Mois : janvier 2025

Arrachage et bail rural et indemnités et remise en état

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Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 29 septembre 2022), par acte du 28 novembre 1978, Mme [Z] et son époux, [E] [X], aux droits duquel sont venues Mmes [S] et [O] [X], (les bailleresses) ont consenti à la société La Crête de [Localité 6] (la société) un bail rural à long terme sur deux parcelles en nature de terre.

2. Par acte du 27 juillet 2016, les bailleresses ont donné congé à la société à effet au 14 novembre 2020 aux fins de reprise des parcelles.

3. Par arrêt irrévocable du 12 septembre 2019, le congé a été validé.

4. Le 16 novembre 2020, la société a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en indemnisation des améliorations apportées au fonds.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande indemnitaire de sortie de ferme, de dire qu’elle devra procéder elle-même à l’arrachage des arbres et plantations sur les parcelles, de la condamner, à défaut de remise en état, au paiement d’une certaine somme au titre des frais de remise en état et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation, alors « que le preneur qui a, par son travail ou ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur quelle que soit la cause qui a mis fin au bail ; que sont réputées non-écrites toutes clauses ou conventions ayant pour effet de supprimer ou de restreindre les droits conférés au preneur sortant ou au bailleur ; qu’en faisant produire effet à la clause suivant laquelle « quelle que soit la cause qui mettra fin au bail, la société La crête de [Localité 6] n’aura droit, à l’expiration de ce bail, à aucune indemnité pour les travaux ou investissements qu’elle aura pu faire », les juges du fond ont violé les articles L. 411-69 et L. 411-77 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l’article 1134 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-69, alinéa 1er, L. 411-72 et L. 411-77 du code rural et de la pêche maritime :

6. Aux termes du premier de ces textes, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.

7. Aux termes du deuxième, s’il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi.

8. Selon le dernier, sont réputées non écrites toutes clauses ou conventions ayant pour effet de supprimer ou de restreindre les droits conférés au preneur sortant ou au bailleur par les dispositions précédentes.

9. L’arrêt constate, d’abord, que le bail unissant les parties impose à la société de transformer les parcelles de terre en verger et contient la stipulation suivante : « Quelle que soit la cause qui mettra fin au bail, la société (…) n’aura droit, à l’expiration de ce bail, à aucune indemnité pour les travaux ou investissements qu’elle aura pu faire. Bien au contraire, elle devra (…) rendre la pièce de terre nue comme elle l’a prise et, pour ce faire, elle disposera d’un délai de trois mois à compter de l’expiration du bail pour, à ses frais, arracher et enlever les arbres qu’elle aura plantés, faire disparaître toutes installations, et rendre la pièce de terre dans son état d’origine, c’est-à-dire en nature de labour prêt à être ensemencé ».

10. Il retient, ensuite, que cette clause imposant la remise en état à nu des terres à l’issue du bail implique que les parties ne considèrent pas la plantation du verger comme une amélioration apportée aux terres louées.

11. Puis, après avoir énoncé que l’indemnité de sortie pour amélioration n’est due que si les améliorations persistent en fin de bail, il relève que la clause du bail prévoyant l’arrachage du verger à la fin du bail rend sans effet pour le bailleur les améliorations apportées par la plantation d’un verger.

12. Il ajoute, enfin, que le bailleur a par cette obligation de remise des parcelles dans leur état d’origine nécessairement renoncé dès la conclusion du bail à la propriété des arbres plantés.

13. En statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une dégradation, qui seule aurait pu justifier l’obligation imposée au preneur d’arracher les plantations en fin de bail, et alors que le bailleur ne peut contraindre le preneur à renoncer par avance à l’indemnité qui lui est due à l’expiration du bail, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation du chef de dispositif prononçant le rejet de la demande d’indemnité de sortie de ferme n’atteint pas le chef de dispositif condamnant la société à payer une indemnité d’occupation, dès lors que les motifs censurés ne sont pas le soutien de cette décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande indemnitaire de sortie de ferme formée par la société La Crête de [Localité 6], dit qu’elle devra procéder elle-même à l’arrachage des arbres et plantations sur les parcelles, la condamne, à défaut de remise en état, au paiement d’une certaine somme au titre des frais de remise en état et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne Mme [Z] et Mmes [S] et [O] [X] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et Mmes [S] et [O] [X] et les condamne à payer à la société La Crête de [Localité 6] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre.

CC arrêt du 12 septembre 2024 Cassation partielle n° 476 F-D Pourvoi n° Q 22-24.251

Contrats – Bail rural : le preneur qui ne peut jouir du bien loué démontre un intérêt légitime à demander une expulsion – Veille

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La loi ne limitant pas le droit d’agir en expulsion à des personnes qualifiées, l’action en expulsion est ouverte, en application de l’article 31 du Code de procédure civile, à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès de cette action. Telle est la solution posée par la Cour de cassation dans une décision du 14 novembre 2024.

En l’espèce, se prévalant de baux consentis à son profit sur des parcelles, une SCEA a assigné une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en expulsion, soutenant que les baux consentis à cette dernière sur ces mêmes parcelles lui étaient inopposables.

C’est à bon droit que la SCEA fait grief à l’arrêt d’appel de déclarer irrecevable sa demande d’expulsion. Pour la rejeter, les juges du fond ont retenu que la SCEA se prévaut de l’existence d’un contrat de bail rural écrit la liant à plusieurs bailleurs dont découlent un droit de jouissance à son bénéfice et une obligation de délivrance à la charge des bailleurs, de sorte que seuls ces derniers ont qualité pour demander l’expulsion de l’EARL. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 31 du Code de procédure civile. La loi ne limite pas le droit d’agir en expulsion à des personnes qualifiées et l’intérêt à agir de la SCEA n’est pas contesté, juge la Cour de cassation.

Ainsi, la Cour de cassation juge, en l’espèce, que la cour d’appel qui a fait prévaloir les baux consentis à l’EARL sur ceux consentis à la SCEA viole l’article 1328 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 duquel il résulte qu’un acte ne peut avoir date certaine que si est remplie l’une des trois conditions limitativement énumérées. En effet, aux termes de ce texte, les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d’inventaire. Or, en l’espèce, la cour d’appel a estimé que les baux dont se prévalait l’EARL avaient acquis date certaine au motif qu’elle pouvait elle-même en dater la conclusion avec certitude comme étant antérieurs à ceux dont se prévaut la SCEA.

Cass. 3e civ., 14 nov. 2024, n° 23-13.884, FS-B : JurisData n° 2024-020407

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Société civile immobilière – Conditions strictes pour le retrait d’un associé d’une société civile immobilière en jouissance à temps partagé – Veille

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Pour obtenir son retrait d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, un associé doit non seulement justifier d’une situation personnelle difficile, mais aussi démontrer l’impossibilité d’utiliser autrement ses droits.

Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 novembre, précisant que :

« Les justes motifs, prévus à l’article 19-1 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986, autorisant le retrait judiciaire de l’associé d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, s’apprécient par la mise en balance des considérations liées à la situation personnelle de celui-ci et de l’intérêt collectif des associés restants au maintien de cette forme sociale d’offre touristique ».

En l’espèce, deux époux avaient acquis en 1997 des parts d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé. Ils ont demandé en justice l’autorisation de se retirer de la société pour justes motifs, en application de l’article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986.

Après le rejet de leur demande par la cour d’appel, le couple s’est pourvu en cassation, mais sans plus de succès.

Les juges avaient constaté que l’épouse, en raison de graves problèmes de santé, n’était manifestement plus en état de se déplacer pour user personnellement du droit de jouissance de l’appartement en cause et que son mari ne pouvait pas plus occuper seul le bien. Toutefois, ils ont considéré que ces constatations étaient insuffisantes pour caractériser de justes motifs de retrait, et ce, en raison du fait que les époux associés devaient également rapporter la preuve qu’ils ne pouvaient utiliser autrement leurs droits en les cédant ou en louant l’appartement.

Ainsi, le couple était parvenu à démontrer ne pas pouvoir utiliser personnellement l’appartement en cause, mais n’avait pas rapporté la preuve de l’impossibilité de céder leurs droits ou de louer l’appartement les semaines où ils en avaient la jouissance. Les juges – du fond et de cassation – ont retenu qu’il ne justifiait ainsi pas d’un juste motif de retrait de la société.

Cass. 3e civ., 21 nov. 2024, n° 23-16.857, FS-B : JurisData n° 2024-022002

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Point de départ de la prescription en matière de cession illicite de bail rural

Dans un arrêt du 12 décembre 2024, la Cour de cassation rappelle que le point de départ de la prescription de l’action en résiliation du bail rural pour cession ou sous-location prohibées se situe au jour où ces infractions ont cessé (V. Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, n° 16-18.724  : JurisData n° 2018-001035).

Elle précise que l’apport du droit au bail à une société sans l’agrément du bailleur, en violation de l’article L. 411-38 du Code rural et de la pêche maritime, s’analysant en une cession prohibée, le point de départ de la prescription de l’action en résiliation du bail rural se situe au jour où cette infraction a cessé.

Cass. 3e civ., 12 déc. 2024, n° 23-20.354, FS-B

Tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 3 février 2023), la société Union de coopératives agricoles évolution a conclu avec M. [W] un accord-cadre dénommé « Élevage partenaire XY création » portant sur la sélection et l’amélioration de la génétique de vaches de race normande ainsi qu’un contrat d’application concernant la vache dénommée Iroise.

2. A la suite de la résiliation de l’accord-cadre par M. [W], la société Union évolution, venant aux droits de la société Union des coopératives agricoles évolution, l’a assigné en paiement de dommages et intérêts au titre de manquements.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la société Union évolution la somme de 34 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2017, alors « qu’il faisait valoir dans ses écritures qu’il avait bien donné les informations concernant les naissances des veaux issus de la vache Iroise, objet d’un contrat d’application « référence » en date du 16 juillet 2014 et que pour cela l’éleveur se prévalait de ce que les naissances étaient mentionnées en temps réel au fichier SIG, Système national d’Information génétique bovin, auquel la société Evolution avait accès à compter de la signature du contrat-cadre avec lui, mais aussi de l’usage dans la profession des notifications orales des naissances et de toutes les opérations réalisées, et que par conséquent, la société Evolution avait une connaissance parfaite de son élevage, en sorte qu’il n’était pas possible de reprocher à l’éleveur d’avoir manqué à ses obligations d’informer cette société et qu’il était de la seule responsabilité de la société Evolution de ne pas avoir profité de son droit de priorité et de ne pas avoir acheté les quatre veaux litigieux issus de la vache Iroise, ni de les avoir prélevés en vue de leur génotypage ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions des plus pertinentes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour condamner M. [W] à payer à la société Union évolution la somme de 34 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre des intérêts, l’arrêt retient qu’il ne démontre aucunement avoir informé la société Union des coopératives agricoles évolution de la naissance des veaux Liégeoise, Lampaul, Laitier et Licorice issus de la vache Iroise.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [W] qui, pour contester tout manquement à ses obligations contractuelles, invoquait les usages de la profession et le fait que, en application du contrat-cadre, la société Union des coopératives agricoles évolution avait pris la maîtrise de l’élevage sur le plan génétique, avait eu accès au fichier du Système national d’Information génétique bovin sur lequel les naissances sont mentionnées en temps réel et que ces informations lui permettaient de décider de l’intérêt que pouvait avoir tel ou tel animal sur le plan génétique, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’action de la société Union évolution, l’arrêt rendu le 3 février 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes autrement composée ;

Condamne la société Union évolution aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Union évolution et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 16 Octobre 2024 – n° 23-14.745

FIN DE NON RECEVOIR TIREE DE LA PRESCRIPTION

Le principe de concentration des prétentions résultant de l’article 910-4 du code de procédure civile impose qu’elle le soit dès les premières écritures.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bastia, 28 juin 2023), le 1er juillet 2009, M. et Mme [H] puis, le 1er août 2011, la Société agricole de [Adresse 5] (la SATV), dont M. [H] est le président, sont devenus coopérateurs de la société coopérative agricole Union des Vignerons de l’Ile de Beauté (l’UVIB).

2. Par convention du 15 mai 2011 et un avenant du 5 octobre 2012, la SATV s’est engagée, pour une durée de cinq ans tacitement reconductible, à vendre à l’UVIB au moins 90 % de ses récoltes annuelles à un certain prix et l’UVIB à conditionner et à commercialiser les vins du domaine [Adresse 5].

3. Imputant à M. et Mme [H] et à la SATV différentes inexécutions contractuelles, l’UVIB, désormais dénommée La Cave d'[Localité 1], les a assignés le 8 août 2017 aux fins de voir prononcer la nullité des actes des 15 mai 2011 et 5 octobre 2012 et d’obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes.

4. En cause d’appel, M. et Mme [H] et la SATV ont soulevé une fin de non-recevoir, tirée de la prescription, de l’action en nullité de la convention et de son avenant.

Examen des moyens

Sur les quatrième à sixième moyens

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner une cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [H] et la SATV font grief à l’arrêt de relever l’irrecevabilité des demandes relatives à la prescription de l’action en nullité, alors « qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que les fins de non-recevoir, telle la prescription, ne sont pas des prétentions sur le fond ; qu’en retenant qu’en appel, la prescription devant être opposée dès les premières écritures, la « demande tendant à voir déclarer l’action en nullité prescrite », présentée par M. et Mme [H] et la société SATV à partir de leurs conclusions n° 4 du 3 mai 2021, était irrecevable, la cour d’appel a violé les articles 122 et 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 122, 123, et 910-4, dans sa rédaction résultant du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, du code de procédure civile :

7. Aux termes du premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

8. Selon le troisième, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

9. Aux termes du deuxième, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

10. Il est jugé que les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond et que, dès lors, elles ne sont pas soumises à l’obligation de concentration des prétentions sur le fond dans les premières écritures, prévue à l’article 910-4 précité (Cass., 2e Civ., 4 juillet 2024, pourvoi n° 21-20.694, publié).

11. Pour déclarer irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l’arrêt retient que, si celle-ci peut être opposée pour la première fois devant la cour d’appel, le principe de concentration des prétentions résultant de l’article 910-4 du code de procédure civile impose qu’elle le soit dès les premières écritures et que M. et Mme [H] et la SATV n’ont présenté cette fin de non-recevoir que dans leurs conclusions d’appel n° 4.

12. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt déclarant irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité entraîne la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt prononçant la nullité de la convention du 15 mai 2011 et de l’avenant du 5 octobre 2012 et condamnant la SATV à payer à l’UVIB la somme de 249 799,20 euros, majorée des intérêts de retard à compter du 10 mai 2013 qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevables les demandes relatives à la prescription de l’action en nullité des conventions du 15 mai 2011 et 5 octobre 2012 et en ce qu’il condamne la Société agricole de [Adresse 5] à payer à l’Union des vignerons de l’Ile de Beauté, désormais dénommée la société de coopérative agricole La Cave d'[Localité 1], la somme de 249 799,20 euros au titre du solde de son compte de coopérateur, l’arrêt rendu le 28 juin 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia :

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne la société coopérative agricole La Cave d'[Localité 1] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 Décembre 2024 – n° 23-19.032

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