Mois : octobre 2025

Requalification d’une convention pluriannuelle d’exploitation en bail rural en cas de non-respect des conditions légales de durée

Il résulte de la combinaison des articles L. 411-1, alinéa 1er, L. 411-2, et L. 481-1, dans sa version issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, du Code rural et de la pêche maritime qu’à défaut de respecter les conditions de durée et de prix posées à l’article L. 481-1 du Code rural et de la pêche maritime, le contrat dénommé « convention pluriannuelle d’exploitation » est soumis au statut du fermage. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans une décision du 4 septembre.

Pour rejeter la demande de requalification de la convention pluriannuelle d’exploitation en bail rural, l’arrêt d’appel retient que s’il est exact que, selon l’article L. 481-1 du Code rural et de la pêche maritime, les conventions pluriannuelles d’exploitation sont conclues pour une durée minimale de cinq ans et que la convention litigieuse a été conclue pour une durée d’une année seulement, il a été convenu qu’elle se poursuivra d’année en année par tacite reconduction, ce dont il résulte que les dispositions légales sont nécessairement remplies si le contrat se poursuit pendant au moins cinq ans, ce qui est le cas en l’espèce.

L’arrêt d’appel est cassé. Pour le juge du droit, en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la convention avait été conclue pour une durée inférieure à cinq ans, la cour d’appel a violé les articles L. 411-1, alinéa 1er, L. 411-2, et L. 481-1, dans sa version issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, du Code rural et de la pêche maritime.

Entreprise agricole > Baux ruraux

Date : 30 septembre 2025

La rédaction

Source :

Cass. 3e civ., 4 sept. 2025, n° 24-10.493

Bail rural et violation de la cogestion : recours à la gestion d’affaires

Dans un arrêt rendu le 18 septembre 2025, la Cour de cassation clarifie l’interprétation de l’article 219 du Code civil, qui consacre la gestion d’affaires, et se prononce sur son articulation avec la règle de cogestion applicable à la conclusion d’un bail rural par des époux mariés sous le régime de la communauté.

En l’espèce, des époux communs en biens vendent, par acte du 5 septembre 2018, des parcelles dépendant de leur communauté à des acquéreurs. Une tierce personne, se présentant comme preneuse en vertu d’un bail rural verbal que lui aurait consenti l’époux en 2016, saisit le tribunal paritaire des baux ruraux. Elle sollicite la reconnaissance de ce bail et l’annulation de la vente, qu’elle estime intervenue en violation de son droit de préemption. À titre reconventionnel, l’épouse demande la nullité du bail, conclu par son mari sans son consentement.

La cour d’appel de Caen accueille la demande de la preneuse. Elle retient que l’époux a agi dans le cadre de la gestion d’affaires, permettant ainsi de reconnaître la validité du bail.

Les époux se pourvoient alors en cassation. Ils allèguent qu’en vertu de l’article 219 du Code civil, si à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires, c’est à la condition que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté. Par ailleurs, ils estiment que l’application des règles de la gestion d’affaires ne suffit pas, à elle seule, à caractériser le consentement conjoint des époux nécessaire à la conclusion d’un bail rural, tel que l’exige l’article 1425 du Code civil.

En premier lieu, la Cour de cassation juge que la violation des articles 1245 du Code civil, relatif au consentement conjoint des époux, et 1247 du Code civil, imposant la ratification de l’acte en cas d’absence d’un tel consentement, ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une gestion d’affaires concernant le bail. Ainsi, la gestion d’affaires, en tant que disposition du régime primaire, s’applique à tous les époux du seul fait du mariage et n’est pas écartée par la règle de cogestion de l’article 1245 du Code civil.

En second lieu, le juge de cassation clarifie l’interprétation de l’article 219 du Code civil : chaque alinéa pose des conditions propres, de sorte que les règles de la gestion d’affaires, prévues au deuxième alinéa, ne supposent pas que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté, contrairement à ce qui est exigé pour la règle de représentation des époux issue du premier alinéa.

Enfin, les époux soutiennent que, pour que les règles de la gestion d’affaires produisent leurs effets, la gestion doit nécessairement être utile. La Cour de cassation accueille ce dernier argument, en relevant que la cour d’appel aurait dû vérifier l’utilité de la gestion d’affaires. Par ces motifs, elle casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

À retenir : Par cet arrêt, la Haute Juridiction admet la possibilité de recourir à la gestion d’affaires pour valider un bail rural conclu sans le consentement du conjoint et non ratifié par lui, sous réserve d’un examen rigoureux de l’utilité de l’acte.

Source Entreprise agricole > Baux ruraux Date : 22 septembre 2025

Cass. 3e civ., 18 sept. 2025, n° 23-15.971, FS-B

CONTESTATION D’UN PROJET D’INSTALLATION D’UNE UNITE DE METHANISATION NECESSAIRE A L’EXPLOITATION AGRICOLE

CAA Nantes, 5ème chambre, 12 sept. 2025, n° 24NT01762

Un préfet a délivré à une EARL un permis de construire une unité de méthanisation destinée au traitement du lisier agricole, assorti de prescriptions ; le permis modificatif qui s’en est suivi a été accordé tacitement. L’arrêté préfectoral est contesté par la Fédération des associations de protection de l’environnement et du littoral des Côtes-d’Armor (FAPEL 22).

La Cour administrative d’appel de Nantes écarte l’intégralité des points de droit soulevés par la Fédération en vue d’obtenir l’annulation de l’arrêté préfectoral litigieux.  Et pourtant, ils étaient nombreux. En effet, les juges estiment que les pièces du dossier présentent toutes les garanties requises pour l’installation d’une unité de méthanisation au sein de l’exploitation agricole :

–       certes une canalisation souterraine doit traverser le domaine public, mais n’étant pas une construction au sens des dispositions de l’article R. 431-13 du code de l’Urbanisme, il n’y a pas lieu de faire figurer au dossier de demande du permis de construire en débat une pièce exprimant l’accord du gestionnaire de la voirie pour engager une procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ;

–       il n’est pas démontré que l’opération en cause génèrerait des eaux usées nécessitant un raccordement au réseau public d’assainissement, le projet prévoit au contraire que leur traitement se fera au sein de l’installation ;

–       le poste d’injection GRDF, apportant un complément fonctionnel nécessaire à l’unité de méthanisation, devant être regardé comme une annexe au sens des dispositions du PLUi, il peut être implanté à moins de 5 mètres de la voie publique ;

–       la Fédération ne saurait invoquer le risque pour la sécurité publique que constitue l’augmentation du trafic lié à l’exploitation de l’unité alors que la voie publique la desservant présente une largeur et une visibilité suffisantes ;

–       les constructions devant être semi-enfouies, la Fédération ne démontre ni que les constructions affecteraient la géologie du terrain susceptible d’entrainer des risques particuliers quant à la réalisation du projet, ni que l’unité de méthanisation présenterait un risque accru du fait de sa proximité avec la voie publique qui la longe ;

–       les constructions projetées se situent en dehors des espaces proches du rivage.

 La Cour relève :

–       d’une part, que les intrants de l’opération projetée seront exclusivement composés de matières organiques d’élevage, de matières végétales et de culture ;

–       d’autre part, que l’exploitant de l’unité de méthanisation dispose de la qualité d’exploitant agricole.

Enfin, et surtout, elle constate que l’unité de méthanisation projetée apparaît nécessaire à l’exploitation agricole qui entend traiter le lisier agricole produit par son élevage porcin, la moitié du fumier produit par l’élevage bovin voisin ainsi que des végétaux et les déchets de légumes de plusieurs autres exploitations agricoles tout en produisant du biogaz et en épandant l’intégralité du digestat sur les terres agricoles.

Dans ces conditions, tant dans son principe qu’au regard des caractéristiques du projet, la réalisation de l’unité de méthanisation en litige apparaît nécessaire à l’activité agricole. Le préfet a donc pu, sans commettre d’erreur de droit, délivrer le permis de construire, même si l’installation de l’unité est prévue en dehors des espaces urbanisés de la commune. La Fédération n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

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