5] est irrégulier et de nul effet et emporte de facto la tacite reconduction de son engagement quinquennal auprès de la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»,
En conséquence,
– Condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] à remettre la récolte des années 2020 et 2021 à la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» et à défaut à régler la participation aux frais fixes des années 2020 et 2021, assortie des intérêts de retard au taux légal x 3 à compter du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,
– Débouter l’E.A.R.L. [Adresse 5] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner l’E.A.R.L. [Localité 4] à payer à la société « LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, ce compris les frais d’expertise d’un montant de 23 050,39 €.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023, La société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» maintient et précise ses demandes de :
– Voir dire et juger que de l’E.A.R.L. [Adresse 5] n’a pas respecté son engagement d’apporter sa récolte 2019, suite à sa décision de retrait,
– Condamner l’E.A.R.L. [Localité 4] au paiement de la somme de 402 996,96 € TTC au titre de la participation aux frais fixes retenue pour le défaut d’apport de la récolte 2019, avec triplement du taux légal des intérêts de retard,
– Condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] au paiement de la somme de 195 764,97 € au titre du préjudice économique direct subi, assortie des intérêts au taux légal x 3 à compter du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,
o Soit 11 835 € TTC au titre de l’indemnité compensatrice de déclassement des vins de l’E.A.R.L. [Localité 4],
o 47 739,47 € TTC au titre des matières sèches,
o 136 190,40 € TTC au titre du préjudice subi par les VRP
– Dire et juger que le retrait de l’E.A.R.L. [Adresse 5] est irrégulier et de nul effet et emporte de facto la tacite reconduction de son engagement quinquennal auprès de la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»,
En conséquence,
– Condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] à remettre la récolte des années 2020 et 2021 et 2022 à la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» et à défaut à régler la participation aux frais fixes des années 2020, 2021 et 2022, pour un montant de 402 996,96 € par année, assorti des intérêts de retard au taux légal x 3 à compter du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,
– Débouter l’E.A.R.L. [Adresse 5] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Ordonner la compensation des sommes dues par la société« LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à l’E.A.R.L. [Adresse 5] avec les condamnations prononcées à l’encontre de l’E.A.R.L. [Localité 4] au profit de la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»
– Condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] à payer à la société « LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, ce compris les frais d’expertise.
Elle soutient que le retrait de l’E.A.R.L. [Adresse 5] est irrégulier au motif que l’article 11 des statuts impose à tout associé coopérateur désirant ne pas renouveler son engagement de notifier sa décision, par LRAR au moins 3 mois avant la date de fin de cet engagement, au président du Conseil de surveillance ; qu’en l’espèce, la fin du dernier engagement quinquennal de l’E.A.R.L. [Localité 4] expirait le 31 décembre 2019 ; que celle-ci a notifié sa décision de retrait par LRAR du 26 septembre 2019, reçue le 30 septembre 2019 et adressée à Monsieur [Z] [B], président du directoire, ce qui rend cette décision nulle et de nul effet ; que le fait de se retirer 48 heures avant le délai contractuel, en pleine saison de récolte, alors que toutes les ventes sont déjà conclues et toute l’organisation matérielle du traitement des récoltes mises en place, et s’adresser à une personne non habilitée constitue une volonté de nuire.
Elle considère, en tout état de cause que l’E.A.R.L. [Adresse 5] est toujours associée coopérateur de la SCEA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ».
La coopérative fait valoir qu’en tout état de cause l’E.A.R.L. [Adresse 5] avait l’obligation d’apporter sa récolte 2019 en application de l’article 8 des statuts dans la mesure où son engagement quinquennal se termine le 31 décembre et non le 30 septembre, que si le Conseil de surveillance peut décider de ne pas mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes c’est seulement en cas de force majeure, qui n’est pas établi en l’espèce, et pas seulement sur« un juste motif», que l’absence d’apport de sa récolte 2019 à la coopérative pour laquelle ses vins sont des produits phare, constitue donc une faute contractuelle de l’E.A.R.L. [Localité 4].
La coopérative soutient qu’elle a perdu de ce fait plus de 2 millions de chiffre d’affaires, sa crédibilité et des parts de marché dans la mesure où elle a été dans l’impossibilité de proposer une alternative crédible.
Elle chiffre ainsi qu’il suit ses différents préjudices
– Une participation aux frais fixes serait due en application du point 6 de l’article 8 de ses statuts pour un montant de 402 996,96 € TTC,
– Du fait de l’absence d’apport de la récolte 2019, la coopérative se serait trouvée dans l’incapacité d’écouler les stocks de matières sèches spécifiquement réservés à la gamme des vins de l’E.A.R.L. [Adresse 5], il en résulterait un préjudice s’élevait à la somme de 47 739,47 € TTC.
– Le versement d’une indemnité aux agents commerciaux et VRP afin de maintenir leur rémunération dans la mesure où elle a été dans l’incapacité de leur proposer des produits de notoriété identique, pour un montant de 136 190,40 € TTC,
– Une somme de 9 279 € HT, soit 11 254,80 € TTC en indemnisation de l’incapacité dans laquelle elle s’est trouvée de commercialiser le vin rouge 2018 « [Localité 4]» en 2020 devant l’interdiction qui lui a été faite d’utiliser la marque » PAMPELONNE « ,
La SCEA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» fait valoir que les comptes de l’expert doivent être réactualisés en tenant compte le paiement d’une somme de 223 706,60 € correspondant au paiement de trois acomptes sur la récolte 2018 intervenus le 21 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions en réponse n° 2, notifiées par voie électronique le 8 février 2023 l’E.A.R.L. [Adresse 5] demande au tribunal de :
– Débouter la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Déclarer que les conclusions de l’expert judiciaire dans son rapport final du 8 mars 2022 relatives à la détermination de l’impossibilité d’écouler le stock de matières sèches réservées à la gamme de vins de l’E.A.R.L. [Adresse 5] et de l’indemnité compensatrice de déclassement des vins de l’E.A.R.L. [Localité 4] sont nulles,
– Déclarer que l’application par l’expert judiciaire dans son rapport final du 8 mars 2022 du triple du taux d’intérêt légal pour le calcul des intérêts moratoires courant sur les sommes prétendument dues par l’E.A.R.L. [Adresse 5] est nulle et que le taux d’intérêt légal est applicable en l’espèce,
– Déclarer que les compensations opérées par l’expert judiciaire dans son rapport final du 8 mars 2022 sont nulles,
A titre reconventionnel,
– Condamner la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à verser la somme de 21 184 € à l’E.A.R.L. [Adresse 5] en remboursement de ses parts sociales d’activité et de ses parts sociales d’épargne,
– Condamner la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à verser la somme de 68 527 € à l’E.A.R.L. [Adresse 5] en règlement des ristournes au titre des récoltes 2016, 2017 et 2018, assorties d’un intérêt de retard égal à trois fois le taux d’intérêts légal, à compter du 11 juin 2022 et ce, jusqu’à complet paiement, outre la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
– Condamner la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à verser la somme de 63 200,10 € à l’E.A.R.L. [Adresse 5] correspondant au complément de prix sur la récolte 2018, assorties d’un intérêt de retard égal à trois fois le taux d’intérêts légal, à compter du 14 septembre 2020 et ce, jusqu’à complet paiement, outre la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
– Condamner la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à verser la somme de 4 373,45 € à l’E.A.R.L. [Adresse 5] correspondant à l’auto-facturation n° 30/20 du 24 juillet 2020 assorties d’un intérêt de retard égal à trois fois le taux d’intérêts légal, à compter du 14 septembre 2020 et ce, jusqu’à complet paiement, outre la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
– Condamner la «SCA LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à verser la somme de 96 725 € à l’E.A.R.L. [Adresse 5] à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues,
– Condamner la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» au paiement de la somme de 64 298,43 € HT au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner la SCA «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.
L’E.A.R.L. [Adresse 5] soutient que les conclusions de l’expert doivent être partiellement annulées au motif qu’il a entièrement délégué au sapiteur certains éléments de sa mission alors, qu’en application de l’article 233 du Code de procédure civile, il doit remplir personnellement la mission qui lui a été confiée.
Elle soutient ensuite que son retrait de la coopérative est régulier et effectif ; que le document unique récapitulatif qui lui a été remis mentionne que son engagement se renouvellera pour une période de 5 ans au terme de l’année civile 2019 et qu’elle a bien notifié sa décision de retrait pendant la période impartie, soit dans les trois mois précédant l’expiration de l’exercice.
En ce qui concerne la personne à laquelle la décision de retrait devait être adressée, elle fait valoir que cette précision ne saurait être considérée comme une formalité substantielle et que l’erreur dans la désignation de l’organe représentant d’une personne morale ne constitue qu’une irrégularité de forme n’entraînant la nullité de l’acte qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.
Elle soutient que son retrait est valide et que de ce fait elle ne doit plus aucune récolte à la coopérative , pas même celle de 2019 dans la mesure où son engagement de 5 ans s’étant terminé le 31 décembre 2019, a commencé le 1er janvier 2015 ; qu’il était d’apporter cinq récoltes pour cinq exercices consécutifs, que la réservation de la récolte par la coopérative se fait au début de l’année suivant et que la récolte de 2019 n’avait donc pas à être apportée en raison de son retrait au 31 décembre 2019.
A titre subsidiaire, la défenderesse critique le chiffrage des indemnités réclamées par la coopérative . Elle fait valoir que la demande concernant les années 2020 et 2021 est irrecevable car non chiffrée ; que l’indemnité de retrait de 206 361,36 € n’est pas due car elle n’a pas commis de faute ; que les matières sèches ont été en partie utilisées et qu’elle a proposé de les racheter ; que l’expert n’a pas retenu de préjudice pour l’indemnisations des agents commerciaux en l’absence de justificatifs de versements ; qu’elle avait proposé de racheter les vins rouges 2018.
Reconventionnellement, elle demande le remboursement de ses parts sociales qui n’est toujours pas intervenu car en perdant sa qualité d’associé- coopérateur elle a droit au remboursement des parts sociales qu’elle détient dans le capital de la coopérative , le remboursement des ristournes qui lui sont dues dans la mesure où elles ont été votées par l’assemblée générale de la coopérative et que les associés conservent leurs droits à percevoir les ristournes constituées alors qu’ils faisaient encore partie de la coopérative , qui n’ont pas encore été distribuées au jour de leur départ, attribuées au titre des années 2016, 2017 et 2018 que l’expert a évalué à une somme totale de 68 527 € TTC, un complément de prix d’un montant de 63 200,10 € TTC au titre de la récolte 2018 selon décision de l’assemblée générale d’approbation des comptes clos le 31 décembre 2019, une somme de 4 373,45 € TTC au titre du remboursement de 50 % des taxes sur la récolte 2018, ce que la coopérative ne conteste pas.
Elle sollicite par ailleurs l’allocation de dommages-intérêts au motif que la coopérative a manqué à son obligation de bonne foi en niant la réalité de son départ de l’EARL et en appliquant à son encontre des mesures de rétorsion consistant notamment à ne plus régler aucune des sommes qu’elle lui devait, en cherchant à anéantir sa réputation et obérer ses finances, en multipliant les procédures judiciaires inutiles qui ont déjà par deux fois été jugées abusives par le juge de l’exécution, ce qui lui a causé un préjudice moral qu’elle chiffre à 20 000 € et un préjudice matériel s’élevant la somme de 76 725 € dû aux importants frais de conseil qu’elle a exposé pour défendre ses droits face à l’attitude irrationnelle et agressive de la coopérative , soit 41 525 € HT pour les procédures devant le juge de l’exécution et 35 200 HT pour les procédures de référé.
Le juge de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure au 11 janvier 2024.
Le 29 janvier 2024, la société «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» a notifié des conclusions en réplique au fond avec demande de rabat de l’ordonnance de clôture.
Par courrier du 1er février 2024 l’E.A.R.L. [Adresse 5] s’oppose à ce renvoi au motif notamment qu’elle-même a conclu dès le 8 février 2023.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 4 juillet 2024. A cette audience, à l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 11 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Observations à titre liminaire
A titre liminaire, Il sera rappelé qu’il sera fait application des dispositions de l’article 768 du Code de procédure civile pour considérer demandes formulées, celui-ci prévoyant en son alinéa 2 que « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. ».
A cet égard, il sera répondu exclusivement aux demandes formulées dans le dispositif des conclusions des parties, demandes relevant de l’office juridictionnel du Juge au sens de la loi, soit les demandes déterminées, actuelles et certaines.
Sur le rabat de l’ordonnance de clôture
L’article 802 du Code de procédure civile dispose que «après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut plus être déposée ni aucune pièce produite aux débats…».
Selon les dispositions de l’article 803 du même code « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue….».
En l’espèce, les dernières conclusions de l’E.U.R.L. [Localité 4] ont été notifiées le 8 février 2023 et la demanderesse a répliqué le 6 décembre 2023, soit avant la date de la clôture fixée au 11 janvier 2024.
La coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» a notifié de nouvelles conclusions le 29 janvier 2024.
Elle fait valoir qu’elle souhaitait de nouveau conclure, mais ne justifie, ni même n’allègue aucune cause grave permettant d’ordonner la révocation de l’ordonnance ayant mis fin à la procédure.
Cette demande sera en conséquence rejetée.
I – LES DEMANDES DE LA COOPERATIVE «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»
Sur la validité de la décision de retrait du 26 septembre 2019 et la demande d’apport des récoltes 2020, 2021 et 2022
L’article 8-4. des statuts de la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ», mis à jour à la suite de l’Assemblée Générale Extraordinaire du 14 juin 2019, prévoit que «la durée initiale de l’engagement est fixée à cinq exercices consécutifs à compter de l’expiration de l’exercice en cours à la date à laquelle il a été pris…».
Selon leur article 8-5. «A l’expiration de cette durée, comme à l’expiration des reconductions postérieures, si l’associé coopérateur n’a pas notifié sa volonté de se retirer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, trois mois au moins avant l’expiration du dernier exercice de la période d’engagement concernée, l’engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de cinq ans. Les effets de la dénonciation sont réglés par l’article 13».
Quant à l’article 11-3, il dispose que «la décision de retrait en fin de période d’engagement doit être notifiée, sous peine de forclusion, trois mois au moins avant la date d’expiration de cet engagement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président du conseil de surveillance, qui en donne acte».
Le «document unique récapitulatif» à l’en tête de la coopérative , versé aux débats par la défenderesse stipule quant à lui au paragraphe «durée de l’engagement »: «… compte-tenu de votre adhésion à la constitution de la coopérative en 1986, de la période d’engagement initial de 3 ans, portée à 5 ans au cours de l’assemblée générale extraordinaire du 14 décembre 2004, votre engagement se renouvellera pour une période de 5 ans au terme de l’année civile 2019».
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date 26 septembre 2019, distribué le 30 septembre suivant, adressé à M. [Z] [B], président du Directoire de la coopérative , l’EARL [Adresse 5] informait celle-ci de sa décision de se retirer de la coopérative au 31 décembre 2019 et du fait qu’elle résiliait le contrat de la marque exclusive Pampelonne à cette même date.
Il n’est pas contesté que la décision de retrait de la coopérative a été notifiée par la demanderesse à cette dernière, trois mois avant l’expiration du dernier exercice de sa dernière période d’engagement, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, respectant en cela les dispositions de l’article 11-3 des statuts précités.
Cependant, dans la mesure où cette décision a été envoyée au président du directoire et non à la présidente du conseil de surveillance, la coopérative prétend qu’elle est sans effet.
Toutefois, il est de jurisprudence constante que l’erreur dans la désignation du représentant d’une personne morale habilitée à recevoir une notification ne constitue qu’une irrégularité pour vice de forme et ne peut priver cette notification de ses effets que si celui qui l’invoque prouve que cette irrégularité lui cause un grief.
En l’espèce, la coopérative n’établit, ni même ne prétend qu’elle a ainsi subi un grief du fait de cette erreur.
Or, les formes requises pour la notification du retrait d’un coopérateur visent nécessairement à l’information en temps utile, de l’organe dirigeant de la coopérative , de cette décision.
En l’espèce, outre que le directoire a pour rôle la gestion et l’administration de l’entreprise et qu’il est de ce fait au plus près du fonctionnement de l’entreprise, il ressort d’un courriel adressé par la dirigeante de l’EARL [Localité 4], le 4 octobre 2019, à [Z] [W], membre du directoire de la coopérative , avec notamment copie à la présidente du conseil de surveillance, qu’un entretien avec les dirigeants de la coopérative a eu lieu dès le 1er octobre 2019 concernant son retrait et la récolte 2019.
De ce fait, la coopérative , qui a été très rapidement informée de la décision de la défenderesse ne justifie pas d’un grief, et ne peut prétendre, de ce fait, à l’absence d’effet de la décision de retrait du 26 septembre 2019.
La décision de retrait notifiée par l’E.A.R.L. [Adresse 5] à la coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» sera, en conséquence considérée comme régulière.
De ce fait, il apparaît que l’E.A.R.L. [Adresse 5] n’est plus associée de la coopérative depuis le 31 décembre 2019.
En conséquence, il convient de débouter la coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de sa demande de voir condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] à lui remettre ses récoltes 2020, 2021 et 2022.
Sur l’obligation de l’E.A.R.L. [Localité 4] d’apporter sa récolte 2019 à la coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»
Par contrat du 15 juin 2014, l’E.U.R. L. [Adresse 5] a repris l’exploitation viticole de [L] [F] ainsi que les parts sociales de la coopérative dont celui-ci était propriétaire.
Le conseil d’administration de la coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» a approuvé la cession des parts sociale le 24 juin 2014 et il a été remis à sa dirigeante un » document unique récapitulatif » fixant la fin de son engagement renouvelable » au terme de l’année civile 2019 « .
Il a été rappelé ci-dessus que la durée initiale de l’engagement est fixée à cinq exercices consécutifs, renouvelable par tacite reconduction et qu’à chaque fin de période le coopérateur peut décider de se retirer de la coopérative dans les conditions et formes prévues à l’article 11.3 précité.
En l’absence de précision dans les statuts et les différents documents produits par la coopérative quant au nombre de récolte devant être cédées à la coopérative au cours d’un engagement quinquennal et du sort de la récolte de l’année du retrait, il doit être considéré qu’un coopérateur est tenu d’apporter cinq récoltes pendant cette période de cinq ans.
Au titre de cet engagement de 2014 à 2019, l’E.U.R. L. [Adresse 5] a apporté cinq récoltes à la coopérative :
– – La récolte 2014 en exécution de la réservation faite par la coopérative le 12 février 2015,
– La récolte 2015 en exécution de la réservation faite par la coopérative le 1er février 2016,
– La récolte 2016 en exécution de la réservation faite par la coopérative le 19 février 2017,
– La récolte 2017 en exécution de la réservation faite par la coopérative le 15 janvier 2018,
– La récolte 2018 en exécution de la réservation faite par la coopérative le 14 janvier 2019.
Il apparaît, en conséquence que l’E.U.R. L. [Localité 4] a rempli son engagement.
En effet, prétendre que l’E.U.R.L. [Adresse 5] devait apporter la récolte 2019, c’est prétendre que pour un engagement portant sur cinq exercices, elle devrait apporter six récoltes, ce qui n’est pas prévu et contraire aux statuts.
Par ailleurs, il apparait au vu des différents documents produits que, chaque année, la coopérative réserve auprès de chaque coopérateur la quantité de vin qu’elle souhaite acquérir. Au vu de la notification de cette réservation au coopérateur , celui-ci a alors l’obligation de la lui transférer.
La coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»ne saurait valablement soutenir que la récolte 2019 lui est due dans la mesure où elle a réservé cette récolte en 2019 et que de ce fait, conformément au règlement intérieur, la défenderesse avait l’obligation de la lui transférer.
En effet, il est établi par l’E.U.R.L. [Adresse 5] et non contesté que, depuis 1986, chaque année, la récolte a été cédée à la coopérative l’année suivante et plus précisément depuis 2014, comme mentionné ci-dessus, les réservations se sont faites en janvier ou février de l’année suivant la récolte.
Le fait qu’en 2019 la réservation de la récolte de cette année-là ait été exceptionnellement effectuée en décembre 2019, contrairement au fonctionnement habituel de la coopérative et, en conséquence, de nature à assurer le transfert de propriété cette même année, ne peut donc s’analyser que comme une manœuvre destinée artificiellement à contraindre la défenderesse à lui transférer cette récolte.
Or, il apparaît de toute évidence que le transfert de la récolte de l’année de retrait ne correspond ni à l’esprit ni à la lettre des statuts.
En effet, les statuts consacrent le principe selon lequel, au terme de son engagement quinquennal, un coopérateur peut choisir de reprendre sa complète liberté et indépendance, en se retirant de la coopérative .
Dans la mesure où, dans le cadre de cet engagement, le vin issu d’une récolte n’appartient plus au coopérateur à partir de la notification de sa réservation par la coopérative et que celle-ci a alors, seule, le droit de décision et de contrôle quant au suivi du vin, à son embouteillage, son stockage et sa commercialisation, imposer au coopérateur de remettre à la coopérative la récolte de l’année du retrait, c’est le priver de toute indépendance économique et technique sur l’année correspondant à cette récolte et sur l’année suivante, ce qui est antinomique avec le principe ci-dessus rappelé.
En l’espèce, les conséquences de cette remise sur l’entreprise concernée pourraient être aggravées du fait des nombreux problèmes de suivi de ses vins dont elle se plaint depuis plusieurs années et en raison des relations très conflictuelles entre les parties.
Pour tous les motifs ci-dessus énoncés, il ne peut être considéré, faute de précision contraire dans les documents contractuels, que le coopérateur qui se retire de la coopérative est tenu d’apporter la production qu’il a récoltée l’année de ce retrait.
Il convient, en conséquence, de dire que l’engagement quinquennal de l’E.U.R.L. [Localité 4] ayant débuté en 2014 pour se terminer en 2019 n’emportait pas l’obligation d’apporter à la coopérative la récolte 2019 et il convient de débouter la coopérative de sa demande en ce sens.
Sur les demandes visant à voir déclarer nulles certaines conclusions de l’expert judiciaire
L’E.U.R.L. [Adresse 5] demande au tribunal de :
– Déclarer que les conclusions de l’expert judiciaire dans son rapport final du 8 mars 2022 relatives à la détermination de l’impossibilité d’écouler le stock de matières sèches réservées à la gamme de vins de l’E.A.R.L. [Localité 4] et de l’indemnité compensatrice de déclassement des vins de l’E.A.R.L. [Adresse 5] sont nulles,
– Déclarer que l’application par l’expert judiciaire dans son rapport final du 8 mars 2022 du triple du taux d’intérêt légal pour le calcul des intérêts moratoires courant sur les sommes prétendument dues par l’E.A.R.L. [Localité 4] est nulle et que le taux d’intérêt légal est applicable en l’espèce,
– Déclarer que les compensations opérées par l’expert judiciaire dans son rapport final du 8 mars 2022 sont nulles.
Ces demandes ne peuvent être considérées que comme des moyens et non des prétentions sur lesquelles le juge doit se prononcer au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Il n’y a donc pas lieu à statuer sur ces demandes en tant que telles. Il en sera seulement tenu compte dans la résolution du litige opposant les parties.
Sur les demandes d’indemnisation de la coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»
En refusant d’apporter sa récolte 2019, l’E.U.R.L. [Adresse 5] n’a pas commis de faute. En conséquence la coopérative «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» sera déboutée de sa demande de voir condamner la défenderesse à lui verser la somme de 402.996,96 € au titre de la participation aux frais fixes de la coopérative prévue aux statuts en cas de retrait irrégulier.
De même, elle sera déboutée de sa demande d’indemnisation au titre des matières sèches au motif qu’une partie de ces matières a été utilisée par elle et surtout qu’elle ne peut reprocher à l’E.U.R.L. [Adresse 5] une mauvaise gestion du stock qui lui incombe, le retrait de cette dernière devant être pris en compte et même anticipé.
En ce qui concerne l’indemnisation du préjudice qu’aurait subi les VRP, il ne peut davantage être mis à la charge de l’E.U.R.L. [Localité 4] en raison d’une absence de comportement fautif de l’EURL, précision étant faite que l’expert n’a pas trouvé trace d’indemnités qui leur auraient été versées contrairement à ce que prétend la coopérative .
Par ailleurs, la coopérative demande l’allocation d’une somme de 11 835 € au motif que, compte-tenu de l’interdiction faite par la défenderesse d’utiliser la marque« Pampelonne» à partir du 1er janvier 2020, elle était dans l’impossibilité de commercialiser le vin rouge 2018 produit par cette dernière.
Cependant le procès-verbal du conseil de surveillance du 25 novembre 2019 établit que l’E.U.R.L. [Adresse 5] avait proposé de reprendre ce vin. La coopérative ne démontre pas que cette proposition n’a pu être suivie d’effet du fait de la défenderesse.
Elle ne peut en conséquence se plaindre d’un préjudice et sera déboutée de cette demande.
II – LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE L’E.U.R.L. [Localité 4]
Sur la demande de remboursement des parts sociales de la coopérative détenues par l’E.U.R.L. [Adresse 5]
L’E.U.R.L. [Localité 4] détient 850 parts sociales d’activité d’une valeur de 13 600 € et 474 parts sociales d’épargne d’une valeur de 7 584 €.
Selon l’article 20.2 des statuts de la coopérative «ces parts sociales donnent lieu également à remboursement en cas de démission du coopérateur à l’expiration normale de sa période d’engagement dans les conditions prévues à l’article 11, paragraphe 3, ci-dessus»
L’article 20.4 prévoit que le remboursement de ces différentes parts s’effectue à leur valeur nominale.
Il apparaît que la coopérative ne s’oppose pas au remboursement de ces parts pour le montant sollicité.
Il sera en conséquence fait droit à cette demande.
Sur la demande de remboursement des ristournes au titre des récoltes 2016, 2017 et 2018
L’article 48-3 des statuts de la coopérative dispose que «la provision pour ristournes éventuelles (est) répartie entre les associés coopérateurs… au prorata des opérations effectuées par chacun d’eux au titre de l’exercice au cours duquel elle a été constituée».
Il apparaît que des ristournes ont été accordées aux coopérateurs pour les récoltes 2016, 2017 et 2018.
Selon le rapport d’expertise, il est dû à ce titre à l’E.U.R.L. [Adresse 5] une somme totale de 57 106 € HT, soit 68 527 € TTC, se décomposant de la façon suivante : 10 264 € HT au titre de la récolte 2016, 27 852 € HT au titre de la récolte 2017 et 18 990 € HT au titre de la récolte 2018.
La coopérative «reconnaît qu'(elle) doit à l’EARL la somme de 67 016 € au titre des ristournes».
Cette somme correspond à sa facture d’auto-facturation du 28 juillet 2020 mais elle ne s’explique pas sur la différence existant avec les conclusions de l’expert et cette dernière mentionne dans son rapport qu’elle n’a pas produit les documents qu’elle sollicitait pour justifier de quantités de vin inférieures alors qu’elle-même s’est rapportée aux bons de réservation.
Dans ces conditions, c’est le calcul opéré par l’expert qui doit être retenu et il sera fait droit à la demande de l’E.U.R.L. [Localité 4] de voir condamner la coopérative à lui payer la somme de 68 527 € TTC en principal.
Par ailleurs, l’assemblée générale de la coopérative a voté ces ristournes lors de l’assemblée générale du 9 juillet 2020 et a prévu leur libération effective avec le règlement du solde de la récolte 2020.
L’assemblée générale du 10 juin 2022 qui a statué sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2021 a rendu ces ristournes exigibles.
En conséquence, la coopérative sera condamnée à payer la somme de 68 527 € TTC avec intérêts égal à trois fois le taux légal conformément à la mention apposée sur sa facture, outre une somme forfaitaire de 40 € au titre des frais de recouvrement, somme également mentionnée sur l’auto-facture.
Sur la demande de paiement du complément de prix et de remboursement de taxes sur la récolte 2018
La coopérative a accordé à l’E.U.R.L. [Adresse 5] un complément de prix sur ses apports en AOP Côte de Provence qu’elle a formalisé par une auto-facture établie le 24 juillet 2020 pour un montant de 61 881,42 € payable 45 jours fin de mois.
A la même date et dans les mêmes conditions, elle a émis une auto-facture de 4 375,45 € pour le remboursement des taxes à hauteur de 50 % sur cette récolte
Ces sommes ne sont pas contestées par la coopérative .
Il convient par ailleurs d’assortir ces sommes d’intérêts égaux à trois fois l’intérêt légal à compter du 30 septembre 2020 et d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 € pour chacune d’elle conformément aux mentions portées sur les auto-factures.
Sur les demandes de réparation de son préjudice moral et économique formée par l’E.U.R.L. [Localité 4]
L’E.U.R.L. [Adresse 5] sollicite l’allocation d’une somme de 20 000 € au titre du préjudice moral et 76 725 € HT au titre de son préjudice économique.
1) Le préjudice moral
Il apparaît que la coopérative , vu le manque de précision des statuts qui lui est toutefois imputable, pouvait être convaincue que la récolte 2019 lui était due et que du fait de l’absence d’apport de cette récolte elle subissait un préjudice.
Cependant, dès le 4 octobre 2019, elle a menacé l’E.U.R.L. [Localité 4] de «procédures violentes» et de contraintes «dont on ne peut même pas estimer la portée.»
Ces menaces vont au-delà d’une simple protection de ses droits.
Par ailleurs, la coopérative a retenu divers paiements dus sur la récolte 2018, ainsi que divers compléments de prix sur les récoltes passées, sans doute pour garantir ce qu’elle considérait comme ses droits ainsi qu’il résulte du courrier de la coopérative du 21 mars 2022 dans lequel elle indique «vous savez être débiteur à notre encontre de sommes bien supérieures» à la demande qui lui était formulée, ce qui n’établit pas en soi une intention de nuire.
Cependant, par ordonnance du 16 septembre 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN a condamné l’E.U.R.L. [Adresse 5] à payer à la coopérative une somme provisionnelle de 396.133,61 € au titre de la participation à ses frais fixes qu’elle sollicitait du fait de l’absence d’apport de la récolte 2019.
Par une autre ordonnance rendue à la même date, le même juge a condamné la coopérative à payer à l’E.U.R.L. [Localité 4] la somme provisionnelle de 211.454,10 €.
La coopérative a notifié le 15 octobre 2020 à l’E.U.R.L. [Adresse 5] l’ordonnance dont elle était bénéficiaire.
Dès le 16 octobre 2020, elle a procédé à une saisie-attribution entre ses propres mains pour une somme de 396.133,61 €.
De son côté, l’E.U.R.L. [Localité 4] entendant procéder au paiement auquel elle avait été condamnée par compensation entre les deux décisions rendues par le juge des référé, ainsi que par compensation avec deux factures dont il a été vu précédemment qu’elles lui étaient bien dues et dont la coopérative ne contestait pas être débitrice : la facture de complément de prix sur la récolte 2018 d’un montant de 63.208,83 € et la facture de 50 % des taxes sur cette récolte pour un montant de 4.374,05 €, a versé à la coopérative , le 28 octobre 2020 le complément par virement, soit la somme de 113.975,75 €.
Par jugement du 27 juillet 2021 le juge de l’exécution a ordonné la main levée de la saisie attribution diligentée le 15 octobre 2020 au motif que cette saisie exécutée dès le lendemain de la signification de l’ordonnance de référé la déclarant créancière d’une somme de 211.454,10 €, sans commandement de payer préalable exposant les sommes précises réclamées, alors même que la coopérative avait souhaité devant le juge des référés une compensation entre les deux ordonnances rendues le même jour et que si les deux factures de 63.208,83 € et 4.374,05 € ne pouvaient bénéficier de la compensation légale, leur existence, qui n’était pas contestée, était indéniablement de nature à justifier l’établissement d’un décompte préalable des sommes dues entre les parties avant toute mesure d’exécution forcée, était abusive.
Par arrêt du 7 décembre 2021, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a infirmé l’ordonnance du 16 septembre 2019 en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la coopérative en raison de contestations sérieuses du caractère fautif du refus de l’E.U.R.L. [Adresse 5] d’apporter sa récolte 2019 et subséquemment de la créance de la coopérative .
Malgré cette décision mettant pourtant à mal ses certitudes sur ses droits, la coopérative n’a versé à la défenderesse, le 21 janvier 2022, que le montant de la condamnation prononcée à son encontre par le juge des référés dans sa seconde ordonnance, soit 211.454,10 €.
L’E.U.R.L. [Localité 4] a donc dû procéder à des saisies-attribution pour recouvrer la somme de 113.975,75 € qui devait lui être remboursée après la décision de la Cour d’Appel.
Cette résistance, qui dépasse la simple sauvegarde de ses droits est abusive.
La coopérative a ensuite fait procéder, le 12 mai 2020, par ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de DRAGUIGNAN, dans les locaux de l’E.U.R.L. [Adresse 5] à la saisie conservatoire de 1 300 hectolitres de vin de la récolte 2019.
Par jugement du 16 juin 2020, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a ordonné la rétraction de l’ordonnance ayant autorisée la saisie motivant ainsi qu’il suit sa décision «en choisissant de pratiquer une saisie rendant indisponible une quantité de 1300 hectolitres sur une récolte de 2184 hectolitres sans avoir tenté au préalable une saisie des avoirs plus liquides comme les comptes bancaires, la société coopérative a fait le choix de réduire fortement l’activité commerciale de l’EARL en lui interdisant de commercialiser une partie de sa récolte dans le but de la sanctionner pour avoir refusé de la livrer…Il ressort de ces éléments que le choix de saisir une grande partie de sa récolte procède d’une volonté de nuire à l’EARL pour l’empêcher de commercialiser elle-même la récolte de 2019 dont la société coopérative agricole affirme qu’elle lui revenait de droit plutôt que d’une volonté de se procurer une garantie pour conserver sa créance. La saisie pratiquée, qui plus est sans justifier d’une menace réelle sur le recouvrement est donc abusive.
La mesure pratiquée qui est intervenue par surcroît à une période de reprise d’activité où il serait nécessaire pour l’EARL de disposer de la totalité de sa récolte pour une commercialisation rapide et dans un but vexatoire et de représailles, a causé à cette société à associé unique un préjudice moral qu’il convient de réparer par l’octroi d’une somme de 10 000 €».
A travers l’ensemble de ces procédures, la coopérative a procédé à un véritable harcèlement de l’EURL qui n’a pas cessé après la décision de la Cour d’Appel qui a pourtant dit que ses prétentions étaient sérieusement contestables, démontrant ainsi une véritable intention de lui nuire, allant bien au-delà de la sauvegarde de ses droits, qui a causé à cette dernière un indiscutable préjudice moral.
De ce fait, il sera fait droit à la demande de l’E.U.R.L. [Localité 4] et il lui sera alloué une somme de 20 000 € en réparation de ce préjudice.
b) Le préjudice économique
L’E.U.R.L. [Adresse 5] soutien que «dès lors que (la juridiction de céans) jugera que (la coopérative ) a violé ses obligations contractuelles à l’encontre de son ancienne associée, le principe de la réparation intégrale du dommage commande d’allouer à l’EARL des dommages-intérêts pour compenser l’entièreté du préjudice qu’elle subit, qui inclut nécessairement les frais de défense qu’elle a été contrainte d’exposer».
Elle sollicite en conséquence une somme de 41.525 € HT pour les procédures devant le juge de l’exécution de DRAGUIGNAN et celle de 35.200 € HT pour les procédures de référé et joint une attestation d’honoraires.
Cependant, ces frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l’article 700 Code de procédure civile, lequel devait donc être sollicité devant chacune des juridictions ayant eu à statuer.
De ce fait, cette demande sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
La société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» qui succombe dans l’ensemble de ses demandes sera condamnée aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
De ce fait elle sera également condamnée à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile que le tribunal fixe à la somme de 50.000 € eu égard à la complexité de la procédure.
La société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» sera, en revanche déboutée de sa demande à ce titre.
Le tribunal, statuant en audience civile, après débats publics, par jugement contradictoire par mise à disposition au greffe, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Rejette la demande de rabat de l’ordonnance de clôture formée par la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ»,
Dit que la décision de retrait notifiée par l’E.A.R.L. [Adresse 5] à la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» le 26 septembre 2019 est régulière,
Dit que l’E.A.R.L. [Adresse 5] n’est plus associée de la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» depuis le 31 décembre 2019,
Déboute la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de sa demande de voir condamner l’E.A.R.L. [Adresse 5] à lui remettre ses récoltes des années 2020, 2021 et 2022,
Déboute la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de sa demande de voir condamner l’E.U.R.L. [Adresse 5] à lui apporter sa récolte de l’année 2019,
Dit qu’il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes de l’E.A.R.L. [Localité 4] visant à voir déclarer nulles certaines conclusions de l’expert judiciaire,
Déboute la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de sa demande de voir condamner l’E.U.R.L. [Adresse 5] à lui verser la somme de 402 996,96 € au titre d’une participation aux frais fixes de la coopérative ,
Déboute la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de sa demande de voir condamner l’E.U.R.L. [Adresse 5] à lui payer la somme de 195 764,97 € au titre d’un préjudice économique,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] la somme de 21 184 € en remboursement de ses parts sociales d’activité et de ses parts sociales d’épargne détenues dans le capital de la coopérative ,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] la somme de 68 527 € en règlement des ristournes qu’elle lui a consenties sur les récoltes 2016, 2017 et 2018, assortie d’intérêts au triple du taux de l’intérêt légal, à compter du 11 juin 2022, outre la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] la somme de 63 200,10 € au titre du complément de prix dû sur la récolte 2018, assortie d’intérêts au triple du taux de l’intérêt légal, à compter du 11 juin 2022, outre la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] la somme de 4 373,45 € au titre de l’auto-facturation n°30/20 du 24 juillet 2020 au titre d’un remboursement de taxes sur la récolte de l’année 2018, assortie d’intérêts au triple du taux de l’intérêt légal, à compter du 11 juin 2022, outre la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,
Déboute l’E.U.R.L. [Localité 4] de sa demande au titre d’un préjudice financier,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» à payer à l’E.U.R.L. [Adresse 5] la somme de 50 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Déboute la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société coopérative agricole «LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT TROPEZ» aux entiers dépens de la présente instance.
Tribunal judiciaire, Draguignan, 1re chambre, 11 Septembre 2024 – n° 22/01623