Source :
CE, 24 oct. 2025, n° 467982, cne Grande-Synthe (IV) : Lebon
Le Conseil d’État estime que le Gouvernement a justifié du respect de ses objectifs de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre pour la période 2021 à 2030, compte tenu des résultats atteints sur la période intermédiaire (2021-2025), et des effets pouvant être raisonnablement attendus des mesures édictées par les pouvoirs publics pour les cinq prochaines années. Cette décision ne préjuge toutefois pas du respect par la France de la nouvelle trajectoire plus ambitieuse adoptée par l’Union européenne en 2021.
Contexte – Par des décisions Commune de Grande-Synthe (CE, 19 nov. 2020, n° 427301, cne Grande-Synthe I : Lebon ; JCP A 2020, act. 676 ; JCP A 2020, 2337, note R. Radiguet ; CE, 1er juill. 2021, n° 427301, cne Grande-Synthe II ; JCP A 2020, étude 7, M. Torre-Schaub) le Conseil d’État a jugé, par le truchement du mécanisme des « budgets carbone », que le Gouvernement n’avait pas respecté ses objectifs de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et il lui a enjoint, en conséquence, de prendre toutes mesures permettant d’infléchir la courbe de ces émissions de carbone. À l’occasion d’un premier contentieux d’exécution, il a prescrit à l’État de prendre des mesures supplémentaires (CE, 10 mai 2023, n° 467982, cne Grande-Synthe III ; JCP A 2023, 2192, note M. Torre-Schaub). L’affaire « Grande-Synthe IV » marque la fin de ce premier contentieux climatique, quelques mois après la clôture de l’affaire Les Amis de la Terre relative à la pollution de l’air (CE, 25 avr. 2025, n° 428409, assoc. Les Amis de la Terre France et a. : Lebon ; JurisData n° 2025-005803 ; JCP A 2025, act. 219, L. Erstein).
La trajectoire à contrôler est celle fixée en 2020 – Le Conseil d’État devait ici s’assurer de la bonne exécution par l’État des décisions rendues en juillet 2021 et mai 2023, c’est-à-dire, du respect de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % pour 2030. La décision rendue ne préjuge pas du respect par la France de la nouvelle trajectoire, déterminée au niveau européen postérieurement à la décision Grande-Synthe II (réduction des émissions de 47,5 % à horizon 2030), qui relèverait, le cas échéant, d’un litige distinct.
Rappel de l’office du juge de l’exécution – Dans le cadre de ce second contentieux d’exécution, le Conseil d’État rappelle son office de juge de l’exécution des obligations climatiques, tel qu’il avait été tracé dans l’affaire Grande-Synthe III. Le juge doit d’abord vérifier si les objectifs intermédiaires ont été respectés en tenant compte des facteurs exogènes pouvant influer sur les émissions de GES. Il prend ensuite en considération les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement présentées comme de nature à réduire les émissions de GES mais également celles susceptibles d’engendrer au contraire une augmentation notable de ces émissions. Enfin, le juge détermine, au vu de ces mesures et des méthodes d’évaluation ou de prévision disponibles, si les objectifs fixés à l’échéance de 2030 peuvent être regardés comme raisonnablement atteignables.
La courbe s’infléchit et le contentieux s’éteint – En l’occurrence, le Conseil d’État constate, d’une part, que les objectifs intermédiaires sur la période 2021-2025 ont été remplis. Il relève, d’autre part, que les projections d’émissions de gaz à effet de serre pour 2030, au regard des mesures édictées par les pouvoirs publics, sont suffisamment précises et crédibles pour considérer l’objectif de réduction de 40 % comme atteignable. Pour ce faire, il s’est appuyé sur un scénario prospectif transmis par la France à la Commission européenne et des avis d’experts, notamment du Haut conseil pour le climat, recueillis à l’occasion d’une séance orale d’instruction (CJA, art. R. 625-1). Au regard de l’ensemble de ces éléments, il considère que ses décisions ont été exécutées, et clôt la procédure d’exécution.
L’avenir dira si ce quatrième épisode marquera la fin du feuilleton Grande-Synthe ou le début d’une nouvelle saison de contentieux climatique.
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