Auteur/autrice : phirschavocat@gmail.com Page 1 of 20

Rémunération décente des agriculteurs

Question écrite sans réponse n° 7897, 01 juil. 2025 – – Mme Sylvie Dezarnaud – Agriculture, souveraineté alimentaire.

17ème Législature

Assemblée nationale

Question écrite sans réponse

Agriculture, souveraineté alimentaire

Question écrite n° 7897 : Question de Mme Sylvie Dezarnaud Députée Isère –

Mme Sylvie Dezarnaud attire l’attention de Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur une situation extrêmement préoccupante rencontrée par les producteurs de l’organisation « Les fruitiers Dauphinois » basée à Chanas en Isère qu’elle a eu l’honneur de rencontrer le 12 juin 2025. Cette visite a mis en lumière une situation critique pour les 17 arboriculteurs de l’exploitation qui produisent 8 000 tonnes de fruits sur les départements de l’Isère, de l’Ardèche, de la Loire et de la Drôme. Leur activité est essentielle à la vitalité économique et à la souveraineté alimentaire du territoire. L’année 2025 a été marquée par une pression sanitaire sans précédent, entraînant des pertes de plus de 1 000 tonnes soit un manque à gagner supérieur à un million d’euros. Les pucerons, la tavelure, la punaise diabolique (Halyomorpha halys), le psylle et la Drosophila suzukii ont causé des ravages sur les vergers de pommiers, poiriers et cerisiers, compromettant gravement les récoltes. Ces arboriculteurs, qui travaillent souvent plus de 70 heures par semaine, peinent à dégager un revenu décent face à ces aléas. À ces défis s’ajoutent des évolutions réglementaires qui menacent directement la pérennité de leurs exploitations. L’interdiction prévue en 2026 du Spirotétramat (Movento), molécule essentielle contre les pucerons, le psylle et la mouche Rhagoletis cerasi, laisse les producteurs sans alternative viable. De même, les restrictions sur l’utilisation du Captane, en l’absence de matériel homologué disponible sur le marché, créent une impasse réglementaire face à des maladies fongiques comme la tavelure. Ces mesures, combinées à l’augmentation continue des charges (engrais, carburant, équipements), accentuent les distorsions de concurrence avec les voisins européens et les importations hors UE, notamment de Turquie, où les normes sont moins strictes. Les producteurs s’inquiètent également des insuffisances des assurances agricoles, qui ne couvrent pas adéquatement les pertes liées aux aléas climatiques et sanitaires. Par ailleurs, malgré les avancées de la loi EGAlim , la pression des centrales d’achat continue de limiter la juste rémunération de leur travail, compromettant leur capacité à investir et à maintenir leurs exploitations. Pour faire face à cette situation plus que préoccupante, elle demande au Gouvernement d’agir pour préserver l’avenir de la production fruitière française. La souveraineté alimentaire du pays et la pérennité des exploitations familiales sont en jeu. Pour cela, Mme la députée se joint aux revendications des Fruitiers Dauphinois et demande, premièrement, un moratoire sur l’interdiction du Spirotétramat et des solutions alternatives concrètes pour lutter contre les ravageurs et maladies ; deuxièmement, un accompagnement renforcé, tant financier que technique, pour compenser les pertes de 2025 et soutenir la transition face aux nouvelles normes ; troisièmement, une révision des conditions d’utilisation du Captane, en tenant compte de l’absence actuelle de matériel homologué ; quatrièmement, un renforcement des mécanismes de la loi EGAlim pour garantir une rémunération équitable face aux pratiques des centrales d’achat, et enfin, une rencontre avec les services du ministère pour exposer leur réalité de terrain et coconstruire des solutions pragmatiques.

Publication au JO : Assemblée nationale du 01 juil. 2025

Source : Assemblée nationale

La réglementation française évolue sur les changements européens récents relatifs à la gestion du potentiel viticole.

Adaptation du Code rural et de la pêche maritime à la réglementation européenne sur la replantation des vignes avec le Décret n° 2025-755 du 31 juillet 2025 relatif à la modification de dispositions du code rural et de la pêche maritime concernant la gestion du potentiel viticole

Destiné aux exploitants vitivinicoles, le décret du 31 juillet 2025 modifie le Code rural et de la pêche maritime pour aligner la réglementation française sur les changements européens récents relatifs à la gestion du potentiel viticole.

Ce décret intègre au sein de l’article D.665-9 du Code ru…
‎Voir plus

Le droit à une exonération de TVA ne peut pas, sauf manœuvre, être dénié du fait de non-respect de procédures

Sauf à ce qu’elle constitue une tentative de manœuvre, l’inobservation d’obligations formelles telles que la présentation en douane des marchandises prévue à l’article 139, § 1, sous a), du Code des douanes de l’Union, et la déclaration de mise en libre pratique prévue à l’article 203 de ce même code, ne fait pas obstacle au bénéfice de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l’article 143, § 1, sous e), de la directive TVA 2006/112 du 28 novembre 2006, pour les réimportations sur le territoire de l’Union européenne de biens en l’état dans lequel ils ont été exportés.

Une propriétaire suédoise de chevaux qui participent à des compétitions organisées dans différents pays, après avoir transporté deux de ses chevaux vers la Norvège pour participer à de telles compétitions, les a réintroduits dans l’Union en franchissant la frontière entre la Norvège et la Suède, sans les présenter en douane. Peu après avoir dépassé le poste de douane, elle a été interceptée par une patrouille routière suédoise et, sur la base de l’article 203 du Code des douanes, ne s’est pas vue imposer de droits à l’importation au titre de cette opération de réimportation. Toutefois, l’administration des douanes a estimé qu’elle était redevable de la TVA, car si le chapitre 2, article 5, de la loi relative à l’exonération des importations, transposant dans le droit suédois l’article 143, § 1, sous e), de la directive TVA, prévoit une exonération de TVA en cas de réimportation de biens, cette exonération ne pouvait lui être accordée, celle-ci n’ayant pas déclaré les chevaux en vue de leur mise en libre pratique ni demandé d’exonération de droits à l’importation.

Aux termes de l’article 143, § 1, sous e), de la directive TVA (Cons. UE, dir. 2006/112/CE, 28 nov. 2006), sont exonérées de TVA par les États membres « les réimportations de biens en l’état dans lequel ils ont été exportés, par la personne qui les a exportés, et qui bénéficient d’une franchise douanière ». Quant à l’article 203 du Code des douanes, relatif aux marchandises en retour, il dispose que les biens exportés en dehors du territoire douanier de l’Union qui sont, dans un délai de trois ans, réintroduits sur ce territoire dans le même état que celui dans lequel ils ont été exportés et qui sont déclarés pour la mise en libre pratique sont, à la demande de la personne concernée, exonérés de droits à l’importation. Si l’article 79, § 1, sous a), du même code prévoit qu’une dette douanière peut naître de l’inobservation « d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à l’introduction des marchandises non Union sur le territoire douanier de l’Union, à leur soustraction à la surveillance douanière, ou à la circulation, à la transformation, au stockage, au dépôt temporaire, à l’admission temporaire ou à la disposition de ces marchandises dans ce territoire », l’article 86, § 6, de ce code étend l’exonération prévue à l’article 203 aux cas dans lesquels une dette douanière est née en vertu, notamment, de cet article 79, à condition, toutefois, que l’inobservation à l’origine de cette dette ne constitue pas une tentative de manœuvre.

Dans la mesure où le législateur fiscal de l’Union a expressément fait le choix d’aligner les conditions d’application de l’exonération de TVA de l’article 143, § 1, sur les conditions, tant matérielles que formelles, auxquelles le Code des douanes subordonne le bénéfice de l’exonération des droits à l’importation applicable aux marchandises en retour, l’exonération de TVA s’impose, sauf tentative de manœuvre.

source AGRIDROIT

Entreprise agricole > Fiscalité de l’entreprise agricole

Date : 12 juillet 2025

La rédaction

Source :

CJUE, 12 juin 2025, aff. C-125/24, AA [Palmstråle]

SCA : Démission d’un associé coopérateur : faute d’avoir notifié sa démission dans les délais requis par les statuts, le coopérateur a toujours la qualité d’associé

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1 – M. [S] est propriétaire de parcelles de luzerne reçues par legs universel en 2010.

2 – Le 5 juillet 2016 plusieurs agriculteurs, dont M. [T] [S], ont constitué une SCA dénommée La Cuma Luzerne Verteillacoise dont l’objet était l’acquisition d’un séchoir à luzerne pour utilisation de celui-ci par les associés de la coopérative. La société La Cuma Luzerne Verteillacoise émet chaque année à l’adresse de ses associés coopérateurs une facture relative à cette utilisation.

3 – Par arrêt de la cour de cassation du 8 mars 2017, le legs universel a été annulé, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 3 novembre 2015.

4 – M. [S] a payé les factures correspondant à la mise à disposition du séchoir pour les années 2016, 2017, 2018 et par courrier du 8 avril 2019 a adressé à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise un courrier de « démission d’adhérent à la Cuma », pour devenir effective à la réception du courrier.

5 – M. [S] n’ayant pas payé la facture de 2019 ni celles des années 2020 et 2021 pour un montant global de 7 668 euros TTC, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise a effectué plusieurs relances et mise en demeure de payer envers M. [S], qu’il a refusé au motif que du fait de l’annulation d’un legs il n’était plus propriétaire de l’exploitation agricole ayant motivé son adhésion.

6 – Par acte du 23 mars 2022, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise a fait assigner M. [S] devant le tribunal judiciaire de Périgueux, aux fins, notamment d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 7 668 euros au titre des trois factures impayées.

7 – Par jugement contradictoire du 23 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– condamné M. [S] à payer à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise, la somme de 7 688 euros au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 février 2022 et ce, jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux dépens ;

– débouté l’ensemble des parties de leurs autres demandes ;

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

8 – M. [S] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 mars 2023, en ce qu’il a:

– condamné M. [S] à payer à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise, la somme de 7 688 euros au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 février 2022 et ce, jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux dépens ;

– débouté l’ensemble des parties de leurs autres demandes.

9 – Le 5 avril 2023, les parties ont été enjointes de procéder à une médiation. Par ordonnance du 26 avril 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Bordeaux a rétracté l’ordonnance du 5 avril 2023.

10 – Par dernières conclusions déposées le 1er juin 2023, M. [S] demande à la cour de:

sur les demandes initiales de la Cuma :

– débouter la société la Cuma Luzerne Verteillacoise de l’ensemble de ses demandes formulées contre M. [S].

Sur la demande reconventionnelle de M. [S] :

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise à restituer à M. [S] les redevances indûment payées soit une somme de 5 058 euros plus la somme correspondant à la facture 2016, subsidiairement une somme de 3 206,32 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise aux entiers dépens ;

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise à payer à M. [S] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– débouter la société la Cuma Luzerne Verteillacoise de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

11 – Par dernières conclusions déposées le 7 août 2023, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise demande à la cour de :

– confirmer purement et simplement la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [S] de ses demandes plus amples ou contraires ;

– condamner M. [S] à verser à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter M. [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

– condamner M. [S] aux entiers dépens.

12 – L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 12 juin 2025.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

13 – Soutenant ne plus disposer d’aucun droit d’usage ou d’exploitation en vertu duquel il aurait pu continuer de récolter de la luzerne et utiliser le séchoir de la CUMA, l’appelant sollicite l’infirmation du jugement déféré qui, malgré sa décision de retrait de la CUMA, l’a condamné à payer l’utilisation du séchoir à luzerne pour les années 2019 à 2021 et l’a débouté de la restitution des sommes versées à torts pour les années 2016 à 2018, dans les conditions prévues à l’adhésion à la CUMA du temps où il était propriétaire des parcelles agricoles par legs universel annulé judiciairement le 8 mars 2017.

14 – L’appelant s’oppose au paiement des factures dépourvues de fondement, aucune obligation n’étant faite aux adhérents de payer une quelconque redevance ni dans le principe ni dans le montant et par conséquent, sollicite la restitution des sommes versées à tort en paiement des factures des années 2016 à 2018.

Subsidiairement, il fait valoir la nullité de son adhésion à la CUMA et par conséquent la participation aux charges y afférentes suite à l’annulation judiciaire du legs universel le 8 mars 2017.

Très subsidiairement, l’appelant oppose que son adhésion à la CUMA et ses suites sont atteintes de caducité dès lors que le but du contrat qui était l’utilisation du séchoir à Luzerne dont il disposait conformément à l’objet social de la CUMA a disparu avec l’annulation du legs universel, conformément aux articles 1186 et 1187 du code civil. Il précise que la cause objective du contrat n’est pas tant dans sa qualité de propriétaire des parcelles mais dans l’utilité et l’intérêt qu’il peut retirer du séchoir à Luzerne de la CUMA.

Dans l’ hypothèse de caducité, sa demande de restitution des sommes réglées ne porte qu’à compter du 8 mars 2017, la caducité ne pouvant avoir d’effet rétroactif.

15 – L’intimée, rappelle que l’acquisition du séchoir a été financée via un emprunt bancaire, chaque adhérent s’étant engagé sur une période 8 années à régler une facture d’utilisation du matériel en fonction du nombre d’hectares exploité soit 15 hectares pour le cas personnel de M. [S]. L’objectif de la CUMA étant de mutualiser les coûts, l’adhésion emportait nécessairement une participation financière à ceux-ci, l’appelant ayant d’ailleurs régulièrement payé les factures des trois premières années, n’en contestant pas l’obligation.

Elle soutient qu’au moment de son adhésion à la CUMA, M. [S] n’était déjà plus propriétaire des parcelles, par l’effet de l’annulation du legs universel par la cour d’appel de Bordeaux du 3 novembre 2015, confirmant par ailleurs la décision de première instance, de sorte qu’il ne peut se prévaloir ni de la nullité de son adhésion pas plus que de sa caducité.

En tout état de cause, elle fait valoir que la propriété des parcelles contenues dans le legs n’a jamais été érigée en condition à son engagement auprès de la CUMA, seule étant exigé d’être exploitant agricole, ce qu’il est toujours. En effet, se reportant à l’utilisation faite par M. [S] du séchoir à Luzerne jusqu’en 2018, après la décision de la cour de cassation, l’intimée soutient qu’il est toujours agriculteur et propriétaire d’autres parcelles, n’en justifiant pas le contraire.

Elle conteste que l’engagement de M. [S] à la CUMA serait un acte subséquent du legs litigieux.

Enfin, elle relève que la démission de M. [S] n’est pas motivée par sa perte de terres et sa qualité de propriétaire et n’a pas été acceptée par la CUMA comme il est contractuellement prévu.

Sur ce :

16 – A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes du 1er alinéa de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à la date de la signature du contrat , ‘les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité’, l’alinéa suivant précisant que ‘les sociétés coopératives agricoles et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales’.

L’article L. 521-1-1 dispose pour sa part que ‘la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère (…) est régie par les principes et règles spécifiques du présent titre et par la loi n 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et définie dans les statuts et le règlement intérieur des coopératives agricoles ou unions’.

Et ce même article de préciser, in fine, qu’une telle relation ‘repose, notamment, sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionné au a du I de l’article L.521-3″.

C’est ainsi qu’aux termes de l’ article L. 521-3, ‘ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative […] que les sociétés dont les statuts prévoient […] l’obligation pour chaque coopérateur d’utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d’activité’.

I – Sur l’existence de l’obligation

17 – Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du même code précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

18 – Aux termes de l’article 1342 du code civil, ‘le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due.Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.’, l’article 1342-3 précisant que ‘le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.’

19 – M. [S] en sa qualité d’exploitant agricole a adhéré le 5 juillet 2016 à la CUMA aux fins d’utiliser de manière mutualisée le séchoir à Luzerne.

20 – Les statuts de la CUMA prévoient que l’adhésion à la coopérative entraîne pour l’associé coopérateur l’engagement d’utiliser en ce qui concerne son exploitation un ou plusieurs des services que la coopérative est en mesure de lui procurer en contre partie de l’acquisition de parts sociales. La durée initiale de l’engagement est fixée à 8 ans, seul étant prévue la mise à la charge d’une participation financière aux frais fixes en cas de non respect de l’associé à ses engagements.

21 – En l’espèce les factures adressées à M. [S] des 30 septembre 2019, 2020 et 2021, portent mention de l’utilisation des ‘séchoirs à bottes’ exprimées en nombre d’unités, sans faire référence à une quote-part de participation proportionnelle aux charges (frais fixes).

22 – Il ressort des termes de ce contrat que la participation financière de chaque associé n’a pas été contractuellement définie, mais qu’entre 2016 et 2018, M. [S] a réglé les factures émises par la CUMA pour l’utilisation du séchoir pour ses 15 hectares de terre dans les délais et sans s’y opposer.

23 – Ces paiements non contestés jusqu’à la présente procédure établissent l’existence d’une participation financière des associés pendant 8 années, correspondant à l’objet social de la CUMA et conformément aux articles du code rural et de la pêche maritime ci-dessus rappelés.

24 – Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

II – Sur le retrait de l’engagement de M. [S]

25 – Aux termes de l’ article R. 522-4 du code rural et de la pêche maritime ‘sauf en cas de force majeure dûment justifié et soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant l’expiration de sa période d’engagement. Toutefois, en cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter sa démission au cours de cette période si son départ ne doit porter aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et s’il n’a pas pour effet de réduire le capital au-dessous de la limite fixée à l’article R. 523-3, alinéas 3 et 4″.

26 – L’article 11 du contrat rappelle ces dispositions en mentionnant que le retrait prévu en cas de force majeure ‘dûment justifié est soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de la période d’engagement en cours.

‘En cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d’un associé coopérateur en cours de période d’engagement si le départ de celui-ci ne porte aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n’a pas pour effet , en absence de cession des parts sociales, d’entraîner la réduction du capital souscrit par les associés coopérateurs dans le cadre de leur engagement d’activité au-dessous des 3/4 du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution de la coopérative.

Le conseil apprécie les raisons invoquées à l’appui de la demande de démission en cours de période d’engagement et fait connaître à l’intéressé sa décision motivée dans les trois mois de la date à laquelle la demande a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président du conseil d’administration.

La décision du conseil peut faire l’objet d’un recours devant la plus prochaine assemblée générale sans préjudice d’une action éventuelle devant le tribunal de grande instance compétent.’

27 – En l’espèce M. [S] a délivré congé par courrier recommandé du 8 avril 2019 sans en motiver les raisons et la CUMA n’a pu se prononcer en l’absence de motivation, aucun cas de force majeur n’étant par ailleurs invoqué.

28 – Ainsi, M. [S] ne justifie pas avoir notifié, au cours de la période des huit ans de son engagement, sa volonté de se retirer ni avoir reçu l’autorisation de se retirer au cours de cette période dans les conditions prévues par les statuts.

29 – Sans avoir besoin d’examiner le motif invoqué par M. [S] au soutien de sa volonté de se retirer, faute d’avoir notifié son retrait conformément aux dispositions statutaires, l’appelant avait toujours la qualité d’associé coopérateur, sans que soit opérant la nullité judiciaire du legs universel sur son engagement statutaire, ni même la caducité de cet engagement.

30 – Les demandes reconventionnelles en restitution des sommes versées sur les années 2016 à 2018 alors qu’il a utilisé le séchoir à Luzerne seront rejetées pour les mêmes motifs, M. [S] ayant la qualité d’associé coopérateur.

31 – Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

32 – M. [S] succombant en son appel sera condamné aux dépens outre le paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré

Y ajoutant,

Condamne M. [S] à verser à la CUMA Luzerne Verteillacoise la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] aux dépens.

Cour d’appel, Bordeaux, 1re chambre civile, 10 Juillet 2025 – n° 23/01046

COMPETENCE DU TRIBUNAL et Litige avec un tiers non associé dans une coopérative agricole ?

22/07/2025

Litige entre une coopérative agricole et un tiers non coopérateur : quel est le tribunal compétent ?

Dans une décision du 10 juin 2025, le tribunal de commerce d’Aurillac, auprès duquel une requête en injonction de paiement a été déposée, rappelle la spécificité des sociétés coopératives agricoles et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire.

Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions formant une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales (C. rur., art. L. 521-1), la loi donne compétence aux juridictions civiles pour connaître des litiges les concernant (C. rur., art. L. 521-5). Mais cette attribution n’est pas exclusive. Les litiges entre les sociétés coopératives agricoles et des tiers non coopérateurs nés d’actes de commerce relèvent de la compétence du tribunal de commerce. En fait, la compétence juridictionnelle en cas de litige avec une société coopérative agricole dépend de la nature de l’acte en cause.

Un litige né entre un sous-traitant d’un cabinet d’architecte et une société coopérative laitière avait été soumis au tribunal de commerce d’Aurillac. La coopérative laitière avait, en effet, fait appel à un cabinet d’architecte pour la construction d’une unité fromagère avec circuit pédagogique. Le cabinet a sous-traité une partie de sa mission (une étude technique) avant d’être mis en liquidation judiciaire.

Le sous-traitant s’est retourné contre la société coopérative pour le règlement de sa prestation et a donc déposé une requête en injonction de paiement devant le tribunal de commerce. La société coopérative agricole a formé opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer et soulevé l’incompétence du tribunal de commerce tout en demandant le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire.

La prestation du sous-traitant n’étant pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce, mais un acte mixte passé entre un commerçant (le sous-traitant) et un non commerçant (la coopérative laitière), le tribunal de commerce d’Aurillac se déclare incompétent et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire.

Source

Trib. com., Aurillac, 10 juin 2025, n° 2025J00016

LES DIFFICULTES DES ENTREPRISES AGRICOLES

Fermage : contestation devant le juge des référés d’un barème préfectoral

02/06/2025

N’étant pas d’application immédiate, le barème fixé par le préfet ne saurait encourir sa suspension faute de remplir la condition d’urgence.

Bailleur et locataire ne sont pas entièrement libres de fixer d’un commun accord le montant du fermage. Ce dernier doit en effet se situer dans une fourchette de prix fixée par l’autorité administrative ( C. rur., art. L. 411-11). Il revient ainsi à chaque préfet de publier, par arrêté départemental, les barèmes (maxima et minima) et les méthodes de calcul du loyer applicable aux baux ruraux et conventions pluriannuelles de pâturage signés dans le département.

En 2024, le préfet de Haute-Savoie a pris deux arrêtés :

  • le premier fixant les dispositions cadres applicables aux baux ruraux et aux conventions pluriannuelles de pâturages du département,
  • le second portant fixation des valeurs locatives des terres, bâtiments agricoles et d’habitation.

Le syndicat départemental de la propriété privée rurale du département (SDPPR74) a demandé au juge des référés de suspendre ces arrêtés. Au regard du dossier chiffré présenté par ce syndicat, la juge a admis que les conséquences financières préjudiciables encourues par ses membres nécessitaient de suspendre les arrêtés en cause et d’ordonner au préfet de procéder à la révision des minima et maxima.

À la demande du ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance de la juge, la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative n’étant pas remplie. En effet, la notion d’urgence implique que l’exécution des arrêtés préfectoraux porte une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il défend (CE, 5 nov. 2001, n° 234396). Or, la révision des minima et maxima des loyers de fermage telle que fixée dans les arrêtés contestés n’a vocation à s’appliquer que lors du renouvellement des baux ou s’il s’agit de baux à long terme, en début de chaque nouvelle période de 9 ans. Ils ne produisent dans l’immédiat aucun effet et le recours au référé-suspension est, en l’occurrence, infondé.

Source

CE, 5e ch., 23 mai 2025, n° 499929

Chemin rural – Cession d’un chemin rural faute d’affectation à l’usage du public – Veille

Visualiser l’article dans sa version PDF

Droit rural n° 6-7, Juin-juillet 2025, alerte 56

Cession d’un chemin rural faute d’affectation à l’usage du public

CAA Versailles, 4e ch., 29 avr. 2025, n° 23VE00943 : JurisData n° 2025-007131

N’est plus affecté à la circulation générale et continue du public, donc peut être aliéné, le chemin dont l’unique objet est de permettre à un riverain d’accéder à sa propriété.

Un exploitant agricole a demandé l’annulation d’une délibération d’un conseil municipal autorisant la vente d’un chemin rural à des particuliers. Le chemin rural fait, en effet, partie du domaine privé de la commune et peut être aliéné dans la mesure où il cesse d’être affecté à l’usage du public (C. rur., art. L. 161-1 et L. 161-10). Or, c’est sur le fondement de cette dernière condition que le requérant demandait l’annulation de la décision d’aliénation. Il soutenait, en effet, que le chemin rural en cause était toujours affecté à l’usage du public dès lors qu’il s’en servait de voie de passage pour ses engins agricoles.

Pour rejeter sa requête, la cour administrative d’appel s’est appuyée sur les pièces du dossier produites en première instance : il s’agissait en fait d’une impasse permettant à des riverains, qui se chargeaient de l’entretien du chemin, d’accéder à leur propriété. Elle ne portait du reste aucune empreinte d’engins agricoles.

Cela étant, même si les arguments du requérant n’avaient pas été contredits par les éléments du dossier fourni, il n’aurait pas pu obtenir l’annulation de la délibération litigieuse. Le fait de faire circuler ses propres engins agricoles sur le chemin n’est pas de nature à faire regarder ce chemin comme affecté à la circulation générale et continue. Le chemin n’était donc plus affecté à l’usage du public.

Mots clés : Chemin rural. – Défaut d’affectation. – Circulation engins agricoles.

© LexisNexis SA

Prorogation du bail rural – Évaluation du régime applicable pour déterminer la validité d’un congé de reprise dans le contexte d’un bail rural – Focus

Visualiser l’article dans sa version PDF

Droit rural n° 6-7, Juin-juillet 2025, alerte 44

Évaluation du régime applicable pour déterminer la validité d’un congé de reprise dans le contexte d’un bail rural

Cass. 3e civ., 7 mai 2025, n° 22-16.518, FS-B : JurisData n° 2025-006369

Il résulte de l’article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, que, s’il apparaît, fût-ce rétrospectivement, qu’à la date d’effet du congé, la reprise n’était pas soumise à autorisation, le sursis à statuer qui aurait cependant été prononcé n’a pu entraîner la prorogation du bail et, par suite, le report de la date d’appréciation des conditions de la reprise.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mai 2025.

En l’espèce, des propriétaires de parcelles données à bail ont délivré au preneur un congé pour reprise aux fins d’exploitation par leur fils. Le preneur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé. Un sursis à statuer a été ordonné dans l’attente d’une décision définitive des juridictions administratives statuant sur le recours formé par l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), gérée par le fils des propriétaires, à l’encontre de la décision préfectorale, refusant de lui délivrer une autorisation d’exploiter. Un arrêt d’une cour administrative d’appel a définitivement rejeté la requête de l’EARL.

C’est en vain que le preneur fait grief à l’arrêt d’appel (CA Rennes, 5 mai 2022, n° 20/06350 : JurisData n° 2022-012259) de valider le congé pour reprise.

Selon l’article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d’une des parties ou d’office, surseoir à statuer dans l’attente de l’obtention d’une autorisation définitive. Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale pendant laquelle l’autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les 2 derniers mois de l’année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale suivante.

La Cour de cassation approuve, au visa de cet article, les juges du fond d’avoir fait ressortir que le sursis à statuer qu’ils avaient précédemment ordonné n’avait pas entraîné la prorogation de la durée du bail et donc le report de la date d’appréciation des conditions de la reprise, dès lors qu’il apparaissait, rétrospectivement, que la reprise n’était pas soumise à autorisation.

Pour le juge du droit, la cour d’appel s’est, à bon droit, placée à la date d’effet du congé pour apprécier sa validité, sans heurter l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge administratif, qui n’avait pas le même objet et ne concernait pas les mêmes parties.

En effet, l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014, prévoyait qu’était soumise à déclaration préalable la mise en valeur d’un bien agricole de famille lorsque trois conditions étaient remplies. Cette loi a ajouté une quatrième condition tenant à un seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. En l’espèce, ce seuil a été fixé par un arrêté du préfet de la région Bretagne. Les conditions du régime applicable au contrôle des structures devaient donc être appréciées à la date à laquelle le congé devait prendre effet. Si, à cette date, la loi du 13 octobre 2014 était applicable, le schéma directeur n’était pas fixé, de sorte que la quatrième condition n’était pas déterminée à cette date et était inapplicable au fils des propriétaires. Dès lors la cour d’appel, relevant que ce dernier remplissait les trois premières conditions pour bénéficier du régime dérogatoire de la déclaration, en a exactement déduit que la reprise du bien loué n’était pas subordonnée à une autorisation d’exploiter.

À retenir : si la reprise s’avère rétrospectivement non soumise à autorisation à la date d’effet du congé, le sursis à statuer n’a pas prorogé le bail et la date d’appréciation des conditions de reprise reste celle de l’effet du congé.

Mots clés : Prorogation du bail rural. – Conditions de reprise du bail rural. – Sursis à statuer.

© LexisNexis SA

Bail rural : possibilité pour le preneur de se fonder sur un motif déjà invoqué lors du contrôle a priori du congé initial

21/05/2025

Le manquement à son obligation d’exploitation, invoqué pour contester le congé initial dans le cadre d’un contrôle a priori, peut être repris pour contester un congé en fin de prorogation de bail dans le cadre d’un contrôle a posteriori en cas d’élément nouveau inconnu du preneur lors du contrôle a priori.

Un bailleur délivre un congé à des preneurs aux fins de reprise au bénéfice de son fils, gérant d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA). Les preneurs contestent ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, souhaitant pouvoir continuer à bénéficier du bail jusqu’à leur retraite puis le transmettre à leur propre fils. En appel, le bail est prorogé, de plein droit, jusqu’à la fin de l’année culturale au cours de laquelle les preneurs atteindront leur retraite, mais leur demande en autorisation de céder le bail à leur fils est rejetée.

Dix-huit mois avant le terme de la période de prorogation (« C. rur., art. L. 411-47 »), le bailleur délivre, conformément aux dispositions de l’article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, un nouveau congé pour reprise. Les preneurs en place ont en conséquence libéré les parcelles, mais obtiennent par la suite leur réintégration avec cession du bail à leur fils doublée d’une indemnisation. Lors d’un contrôle a posteriori, il a en effet été constaté que le bénéficiaire de la reprise ne participait pas de façon effective et permanente aux travaux agricoles sur les parcelles en cause. À preuve, il a consenti un bail à son épouse sur ces parcelles. Aussi le repreneur conteste-t-il la décision de la cour d’appel. Selon lui, le second congé ne constitue que le renouvellement du précédent congé validé, et non un congé distinct ; il ne peut donc être contesté à nouveau devant le tribunal paritaire des baux ruraux :

– ni au titre du contrôle a priori portant sur les exigences et engagements pesant sur lui, notamment l’obligation d’exploiter le bien repris durant neuf ans (C. rur. art. L. 411-59),

– ni au titre du contrôle a posteriori destiné à vérifier ses engagements, et plus particulièrement son implication dans l’exploitation des parcelles en cause (C. rur., art. L. 411-66).

En effet, les preneurs, s’étant fondés sur le motif du défaut d’exploitation lors de la demande d’annulation du congé initial dans le cadre du contrôle a priori, ne pouvaient plus l’invoquer faute d’élément nouveau.

La cour d’appel n’abonde pas en ce sens. Le fait de consentir un bail à son épouse constitue, selon elle, un fait nouveau l’autorisant à vérifier, lors du contrôle a posteriori, s’il se consacrait effectivement à l’exploitation du bien repris. À cet argument, le requérant oppose un cas de force majeure tenant à la parution, entre les deux congés, du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), qui le prive du régime de la déclaration préalable et l’oblige à faire exploiter les parcelles par son épouse. Le fait est que les conditions lui permettant de reprendre l’exploitation des parcelles en cause à la date d’effet du premier congé ne l’étaient-elles plus à la date d’effet du second congé.

La Cour de cassation avait donc plusieurs questions à trancher :

  • Le juge peut-il réexaminer lors d’un contrôle a posteriori un motif déjà invoqué lors du contrôle a priori du congé initial en cas d’événement survenant postérieurement à la date d’effet de ce congé et parfaitement inconnu du preneur durant l’instance en annulation de ce congé ? ;
  • Le bénéficiaire de la reprise se trouvait-il, par force majeure, dans l’impossibilité d’exploiter aux conditions prévues par les articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 du Code rural et de la pêche maritime compte tenu du changement de législation sur le contrôle des structures de sorte qu’il n’avait pas d’autre choix que de faire exploiter les parcelles par un tiers ?

À la première question, la Cour de cassation répond par l’affirmative et approuve la décision des juges du fond : des éléments nouveaux, tel que l’octroi d’un bail rural à l’épouse du bénéficiaire de la reprise, justifient un réexamen, dans le cadre d’un contrôle a posteriori, de « motifs » déjà invoqués lors du contrôle a priori du congé initial. Dans ce cas, le preneur peut contester l’intention d’exploiter du bénéficiaire de la reprise dans le cadre du contrôle a priori du congé initial et, lors de la contestation du second congé en fin de période de prorogation du bail, demander au juge de vérifier si le bénéficiaire de la reprise se consacre bien à l’exploitation des parcelles en cause dans le cadre d’un contrôle a posteriori.

Sur la notion de force majeure, la Cour de cassation valide l’analyse de la cour d’appel. Un cas de force majeure ne peut être qu’imprévisible et irrésistible. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 modifiant la réglementation du contrôle des structures était entrée en vigueur le 15 octobre 2014. Le SDREA était, quant à lui, intervenu le 27 juin 2016 ce qui laissait au repreneur un délai de quatre mois pour demander une autorisation d’exploiter du fait du changement du seuil de surface déclenchant le contrôle des structures ; le congé étant donné pour le 31 octobre 2016. Aussi, sachant dès le mois de juin 2016 qu’il ne remplissait plus les conditions pour bénéficier du régime de la déclaration, il aurait dû soit renoncer à la reprise soit solliciter une autorisation d’exploiter. Rien qui ne soit imprévisible et irrésistible même si le changement de réglementation est parfaitement indépendant de sa volonté et qu’il ne peut en être tenu responsable.

Il s’ensuit que l’interdiction de céder le bail se limitant à la période de prorogation de ce bail (C. rur., art. L. 411-58), c’est à juste titre que les juges du fond ont accordé aux preneurs leur réintégration avec cession du bail à leur fils à l’issue de la période de prorogation du bail dans les conditions de l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime.

À retenir : Lorsque le bailleur a délivré un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise ne peut, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur, sauf en cas d’éléments nouveaux, qui étaient inconnus du preneur lors du contrôle a priori ou qu’il ne pouvait alors utilement opposer.

Source

Cass. 3e civ., 7 mai 2025, n° 23-15.142, FS-B

© LexisNexis SA

Page 1 of 20

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén