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Vente d’un domaine agricole : effet de l’engagement de l’acquéreur substitué de louer le bien acquis à un preneur agréé par la SAFER


Lorsque le substitué prend l’engagement de louer le bien acquis à un preneur agréé par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural dans les conditions prévues par l’article R. 142-1, alinéa 2, du Code rural et de la pêche maritime, ce dernier peut demander l’exécution forcée de cet engagement.

Selon l’article L. 141-1, II, 2°, du Code rural et de la pêche maritime, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) peuvent se substituer un ou plusieurs attributaires pour céder des biens ruraux, terres, exploitations agricoles ou forestières, soit par une promesse unilatérale de vente, soit par une promesse synallagmatique de vente.

Aux termes de l’article R. 142-1, alinéa 2, du même code, les SAFER peuvent céder ces biens à des personnes qui s’engagent à les louer à des preneurs agréés par la SAFER, à condition que cela permette l’installation, la réinstallation ou le maintien d’agriculteurs, ou la consolidation d’exploitations viables selon les critères régionaux.

Lorsque le substitué s’engage à louer le bien à un preneur agréé par la SAFER selon l’article R.142-1 alinéa 2, ce dernier peut demander l’exécution forcée de cet engagement.

Source

Cass. 3e civ., 11 juill. 2024, n° 22-23.678, FS-B

PLANS DE CAMPAGNE DITS ILLEGAUX : ANNULATION DU TITRE DE RECETTES

Par un arrêt avant dire droit n° 22NT00179 du 1er juillet 2022, la cour a, avant de statuer sur la requête de la Société coopérative agricole (SCA)  » Les Vergers d’Anjou  » ordonné une expertise afin de déterminer, après examen de l’ensemble des pièces détenues par la SCA  » Les Vergers d’Anjou « , si ces pièces permettent d’identifier, et dans quelle mesure, les personnes ou entreprises, destinataires finaux, des aides perçues au titre des  » plans de campagne  » entre 1998 et 2002.

L’expert a remis son rapport le 4 décembre 2023.

Par deux mémoires, enregistrés les 19 février 2024 et 17 mai 2024, la SCA  » Les Vergers d’Anjou « , représentée par Me Berkani, maintient les conclusions de sa requête d’appel par lesquelles elle demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de recettes émis le 25 juin 2018 par le directeur général de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en vue d’obtenir le remboursement de la somme de 3 705 767,46 euros correspondant à un montant global d’aides versées dans le cadre du  » programme Plans de campagne  » au titre des années 1998 à 2002, augmenté des intérêts moratoires et à la décharge de cette somme ;

2°) d’annuler le titre de recettes émis le 25 juin 2018 ;

3°) de la décharger de la somme de 3 705 767,46 euros que le titre de recettes a pour objet de recouvrer ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’expert a confirmé les difficultés d’ordre matériel qu’elle avait mises en avant pour retrouver l’intégralité des archives susceptibles d’attester des flux financiers afférents au versement des aides  » Plans de campagne  » aux producteurs en raison notamment de la très grande ancienneté du versement des aides, de la disparition de l’Union des Vergers de France par laquelle les aides ont transité, et de la disparition des archives de l’Union des documents relatifs à l’exercice 1998-1999 ;

– l’expert a en outre relevé les difficultés d’ordre comptable liées à l’asymétrie des dates de clôture des exercices comptables et au versement échelonné des aides ;

– ces difficultés doivent être prises en considération au stade de l’identification des bénéficiaires finaux des aides et du montant dont chacun a pu bénéficier ;

– en dépit de ces difficultés, les conclusions de l’expert confirment que les producteurs membres de la SCA Les Vergers d’Anjou ont bien été les destinataires finaux des aides :

o bien que le montant reversé à chaque producteur n’ait pu être  » attesté  » par l’expert comptablement à défaut de mention explicite sur les bordereaux de règlement du montant des aides incluses dans les sommes versées à chaque producteur, l’expert a conclu que les éléments produits étaient de nature à permettre de comprendre le cheminement des aides issues des  » plans de campagne  » depuis l’ONIFHLOR jusqu’aux producteurs via le comité économique agricole du Val de Loire, l’Union des vergers de France et la SCA ;

o en vertu de la jurisprudence de la CJUE, l’aide illégalement accordée ne peut être récupérée auprès de l’organisation de producteurs que si l’Etat établit que l’aide n’aurait pas, exceptionnellement, été versée à ces derniers ;

o l’identification des producteurs qui ont bénéficié des aides issues des  » plans de campagne  » et du montant qu’ils ont perçu s’effectue de manière pragmatique et l’utilisation d’une méthode de calcul peut être admise, ainsi que cela ressort de la jurisprudence, dès lors que le producteur est présumé être le destinataire final des aides ;

– dès lors qu’elle n’est pas la bénéficiaire finale des aides dont la restitution est réclamée par le titre litigieux, ce titre méconnaît le droit européen tel qu’interprété par la CJUE ;

– les conclusions de l’expert révèlent l’absence de justification des sommes réclamées par FranceAgriMer.

Par des mémoires, enregistrés les 28 mars 2024 et 24 mai 2024, l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête de la SCA  » Les Vergers d’Anjou  » et à ce qu’il soit mis à la charge de cette société une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l’expertise n’a pas permis d’établir que la SCA Les Vergers d’Anjou a effectivement versé les fonds aux producteurs, dès lors que la SCA a procédé à une reconstitution théorique, réalisée à partir d’une règle de trois.

Vu :

– les autres pièces du dossier ;

– l’ ordonnance du 4 janvier 2024 , par laquelle le président de la cour a liquidé et taxé les frais de l’expertise réalisée par M. A… à la somme de 8 853,94 euros toutes taxes comprises.

Vu :

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– le règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 101A8D710D8A8CCB22827C573218C02D portant modalités d’application de l’ article 93 du traité CE A61DBBD8B146A7526679B0B4F47C9163 ;

– le règlement n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 8D97F606DDD05BB17DF0F493C29A4705 concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 du Conseil 101A8D710D8A8CCB22827C573218C02D ;

– la décision n° 2009/402/CE de la Commission du 28 janvier 2009 99A73B968F65CC22A362FE27CD50415D relative aux aides dites  » plans de campagne  » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France ;

– l’arrêt C-277/00 du 29 avril 2004 de la Cour de justice de l’Union européenne ;

– le code de commerce ;

– le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 BE71313B3E61C870AE3C669452A7AE85 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Lellouch,

– les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

– et les observations de Me Sanguinette, substituant Me Berkani, représentant la SCA  » Les Vergers d’Anjou « , et de Me Alibert, représentant l’établissement FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. L’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel est venu l’établissement public national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), a mis en place, entre 1998 et 2002, un soutien financier en faveur des producteurs français de fruits et légumes frais, pour faciliter la commercialisation des produits agricoles concernés. Les aides dites  » plans de campagne  » étaient versées par l’ONIFLHOR à des comités économiques agricoles qui les reversaient ensuite aux organisations de producteurs, lesquelles les distribuaient en dernier lieu à leurs membres. Saisie d’une plainte, la Commission européenne a, par une décision 2009/402/CE du 28 janvier 2009, concernant les  » plans de campagne  » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France, énoncé que les aides versées au secteur des fruits et légumes français avaient pour but de faciliter l’écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés, que de telles interventions constituaient des aides d’Etat instituées en méconnaissance du droit de l’Union européenne et a prescrit leur récupération. Cette décision a été confirmée par deux arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 27 septembre 2012, France c/ Commission (T-139/09) et Fédération de l’organisation économique fruits et légumes (Fedecom) c/ Commission (T-243/09). A la suite de ces arrêts, l’administration française a entrepris de récupérer les aides illégalement versées aux producteurs de fruits et légumes. A ce titre, FranceAgriMer a émis le 25 juin 2018 à l’encontre de la société coopérative agricole (SCA) « Les Vergers d’Anjou » un titre de recettes d’un montant de 3 705 767,46 euros correspondant aux aides qui lui ont été versées dans le cadre des  » plans de campagne  » au titre des années 1998 à 2002, assorties des intérêts. La SCA  » Les Vergers d’Anjou  » relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 novembre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ce titre de recette et à ce qu’elle soit déchargée de l’obligation de payer la somme mise à sa charge par le titre exécutoire.

Sur le bien-fondé de la créance :

2. Aux termes du point 48 de la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne du 28 janvier 2009 citée au point 1 :  » (…) il résulte aussi des explications données par le FEDECOM et non contestées par les autorités françaises que les fonds utilisés dans le cadre des plans de campagne ont été dans un premier temps répartis par les comités économiques agricoles entre les organisations de producteurs, qui avaient adhéré à l’initiative des plans de campagne et payé les parts professionnelles, le bénéfice de ces aides étant transféré ensuite aux producteurs par les organisations professionnelles « . Aux termes, toutefois, du point 49 de cette même décision :  » (…) il ne peut être exclu, dans certains cas exceptionnels, que le bénéfice de l’aide n’ait pas été transféré par l’organisation de producteurs à ses membres, de sorte que, dans ces cas très particuliers, le bénéficiaire final de l’aide sera l’organisation de producteurs « . La Commission européenne conclut au point 84 de sa décision que :  » L’aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l’aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l’aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l’aide ne leur ait pas été transféré par l’organisation de producteurs. La récupération de l’aide doit donc s’effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l’État membre pourra démontrer que l’aide ne leur a pas été transférée par l’organisation de producteurs, auquel cas la récupération s’effectuera auprès de cette dernière « . Et il résulte du point 85 que les Etats ne peuvent procéder à la récupération des aides illégales auprès des organisations professionnelles sans chercher à démontrer que ces organisations professionnelles auraient répercuté cette récupération sur les producteurs individuels ou, alternativement, que l’aide n’aurait pas, exceptionnellement, été transférée à ces derniers.

3. Il résulte du point précédant qu’il appartient à l’autorité administrative, lorsqu’elle entend récupérer les aides en litige, non auprès des producteurs membres d’une organisation de producteurs, mais de l’organisation de producteurs elle-même, de démontrer que les aides n’ont pas été transférées par celle-ci à ces producteurs mais conservées par elle. Cette règle en vertu de laquelle la charge de la preuve de la conservation des aides par l’organisation de producteurs pèse sur l’autorité administrative doit être combinée avec celle suivant laquelle s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Or, pour que l’autorité administrative soit susceptible de déterminer l’identité de la personne ayant bénéficié des montants d’aides, il importe qu’elle dispose de données, qui ne peuvent lui être fournies que par la SCA Les Vergers d’Anjou en sa qualité d’organisme venant aux droits et obligations de l’Union Les Vergers de France.

4. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’expertise, que les aides aux exportations lointaines, issues des plans de campagne 1998 à 2002, versées par l’ONIFLHOR, transitaient par le Comité économique du Val de Loire, qui reversait les fonds à trois organisations de producteurs, dont la SCA Les Vergers d’Anjou, lesquelles les reversaient à leur tour intégralement à l’Union des Vergers de France, chargée notamment de mettre en œuvre des actions commerciales en faveur des producteurs, financées notamment par les fonds des plans de campagne. En 2008, l’Union commerciale Les Vergers de France a été dissoute sans liquidation, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à la SCA Les Vergers d’Anjou, qui en était à cette date la seule associée.

5. La SCA Les Vergers d’Anjou fait valoir qu’une fois les opérations commerciales réalisées, l’Union des Vergers de France restituait les aides aux producteurs, grâce aux marges dégagées par ces opérations, et sous forme de complément de prix du règlement des ventes en fonction de la part que leurs productions représentaient dans la commercialisation, par l’intermédiaire des organisations de producteurs membres de l’Union. Au soutien de ces allégations, la SCA Les Vergers d’Anjou a produit, pour la première fois en appel, quatre tableaux qu’elle a établis à partir des données dont elle disposait, dans lesquels elle a reconstitué les aides indirectement versées aux producteurs dans le cadre du programme  » plans de campagnes  » au titre des exercices 1999-2000, 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003, pour un montant total de 1 405 848,93 euros. La SCA a ainsi identifié, pour chacun de ces quatre exercices comptables, les producteurs individuels bénéficiaires en indiquant précisément, par producteur nommément identifié, le montant de l’aide qui leur a été chacun reversé en fonction de la quantité de fruits qu’ils avaient eux-mêmes apportés. Il résulte de l’expertise ordonnée avant dire droit qu’il s’agit d’une reconstitution théorique du cheminement des aides intégrées dans les prix de vente unitaires sur les bordereaux de règlement, qui ne font cependant pas explicitement mention du montant de l’aide ainsi reversée. Bien que l’expert ait indiqué qu’il n’avait pas les moyens de vérifier l’origine des informations contenues dans ces tableaux, sauf à les rapprocher de tous les bons de calibrage, ce qu’il n’a pas estimé possible de faire, il a toutefois, pour chacun des quatre exercices concernés, et en s’appuyant à chaque fois sur un exemple de variété de pomme, détaillé le circuit de ces aides. Si l’expert judiciaire n’a pas été en mesure, à défaut de flux financiers matérialisés ou directement identifiables, de vérifier la réalité du reversement individualisé aux producteurs des sommes figurant sur les tableaux, il a toutefois attesté de l’existence, constatée par huissier de justice, des documents qui ont servi à les élaborer et a pu observer qu’il existait une méthode de calcul de prix définitifs aux organisations de producteurs et aux producteurs individuels qui tenait compte des aides de campagne, en s’appuyant notamment sur les extraits de procès-verbaux du conseil d’administration de la SCA Les Vergers d’Anjou produits par cette dernière. Au terme de l’analyse approfondie à laquelle il s’est livré, l’expert n’a pas remis en cause le fait que les aides ont bien été reversées aux producteurs en complément du prix de vente des fruits. Il a conclu son rapport en confirmant l’existence d’un calcul intégrant les aides issues des plans de campagne dans le prix de règlement des ventes aux producteurs individuels et en a déduit que  » cette méthode appliquée pour déterminer les prix de vente tend à démontrer que les aides étaient indirectement restituées aux producteurs adhérents de l’Union « . Au regard de l’ensemble de ces éléments, en se bornant à relever qu’aucun document comptable ne retrace les flux financiers des aides, FranceAgriMer ne peut être regardée comme renversant la présomption de perception par les producteurs finaux, que la SCA a précisément identifiés, des aides illégalement versées. FranceAgriMer ne peut ainsi être regardée comme apportant la preuve que les aides n’auraient pas été reversées aux producteurs individuels identifiés dans les tableaux au titre des quatre exercices mentionnés ci-dessus et à hauteur des sommes qui y sont indiquées par la SCA requérante, correspondant à un montant total de 1 405 848,93 euros.

6. En revanche, compte tenu de la disparition des archives de l’Union des Vergers de France des documents relatifs à l’exercice 1998-1999, il est constant que la SCA Les Vergers d’Anjou n’a pas été en mesure d’identifier les producteurs individuels bénéficiaires des aides versées dans le cadre du programme des plans de campagne au titre de cette période. Pour cette période, et en application des principes rappelés au point 3, FranceAgriMer pouvait estimer que les aides d’Etat n’avaient pas été transférées aux producteurs et que la SCA Les Vergers d’Anjou, qui s’est vu transmettre l’ensemble du patrimoine de l’Union des Vergers de France, devait être regardée comme le bénéficiaire effectif des aides illégales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCA Les Vergers d’Anjou est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de recettes émis par FranceAgriMer le 25 juin 2018 à son encontre en tant qu’il porte sur une créance de 1 405 848,93 euros en droits et sur les pénalités afférentes à cette créance et à ce qu’elle soit déchargée de la somme correspondante.

Sur les dépens :

8. Aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative :  » Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. / L’Etat peut être condamné aux dépens « .

9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de FranceAgriMer, partie perdante pour l’essentiel, la somme de 8 853,84 euros toutes taxes comprises au titre des frais d’expertise.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCA Les Vergers d’Anjou, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que FranceAgriMer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCA Les Vergers d’Anjou et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le titre de recettes émis par FranceAgriMer le 25 juin 2018 à l’encontre de la SCA Les Vergers d’Anjou est annulé en tant qu’il porte sur une créance de 1 405 848,93 euros en droits et sur les pénalités afférentes à cette créance.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 18 novembre 2021 est annulé en ce qu’il est contraire à l’article 1er.

Article 3 : Les frais d’expertise sont mis à la charge de FranceAgriMer pour un montant de 8 853,84 euros toutes taxes comprises.

Article 4 :FranceAgriMer versera à la SCA Les Vergers d’Anjou une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 :Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 :Le présent arrêt sera notifié à la Société coopérative agricole Les Vergers d’Anjou, à l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Cour administrative d’appel Nantes 3e chambre 28 Juin 2024 Numéro de requête : 22NT00179

Précisions inédites sur la clause statutaire de renonciation à la revendication de la qualité d’associé et le régime de la renonciation

03/07/2024

Clara LAVIELLE
Rédactrice en chef de la revue Droit des sociétés

Précisions inédites sur la clause statutaire de renonciation à la revendication de la qualité d’associé et le régime de la renonciation

L’absence de mention de l’article 1832-2 du Code civil dans la disposition statutaire abritant la renonciation à la revendication de la qualité d’associé n’empêche pas de reconnaître une telle renonciation sur le fondement de ce texte, dès lors que la renonciation est claire et sans réserve. Par ailleurs, la renonciation faite lors de l’apport effectué à la société de biens communs par son conjoint ne fait pas obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette même qualité.

Aux termes des statuts d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), l’épouse commune en biens de l’un des deux fondateurs du groupement « déclare avoir été avertie de l’intention de son époux de faire apport de biens de communauté […], consent à cet apport et reconnaît ne pas avoir la qualité d’associé du GAEC », et « ne requiert pas la qualité d’associé ».

Suivant un procès-verbal d’une assemblée générale, cette épouse a été agréée, à sa demande, en qualité d’associée à concurrence de la moitié des parts dépendance de la communauté de biens existant entre elle et son époux. Lors de deux assemblées générales postérieures à cet agrément, l’existence du GAEC a été prorogée et les comptes approuvés. L’époux et co-fondateur du groupement a assigné ce dernier en annulation de ces assemblées.

Par un arrêt du 4 mars 2022, la cour d’appel d’Amiens a jugé que l’épouse du co-fondateur du GAEC n’avait pas valablement acquis la qualité d’associé du groupement et, partant, a déclaré nulles et de nul effet les assemblées générales, constaté la dissolution du groupement et ordonné sa liquidation conformément aux statuts (CA Amiens, 4 mars 2022, n°19/00756).

Par cet arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, sauf en ce qu’il a reconnu recevable la demande formée par le co-fondateur du groupement.

En premier lieu, elle valide le raisonnement de la cour d’appel s’agissant de l’interprétation des deux clauses statutaires litigeuses, jugeant que bien qu’elles ne fassent pas mention de l’article 1832-2 du Code civil, elles établissent que l’épouse du coassocié a « renoncé clairement et sans réserves, au moment de la constitution du groupement, à revendiquer, sur le fondement de ce texte, la qualité d’associé au titre des biens communs apportés par son époux et ce, sans pouvoir revenir ultérieurement sur cette décision ». Elle rappelle ainsi, d’une part, qu’un conjoint peut renoncer à revendiquer la qualité d’associé et, d’autre part, que cette renonciation présente un caractère définitif (Cass. com. 12 janv. 1993, n° 90-21.126). Mais, plus que cela, elle précise également que l’absence de mention de l’article 1832-2 du Code civil dans la disposition statutaire abritant l’absence de revendication de la qualité d’associé n’empêche pas de reconnaître une telle renonciation sur le fondement de ce texte, dès lors que la renonciation est claire et sans réserve. Cette souplesse dans l’interprétation de la renonciation à la revendication de la qualité d’associé, favorisant l’esprit plutôt que la lettre des dispositions statutaires y afférentes, se situe dans le droit fil d’un arrêt du 21 septembre 2022 ayant reconnu la validité d’unerenonciation tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer (Cass. com., 21 sept. 2022, n° 19-26.203).

En second lieu, contrairement à la cour d’appel, la Haute Juridiction juge qu’il résulte de l’ancien article 1134 du Code civil – qui constitue, pour rappel, le siège de la force obligatoire du contrat reprise aujourd’hui à l’article 1103 du même code – que « la renonciation par l’époux à sa qualité d’associé lors de l’apport fait à la société de biens communs par son conjoint ne fait pas obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette même qualité ». Partant, la cour d’appel ne pouvait se fonder sur les seules dispositions statutaires afférentes à cette renonciation pour dire que l’épouse du co-fondateur du groupement n’avait pas valablement acquis la qualité d’associé et que l’assemblée l’ayant agréée est nulle ; il convenait qu’elle recherche si les deux associés n’avaient pas, postérieurement à cette renonciation, manifesté leur consentement unanime à son entrée dans le groupement. S’il était déjà acquis que « renoncer à la revendication […] n’équivaut pas nécessairement à abandonner définitivement la possibilité d’entrer dans la société » (Cl. Farge, N. Jullian, N. Kilgus et R. Mortier, « Parts sociales non négociables : les dangers de l’article 1832-2 du Code civil » : JCP N n° 43, 2022, 1244), puisque celui qui a renoncé à revendiquer la qualité d’associé peut la réclamer « à l’occasion d’un autre apport ou d’une autre acquisition opérée ultérieurement à raison des parts nouvelles souscrites ou acquises [avec], éventuellement […], l’agrément des coassociés dans les termes de l’article 1832-2, alinéa 3, du Code civil » ou « grâce à la cession d’une partie des droits sociaux en cause que lui consentirait son époux, sous réserve le cas échéant d’un agrément par les associés stipulé dans les statuts » (JCl Civil Code, art. 1832 à 1844-17, fasc. 10), il est désormais admis qu’en dehors de ces hypothèses, l’unanimité des associés lui reconnaisse à sa demande, postérieurement à sa renonciation, cette qualité.

Au regard des réponses inédites apportées par la Cour de cassation dans cet arrêt, il le fait nul doute que les questions soulevées lors du 118e Congrès des notaires de France tenant à l’utilité de l’article 1832-2 du Code civil, dans un contexte global où nombre d’auteurs militent pour la suppression de cette disposition (A. Rabreau, Plaidoyer pour la suppression de l’article 1832-2 du Code civil, in Mél. M. Germain : LexisNexis, 2015, p. 697 ; E. Naudin, Champ d’application de l’article 1832-2 du code civil : pour une approche restrictive : JCP N 2015, n° 44, 1193), refassent surface… 

Source

Cass. com., 19 juin 2024, n° 22-15.851, FS-B

BAIL RURAL – Statut du fermage et du métayage – Domaine d’application – Nature et superficie des parcelles – Moment d’appréciation – Date de conclusion du bail ou de renouvellement du bail –

RESUME

En application de l’article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010, le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement
Cassation


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 28 avril 2022), le 31 juillet 1989, [Z] [R] et [W] [F], son épouse, ont consenti à M. [N] un bail rural à long terme pour une durée de dix-huit ans à compter du 1er avril 1989 portant sur diverses parcelles dont l’une a été divisée en six parcelles suivant document d’arpentage établi par un géomètre-expert le 30 novembre 2009.

2. Par acte du 26 mai 2010, un partage est intervenu entre les héritiers de [Z] [R] et [W] [F], et M. [R] s’est vu attribuer une parcelle issue de la division de l’une des parcelles données à bail suivant le document d’arpentage précité.

3. Il a reçu, par acte du 10 septembre 2010, une donation de son frère portant sur deux autres parcelles incluses dans ce document.

4. M. [R] a délivré congé pour les trois parcelles précitées à M. [N] par acte du 28 mars 2019 à effet au 30 septembre 2019, se prévalant du régime des petites parcelles.

5. M. [N] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [N] fait grief à l’arrêt de constater la validité du congé, alors « que des parcelles données à bail ayant une superficie inférieure au seuil maximum fixé par arrêté du préfet du département relèvent du statut du fermage si elles sont issues d’une division du bien loué intervenue depuis moins de neuf ans ; que le statut du fermage demeure applicable jusqu’à l’expiration du bail renouvelé au cours duquel la division du fonds donné à bail est intervenue, de sorte que la condition de délai de neuf ans, qui commence à courir à partir de la date de la division, doit être appréciée à la date du renouvellement de ce bail ; qu’en retenant, pour dire que les parcelles A [Cadastre 3], A [Cadastre 4] et A [Cadastre 5] échappaient partiellement au statut du fermage et valider le congé délivré le 28 mars 2019 pour le 30 septembre 2019, qu’il résultait de l’acte de partage du 10 septembre 2010 que l’ancienne parcelle A n° [Cadastre 2] avait été divisée en six nouvelles parcelles dont les trois parcelles objet du congé, suivant document d’arpentage établi par un géomètre-expert le 30 novembre 2009, de sorte qu’à la date de la délivrance du congé, la condition de neuf ans était remplie, après avoir constaté que le bail s’était tacitement renouvelé 1er avril 2016, ce dont il résultait qu’à cette date, la condition de neuf ans n’était pas remplie, la cour d’appel a violé l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-1 et L. 411-3 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-47 et L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime :

7. Selon le premier de ces textes, le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire.

8. Aux termes du premier alinéa du second texte, après avis de la commission consultative des baux ruraux, des arrêtés de l’autorité administrative fixent, en tenant compte des besoins locaux ou régionaux, la nature et la superficie maximum des parcelles de terres ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d’une exploitation agricole pour lesquelles une dérogation peut être accordée aux dispositions des articles L. 411-4 à L. 411-7, L. 411-8 (alinéa 1), L. 411-11 à L. 411-16 et L. 417-3. La nature et la superficie maximum des parcelles à retenir lors de chaque renouvellement de la location sont celles mentionnées dans l’arrêté en vigueur à cette date.

9. Aux termes du deuxième alinéa de ce second texte, la dérogation prévue au premier alinéa ne s’applique pas aux parcelles ayant fait l’objet d’une division depuis moins de neuf ans.

10. L’indivisibilité du bail cessant à son expiration, dès lors que le bail renouvelé est un nouveau bail, la nature et la superficie des parcelles susceptibles d’échapper aux dispositions d’ordre public relatives au statut du fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé (3e Civ., 1er octobre 2008, pourvoi n° 07-17.959, Bull. 2008, III, n° 142).

11. Il en résulte que le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement.

12. Pour valider le congé, l’arrêt retient que la division s’entend, en l’espèce, du morcellement d’une parcelle par le biais d’une division parcellaire et non d’un simple allotissement dans le cadre d’une procédure de partage, et que l’ancienne parcelle A n° [Cadastre 2] a été divisée en six nouvelles parcelles dont les trois parcelles objets du congé, suivant document d’arpentage établi le 30 novembre 2009, et énonce que, si la division parcellaire est intervenue durant la durée initiale d’exécution du bail, un congé ne peut être donné qu’à l’issue d’un délai de neuf ans à compter du renouvellement de celui-ci, mais que, si la division intervient, alors que le bail a déjà été renouvelé, alors le délai de neuf ans commence à courir à compter de la division parcellaire.

13. Elle en déduit qu’à la date de la délivrance du congé, le 28 mars 2019, la condition de neuf ans qui a commencé à courir avant la fin de l’année 2009 était remplie, dès lors que cette division était intervenue alors que le bail rural était déjà renouvelé, échappant ainsi au principe d’indivisibilité.

14. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le bail en cours s’était renouvelé le 1er avril 2016, soit moins de neuf ans après la division intervenue par acte de partage du 26 mai 2010, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai autrement composée ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre.

Cour de cassation 3 juin 2024 Pourvoi n° 22-18.861

COOPERATIVE AGRICOLE ET RETRAIT D’UN ASSOCIE COOPERATEUR :

CAS DE FORCE MAJEURE OU MOTIF VALABLE ?

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCA Les Vins De [Localité 5], devenue la société Fonjoya, est une société spécialisée dans la production, la vinification, le stockage, l’élevage, la conservation et le conditionnement de vins.

Le 26 juillet 1993 M. [T] [P] a demandé d’en devenir associé coopérateur et il a acquis des parts sociales le 13 mai 1994.

Il a signé le 2 juin 2005 et le 5 septembre 2012, deux engagements autonomes dits « Contrats de convention de culture » aux termes desquels la cave s’est engagée à lui payer deux primes de plantation d’un montant total de 9 196,84 €, en contrepartie de son apport de la récolte primée pendant 15 années minimum.

En 2015, M. [P] a rencontré des problèmes de santé qui l’ont conduit à cesser son activité agricole .

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 avril 2016, il a rappelé à la société Fonjoya l’évolution de son état de santé et l’a informée également de la vente de ses parcelles à M. [L] [M] le 8 avril 2016, lui précisant que ce dernier avait refusé sa proposition de rachat de ses parts sociales dans la coopérative .

Le 9 mai 2017, la société Fonjoya a mis en demeure M. [P] de lui rembourser les primes dans le cadre des conventions, faute de respecter son obligation de livrer les récoltes pendant 15 années et de fournir des explications relatives à son retrait de la coopérative et la cessation de son activité.

Par lettre du 20 septembre 2017, la société l’a informé de ce que le conseil d’administration avait refusé son retrait et décidé d’appliquer les sanctions pécuniaires prévues à l’article 8 des statuts.

Après de nouveaux échanges, les parties se sont accordées sur le montant du remboursement, par M. [P], des primes de culture à hauteur de 3 892,94 euros, le litige persistant pour le surplus.

Par exploit du 19 décembre 2018, la société Fonjoya a assigné M. [P] en paiement de la somme de 3 892,94 € au titre du remboursement de cultures, celle de (64’987,4 × 3 exercices) 194’963, 70 € au titre des pénalités de participation aux charges fixes, et 19’727,04 € au titre de la pénalité de 10 % de la valeur des quantités non livrées (6 575,68 € x 3 exercices).

M. [P] a formé une demande reconventionnelle au titre de la récolte de l’année 2015 pour laquelle il lui restait dû, après un paiement partiel de la coopérative , un montant de 17’052,58 € (65’757,82 € – 48’704,24 €).

Par jugement en date du 22 mars 2022 le tribunal judiciaire de Montpellier a’:

– dit que M. [P] remboursera à la société Fonjoya la somme de 3 892,94 euros au titre des primes de plantation, conformément à l’accord des parties, cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, date de sa mise en demeure ;

– débouté la société Fonjoya de ses demandes au titre des pénalités ;

– dit que la société Fonjoya est redevable à l’égard de M. [P] de la somme de 17 052,58 euros au titre du solde de la récolte 2015 ;

– ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties, et condamné en conséquence, la société Fonjoya à payer à M. [P] la somme de 13 159,64 euros diminuée des intérêts au taux légal sur la somme de 3 892, 94 euros depuis le 9 mai 2017

– ordonné l’exécution provisoire et rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

– et condamné la société Fonjoya à payer à M. [P] la somme de 1500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal retient les motifs suivants.

Sur le remboursement des primes de culture’:

Le tribunal constate l’accord des parties pour fixer à la somme de 3 892,94 euros le montant des primes de culture qui seront remboursées par M. [P] à la société Fonjoya au titre des contrats de convention de culture des 2 juin 2005 et 5 Septembre 2012.

Cette somme sera, comme le sollicite la société Fonjoya, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 mai 2017.

Sur le défaut de livraison des récoltes par M. [P]’:

La société FONJOYA estime que le contrat de coopération qui lie les parties est à durée déterminée et que M. [P] ne pouvait y mettre fin avant le terme qui, après renouvellements successifs était fixé en 2019.

L’obligation d’apport étant une obligation de résultat, elle soutient que M. [P] ne pouvait s’y soustraire.

Ce dernier fait toutefois valoir, au visa des articles 1147 et 1148 du code civil, qu’il existe au cas d’espèce de force majeure, dûment établi, justifiant son retrait, qui l’ exonère de son obligation d’apport.

Il résulte de l’article 1148 du code civil qu’il n’y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

Selon la Cour de cassation (arrêt d’assemblée plénière du 14 avril 2006), l’événement de force majeure doit être irrésistible, imprévisible et extérieur.

La société Fonjoya considère que la maladie de M. [P] ne remplit pas le critère d’imprévisibilité dans la mesure où sa cécité est apparue en 2014, date à laquelle il a renouvelé sa dernière période d’engagement.

ll résulte des pièces médicales versées par M. [P], et notamment des certificats médicaux établis par le docteur [H] [K], qu’il est atteint d’une cécité totale au niveau de son ‘il droit depuis août 2014, s’agissant d’un ‘dème maculaire évolutif.

L’acte de cession de parts est en date du 19 mai 1994, l’engagement de M. [P] s’est donc renouvelé pour la dernière fois à compter du 19 mai 2014, date à laquelle il présentait un ‘dème maculaire évolutif, mais n’était pas encore atteint de cécité. Par ailleurs, les lombalgies paralysantes n’ont fait leur apparition qu’à compter de janvier 2015 pour ensuite s’aggraver considérablement comme en atteste le docteur [K].

C’est donc après 2015 et l’apparition des lombalgies que M. [P] n’a plus été en capacité d’exploiter ses vignes et de livrer la récolte à la cave coopérative .

La société Fonjoya estime que l’inexécution contractuelle de livraison n’est pas extérieure ni irrésistible puisqu’elle considère que c’est de sa seule volonté que M. [P] n’a pas livré sa récolte, alors que c’est l’événement constitutif de force majeure qui doit remplir les critères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité, en l’espèce la maladie de M. [P], qui, à la date de renouvellement du contrat, était imprévisible, irrésistible et extérieure.

Dès lors, la maladie de M. [P] est constitutive d’un cas de force majeure qui l’a empêché d’exécuter son obligation de livraison des récoltes à compter de l’année 2016 sans qu’il n’y ait lieu à aucuns dommages et intérêts au profit de la société Fonjoya.

En conséquence, la société FONJOYA sera déboutée de ses demandes au titre des pénalités.

Sur le solde de récolte 2015 et la compensation’:

Il a été vu plus haut que M. [P] doit restituer à la société Fonjoya des primes de plantation.

Par ailleurs, la société Fonjoya reste redevable à l’égard de M. [P] de la somme de 17 052,58 euros au titre de la récolte 2015 qui lui a été partiellement payée.

Elle sollicite que la compensation soit ordonnée entre les créances respectives des parties.

Dès lors, en application des articles 1289 et suivants du code civil, il sera opéré une compensation entre les créances réciproques des parties.

La société Fonjoya sera condamnée à payer à M. [P] la somme de 13 159,64 euros au titre du solde de la récolte 2015 restant due après déduction du montant des primes de culture dont la restitution partielle a été mise à la charge de M. [P] (17 052,58 euros – 3 892,94 euros =13159,64 euros).

Il convient toutefois de préciser que devront être déduits de cette somme les intérêts au taux légal sur la somme de 3 892,94 euros à compter du 9 mai 2017, date de la mise en demeure adressée par la société Fonjoya à M. [P]. »

Par déclaration du 5 mai 2022, la société coopérative agricole (SCA) Fonjoya a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 22 décembre 2023, elle demande à la cour :

– de déclarer recevable son appel’;

statuant à nouveau, à titre principal

– de prononcer la nullité du jugement attaqué’;

à titre subsidiaire,

– de condamner M. [P] à lui payer :

– la somme de 3 892,94 euros au titre du remboursement des primes perçues sur la base des conventions de culture avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017′;

– la somme de 64 987,90 euros x 3 exercices = 194 963,70 euros au titre des sanctions prévues à l’article 8-6 des statuts et la somme de 6 575,68 euros x 3 exercices=19 727,04 euros au titre des sanctions prévues à l’article 8-7 des statuts’;

– les intérêts au taux légal des sommes susvisées à compter du 20 septembre 2017 ;

‘ de le débouter de toutes ses demandes’;

– de le condamner, si besoin, à rembourser à la société Fonjoya la somme de 12 980, 24 euros versée au titre de l’exécution provisoire du jugement déféré avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2022 et la somme de 4’000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions du 10 novembre 2022 M. [T] [P] demande à la cour, au visa des articles R522-4 du code rural, 1147 et 1148, et 1152 du code civil ‘:

– à titre principal, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué’;

– subsidiairement, en cas d’infirmation ou d’annulation, de constater l’accord intervenu entre les parties sur le remboursement de la somme de 3 892,94 euros au titre des primes au prorata temporis’;

– en ce qui concerne les demandes de la société Fonjoya à titre principal, de juger que la maladie de M. [P] constitue un cas de force majeure, et de débouter la société Fonjoya de toutes ses demandes ;

– à titre subsidiaire, jugeant que la maladie de M. [P] constitue un motif valable de retrait selon l’article 11 des statuts de la coopérative , de débouter la société Fonjoya de toutes ses demandes ;

-jugeant que la pénalité objet des réclamations de la société Fonjoya est une clause pénale, de la juger manifestement excessive et la réduire à néant ;

– et de condamner la société Fonjoya à lui payer la somme de 17 052,58 euros au titre du solde de la récolte 2015’et celle de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile‘; ainsi qu’aux entiers dépens’avec distraction.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est datée du 25 janvier 2024.

MOTIFS

Sur le retrait

Attendu que le tribunal a retenu, pour débouter la société Fonjoya de ses demandes au titre des pénalités, que c’est l’événement constitutif de force majeure qui doit remplir les critères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité ; qu’ en l’espèce la maladie de M. [P],, à la date de renouvellement du contrat, était imprévisible, irrésistible et extérieure ; et que dès lors, la maladie de M. [P] est constitutive d’un cas de force majeure qui l’a empêché d’exécuter son obligation de livraison des récoltes à compter de l’année 2016 sans qu’il n’y ait lieu à aucun dommages et intérêts au profit de la société Fonjoya ;

Mais attendu que la maladie de M. [P] ne présente pas le caractère d’irrésistibilité requis pour constituer un cas de force majeure l’exonérant de ses obligations contractuelles ; que c’est ainsi que M. [P] , qui produit un certificat médical daté du 12 octobre 2017 attestant de ce qu’il est en « incapacité totale de travail sur son exploitation viticole depuis janvier 2015 », a pu se faire aider en souscrivant un contrat d’entreprise avec la société Viti’Oc pour assurer la récolte en 2015, de sorte que l’exécution de son obligation contractuelle n’était pas impossible, mais seulement plus onéreuse pour M. [P] ;

Attendu que son état de santé ne présente pas le caractère d’irrésistibilité requis pour pouvoir retenir l’existence d’un cas de force majeure, le moyen qu’il en tire pour justifier son retrait de la coopérative doit être écarté ;

Attendu qu’il s’ensuit la réformation -et non l’annulation- du jugement déféré;

Attendu que M. [P] soutient à titre subsidiaire que sa maladie constitue également un motif valable de retrait au sens de l’article 11 des statuts, reprenant les dispositions de l’article R522 – 4 du code rural, lequel prévoit que le retrait d’un associé coopérateur au cours de sa période d’engagement peut également intervenir suite à une démission d’un associé coopérateur , pour un motif valable, soumis au conseil d’administration qui peut l’accepter « à titre exceptionnel, si le départ de la coopérative ne porte aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n’a pas pour effet, en l’absence de cession des parts sociales de l’intéressé, d’entraîner la réduction du capital souscrit par l’associé coopérateur au-dessous de trois quarts depuis la constitution de la coopérative », M. [P] ajoutant à cet égard que le bilan de l’exercice 2016 de la coopérative fait apparaître une augmentation du bénéfice réalisé de 5 % par rapport à l’exercice précédent (2’405’028 € en 2015 versus 2’521’694 € en 2017, l’année de son départ) ;

Attendu en premier lieu que comme il le soutient, la coopérative n’est pas fondée à opposer à M. [P] que dans sa correspondance il n’aurait pas soumis au conseil d’administration le même motif que celui invoqué devant le premier juge et en cause d’appel, alors que sa maladie peut constituer à la fois un cas de force majeure, et légitimer exceptionnellement sa démission et son retrait ; que le conseil d’administration a d’ailleurs estimé dans son refus qu’il n’y avait ni cas de force majeure ni un motif valable lui permettant à titre exceptionnel d’accepter une démission en cours d’engagement ;

Mais attendu que la coopérative lui a répondu, sans être contredite sur ce point, que le coût du prestataire mandaté par M. [P] s’est élevé à la somme de 10’020 € et que la rémunération de sa récolte par la coopérative s’est élevée en 2015 à la somme de 65’756,82 €, de sorte que l’appelante a pu légitimement estimer que la maladie de M. [P] ne constituait ni un cas de force majeure, ni un motif légitime justifiant à titre exceptionnel son retrait sans pénalités ;

Attendu, s’agissant du montant dû à ce titre par M. [P], qu’ en application de l’article R522-2 du code rural, la qualité d’associé coopérateur ne s’acquiert que par la souscription et l’achat effective des parts sociales de la société coopérative agricole , le seul fait d’apporter des récoltes ne permettant pas d’acquérir la qualité d’associé coopérateur , de sorte qu’il restait bien trois exercices à accomplir, et non deux contrairement à ce que M. [P] prétend;

Attendu qu’en ce qui concerne l’analyse de l’article 8 des statuts, la société coopérative soutient que cet article reproduit des dispositions impératives des statuts-type et qu’il a pour objet d’assurer l’indemnisation du préjudice subi par la coopérative à la suite de l’inexécution par les adhérents de leurs obligations d’apport, préjudice résultant de la nécessité pour la coopérative de faire face à ses charges fixes en dépit de la défaillance de ses associés par rapport à la durée de leurs engagements ; que cette clause réglementaire définit les conditions d’indemnisation du retrait anticipé d’un associé coopérateur et le mode de calcul des sanctions qui lui sont applicables ; que l’article 8.6 des modèles de statuts réglementés est pré-rédigé dans son intégralité, de sorte que son contenu doit être repris in extenso dans les statuts des sociétés coopératives agricoles ; qu’il énonce les charges des comptes 61 à 69 à prendre en considération pour calculer la participation aux frais de l’associé coopérateur défaillant ; que les modalités de calcul des sanctions pécuniaires prévues à cet article 8 des statuts sont à la fois contractuelles et réglementaires ; que la participation aux frais fixes a été chiffrée par le conseil d’administration de la coopérative de la manière suivante : 916,09 hl (quantité non livrée) x 70,94 € (frais fixes par hectolitres) = 64’987,90 € x par 3 exercices = 194’963,70 € ;

Mais attendu qu’à l’article 8.6 des statuts il est dit que « le conseil d’administration pourra décider de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs. Cette participation correspond à la quote-part que représentent les quantités non livrées ou les services non effectués pour la couverture des charges constatées au cours de l’exercice du manquement (‘) »

Que l’article 8.7 des statuts ajoute :

«En cas d’inexécution totale ou partielle de ses engagements par l’associé coopérateur , le conseil d’administration pourra, en outre, décider de lui appliquer plusieurs des sanctions suivantes :

a) 10 % de la valeur des quantités qui auraient dû être livrées ou du chiffre d’affaires qui aurait dû être fait par la coopérative (‘) pour le nombre d’exercices restant à courir jusqu’au terme de l’engagement initial de 10 ans ou jusqu’au terme de la période de renouvellement de cinq ans (‘) » ;

Attendu que ces stipulations s’analysent en deux sanctions pénales contractuelles qui sont calculées sur la base d’une estimation de la quantité des récoltes qui auraient dû être théoriquement livrées alors qu’elles ne le furent pas, ou bien sur la base un pourcentage forfaitairement fixé ; que ces sanctions d’un montant dissuasif sont destinées à inciter le coopérateur à respecter ses engagements contractuels ;

Attendu que le montant de ses clauses pénales peut donc être diminué lorsqu’elles sont manifestement excessives ;

Que tel est le cas d’espèce qui conduit la société à réclamer à M. [P] un montant de 64 987,90 € x 3 exercices = 194 963,70 euros au titre des sanctions prévues à l’article 8-6 des statuts, outre un cumul avec la somme de 6 575,68 euros x 3 exercices = 19 727,04 euros au titre des sanctions prévues à l’article 8-7 des statuts’;

Attendu que la cour estime qu’il y a lieu de ramener le montant de chacune de ces pénalités manifestement excessives respectivement au montant de 20 000 € et celui de 10 000 €, soit au total à la somme de 30 000 € que M. [P] sera condamné à payer à la société Fonjoya ;

Attendu enfin, sur le solde de la récolte 2015 et la compensation sollicitée, que M. [P] doit restituer à la société Fonjoya des primes de plantation (3 892,94 €) et que par ailleurs, la société Fonjoya reste redevable à l’égard de M. [P] de la somme de 17 052,58 euros au titre de la récolte 2015 qui lui a été partiellement payée ;

Attendu qu’il convient d’opérer une compensation entre ces créances réciproques en application des articles 1289 et suivants du code civil ; que M. [P] sera condamné en conséquence à payer à la société Fonjoya la somme de 30 000 € et celle de 3 892,94 euros au titre de la restitution des primes de culture, dont à déduire la somme de 17 052, 58 euros au titre du solde de la récolte 2015, soit un montant total que M. [P] doit verser s’élevant à 16 840,36 € ( 33 892, 94 ‘ 17 052,58 euros), étant relevé que le montant de 30’000 € ne peut porter intérêts au taux légal qu’à compter de la présente décision qui le fixe ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer expressément sur la demande de restitution de la somme de 12’980,24 € versée au titre de l’exécution provisoire du jugement déféré, le présent arrêt infirmatif constituant le titre exécutoire permettant cette restitution ;

Attendu que M. [P] succombant au plus large part, devra supporter la charge des dépens de première instance et d’appel, et verser en équité la somme de 3 000 € à la société Fonjoya au titre de l’article 700 du code de procédure civile applicable en première instance et en cause d’appel, ne pouvant lui-même prétendre au bénéfice de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Fonjoya de ses demandes au titre des pénalités, condamné la société Fonjoya à payer à M. [P] la somme de 13 159,64 euros, et condamné la société Fonjoya à payer à M. [P] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant

Condamne M. [T] [P] à payer à la société coopérative agricole (SCA) Fonjoya, anciennement dénommée « les Vins de [Localité 5] », la somme de 16’840,36 € après compensation entre créances réciproques, au titre des pénalités des articles 8.6 et 8.7 des statuts,

Le condamne aux entiers dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Cour d’appel Montpellier Chambre commerciale 19 Mars 2024 Répertoire Général : 22/02440

BAIL RURAL A LONG TERME : IL N’Y A PAS D’AGE


L’article L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime ne fait pas obstacle à la conclusion d’un bail à long terme par un preneur qui se trouve à moins de neuf ans de l’âge de la retraite, un tel bail est d’une durée minimale de dix-huit ans

Solution. – Les dispositions de l’article L. 416-4 du Code rural et de la pêche maritime, lesquelles permettent, par exception, la conclusion de baux à long terme d’une durée inférieure à 18 années pour les preneurs qui sont, à la date de sa conclusion, à plus de 9 ans et à moins de 18 ans de l’âge légal de la retraite, n’ouvrent qu’une faculté en sorte qu’il est loisible à de tels preneurs de conclure un bail de 18 ans.

Impact. – Cet arrêt met d’une façon générale en évidence la plasticité des baux à long terme. Plus particulièrement, il délimite la portée d’un texte dérogatoire qui a manifestement nourri aussi peu, sans doute par ignorance de son existence, les études de notaires que les registres de jurisprudence.

Cass. 3e civ., 26 oct. 2023, n° 21-25.745, FS-B : JurisData n° 2023-019411

MODIFICATIONS DU REGISTRE DE COMMERCE ET ANNULATION DE DELIBERATIONS DES ASSOCIES

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Angers, 13 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 9 septembre 2020, n° 19-15.422), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d’apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d’apport et l’augmentation de capital subséquente.

2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA.

3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d’apport du 14 décembre 2004.

4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d’un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l’arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ».

5. La société FDG a, par voie de requête, demandé au juge commis à la surveillance de ce registre d’enjoindre au greffier de procéder à l’annulation de ces modifications et de rétablir l’état antérieur de ces inscriptions.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l’arrêt d’enjoindre au greffe du tribunal de commerce de procéder à l’annulation des modifications inscrites à l’extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l’état antérieur à ces modifications, et d’enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2012, alors « que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n’ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l’efficacité des actes et pièces déposés en vue de l’inscription d’une mention au registre du commerce et des sociétés ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les inscriptions portées au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2012 relatives à la forme sociale de la société Larzul et à la réduction de son capital étaient justifiées par une délibération du 24 mars 2012, par laquelle la société Vectora, en qualité d’associé unique de la société Larzul, avait décidé, en conséquence de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2012, de constater que la société Larzul était une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 3 300 000 euros, et de modifier ses statuts pour adopter à nouveaux ceux en vigueur antérieurement ; que, pour ordonner l’annulation de ces inscriptions, à la demande de la société FDG, qui prétendait qu’elle n’avait pas perdu la qualité d’associé et qu’ainsi la société Larzul ne disposait pas d’un associé unique, la cour d’appel retient, par motifs propres et adoptés, que l’arrêt du 24 janvier 2012 ne statue pas sur les conséquences des annulations prononcées et qu’un retour à la situation antérieure ne résulte pas expressément de cet arrêt ; qu’en se prononçant ainsi, la cour d’appel, qui a remis en cause le statut de société à associé unique de la société Larzul et la perte de la qualité d’associé de la société FDG, et ainsi la validité de la délibération prise le 24 janvier [lire : mars] 2012, par l’interprétation qu’elle a faite de l’arrêt du 24 janvier 2012, a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence et violé l’article L. 123-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l’article R. 123-95 du code de commerce que le greffier vérifie que les énonciations d’une demande d’inscription au registre du commerce et des sociétés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d’une demande de modification ou de radiation, avec l’état du dossier, mais qu’il ne dispose d’aucun pouvoir d’interpréter lesdits actes et pièces justificatives.

8. Il résulte de l’article L. 123-6 du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, compétent pour connaître de toutes contestations entre l’assujetti et le greffier, ne peut, à l’occasion d’une telle contestation, trancher un différend opposant la société assujettie à un tiers, telle la reconnaissance à ce dernier de sa qualité d’associé, qui ressortit au juge compétent sur le fond.

9. Ayant constaté que l’arrêt du 24 janvier 2012 s’était borné à annuler l’apport de fonds de commerce et l’augmentation de capital en résultant, mais qu’il n’en résultait ni l’anéantissement du protocole d’accord du 14 décembre 2004 et de tous les actes qui en sont la suite ni, par voie de conséquence, le retour à la situation antérieure à ce protocole, ce dont il se déduit que les énonciations de la demande de modification de l’inscription de la société Larzul au registre du commerce et des sociétés formée en 2012 n’étaient pas compatibles avec l’état du dossier, la cour d’appel, qui n’a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d’actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l’ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l’annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

  1. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l’arrêt d’enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, alors « que si l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du registre d’enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions complémentaires ou rectifications qu’elle n’aurait pas fait porter dans les délais ou qui s’avéreraient nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ni ce texte ni aucune autre disposition légale ne l’autorise à enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux ; qu’en enjoignant à la société Larzul de modifier ses statuts, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce :

  1. Selon ce texte, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut enjoindre à toute personne immatriculée à ce registre qui ne les aurait pas requises dans les délais prescrits, de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu’elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
  2. L’arrêt confirme la décision du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ayant fait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique.
  3. En statuant ainsi, alors que le pouvoir d’injonction conféré au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d’appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

  1. Ainsi qu’il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
  2. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
  3. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d’enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu’être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l’ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, il enjoint à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2014, et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l’arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable la demande de la société Groupe française de gastronomie tendant à ce que la société Larzul soit enjointe de mettre ses
statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2014 ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d’appel d’Angers ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

1 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-22.446 Chambre commerciale financière et économique – Formation restreinte hors RNSM/NA Publié au Bulletin ECLI:FR:CCASS:2023:CO00407

LOI n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs

« Chapitre IV

« Dispositions générales

« Art. L. 444-1 A. – Les chapitres Ier, II et III du présent titre s’appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français. Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage. »Article 2

L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020) d’accélération et de simplification de l’action publique est ainsi modifié :

1° Le I ter est ainsi rédigé :

« I ter. – Le I du présent article n’est pas applicable aux produits mentionnés aux parties IX et XI de l’annexe 1 au règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013) portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72), (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil.

« Par dérogation, un arrêté du ministre chargé de l’agriculture peut fixer la liste de certains de ces produits pour lesquels le I du présent article est applicable, sur demande motivée de l’interprofession représentative des produits concernés ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de produits, d’une organisation professionnelle représentant des producteurs. » ;

2° Le premier alinéa du IV est ainsi modifié :

a) A la première phrase, les mots : « respectivement avant le 1er octobre 2021 et avant le 1er octobre 2022 deux rapports » sont remplacés par les mots : « , avant le 1er octobre de chaque année, un rapport » ;

b) A la deuxième phrase, les mots : « remis avant le 1er octobre 2022 » sont supprimés ;

c) La dernière phrase est supprimée ;

d) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Ce rapport est établi après consultation de l’ensemble des acteurs économiques concernés de la filière alimentaire. L’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionné à l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime) est associé à son élaboration. » ;

3° Après le même IV, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. – Chaque distributeur de produits de grande consommation transmet aux ministres chargés de l’économie et de l’agriculture, avant le 1er septembre de chaque année, un document présentant la part du surplus de chiffre d’affaires enregistré à la suite de la mise en œuvre du I qui s’est traduite par une revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès de leurs fournisseurs. Le Gouvernement transmet au président de la commission chargée des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat ce document, qui ne peut être rendu public. » ;

4° Le VIII est ainsi rédigé :

« VIII. – Le I et le premier alinéa du IV sont applicables jusqu’au 15 avril 2025.

« Le II et le second alinéa du IV sont applicables jusqu’au 15 avril 2026. »Article 3

Le III de l’article L. 441-4 du code de commerce) est complété par les mots : « ainsi que chacune des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale et leur prix unitaire ».Article 4

Le 4° du I de l’article L. 442-1 du code de commerce) est ainsi modifié :

1° Au début, les mots : « S’agissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie soumis au I de l’article L. 441-1-1, » sont supprimés ;

2° La référence : « L. 443-8 » est remplacée par la référence : « L. 441-4 ».Article 5

La seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime) est complétée par les mots : « , notamment celle des produits issus de l’agriculture biologique ».Article 6

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport étudiant la possibilité de la mise en place d’un encadrement des marges des distributeurs sur les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine afin qu’elles ne puissent pas être supérieures aux marges effectuées sur les produits conventionnels.Article 7

I. – L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020) d’accélération et de simplification de l’action publique est ainsi modifié :

1° A la fin du A du II, les mots : « denrées alimentaires ou de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie » sont remplacés par les mots : « produits de grande consommation au sens du I de l’article L. 441-4 du code de commerce) » ;

2° Au 2° du C du même II, le mot : « alimentaires » est remplacé par les mots : « de grande consommation » ;

3° Au premier alinéa du III, les mots : « denrées ou catégories de denrées alimentaires pour lesquelles » sont remplacés par les mots : « produits de grande consommation pour lesquels » ;

4° Au 1° du même III, les mots : « denrées ou catégories de denrées alimentaires concernées » sont remplacés par les mots : « produits de grande consommation concernés » ;

5° Le 2° dudit III est ainsi rédigé :

« 2° La dérogation prévue au premier alinéa du présent III fait l’objet d’une demande, motivée et accompagnée de toutes données utiles pour l’appréciation de la saisonnalité des ventes au regard du critère prévu au 1°, par une organisation professionnelle représentant des producteurs ou des fournisseurs des produits ou des catégories de produits concernés. Pour les denrées ou les catégories de denrées alimentaires, lorsqu’une interprofession représentative des denrées ou des catégories de denrées concernées existe, la dérogation fait l’objet d’une demande présentée par ladite interprofession. » ;

6° Le second alinéa du IV est ainsi rédigé :

« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre de chaque année, un rapport évaluant les effets de l’encadrement des promotions prévu au II du présent article sur les prix de vente des produits de grande consommation. Ce rapport analyse ces effets en distinguant, d’une part, les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie et, d’autre part, les autres produits de grande consommation. Il analyse spécifiquement les conséquences sur l’évolution du revenu des agriculteurs et les effets de la mesure sur les petites et moyennes entreprises. Il précise, le cas échéant, la liste des pratiques constatées par les services de l’Etat tendant à contourner les objectifs dudit encadrement et indique les moyens mis en œuvre pour remédier à ces pratiques. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er mars 2024.Article 8

A la seconde phrase du premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018) pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, les mots : « expérimentation de » sont supprimés.Article 9

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le IV de l’article L. 441-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La négociation de la convention écrite est conduite de bonne foi, conformément à l’article 1104 du code civil). » ;

2° L’article L. 442-1 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° De ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l’article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat dans le respect de la date butoir prévue à l’article L. 441-3. » ;

b) Le premier alinéa du II est complété par les mots : « , et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties » ;

3° L’article L. 443-8 est ainsi modifié :

a) A la première phrase du VII, les mots : « au présent article » sont remplacés par les mots : « aux I à VI du présent article » ;

b) Il est ajouté un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – Pour les produits mentionnés au I du présent article, sont applicables le II de l’article L. 442-1 ainsi que, pour la détermination du prix applicable durant la durée du préavis, le II du présent article. »

II. – A titre expérimental, pour une durée de trois ans, à défaut de convention conclue au plus tard le 1er mars ou dans les deux mois suivant le début de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier, le fournisseur peut :

1° Soit, en l’absence de contrat nouvellement formé, mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens du II de l’article L. 442-1 du code de commerce) ;

2° Soit demander l’application d’un préavis conforme au même II.

Les parties peuvent également saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises afin de conclure, sous son égide et avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, qui tient notamment compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas d’accord des parties sur les conditions du préavis, le prix convenu s’applique rétroactivement aux commandes passées à compter du 1er mars. En cas de désaccord, le fournisseur peut mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens dudit II ou demander l’application d’un préavis conforme au même II.Article 10

L’article L. 441-6 du code de commerce) est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux deux premiers alinéas du présent article, pour les produits mentionnés au I de l’article L. 441-4, le non-respect de l’échéance du 1er mars prévue au IV de l’article L. 441-3 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 1 000 000 € pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est porté à 400 000 € pour une personne physique et à 2 000 000 € pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »Article 11

Après le I de l’article L. 441-3 du code de commerce), il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Les obligations réciproques en matière de logistique auxquelles s’engagent le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service, notamment le montant des pénalités mentionnées à l’article L. 441-17 et les modalités de détermination de ce montant, font l’objet d’une convention écrite, distincte de celle mentionnée au I du présent article. Les dispositions du IV du présent article relatives à l’échéance du 1er mars ne s’appliquent pas à cette convention.

« L’arrivée à échéance ou la résiliation de la convention mentionnée au premier alinéa du présent I bis ne peut entraîner la résiliation automatique, le cas échéant, de la convention écrite mentionnée au I. »Article 12

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-17 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :

« Les pénalités infligées au fournisseur par le distributeur sont proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels, dans la limite d’un plafond équivalent à 2 % de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée. » ;

b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune pénalité logistique ne peut être infligée pour l’inexécution d’engagements contractuels survenue plus d’un an auparavant. » ;

c) La première phrase du quatrième alinéa du même I est ainsi rédigée : « Lorsque le distributeur, conformément au premier alinéa du présent I, transmet au fournisseur un avis de pénalité logistique en raison d’une inexécution d’engagement contractuel, il apporte en même temps, par tout moyen, la preuve du manquement constaté et celle du préjudice subi. » ;

d) Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – En cas de situation exceptionnelle, extérieure aux distributeurs et aux fournisseurs, affectant gravement les chaînes d’approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs, l’application des pénalités logistiques prévues par les contrats conclus en application du présent titre entre les distributeurs et le ou les fournisseurs intervenant dans ces secteurs et concernés par ladite situation peut être suspendue par décret en Conseil d’Etat, pour une durée maximale de six mois renouvelable. » ;

2° Les deuxième et troisième phrases de l’article L. 441-18 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels, dans la limite d’un plafond équivalent à 2 % de la valeur, au sein de la commande, de la catégorie de produits commandés concernée par l’inexécution desdits engagements. »Article 13

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-17 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Le présent article n’est pas applicable aux relations commerciales avec les grossistes au sens du II de l’article L. 441-4. » ;

2° L’article L. 441-18 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent article n’est pas applicable aux relations commerciales avec les grossistes au sens du II de l’article L. 441-4. »Article 14

L’article L. 441-19 du code de commerce) est complété par six alinéas ainsi rédigés :

« Chaque distributeur communique au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à son représentant nommément désigné, au plus tard le 31 décembre de chaque année, les montants des pénalités logistiques qu’il a infligées à ses fournisseurs au cours des douze derniers mois ainsi que les montants effectivement perçus. Il détaille ces montants pour chacun des mois.

« Chaque distributeur communique au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à son représentant nommément désigné, avant le 31 décembre 2023, les montants des pénalités logistiques qu’il a infligées à ses fournisseurs respectivement en 2021 et en 2022, en les détaillant mois par mois ainsi que les montants effectivement perçus.

« Chaque fournisseur communique au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à son représentant nommément désigné, au plus tard le 31 décembre de chaque année, les montants des pénalités logistiques qui lui ont été infligées par ses distributeurs au cours des douze derniers mois ainsi que ceux qu’il a effectivement versés.

« Le Gouvernement transmet chaque année au président de la commission chargée des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat une synthèse des communications prévues aux deuxième à quatrième alinéas du présent article, qui ne peut être rendue publique. Il précise, le cas échéant, les manquements à l’article L. 441-17 constatés par le ministre chargé de l’économie ainsi que les actions mises en œuvre pour les faire cesser.

« Tout manquement aux deuxième à quatrième alinéas du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale.

« Le maximum de l’amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et à 1 000 000 € pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »Article 15

Le 3° du I de l’article L. 441-1-1 du code de commerce) est ainsi rédigé :

« 3° Soit prévoient, sous réserve qu’elles fassent état d’une évolution du tarif du fournisseur du produit mentionné audit premier alinéa par rapport à l’année précédente, l’intervention, aux frais du fournisseur, d’un tiers indépendant chargé d’attester la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés mentionnés au même premier alinéa. Dans ce cas, le fournisseur transmet au tiers indépendant les pièces nécessaires à cette attestation, notamment la méthodologie employée pour déterminer l’impact sur son tarif de l’évolution du prix desdites matières premières agricoles ou desdits produits transformés. L’attestation est fournie par le fournisseur au distributeur dans le mois qui suit l’envoi des conditions générales de vente. Dans le cadre de cette option, le tiers indépendant est aussi chargé d’attester au terme de la négociation que, conformément au II de l’article L. 443-8, celle-ci n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif du fournisseur qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés mentionnés au premier alinéa du présent I. A défaut d’attestation dans le mois qui suit la conclusion du contrat, les parties qui souhaitent poursuivre leur relation contractuelle modifient leur contrat dans un délai de deux mois à compter de la signature du contrat initial. »Article 16

L’article L. 441-7 du code de commerce) est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée : « La négociation du prix ne porte pas sur la part, dans le prix proposé par le fabricant, du prix des matières premières agricoles et des produits transformés mentionnés au I de l’article L. 441-1-1. » ;

2° Après le même I, il est inséré un I bis A ainsi rédigé :

« I bis A. – Lorsque le contrat porte sur une période supérieure à douze mois, il fixe une date annuelle à laquelle le prix est renégocié pour tenir compte des fluctuations des prix des matières premières entrant dans la composition du produit.

« La négociation ne porte pas sur la part, dans le prix proposé par le fabricant à l’occasion de cette renégociation, que représente le prix des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit. Le dernier alinéa du I du présent article s’applique lors de cette renégociation. »Article 17

Le IV de l’article L. 443-8 du code de commerce) est ainsi modifié :

1° A la première phrase, les mots : « de la matière première agricole » sont remplacés par les mots : « des matières premières agricoles » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les évolutions de prix résultant de la clause de révision automatique des prix sont mises en œuvre au plus tard un mois après le déclenchement de ladite clause. »Article 18

Sont ratifiées :

1° L’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées ;

2° L’ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019) relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas.Article 19

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au V de l’article L. 441-1-1, les mots : « au sens du II de l’article L. 441-4 » sont remplacés par les mots : « définis au I de l’article L. 441-1-2 » ;

2° Après le même article L. 441-1-1, il est inséré un article L. 441-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-1-2. – I. – Le grossiste s’entend de toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou à plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité. Sont assimilées à des grossistes les centrales d’achat ou de référencement de grossistes.

« Sont exclus de la notion de grossiste les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d’achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail.

« II. – Les conditions générales de vente applicables aux grossistes, tant dans leurs relations avec les fournisseurs que dans leurs relations avec les acheteurs, comprennent notamment les conditions de règlement ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix.

« III. – Tout grossiste qui établit des conditions générales de vente est tenu de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s’effectue par tout moyen constituant un support durable.

« Ces conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de prestations de services. Dans ce cas, l’obligation de communication prescrite au premier alinéa du présent III porte uniquement sur les conditions générales de vente applicables à une même catégorie d’acheteurs.

« IV. – Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale.

« Dans le cadre de cette négociation, le grossiste et son acheteur peuvent convenir de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au III.

« Lorsque le prix d’un service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier ou un devis suffisamment détaillé.

« V. – L’article L. 441-1-1 n’est pas applicable aux grossistes.

« VI. – Tout manquement au II du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. » ;

3° Après l’article L. 441-3, il est inséré un article L. 441-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-3-1. – I. – La convention écrite conclue soit entre le fournisseur et le grossiste, défini au I de l’article L. 441-1-2, soit entre le grossiste et le distributeur ou le prestataire de services mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale, dans le respect des articles L. 442-1 à L. 442-3. Cette convention est établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre et des contrats d’application.

« II. – Sans préjudice des articles L. 442-1 à L. 442-3, tout avenant à la convention mentionnée au I du présent article fait l’objet d’un écrit qui mentionne l’élément nouveau le justifiant.

« III. – La convention mentionnée au I fixe, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, les obligations suivantes :

« 1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix et, le cas échéant, les types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées ;

« 2° Les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou des services du fournisseur, que le grossiste lui rend, ou des produits ou des services du grossiste, que le distributeur ou le prestataire de services lui rend, ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution et la rémunération de ces services ainsi que les produits ou les services auxquels ils se rapportent et la rémunération globale afférente à l’ensemble de ces obligations ;

« 3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale, soit entre le fournisseur et le grossiste, soit entre le grossiste et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à l’ensemble de ces obligations ;

« 4° L’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels se rapporte tout service ou toute obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié.

« IV. – La convention mentionnée au I est conclue pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans, au plus tard le 1er mars de l’année pendant laquelle elle prend effet ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier. Lorsqu’elle est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, elle fixe les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d’un ou de plusieurs indicateurs disponibles reflétant l’évolution du prix des facteurs de production.

« V. – Le fournisseur, dans sa relation avec le grossiste, et le grossiste, dans sa relation avec le distributeur ou le prestataire de services, communiquent leurs conditions générales de vente définies à l’article L. 441-1-2, dans un délai raisonnable avant le 1er mars ou, pour les produits ou les services soumis à un cycle de commercialisation particulier, avant le point de départ de la période de commercialisation.

« VI. – Les articles L. 441-4 et L. 443-8 ne sont pas applicables aux grossistes tant dans leurs relations avec les fournisseurs que dans leurs relations avec les distributeurs ou les prestataires de services. » ;

4° Le II de l’article L. 441-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « grossiste », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « défini au I de l’article L. 441-1-2. » ;

b) La seconde phrase du même premier alinéa est supprimée ;

c) Le second alinéa est supprimé.Article 20

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-8 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) A la première phrase du quatrième alinéa, après le mot : « alinéas », sont insérés les mots : « du présent I » ;

c) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture peut fixer la liste de certains produits agricoles et alimentaires pour lesquels, par dérogation, le I du présent article n’est pas applicable. Cette dérogation fait l’objet d’une demande motivée de l’interprofession représentative des produits concernés ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de produits, d’une organisation professionnelle représentant des producteurs. » ;

2° A l’article L. 954-3-5, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du I ».

II. – A l’article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime), après la première occurrence du mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du I ».Article 21

L’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime) est ainsi modifié :

1° A la première phrase du deuxième alinéa du II, après la seconde occurrence du mot : « conclusion », il est inséré le mot : « et » ;

2° Le VIII est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le présent VIII n’est pas applicable aux contrats de vente comportant des stipulations justifiant de les qualifier de contrats financiers, au sens du III de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier), ou comportant une indexation à de tels contrats ou des stipulations qui prévoient la conclusion d’un contrat financier pour la détermination du prix. Il ne s’applique pas non plus aux contrats conclus par les collecteurs mentionnés à l’article L. 666-1 du présent code lorsqu’ils prévoient une indexation conformément au 1° du III du présent article, en l’absence de contrat financier de référence. » ;

3° Il est ajouté un IX ainsi rédigé :

« IX. – Pour déterminer les indicateurs utilisés au titre du présent article, les parties peuvent notamment s’appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable définis à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005) en faveur des petites et moyennes entreprises. »

La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.

Fait à Paris, le 30 mars 2023.Emmanuel MacronPar le Président de la République :La Première ministre,Élisabeth BorneLe ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,Bruno Le MaireLe ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire,Marc Fesneau

Note de la Source

(1) Travaux préparatoires : loi n° 2023-221).

Assemblée nationale :

Proposition de loi n° 575) ;

Rapport de M. Frédéric Descrozaille, au nom de la commission des affaires économiques, n° 684 ;

Discussion les 17 et 18 janvier 2023 et adoption, après engagement de la procédure accélérée, le 18 janvier 2023 (TA n° 64).

Sénat :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, n° 261 (2022-2023) ;

Rapport de Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques, n° 326 (2022-2023) ;

Texte de la commission n° 327 (2022-2023) ;

Discussion et adoption le 15 février 2023 (TA n° 58, 2022-2023) ;

Sénat :

Rapport de Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission mixte paritaire, n° 428 (2022-2023) ;

Texte de la commission n° 429 (2022-2023) ;

Discussion et adoption le 21 mars 2023 (TA n° 81, 2022-2023).

Assemblée nationale :

Proposition de loi, modifiée par le Sénat, n° 870 ;

Rapport de M. Frédéric Descrozaille, au nom de la commission mixte paritaire, n° 948 ;

Discussion et adoption le 22 mars 2023 (TA n° 93).

Source : Journal officiel

Journal Officiel du 31 mars 2023- Numéro77 Lois

LOI n°2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (1)NOR : AGRG2236988L

Décret n° 2022-1247 du 22 septembre 2022 relatif aux mesures de publicité et d’information de la décision de suspension de l’instruction d’une demande d’autorisation d’exploiter en cas d’agrandissement excessif ou de concentration excessive

NOR : AGRT2222201D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/9/22/AGRT2222201D/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/9/22/2022-1247/jo/texte
JORF n°0221 du 23 septembre 2022
Texte n° 16

Coopérative agricole : Faute de gestion et Responsabilité du conseil d’administration

Aux termes de l’article L. 524-5-1 du code rural et de la pêche maritime,

‘les administrateurs sont responsables individuellement ou solidairement selon les cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés coopératives agricoles et à leurs unions, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. (…) L’action en responsabilité contre les administrateurs tant sociale qu’individuelle se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation.’

M. T. en sa qualité d’associé est recevable à intenter l’action sociale et personnelle contre M. Laurent D., en sa qualité de président du conseil d’administration de la Sca.

1° ) Sur la violation caractérisée de la loi et des statuts de la société coopérative

Il apparaît que le projet de cession a été soumis à l’assemblée générale sans avoir été préalablement soumis au conseil d’administration.

Cependant, les membres du conseil d’administration étaient présents ou représentés lors des deux assemblées générales des 24 juin 2015 et 19 novembre 2015 qui se sont prononcées favorablement sur le projet de cession des parts de l’Eurl.

M. T. administrateur lui-même a pris part à ces votes (négativement) sans faire d’observation sur l’absence d’autorisation préalable du conseil d’administration s’agissant d’une convention devant être conclue avec un administrateur.

Ce n’est qu’ensuite de la réalisation de la cession en janvier 2016, que M. T. a invoqué le non respect des statuts lors de la prise de décision.

M. T. ne produit aucun procès-verbal de conseil d’administration antérieur démontrant que l’irrégularité commise était contraire à la pratique des associés, consistant selon les intimés à toujours décider collectivement en assemblée générale de toutes les décisions.

En effet, il sera rappelé qu’il n’y a que 5 associés au sein de la société coopérative et 7 votants et que le conseil d’administration est composé de 5 associés.

Les intimées produisent les attestations de MM. D. et D. P., autres associés qui témoignent de ce que ‘les décisions ont toujours été prises collectivement’, que ‘les orientations de la coop étaient décidées ensemble’ et que ‘tous les sociétaires étaient présents pour chaque vote’, et encore que ‘l’ensemble des décisions concernant la coopérative ont été prises par la majorité des sociétaires et non par Laurent D. seul’ et qu ‘aucune décision ne s’est prise et ne se prendra sans un vote des coopérateurs’.

Aucune faute dans le mandat de M. Laurent D. ne peut donc lui être reproché par M. T., lui-même administrateur ayant laissé l’assemblée générale décider, selon la pratique, sans faire d’observation.

2°) Sur les fautes de gestions de M. D. dans le cadre de son mandat d’administrateur -président du conseil d’administration

M. T. indique que ‘ les résolutions irrégulièrement soumises au vote des associés étaient totalement contraire à l’intérêt social’.

En premier lieu, il ne peut qu’être relevé que M. T. se trouve seul dans la présente instance à soutenir ce point de vue.

D’autre part, les décisions critiquées ont été soumises au vote des associés lors d’assemblées générales régulières . Elles ne sauraient constituer par définition, une décision imputable au seul président de la société coopérative.

Les procès verbaux d’assemblées générales confirment que les décisions de transition de l’activité de la coopérative ( abandon de la transformation laitière, cession du point de vente, recherche d’un rapprochement avec une autre coopérative…) ont toujours été prises en assemblée générale.

Le projet de cession des parts de la société La Fruitière, en particulier, a fait l’objet de concertation et de discussions. Lors de l’assemblée générale du 24 juin 2015, seuls M. T. et M. C. se sont opposés à ce projet , alors que les 3 autres associés ( en retirant MM. D.) y étaient favorables. Les opposants étaient donc minoritaires.

Dans une attestation du 8 décembre 2016, la FDCL (fédération des coopératives laitières des Savoie) autorité régulatrice, qui a été saisie par M. T., a relaté les difficultés de la coopératives Laitière de Pers Jussy, en remettant dans leur contexte les décisions prises par la Sca : elle indique avoir été ‘rassurée’ par le conseil de gestion et juridique de la coopérative qui a mis en évidence, le fait que la valeur de cession des parts de l’Eurl est bien conforme aux méthodes estimatives pratiquées tenant compte de la valeur nette comptable, qu’un loyer a été prévu sur une base majorée, et que la mise à disposition des locaux s’est effectuée sur la base d’un bail précaire.

D’autre, part il est justifié par les attestations produites par les intimés, que le point de vente (la fruitière) était un projet initié et porté par les consorts D., qui ont travaillé pour cette activité bénévolement dans l’intérêt de la coopérative.

Dès lors, il apparaît naturel que les consorts D. se soient portés acquéreurs de l’Eurl.

En conséquence, aucune faute de gestion dans l’exercice de son mandat d’administrateur, n’a été commise par M. Laurent D..

Sur le préjudice pouvant résulter d’une diminution de valeur de la société Fruitière de Pers Jussy entre la cession des parts et leur réintégration dans l’actif de la Sca suite à l’annulation

Il sera observé que la Sca n’a pas cédé un fonds de commerce, mais des parts sociales.

Or, il n’est pas justifié de la valorisation des parts de l’Eurl dans l’actif de la SCA avant la cession ni après la réintégration de ces parts.

Le premier juge avait relevé que l’exercice comptable de la Société coopérative agricole Laitière de Pers Jussy Le Marais pour l’année 2014 (pièce n°18 de M. T.) qui a été approuvé lors de l’assemblée générale ordinaire du 24 juin 2015, ne laissait apparaître aucune mention relative à l’EURL… Cette pièce 18 n’est pas produite en cause d’appel.

Pour la période comprise entre janvier 2016 et décembre 2018, si la Sca a éventuellement perdu à l’actif la valeur des parts de l’Eurl ( valeur non connue…) elle a bénéficié en contrepartie d’un apport en trésorerie de 12 000 € . Ainsi, M. T. ne démontre aucun préjudice comptable pour la SCA du fait de l’annulation de la cession de parts..

M. T. produit par ailleurs, une analyse réalisée par un expert immobilier qui propose une valeur vénale des parts sociales.

Toutefois, les parts ayant été réintégrées dans l’actif de la Sca et n’ayant jamais fait l’objet d’une nouvelle cession, la Sca ne peut justifier d’aucun préjudice certain, mais uniquement, le cas échéant d’un préjudice ‘virtuel’ dans l’hypothèse ou une cession interviendrait. Or, cette cession n’est jamais intervenue.

En conséquence, M. T. ne démontre aucun préjudice patrimonial subi par la Sca ensuite de la cession et la rétrocession des parts de l’Eurl.

Sur le préjudice pouvant résulter d’une perte de valeur du fonds de commerce de l’Eurl

Le tableau non contesté produit en pièce 47 par les intimés qui récapitule de manière synthétique et clair pour les exercices 2015 à 2019 les comptes de résultats de la société Fruitière de Pers Jussy, ne fait apparaître aucune anomalie pouvant laisser penser que la valeur du fonds de commerce aurait diminué entre janvier 2016 et décembre 2018.

En effet, si le chiffre d’affaire a baissé entre 2016 et 2018 ( ce qui est expliqué par la cessation de la vente de viande sous vide, et l’impossibilité pour les co-gérants de se rémunérer de leur travail, ensuite de l’ordonnance de référé) , en revanche d’autres indicateurs ont été améliorés : capitaux propres, résultats d’exploitation, trésorerie …

Quant à l’absorption de la totalité des profits de l’EURL par les consorts D. au cours de cette même période, il ressort des comptes bancaires de l’EURL que ceux-ci présentaient au 31 mars 2017 un solde positif de 17 139, 54 euros et au 1 er décembre 2017 un solde positif de 32 419 euros.

Les comptes reflètent également une diminution des charges sociales, les consorts D. ayant travaillé sans rémunération.

D’autre part, il n’est pas démontré que l’Eurl versait auparavant des dividendes à la SCA dont elle aurait été privée entre 2016 et 2018, et ce alors que la Sca a perçu des loyers de l’ordre de 850 € par mois de la part de la société La Fruitière de Pers Jussy, ce qui doit être pris en compte dans le cadre d’un bilan global de l’opération. Il sera rappelé ainsi que l’a fait le premier juge que le rapport établi par le consultant de M. T. que le résultat net de l’EURL entre 2007 et 2015 était très faible.

En ce qui concerne les prélèvements effectués de bonne foi, de faible montant, les consorts D. les ont en tout état de cause remboursés le 29 novembre 2017.

Aussi, au vu de l’ensemble de ces éléments, la responsabilité de M. Laurent D. en qualité de Président du conseil d’administration de la coopérative n’est pas établie, en l’absence de faute de gestion dans l’exercice de son mandat.

M. T. sera en conséquence débouté de ses demandes.

Sur la demande d’expertise sur le préjudice

Le préjudice n’étant pas établi, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise pour le liquider.

Sur la demande en dommages et intérêts de M. T. à titre personnel

En l’absence de faute commise par M. Laurent D. dans l’exercice de son mandat, de représentant de la Coopérative Agricole Laitière De Pers Jussy Le Marais, la demande sera rejetée.

Sur les demandes pour préjudice moral

Le conflit apparaît réciproque et il convient dès lors de rejeter les demandes au titre des préjudices moraux du faits des propos et comportements des uns envers les autres.

Sur l’article 700 en cause d’appel

Il convient de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Déboute les intimés de leurs exceptions d’irrecevabilités,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. Simon T. de l’ensemble de ses demandes et de sa demande d’expertise,

Déboute les intimés de leur demande reconventionnelle en dommage et intérêts pour préjudice moral,

Condamne M. Simon T. à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile à :

1) M. Christophe D. la somme de 2 000 €

2) M. Laurent D., la somme de 2 000 €

3) la société Coopérative Agricole Laitière de Pers Jussy Le Marais, en liquidation, représentée par son liquidateur amiable, la somme de 1 000 €

4) La société La Fruitière de Pers Jussy représentée par son liquidateur amiable, la somme de 1 000 €

pour les frais en cause d’appel,

Condamne M. Simon T. aux dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Clarisse D..

Ainsi prononcé publiquement le 15 février 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

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