Catégorie : Bail rural – Bail à ferme Page 1 of 4

Nullité du bail rural : le preneur n’a pas droit à l’indemnité au titre des améliorations apportées au fonds

Cass. 3e civ., 11 juill. 2024, n° 23-11.688, FS-B

Le preneur dont le bail a été annulé peut-il prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds ? Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 11 juillet.

Pour ordonner une expertise judiciaire en vue de l’évaluation de l’éventuelle indemnité due aux preneurs sortants en application de l’article L. 411-69 du Code rural et de la pêche maritime, l’arrêt d’appel, rendu sur renvoi après cassation, retient que, même en cas d’annulation d’un bail rural signé par l’usufruitier sans le consentement du nu-propriétaire, le preneur est recevable à solliciter le bénéfice d’une telle indemnité (Cass. 3e civ., 6 févr. 2020, n° 18-23.457).

Parce qu’il avait constaté la nullité des baux, l’arrêt critiqué est cassé.

Pour le juge de cassation, il résulte de l’article 1304 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l’article L. 411-69, alinéa 1, du Code rural et de la pêche maritime, que le preneur dont le bail a été annulé et est donc censé n’avoir jamais existé ne peut prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds prévue par le second de ces textes.

Il faut retenir que le preneur dont le bail a été annulé ne peut pas prétendre à l’indemnité, prévue à l’article L. 411-69, pour les améliorations apportées au fonds loué par son travail ou ses investissements. Cette indemnité n’est due qu’à l’expiration régulière d’un bail valide, et non en cas de nullité rétroactive du bail. En résumé, la nullité du bail fait obstacle au versement de l’indemnité de sortie pour améliorations, car le bail annulé est censé n’avoir jamais existé juridiquement.

Source : Entreprise agricole > Baux ruraux Date : 18 juillet 2024

BAIL RURAL – Statut du fermage et du métayage – Domaine d’application – Nature et superficie des parcelles – Moment d’appréciation – Date de conclusion du bail ou de renouvellement du bail –

RESUME

En application de l’article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010, le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement
Cassation


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 28 avril 2022), le 31 juillet 1989, [Z] [R] et [W] [F], son épouse, ont consenti à M. [N] un bail rural à long terme pour une durée de dix-huit ans à compter du 1er avril 1989 portant sur diverses parcelles dont l’une a été divisée en six parcelles suivant document d’arpentage établi par un géomètre-expert le 30 novembre 2009.

2. Par acte du 26 mai 2010, un partage est intervenu entre les héritiers de [Z] [R] et [W] [F], et M. [R] s’est vu attribuer une parcelle issue de la division de l’une des parcelles données à bail suivant le document d’arpentage précité.

3. Il a reçu, par acte du 10 septembre 2010, une donation de son frère portant sur deux autres parcelles incluses dans ce document.

4. M. [R] a délivré congé pour les trois parcelles précitées à M. [N] par acte du 28 mars 2019 à effet au 30 septembre 2019, se prévalant du régime des petites parcelles.

5. M. [N] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [N] fait grief à l’arrêt de constater la validité du congé, alors « que des parcelles données à bail ayant une superficie inférieure au seuil maximum fixé par arrêté du préfet du département relèvent du statut du fermage si elles sont issues d’une division du bien loué intervenue depuis moins de neuf ans ; que le statut du fermage demeure applicable jusqu’à l’expiration du bail renouvelé au cours duquel la division du fonds donné à bail est intervenue, de sorte que la condition de délai de neuf ans, qui commence à courir à partir de la date de la division, doit être appréciée à la date du renouvellement de ce bail ; qu’en retenant, pour dire que les parcelles A [Cadastre 3], A [Cadastre 4] et A [Cadastre 5] échappaient partiellement au statut du fermage et valider le congé délivré le 28 mars 2019 pour le 30 septembre 2019, qu’il résultait de l’acte de partage du 10 septembre 2010 que l’ancienne parcelle A n° [Cadastre 2] avait été divisée en six nouvelles parcelles dont les trois parcelles objet du congé, suivant document d’arpentage établi par un géomètre-expert le 30 novembre 2009, de sorte qu’à la date de la délivrance du congé, la condition de neuf ans était remplie, après avoir constaté que le bail s’était tacitement renouvelé 1er avril 2016, ce dont il résultait qu’à cette date, la condition de neuf ans n’était pas remplie, la cour d’appel a violé l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-1 et L. 411-3 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-47 et L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime :

7. Selon le premier de ces textes, le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire.

8. Aux termes du premier alinéa du second texte, après avis de la commission consultative des baux ruraux, des arrêtés de l’autorité administrative fixent, en tenant compte des besoins locaux ou régionaux, la nature et la superficie maximum des parcelles de terres ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d’une exploitation agricole pour lesquelles une dérogation peut être accordée aux dispositions des articles L. 411-4 à L. 411-7, L. 411-8 (alinéa 1), L. 411-11 à L. 411-16 et L. 417-3. La nature et la superficie maximum des parcelles à retenir lors de chaque renouvellement de la location sont celles mentionnées dans l’arrêté en vigueur à cette date.

9. Aux termes du deuxième alinéa de ce second texte, la dérogation prévue au premier alinéa ne s’applique pas aux parcelles ayant fait l’objet d’une division depuis moins de neuf ans.

10. L’indivisibilité du bail cessant à son expiration, dès lors que le bail renouvelé est un nouveau bail, la nature et la superficie des parcelles susceptibles d’échapper aux dispositions d’ordre public relatives au statut du fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé (3e Civ., 1er octobre 2008, pourvoi n° 07-17.959, Bull. 2008, III, n° 142).

11. Il en résulte que le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement.

12. Pour valider le congé, l’arrêt retient que la division s’entend, en l’espèce, du morcellement d’une parcelle par le biais d’une division parcellaire et non d’un simple allotissement dans le cadre d’une procédure de partage, et que l’ancienne parcelle A n° [Cadastre 2] a été divisée en six nouvelles parcelles dont les trois parcelles objets du congé, suivant document d’arpentage établi le 30 novembre 2009, et énonce que, si la division parcellaire est intervenue durant la durée initiale d’exécution du bail, un congé ne peut être donné qu’à l’issue d’un délai de neuf ans à compter du renouvellement de celui-ci, mais que, si la division intervient, alors que le bail a déjà été renouvelé, alors le délai de neuf ans commence à courir à compter de la division parcellaire.

13. Elle en déduit qu’à la date de la délivrance du congé, le 28 mars 2019, la condition de neuf ans qui a commencé à courir avant la fin de l’année 2009 était remplie, dès lors que cette division était intervenue alors que le bail rural était déjà renouvelé, échappant ainsi au principe d’indivisibilité.

14. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le bail en cours s’était renouvelé le 1er avril 2016, soit moins de neuf ans après la division intervenue par acte de partage du 26 mai 2010, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai autrement composée ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre.

Cour de cassation 3 juin 2024 Pourvoi n° 22-18.861

Illicéité des clauses de fermage basées sur la récolte

La clause d’un bail à ferme fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier est illicite, ce qui ouvre une action en régularisation pour fermage illicite.

Ce principe résulte des articles L. 411-11 et L. 411-14 du Code rural et de la pêche maritime, juge la Cour de cassation dans un arrêt publié le 29 février.

Selon le premier de ces textes, le loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation peut être évalué en une quantité de denrées, avec des limites maximales et minimales fixées par l’autorité administrative. Cette quantité de denrées ne peut pas fluctuer au cours du bail en fonction de variables non conformes à cet article (Cass. 3e civ., 21 janv. 2009, n° 07-20.233).

Le second texte visé précise que les dispositions de l’article L. 411-11 sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles sont obligatoires et ne peuvent pas être contournées par un accord privé.

En l’espèce, la cour d’appel a rejeté la demande du preneur en nullité de la clause fixant le fermage, en soutenant qu’un fermage fixé par référence à la denrée visée par l’arrêté préfectoral alors applicable, mais ne respectant pas les limites fixées par l’autorité administrative, n’ouvre pas au fermier une action en nullité mais une action en révision.

La Cour de cassation annule l’arrêt des juges du fond : la cour d’appel a violé les textes susvisés en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le fermage était fixé à un cinquième de la récolte produite sur les parcelles louées.

Ainsi, si le fermage est fixé à une fraction de la récolte du fermier, cette clause est illicite. En pareil cas, le fermier peut engager une procédure judiciaire pour faire modifier le bail afin que le fermage soit fixé conformément à la loi.

Source

Cass. 3e civ., 29 févr. 2024, n° 22-17.362, FS-B

BAIL RURAL A LONG TERME : IL N’Y A PAS D’AGE


L’article L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime ne fait pas obstacle à la conclusion d’un bail à long terme par un preneur qui se trouve à moins de neuf ans de l’âge de la retraite, un tel bail est d’une durée minimale de dix-huit ans

Solution. – Les dispositions de l’article L. 416-4 du Code rural et de la pêche maritime, lesquelles permettent, par exception, la conclusion de baux à long terme d’une durée inférieure à 18 années pour les preneurs qui sont, à la date de sa conclusion, à plus de 9 ans et à moins de 18 ans de l’âge légal de la retraite, n’ouvrent qu’une faculté en sorte qu’il est loisible à de tels preneurs de conclure un bail de 18 ans.

Impact. – Cet arrêt met d’une façon générale en évidence la plasticité des baux à long terme. Plus particulièrement, il délimite la portée d’un texte dérogatoire qui a manifestement nourri aussi peu, sans doute par ignorance de son existence, les études de notaires que les registres de jurisprudence.

Cass. 3e civ., 26 oct. 2023, n° 21-25.745, FS-B : JurisData n° 2023-019411

Cession prohibée du droit au bail : le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sans être tenu de démontrer un préjudice

Le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 411-31, II, 1°, du Code rural et de la pêche maritime, sans être tenu de démontrer un préjudice.

Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans deux arrêts qu’elle a rendu le 12 octobre 2023.

Elle rappelle dans ces décisions que :

• selon l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ;

• selon l’article L. 411-37 du même code, le preneur, associé d’une société à objet principalement agricole qui met à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire, doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation ;

• selon, enfin, l’article L. 411-31, II, 1° et 3° du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie soit d’une contravention aux dispositions de l’article L. 411-35, soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d’une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l’article L. 411-37.

Pour rejeter la demande de résiliation formée par la bailleresse pour cession prohibée, l’arrêt attaqué avait retenu que, si le preneur ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, l’existence d’une cession prohibée du bail au profit de l’EARL n’était pas établie.

En statuant ainsi, la cour d’appel, qui « n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations », a violé les textes susvisés, a jugé la Cour de cassation. Car, explique-t-elle, le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit.

Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 411-31, II, 1°, sans être tenu de démontrer un préjudice.

LEXIS NEXIS

Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 21-20.212, FS-B

La qualification du délai du preneur pour agir en indemnisation des améliorations : une forclusion

LES FAITS
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2021), les 16 et 26 novembre 2001, les sociétés civiles immobilières Héritiers d’Exea et de Montrabech (les SCI) ont donné à bail rural à long terme à la société [Adresse 3] (la locataire) des terres en nature de vigne et de champ.

2. Le bail a fait obligation à la locataire de restructurer le vignoble à ses frais exclusifs.

3. Au motif de manquements de la locataire à ses obligations contractuelles, les SCI ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et paiement de dommages-intérêts.

4. Ayant le 15 avril 2015 résilié le bail, Mme [L], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la locataire, a, reconventionnellement, demandé l’annulation de la clause de restructuration du vignoble aux frais exclusifs de la locataire et l’indemnisation des frais d’arrachage, de défonçage et de replantation, des avances aux cultures, de la perte de valeur des stocks et du manque à gagner résultant de la résolution anticipée du bail imputable aux SCI.

5. Par arrêt du 28 juin 2018 la clause de restructuration du vignoble aux frais exclusifs de la locataire a été réputée non écrite et une mesure d’expertise, a été ordonnée sur les différents chefs de préjudice allégués par les parties.

EXAMEN DES MOYENS

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

6. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

ENONCE DES MOYENS

7. La locataire fait grief à l’arrêt de fixer, au passif de sa liquidation judiciaire, à la somme de 493 966 euros la créance d’indemnisation des SCI au titre des fermages, alors « qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions, si ce n’est pour faire juger notamment les questions nées de la survenance ou de la révélation d’un fait ; qu’en retenant en l’espèce que les demandes indemnitaires présentées pour la première fois en appel étaient recevables pour cette raison qu’elles faisaient suite à un premier arrêt ayant déclaré non écrite l’une des stipulations du bail, quand cette précédente décision avait simplement fait droit à une demande présentée dès la première instance, et ne constituait dès lors pas un fait nouveau rendant recevables des demandes nouvelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 564 du code de procédure civile. »

REPONSE DE LA COUR

Vu l’article 564 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

9. Pour déclarer recevable la demande des SCI en restitution de fermages, l’arrêt retient que celle-ci, présentée pour la première fois en cause d’appel, a été formée postérieurement à l’arrêt du 28 juin 2018 ayant déclaré non écrite la clause imposant au preneur le renouvellement à sa charge du vignoble et n’est que la conséquence de cette annulation.

10. En statuant ainsi, alors que les SCI pouvaient, dès la première instance, demander à titre subsidiaire, la condamnation de la locataire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La locataire fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’indemnisation au titre des avances aux cultures, alors :

« 1°/ qu’il appartient au juge qui estime que le rapport de l’expert judiciaire désigné à l’occasion du litige est insuffisamment précis d’interroger l’expert ou d’ordonner un complément d’expertise ; qu’en l’espèce, en retenant qu’en l’absence de commentaires de l’expert judiciaire sur les documents comptables qui lui avaient été fournis, il n’était pas possible de retenir sa conclusion selon laquelle l’indemnité revendiquée par la société [Adresse 3] était conforme aux valeurs comptables certifiées, la cour d’appel, qui a fait supporter à la société demanderesse une insuffisance du rapport d’expertise, a violé les articles 1134 et 1147 anciens du code civil et l’article 1719 du même code, ensemble l’article 245 du code de procédure civile.

2°/ que le bien-fondé d’une demande indemnitaire ne dépend pas de l’exactitude de l’évaluation faite par le demandeur de son préjudice ; qu’en rejetant la demande en indemnisation des avances aux cultures à raison d’une incertitude sur le montant de ce préjudice, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 anciens du code civil et de l’article 1719 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 du code civil et 245, alinéa 1er, du code de procédure civile :

12. Il résulte du premier de ces textes que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.

13. Aux termes du second, le juge peut toujours inviter le technicien à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l’audience, ses constatations ou ses conclusions.

14. Pour rejeter la demande de la locataire au titre des avances aux cultures, l’arrêt retient que l’expert a indiqué que le montant revendiqué était conforme aux valeurs comptables certifiées mais que les SCI font, à juste titre, remarquer que les documents versés au débat, et non véritablement commentés par l’expert, ne permettent pas de retenir ce montant.

15. En statuant ainsi, sans évaluer le montant d’une créance dont elle constatait l’existence en son principe, la cour d’appel, à laquelle il appartenait, dès lors qu’elle estimait que le rapport de l’expert judiciaire, désigné à l’occasion du litige, ne lui permettait pas de se déterminer, d’interroger celui-ci ou d’ordonner en tant que de besoin un complément ou une nouvelle expertise, a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. Les SCI font grief à l’arrêt de fixer à une certaine somme l’indemnité au titre des frais d’arrachage, de défonçage et de replantation réalisés par la locataire, alors « que le droit à l’indemnité de preneur sortant sur le fondement de l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime se prescrit à peine de forclusion par douze mois à compter de la résiliation du bail ; qu’au cas présent, la résiliation du bail ayant eu lieu le 15 avril 2015, les exposantes faisaient valoir que la demande d’indemnité de preneur sortant formulée pour la première fois dans les conclusions régularisées en juin 2016 devait être déclarée prescrite ; que pour rejeter cette demande, la cour d’appel a retenu que la prescription n’avait pu courir qu’à compter de l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 28 juin 2018 ; qu’en statuant de la sorte, alors que le délai de forclusion édicté par l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime a pour point de départ la résiliation du bail, la cour d’appel a violé l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 411-69, dernier alinéa, du code rural et de la pêche maritime :

17. Aux termes de ce texte, la demande du preneur sortant relative à une indemnisation des améliorations apportées au fonds loué se prescrit par douze mois à compter de la date de fin de bail, à peine de forclusion.

18. Pour recevoir la demande de la locataire, sur ce fondement, au titre des améliorations apportées au fonds loué, l’arrêt retient qu’elle ne peut être considérée comme atteinte par la prescription qui n’a pu courir qu’à compter de l’arrêt du 28 juin 2018.

19. En statuant ainsi, alors que l’article précité a instauré un délai de forclusion d’un an courant à compter de la fin du bail, insusceptible, sauf dispositions contraires, d’interruption et de suspension, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

20. Les SCI font grief à l’arrêt de fixer à une certaine somme l’indemnisation du manque à gagner, alors « qu’en cas de résiliation fautive anticipée d’un contrat à durée déterminée, seul l’auteur de cette résiliation fautive peut être condamné à réparer le préjudice né du manque à gagner de son cocontractant ; qu’au cas présent, la société [Adresse 3] demandait à ce que les sociétés bailleresses soient condamnées à lui payer une indemnité destinée à compenser le manque à gagner qu’elle soutenait avoir subi du fait de la résiliation anticipée du bail, résiliation prononcée à la demande de sa liquidatrice Maître [M] [L] mais qu’elle prétendait imputer à la malignité des bailleurs ; que la cour d’appel a retenu, par un chef de dispositif non contesté, que la résiliation était le fait de la décision exclusive de Maître [M] [L], es-qualités, sans qu’aucune faute ne puisse être imputée aux bailleresses ; que cependant, elle a condamné les exposantes à indemniser le manque à gagner la société [Adresse 3] dû à la résiliation anticipée du contrat ; qu’en condamnant les bailleresses à réparer un préjudice lorsqu’elle constatait que son fait générateur, la résiliation anticipée du contrat, ne leur était pas imputable, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

21. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

22. Pour faire partiellement droit à la demande de la locataire en indemnisation du manque à gagner résultant de la résolution anticipée du bail l’arrêt retient qu’au regard des conclusions de l’expert et des résultats des années précédant la résiliation, il convient de fixer l’indemnisation à 300 000 euros.

23. En statuant ainsi, après avoir relevé que la résiliation du bail n’était pas imputable aux SCI, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe à la somme de 493 966 euros l’indemnisation au titre des fermages la créance de la société civile immobilière Héritiers d’Exea et de la société civile immobilière de Montrabech au passif de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 3], en ce qu’il fixe la créance de la société [Adresse 3] à l’encontre de la société civile immobilière Héritiers d’Exea et de la société civile immobilière de Montrabech à la somme de 273 000 euros au titre des frais d’arrachage, de défonçage et de replantation et à celle de 300 000 euros au titre de l’indemnisation du manque à gagner et en ce qu’il rejette la demande de la société [Adresse 3] au titre des avances aux cultures, l’arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

9 mars 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-13.646

Avocats, notaires, juristes… ils formulent leurs propositions pour la loi d’orientation

Pour faciliter la transmission des exploitations, l’Association française de droit rural propose trois nouveaux dispositifs. Des mesures qui pourront alimenter les prochains débats du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir. Publié le 13 septembre 2023 Partager

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Après les dernières annonces du ministre de l’Agriculture en faveur de l’installation, l’Association française de droit rural (AFDR) a formulé plusieurs propositions dans une note publiée le 11 septembre 2023. Ces propositions pourront alimenter les débats des prochains pacte et loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture.

Redonner du souffle au bail cessible

Regroupant des avocats, des notaires, des juristes et des experts fonciers, l’association déplore la sous-utilisation du bail cessible hors cadre familial créé en 2006. Ce contrat permet au cédant de valoriser son droit au bail et au cessionnaire de valoriser à son tour ce droit au bail lors de la revente future de son exploitation.

Reprise de l’exploitation : Un « pas-de-porte » autorisé et fixé par les parties (31/12/2020)

Alors qu’ils le considèrent comme un outil favorisant la transmission de l’exploitation agricole, les membres du groupe de travail de l’AFDR qui a planché sur le sujet proposent de réécrire l’article L. 418-3 du code rural pour encadrer « le calcul de l’indemnité susceptible d’être versée au preneur lorsque le bail cessible, venant à terme, n’est pas renouvelé à l’initiative du bailleur ».

Introduire la location-gérance agricole

Autre dispositif créé en 2006 et qui peine à être saisi par les exploitants : le fonds agricole. L’association souhaite que la location-gérance pour mettre en valeur un fonds agricole puisse être possible. Pratiquée dans le secteur commercial, « la location-gérance permet au propriétaire d’un fonds ou à son locataire de concéder à un locataire gérant le droit de l’exploiter à ses risques et périls, en contrepartie au paiement d’une redevance ».

« Économiquement, la formule serait avantageuse pour le locataire gérant, qui pourrait ainsi exploiter un fonds sans avoir à acquérir immédiatement les éléments qui le constituent, étant rappelé que la charge de l’investissement initial constitue l’un des principaux freins à l’installation ou à la transmission des exploitations agricoles », estime l’AFDR. Et d’ajouter que cela permettrait « de proposer une formule d’installation à « l’essai », et de répondre ainsi à un souhait exprimé dans le cadre de la concertation mise en place par le ministère de l’Agriculture ».

Autoriser la sous-location de courte durée

L’AFDR propose d’assouplir le statut du fermage en autorisant les sous-locations qui sont par principe interdites aujourd’hui, « même si elles sont déjà pratiquées dans de nombreuses régions ». Cette sous-location ne pourrait être que de courte durée, et, « pour permettre l’implantation de cultures temporaires par des tiers sur le fonds loué, à une échelle infra-annuelle ».

« Ces pratiques, économiquement intéressantes, permettent notamment à des tiers d’user très provisoirement du fonds pour une production de légumes, dans l’attente de la reprise du cycle saisonnier d’exploitation des parcelles par le preneur en place », explique l’AFDR.

Interview : « Redonner une deuxième jeunesse au statut du fermage » (02/02/2023)

Cette proposition rappelle celle portée par le député Jean Terlier qui avait déposé au début de l’année une proposition de loi pour réformer le statut du fermage. Un texte qui n’a pas encore réussi à trouver sa place dans l’agenda de l’Assemblée nationale. Alexis Marcotte

BAIL RURAL ET CONTINUATION AU PROFIT DU CONJOINT même si la qualité de conjoint est peu avant le décès du fermier en titre

En application de l’article L. 411-34, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, peu important qu’il n’ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 16 Novembre 2022 – n° 21-18.527

Rappel des dispositions de l’article L 411-34 du code rural

Article L411-34

en vigueur depuis le 15 octobre 2014

Modifié par LOI n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 – art. 5

En cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d’un pacte civil de solidarité ou à l’un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Les ayants droit du preneur ont également la faculté de demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du décès de leur auteur.

Le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d’un pacte civil de solidarité ou d’ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa.

Si la fin de l’année culturale est postérieure au décès de neuf mois au moins, la résiliation peut, au choix des ayants droit, prendre effet soit à la fin de l’année culturale en cours, soit à la fin de l’année culturale suivante. Dans le cas contraire, la résiliation ne prendra effet qu’à la fin de l’année culturale suivante.

Bail rural et attribution SAFER

Monsieur Rémy M. agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’associé cogérant du GFA LA DURANDE et du GAEC DES MARAIS DU DON

né le 03 Novembre 1965 à […], de nationalité française,

[…]

[…]

Représenté par Me Franck B. de la SELARL FRANCK B. AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

Madame Patricia L. épouse M. agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’associée cogérante du GFA LA DURANDE et du GAEC DES MARAIS DU DON

née le 15 Avril 1968 à […], de nationalité française,

[…]

[…]

Représentée par Me Franck B. de la SELARL FRANCK B. AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur Jean-François M., agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’associé cogérant du GFA LA DURANDE et du GAEC DES MARAIS DU DON

né le 21 Janvier 1959 à […], de nationalité française,

[…]

[…]

Représenté par Me Cyril D. de la SCP OUESTAVOCATSCONSEILS, avocat au barreau de NANTES

Madame Mireille C. épouse M., agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’associée cogérant du GFA LA DURANDE et du GAEC DES MARAIS DU DON

née le 29 Mai 1964 à […], de nationalité française,

[…]

[…]

Représentée par Me Cyril D. de la SCP OUESTAVOCATSCONSEILS, avocat au barreau de NANTES

Monsieur Cédric M.

né le 21 Mai 1994 à […], de nationalité française,

[…]

[…]

Représenté par Me Cyril D. de la SCP OUESTAVOCATSCONSEILS, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Rémy M. et son épouse Mme Patricia L., et M. Jean-François M. et son épouse Mme Mireille C. ont constitué ensemble en 1993 le GAEC des Marais du Don. Les associés ont tous les quatre le statut de co-gérant du GAEC et détiennent chacun 2650 parts.

En 2001, M. Rémy M. et Mme Patricia M. et M. Jean-François M. et Mme Mireille M. ont constitué le GFA La Durande dont l’objet est de procéder à l’acquisition de biens immobiliers destinés à être exploités par le GAEC des Marais du Don. Les associés ont tous les quatre le statut de co-gérant du GFA et détiennent chacun 2 parts. Les statuts du GFA prévoient expressément que la conclusion, la modification, le renouvellement ou la résiliation de tout bail relatif aux biens du GFA nécessitent l’approbation de l’assemblée générale extraordinaire des associés, dont les décisions pour être valables doivent être adoptées par les associés représentant plus de trois quarts des voix.

Par acte du 8 avril 2014, la GFA La Durande a fait l’acquisition auprès de la SAFER Maine Océan des parcelles de terre cadastrées sur la commune de Guéméné Penfao (44290) au […], section YA n° 38, 50, 52 et 54 pour une superficie totale de 32 ha 40 a 74 ca.

Cette acquisition a été réalisée pour le prix de 82 215 euros financé au moyen d’un emprunt bancaire réalisé par le GFA La Durande. L’acte de vente précise que ‘la SAFER a opéré un choix d’attribution conformément aux stipulations de l’article R142-1 du code rural, choix motivé de la manière suivante : attribution d’une superficie de 32 ha environ permettant l’installation de M. Cédric M. au sein du GAEC M. avec les aides nationales à l’installation et le concours d’un apporteur de capitaux.

M. Cédric M. est le fils de M. Jean-François M. et de Mme Mireille M.. Il est le neveu de M. Rémy M. et de Mme Patricia M..

Le 12 janvier 2015, M. Jean-François M. et Mme Mireille M. ont, au nom et pour le compte du GFA La Durande, signé un bail rural au profit de M. Cédric M. sur les parcelles acquises de la SAFER le 8 avril 2014 avec effet du 1er janvier 2015. M. M. s’est inscrit à compter du 1er janvier 2015 en tant que chef d’exploitation sur les dites parcelles auprès de la MSA.

M. Rémy M. et Mme Patricia M. qui ont refusé de signer le bail, ont par courriers recommandés du 21 juin 2016, dénoncé l’irrégularité du bail et mis en demeure M. Jean François M. et Mme Mireille M. ainsi que M. Cédric M., de régulariser la situation et notamment de procéder à la réintégration des parcelles litigieuses dans le GAEC avec les droits à paiement correspondants, rappelant que le GAEC supporte la charge de l’emprunt bancaire.

M. Cédric M., qui exploite personnellement les terres litigieuses, s’est maintenu dans les lieux.

Par requête du 5 septembre 2017, M. Rémy M. et Mme Patricia M., agissant en leur nom personnel et en leur qualité d’associé co-gérant du GFA La Durande et du GAEC des Marais du Don, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Nazaire aux fins, notamment, de voir annuler le bail rural consenti à M. Cédric M. par M. Jean-François M. et Mme Mireille M. sur les parcelles de terre cadastrées sur la commune de Guéméné Penfao, au […], section YA n° 38, 50, 52 et 54 pour une superficie totale de 32 ha 40 a 74 ca appartenant au GFA La Durande, prononcer l’expulsion de M. Cédric M. et obtenir la condamnation solidaire de Jean-François et Mireille M. ainsi que de Cédric M. à indemniser les préjudices subis.

Par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Nazaire a :

– prononcé la nullité du contrat de bail rural établi le 12 janvier 2015 entre M. Cédric M. et le GFA La Durande en la personne de M. Jean François M. et Mme Mireille M. ;

– constaté que M. Cédric M. ne bénéficie d’aucun bail rural valable sur les parcelles de terre cadastrées sur la commune de Guéméné Penfao (44290), au […], section YA n° 38, 50, 52 et 54 pour une superficie totale de 32 ha 40 ha 74 ca ;

– déclaré en conséquence M. Cédric M. occupant sans droit ni titre des parcelles susvisées et appartenant au GFA La Durande ;

– condamné M. M. à libérer ces biens dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et dit qu’à défaut de départ volontaire dans ce délai, son expulsion pourra être poursuivie, au besoin avec le concours de la force publique ;

– décerné acte au GFA La Durande de son intervention volontaire à l’instance et lui déclare opposable le présent jugement ;

– déclaré opposable le jugement au GAEC des Marais du Don ;

– rejeté les demandes d’indemnisation formulées par M. Rémy M. et Mme Patricia M. tant en leur nom propre qu’au titre du GAEC des Marais du Don ;

– condamné in solidum M. Jean François M., Mme Mireille M. et M. Cédric M. à payer à M. Rémy M. et Mme Patricia M. la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté le surplus des demandes de M. Rémy M. et Mme Patricia M. ;

– rejeté le surplus des demandes de M. Jean François M., Mme Mireille M. et M. Cédric M. ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– condamné in solidum M. Jean François M., Mme Mireille M. et M. Cédric M. aux entiers dépens.

Par déclaration du 16 juillet 2019, M. Rémy M. et Mme Patricia L. épouse M. ont interjeté appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 31 mai 2021 soutenues oralement à l’audience, M. Rémy M. et Mme Patricia M., agissant en leur nom personnel et en qualité d’associés co-gérants du GFA la Durande et du Gaec des Marais du Don, demandent à la cour de :

– les recevoir en leur appel et le dire bien fondé,

– réformer le jugement déféré en tant qu’il rejette leurs demandes d’indemnisation présentées en leurs noms propres et au nom du GAEC des Marais du Don,

Statuant à nouveau sur ce chef de jugement,

– condamner in solidum M. et Mme Jean-François M. et M. Cédric M., ou les uns à défaut des autres, à payer à M et Mme Rémy M. une somme de 52 379 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020,

– si mieux n’aime, condamner in solidum M et Mme Jean-François M. et M. Cédric M., ou les uns à défaut des autres, à payer au GAEC des Marais du Don, représenté à l’instance par ses quatre associés cogérants, la somme de 104 758 euros correspondant au montant total des gains liés à l’exploitation des 32 ha en litige pour les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020,

– confirmer le jugement déféré pour le surplus,

– débouter M et Mme Jean François M. et M. Cédric M. de leur appel incident et de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Additant au jugement déféré,

– ordonner l’expulsion de M. Cédric M. et celle de tous occupants de son chef des parcelles appartenant au GFA La Durande, cadastrées sur la commune de Guémené-Penfao, au […], section YA n°s 38, 50, 52 et 54, si besoin est avec le concours de la force publique, et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard,

– condamner in solidum M et Mme Jean-François M. et M. Cédric M., ou les uns à défaut des autres, à payer à M et Mme Rémy M. une somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. et Mme Jean-François M. et M. Cédric M., ou les uns à défaut des autres, aux dépens.

Par dernières conclusions du 28 mai 2021 soutenues oralement à l’audience, M. Jean François M., Mme Mireille C. épouse M., agissant en leur nom personnel et en qualité d’associés co-gérants du GFA la Durande et du Gaec des Marais du don, et M. Cédric M. demandent à la cour de :

– débouter M. Rémy M. et Mme Patricia L. de l’intégralité de leurs demandes formulées tant en leur nom propre qu’au profit du GAEC du Marais du Don comme étant irrecevables et mal fondées,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté toute demande indemnitaire,

– réformer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de bail rural établi le 12 janvier 2015 entre M. Cédric M. et le GFA La Durande en la personne de M. Jean-François M. et Mme Mireille M.,

En conséquence,

– constater que M. Cédric M. est titulaire d’un bail rural portant sur les parcelles rétrocédées par la SAFER au profit du GFA au titre d’un acte en date du 8 avril 2014, soit sur une surface de 32 ha 40 a 74 ca, dont le fermage est payable annuellement en date du 30 novembre de chaque année, à hauteur de 120 euros/hectare et par an ; dire que pour le surplus, le bail-type départemental sera applicable audit bail,

– décerner acte de l’intervention du GFA La Durande à la présente instance, et ordonner l’opposabilité de la décision à intervenir au profit du GFA La Durande,

– condamner Rémy M. et Patricia M. au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Rémy M. et Patricia M. au paiement des entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS

M. et Mme Jean-François et Mireille M. demandent à la cour d’infirmer le jugement qui a prononcé l’annulation du bail rural consenti par le GFA La Durande à M. Cédric M. en faisant valoir que M.et Mme Rémy et Patricia M. ont autorisé M. Jean-François M. à signer l’acte de rétrocession en l’ensemble de ses dispositions et qu’ils ont par conséquent donné leur accord pour consentir un bail rural des parcelles acquises par le GFA à M. Cédric M..

M. et Mme Rémy et Patricia M. maintiennent que le bail a été signé par M. Jean-François M. sans leur consentement et au contraire malgré leur refus, qu’aucune délibération de l’assemblée générale du GFA la Durande n’autorise la signature du bail au profit de M. Cédric M..

Ils soutiennent que contrairement à ce que prétend M. Jean-François M. l’acte de vente du 8 avril 2014 n’a pas été signé par eux mais uniquement par lui sur la base de la délibération de l’assemblée générale des associés du GFA annexée à l’acte de vente, laquelle délibération autorisait seulement le représentant du GFA à faire l’acquisition des terres mises en vente par la SAFER au prix de 82 215 euros mais ne prévoyait aucunement la conclusion d’un contrat de bail au profit de M. Cedric M. et que Jean-François M. a excédé ses pouvoirs en incluant dans l’acte de vente un projet de location à Cédric M., son fils, en vue de son installation au sein du GAEC du don puis en signant ce bail rural.

L’acte notarié du 8 avril 2014 de rétrocession par la SAFER Maine Océan au GFA la Durande expose en son article 203-1 les motifs de la rétrocession : ‘la SAFER a opéré un choix d’attribution conformément aux stipulations de l’article R142-1 du code rural, choix motivé de la manière suivante : attribution d’une superficie de 32 ha environ permettant l’installation de M. Cédric M. au sein du GAEC M. avec les aides nationales à l’installation et le concours d’un apporteur de capitaux.

L’article 203-2 dispose que l’acquéreur dont le projet personnel correspond à ces objectifs s’engage à maintenir la destination agricole ou forestière du bien et pour en garantir la pérennité souscrit aux engagements et modalités ci-après.

L’article 203-3 relatif à la clause résolutoire stipule que la vente sera résolue de plein droit à défaut pour l’acquéreur, notamment de respecter les motifs de la rétrocession visé au numéro 203-1 et de louer le bien vendu à l’agriculteur agréé par la Safer, lequel est la personne expressément visée par les motifs de rétrocession au numéro 203-1. L’acquéreur s’oblige à justifier à la Safer à première demande de la régularisation du bail.

Au chapitre présence ou représentation, l’acte authentique du 8 avril 2014 entre la SAFER et le GFA représenté par M. Jean-François M. mentionne que celui-ci agit comme co-gérant du GFA la Durande, spécialement autorisé à l’effet des présentes aux termes d’une délibération des associés du GFA annexée à l’acte.

Cette mention montre que le notaire qui a établi et reçu l’acte a vérifié l’étendue des pouvoirs de M. Jean-François M. et à cette fin a annexé la délibération signée par les quatre associés à l’acte afin qu’elle fasse partie de l’acte et confère tous pouvoirs à M. Jean-François M. pour représenter le GFA et signer en son nom la convention.

Le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire des associés du GFA ainsi annexé à l’acte de rétrocession mentionne qu’après le rapport de M. M. et la présentation des documents ayant trait à l’opération, les associés ont adopté à l’unanimité premièrement l’autorisation du GFA à effectuer l’acquisition des parcelles de terres agricoles lieu-dit sainte Marie, section YA n° 38, 50, 52 et 54 pour une superficie totale de 32 ha 40 a 74 ca, et deuxièmement la résolution de donner tous pouvoirs à Jean-François M. à l’effet de signer au nom de la société les actes constatant les conventions et toutes pièces utiles à la réalisation de ces contrats.

À l’inverse de ce que prétendent M. et Mme Rémy et Patricia M., ils ne peut être fait de distinction entre les clauses du contrat concernant l’acquisition (parcelles et prix) et celles posant des conditions et obligations à respecter impérativement par l’acquéreur.

Au contraire, l’autorisation donnée à l’unanimité de signer les conventions et documents permettant la réalisation de cette vente par la Safer au GFA est indivisible et concerne l’acte de rétrocession lui-même mais aussi les documents et actes subséquents comme le contrat de prêt et le bail rural exigé de la SAFER.

PAR CES MOTIFS

Il faut constater que M. et Mme Rémy et Patricia M. ne pouvaient que savoir que le choix du bénéficiaire d’une rétrocession de parcelles de terre agricole doit être motivé par une des missions assignées à la Safer par l’article L.141-1du code rural dont l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs et ne pouvait qu’être subordonnée à la location des parcelles rétrocédées par la Safer au GFA La durande.

Au demeurant, ils ne précisent pas quel aurait dû être selon eux le sort des terres rétrocédées au GFA par la SAFER.

D’ailleurs, ils considèrent que M. Jean-François M. a outrepassé ses pouvoirs, mais ne poursuivent pas l’annulation de la convention qui selon eux porte grief au GFA et au GAEC M..

À ce titre, ils sont mal fondés à soutenir que seule la Safer aurait eu qualité pour se prévaloir du non respect des conditions de la rétrocession mentionnée dans l’acte de vente, qu’elle n’a jamais agi en ce sens et serait désormais forclose à le faire alors que M. Jean-François M. justifie que la Safer l’a mis en demeure le 28 octobre 2014 et le 2 février 2015 de signer un bail à ferme avec M. Cédric M. et de lui adresser copie de cet acte.

Au surplus, leur argumentation conduit à interroger leur volonté initiale de respecter les conditions de la rétrocession.

Il est ainsi démontré que grâce au bail rural signé conformément aux exigences de l’acte de rétrocession, la vente a échappé à l’action en résolution qu’aurait engagée la Safer en exécution de la clause résolutoire insérée au contrat de vente.

Certes, l’acte de vente ne peut constituer une promesse de bail rural au profit de M. Cedric M. qui n’était pas partie à l’acte de rétrocession mais il comporte une obligation pour le GFA de donner à bail à Cedric M., sous peine de résolution de droit de la vente.

Toutefois, les statuts du GFA prévoient, conformément à l’article 1854 du code civil, que les décisions peuvent résulter du consentement des associés exprimé dans un acte.

En l’absence d’une assemblée générale se prononçant expressément sur l’autorisation de signer un bail rural au nom du GFA avec M. Cédric M., force est de constater que la délibération des associés du GFA autorisant M. Jean-François M. ‘à effectuer l’acquisition ci-dessus relatée’ et à signer tous les actes nécessaires à la réalisation de cette convention, comportait obligatoirement l’autorisation de louer les parcelles vendues à l’agriculteur agréé par la Safer, soit M. Cédric M. selon les clauses de l’acte.

En conséquence, il y a lieu, en infirmant le jugement, de débouter M. Rémy M. et Mme Patricia M. de leur demande d’annulation du bail et à l’inverse de faire droit à la demande tendant à voir constater que M. Cédric M. est titulaire d’un bail rural portant sur les parcelles rétrocédées par la SAFER au profit du GFA, par l’acte du 8 avril 2014, soit sur une surface de 32 ha 40 a 74 ca, sans qu’il appartienne à la cour de fixer le loyer du bail et ses autres conditions.

Le bail étant validé et aucune faute de Jean-François, Mireille ou Cédric M. ayant causé un préjudice au GAEC des Marais du Don n’étant caractérisée, alors au surplus, comme l’a constaté le tribunal pour rejeter la demande de dommages et intérêts, que sans le projet d’installation de Cédric M. entériné par la SAFER, ni le GFA, ni le GAEC ni ses gérants n’auraient pu bénéficier de la rétrocession et des droits attachés aux parcelles acquises par le GFA, il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté M. et Mme Rémy et Patricia M. de leur demande indemnitaire.

Les dispositions du jugement ayant mis les dépens à la charge de M. et Mme Jean-François et Patricia M. et de M. Cédric M. et ayant condamné les mêmes au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

Partie perdante, M. et Mme Rémy et Patricia M. seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. et Mme Jean-François et Mireille M. la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– prononcé la nullité du contrat de bail rural établi le 12 janvier 2015 entre M. Cédric M. et le GFA La Durande en la personne de M. Jean François M. et Mme Mireille M. ;

– constaté que M. Cédric M. ne bénéficie d’aucun bail rural valable sur les parcelles de terre cadastrées sur la commune de Guéméné Penfao (44290), au […], section YA n° 38, 50, 52 et 54 pour une superficie totale de 32 ha 40 ha 74 ca ;

– déclaré en conséquence M. Cédric M. occupant sans droit ni titre des parcelles susvisées et appartenant au GFA La Durande ;

– condamné M. M. à libérer ces biens dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et dit qu’à défaut de départ volontaire dans ce délai, son expulsion pourra être poursuivie, au besoin avec le concours de la force publique ;

– condamné in solidum M. Jean François M., Mme Mireille M. et M. Cédric M. à payer à M. Rémy M. et Mme Patricia M. la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum M. Jean François M., Mme Mireille M. et M. Cédric M. aux entiers dépens ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Constate que M. Cédric M. est titulaire d’un bail rural valable sur les parcelles de terre cadastrées sur la commune de Guéméné Penfao au […], section YA n° 38, 50, 52 et 54 pour une superficie totale de 32 ha 40 ha 74 ca ;

Rejette toutes les demandes de M. Rémy M. et de Mme Patricia M. ;

Condamne M. Rémy M. et Mme Patricia M. à payer à M. Jean-François M. et à Mme Mireille M. ensemble la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Rémy M. et Mme Patricia M. aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette toute autre demande.

Cour d’appel, Rennes, Chambre des baux ruraux, 7 Octobre 2021 – n° 19/04798

RAPPEL DU PRINCIPE D’INCESSIBILITE du bail rural

….L’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime dispose que sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors cadre familial et nonobstant les dispositions de l’article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant l’âge de la majorité ou ayant été émancipé. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

La faculté de cession exceptionnelle doit être réservée au preneur de bonne foi qui s’est constamment acquitté de ses obligations…..

Cour d’appel, Metz, 3e chambre, 26 Juillet 2022 – n° 19/01854 Décision Infirmation Répertoire Général : 19/01854

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