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CUMA : EXCLUSION D’UN ASSOCIE COOPERATEUR au visa des articles R.522-3 du code rural et de la pêche maritime et 1231-1 du code civil

EXPOSE DU LITIGE :

La CUMA des Chambarands Drômois (la CUMA) immatriculée au greffe du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère le 22 avril 1982 a pour activité principale l’acquisition de matériel principalement d’ensilage et de travaux agricoles, utilisé ensuite par les membres associés coopérateurs.

Le GAEC de [Adresse 4] composé de deux associés, [S] [T] et [C] [U], spécialisé dans l’activité d’élevage et céréalière pour alimenter le cheptel, a adhéré à la CUMA Des Chambarands Drômois en 1988.

Le 18 février 2014, préalablement à l’acquisition d’une nouvelle ensileuse, les associés coopérateurs de la CUMA intéressés ont signé un engagement visant ainsi qu’il suit à :« utiliser ce matériel sur leur exploitation pendant une durée minimale de 10 années (durée d’amortissement) et pour un volume de travaux correspondant aux unités de travail souscrites ci-après sauf cas de force majeure reconnu valable par le conseil d’administration».

Le Gaec de [Adresse 4] a signé ce bulletin d’adhésion et d’engagement pour une surface de 60 hectares.

Par courrier du 15 juillet 2022, la CUMA a notifié au Gaec de [Adresse 4] son exclusion votée par le conseil d’administration le 7 juin 2022 pour ne pas avoir fait travailler en priorité la CUMA et pour non-respect de ses engagements moraux vis-à-vis de cette dernière.

Le Gaec de [Adresse 4] a contesté les motifs de son exclusion, ainsi que les conditions de forme dans laquelle elle est intervenue. Il a adressé deux mises en demeure à la CUMA des Chambarands Drômois, demeurées sans réponse.

Par acte de commissaire de justice du 26 octobre 2023, le GAEC de [Adresse 3] a fait délivrer assignation à la CUMA des Chambarands Drômois devant le tribunal judiciaire de Valence aux fins de voir :

– déclarer sa demande recevable et bien fondée, et en conséquence :

– condamner le requis à lui payer la somme de :

*36.897,08 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 9 mars 2022,

*3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions statutaires,

*3.000 euros au titre du préjudice moral,

*3.165,88 euros au titre du reliquat du remboursement des parts sociales,

– ordonner l’exécution provisoire,

– condamner le requis à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la CUMA des Chambarands de l’intégralité de ses prétentions,

– condamner les requis aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître Vincent Bard pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Par jugement du 22 février 2024, le tribunal judiciaire de Valence a :

– débouté le GAEC de [Adresse 4] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné le GAEC de [Adresse 4] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 4 mars 2024, le GAEC de [Adresse 4] a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions et moyens du GAEC de [Adresse 4] :

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives n°2 notifiées par voie dématérialisée le 20 décembre 2024, le GAEC de [Adresse 4], demande à la cour de :

– déclarer son appel recevable et bien fondée, et en conséquence :

– réformer dans toutes ses dispositions la décision querellée,

-condamner le requis à lui payer la somme de :

*36.897,08 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 9 mars 2022,

*3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions statutaires,

*3.000 euros au titre du préjudice moral,

*3.165,88 euros au titre du reliquat du remboursement des parts sociales,

– condamner le requis à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la CUMA des Chambarands de l’intégralité de ses prétentions,

– condamner les requis aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître Vincent Bard pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la décision d’exclusion est fautive ce qui lui cause un préjudice et justifie sa demande d’indemnisation dès lors que :

– en application des statuts, l’exclusion ne peut être prononcée qu’à la double majorité des 2/3 des membres du conseil d’administration présents et statuant à la majorité des 2/3 en faveur de l’exclusion,

– le tribunal judiciaire de Valence a donc commis une erreur de droit en mettant à sa charge la preuve du respect de cette formalité alors qu’il lui appartenait de vérifier si les conditions avaient été remplies, dès lors que l’intimée n’a pas comparu en première instance,

– il appartient à l’intimée de justifier du respect de cette double majorité,

Elle fait également valoir que la décision d’exclusion est infondée dès lors que :

– elle a réclamé à plusieurs reprises le règlement intérieur dont se prévaut l’intimée sans que copie ne lui en soit transmis,

– le document produit n’est ni daté ni signé, de sorte que l’intimée ne peut se prévaloir de ce document qui lui est totalement inopposable,

– il résulte de la délibération du 7 juin 2022 ayant prononcé l’exclusion du GAEC, qu’aucune démarche contradictoire n’a été initiée à son égard et que contrairement à ce qui est mentionné, aucune démarche amiable n’a été initiée par le président pour un accord amiable, aucune pièce ne vient d’ailleurs corroborer cette affirmation,

– au contraire il ressort des pièce 6a et 6c que M. [T], pourtant administrateur de la CUMA et associé du GAEC de [Adresse 3], n’a pas été convoqué ce qui vicie d’autant la procédure,

– aucun document comptable n’est produit par l’intimée à l’appui de ses affirmations sur les risques d’une prétendue faillite financière, laquelle se contente de produire en cause d’appel un succinct bilan 2022 de deux pages et un relevé de compte au 31 mars 2023 qui n’apporte strictement rien aux débats si ce n’est la situation sur un compte bancaire au 31 mars 2023 soit plus de neuf mois après son exclusion,

– en revanche, le bilan au 31 décembre 2022 démontre que la CUMA a, à cette date, effectivement des capitaux propres de plus de 412.000 et des liquidités supérieures à 97.000 euros le tout permettant de largement faire face au solde des prêts bancaires pour environ 81.000 euros sans qu’il ne soit par ailleurs possible de les rattacher aux ensileuses et ces chiffres démontrent que la CUMA ne souffrait nullement de l’attitude du GAEC de [Adresse 4],

– surtout, les ensileuses ont été achetées en 2014 et à la date de la sanction prononcée à l’encontre du GAEC de [Adresse 4] ces machines agricoles étaient payées et amorties sans que l’attitude du GAEC de [Adresse 4] n’ait mis en cause la pérennité de la CUMA et ce d’autant que ses engagements hors CUMA ont débuté la même année que l’achat des ensileuses,

– l’article 8 des statuts précise que les coopérateurs devront recourir aux prestations et matériels de la CUMA dans « la mesure de ses besoins », de sorte qu’il n’est pas stipulé un recours exclusif aux prestations/matériels de la CUMA et à ce titre, le matériel proposé ne correspondait pas aux besoins du GAEC de [Adresse 4] qui devait faire face à une surface de 60 hectares à ensiler sur des terres principalement pentues, comme en attestent ses deux dirigeants, M. [T] et M. [U],

– d’autres coopérateurs avaient également recours à des prestataires extérieurs sans susciter les moindres sanctions, comme cela résulte des nombreuses attestations versées aux débats,

– les alinéas 6 et 7 de l’article 8 des statuts prévoient que des pénalités pouvant être mises à la charge des coopérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements avec notamment la prise en charge de frais fixes, ainsi qu’une pénalité de 30%, de sorte que préalablement à toute exclusion ces dispositions prévoyaient des sanctions éventuelles, l’exclusion demeurant l’exception sans doute pour les récidivistes,

– les attestations de messieurs [V] confirment que l’exclusion du GAEC de [Adresse 3] a surpris nombre d’adhérents et ce d’autant que tout le monde savait que compte tenu des particularismes liées à sa production de ray gras, le GAEC utilisait une entreprise extérieure, la CUMA ne pouvant fournir de matériel adéquat.

Pour justifier de son préjudice financier, il indique que :

– compte tenu de son exclusion, il n’a pu bénéficier des prestations dont il pouvait bénéficier en qualité d’associé de la CUMA notamment en période de moissons, soit, pour la saison 2021, le bénéfice de tarifs lui permettant de louer des remorques permettant le transport du maïs et du sorgho, ainsi que la location de l’ensileuse et le roulage des produits, le tout pour un montant global de 5.085,25 euros HT soit 6.102.3 euros TTC,

– il a dû avoir recours à deux prestataires, la société Domagri pour le transport d’orge et de maïs et la société [E] [K] pour les travaux d’ensilage, l’ensemble de ces prestations ont été réalisées en 2022 pour un montant total de 20.344,65 euros TTC, soit 17.384,28 euros HT, soit un surcoût par rapport à l’exercice précédent de 12.299,03 euros,

– l’engagement se termine au terme de l’exercice 2024, de sorte qu’il est donc fondé à solliciter une indemnité de 36.897,08 euros, somme à parfaire en cours de procédure.

Pour justifier de son préjudice pour violation des dispositions statutaires, il expose que le non-respect de ces dispositions lui cause un préjudice distinct du préjudice financier d’un montant de 3.000 euros.

Il indique que son préjudice moral est évalué également à 3.000 euros.

Au soutien de sa demande en remboursement des parts sociales, il fait valoir que le seul fait d’encaisser le chèque ne vaut nullement reconnaissance du bien-fondé de la sanction, alors qu’il a toujours précisé qu’il imputait ce versement sur son préjudice futur et qu’il s’est engagé sur 60 hectares à 69 euros la part, soit un montant total de 4.140 euros, de sorte que le remboursement opéré ne couvre nullement cet engagement puisqu’il a été remboursé au GAEC de [Adresse 4] la somme de 974,12 euros soit un manquant de 3.165,88 euros.

Pour s’opposer aux demandes indemnitaires de l’intimée, il expose que la CUMA des Chambarands n’a subi aucun préjudice et que les demandes ne sont pas étayées.

Prétentions et moyens de la CUMA des Chambarands Drômois:

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 8 avril 2025, la CUMA des Chambarands Drômois demande à la cour au visa des articles R.522-3 du code rural et de la pêche maritime et 1231-1 du code civil de :

– confirmer en toutes ces dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valence le 22 février 2024,

Statuant à nouveau,

– condamner le GAEC de [Adresse 4] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le GAEC de [Adresse 4] aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande de confirmation du jugement, elle fait valoir que l’appelant n’a pas respecté les engagements fixés à l’article 8 des statuts de la CUMA et à l’article 4 du règlement intérieur, ce qui justifie son exclusion, dès lors que :

– l’article 8 de ses statuts intitulé « Obligations des associés » rappelle les obligations des associés notamment des associés coopérateurs indiquées à l’article R.522-3 du code rural, à savoir que ‘l’adhésion à la coopérative entraîne pour l’associé coopérateur l’engagement d’utiliser, en ce qui concerne son exploitation et dans toute la mesure de ses besoins, un ou plusieurs services que la coopérative est en mesure de lui procurer, l’engagement d’utiliser, en ce qui concerne son exploitation et dans la mesure de ses besoins, l’activité de groupement d’employeurs que la coopérative est en mesure de lui procurer et l’obligation, en application des dispositions du paragraphe 4 de l’article 14 ci-dessous, de souscrire ou d’acquérir par voie de cession, et dans ce dernier cas avec l’accord de la coopérative, le nombre de parts sociales correspondant aux engagements pris’,

– l’article 12 point 1 de ses statuts intitulé « Exclusion » fixe la procédure et les modalités de contestation prévue par l’associé coopérateur exclu en ces termes: «l’exclusion d’un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d’administration pour des raisons graves, notamment si l’associé coopérateur a été condamné à une peine criminelle, s’il a nui ou tenté de nuire sérieusement à la coopérative par des actes injustifiés, s’il a contrevenu sans l’excuse justifiée de la force majeure aux engagements contractés aux termes de l’article 8. La décision du conseil d’administration est immédiatement exécutoire »,

– or, l’appelant reconnaît avoir fait intervenir des prestataires autres que la CUMA pour faire réaliser des prestations d’ensilage alors qu’elle fournit cette prestation et les termes utilisés à l’article 8 des statuts « dans la mesure de ses besoins » ne l’autorise pas à se libérer de ses engagements quand il le souhaite, alors que ces termes doivent permettre aux associés coopérateurs, quelle que soit la taille de leur exploitation, de pouvoir profiter des services de la CUMA et n’autorisent pas un associé coopérateur, qui s’est engagé préalablement à l’acquisition des matériels d’ensilage par la CUMA à rompre son engagement à son égard en utilisant les services de prestataires concurrents,

– l’engagement dans la CUMA est dû et contraignant, une fois l’engagement pris, il doit être respecté pendant toute la durée de vie du matériel quand bien même les services ne correspondraient pas exactement à l’évolution des besoins du GAEC de [Adresse 4], ce dernier restant engagé à hauteur des heures indiquées sur le bulletin d’engagement,

– si ses services ne correspondaient plus à ses besoins, le GAEC de [Adresse 4] aurait pu solliciter une diminution de son engagement ou le retrait de la CUMA, ou l’acquisition par celle-ci de nouveaux matériels, démarches qu’il n’a jamais engagées,

– si le GAEC de [Adresse 4] avait considéré en 2014 que le matériel n’était pas adapté à ses besoins, il avait une totale liberté pour ne pas adhérer au service ensilage pendant dix ans, temps nécessaire pour l’amortissement des ensileuses, et à ce titre, le bulletin d’adhésion daté du 18 février 2014 montre que certains associés coopérateurs n’ont pas souhaité adhérer à ce service, le GAEC de [Adresse 4] a fait un autre choix en s’engageant à utiliser l’ensileuse acquise pendant dix ans,

– de plus, les autres membres de la CUMA sont aussi éleveurs et à ce titre soumis à des contraintes de qualité,

– l’appelant a préféré utiliser les services de prestataires faisant directement concurrence aux services qu’elle propose pour l’activité ensilage et en agissant ainsi, il a obligé ses autres membres à assumer la prise en charge de l’amortissement du matériel d’ensilage,

– l’appelant ne produit aucun élément caractérisant la force majeure et permettant de justifier le défaut d’utilisation du matériel,

– l’appelant ne fournit aucune demande de dérogation faite au conseil d’administration le dispensant d’utiliser les services ensilage de la CUMA et a fortiori, il ne fournit aucune réponse que lui aurait faite son conseil d’administration visant à l’autoriser à ne pas utiliser son service d’ensilage.

Elle fait également valoir que le GAEC de [Adresse 4] n’a pas respecté la procédure de contestation de son exclusion, dès lors que :

– l’article 12 point 3 des statuts de la CUMA des Chambarands Drômois intitulé « Exclusion » fixe les modalités de contestation de l’exclusion par l’associé coopérateur exclu en ces termes : « la décision d’exclusion peut faire l’objet d’un recours devant l’assemblée générale. Ce recours doit être exercé à peine de forclusion par l’associé coopérateur dans les deux ans suivant la date de notification par le conseil d’administration de la décision d’exclusion. Il doit être notifié au président du conseil d’administration qui en saisira la première assemblée générale convoquée postérieurement à la réception par lui de la notification. Ce recours n’est pas suspensif »,

– l’appelant reconnaît dans ses écritures avoir reçu le 15 juillet 2022 une lettre lui notifiant son exclusion votée par le conseil d’administration le 7 juin 2022, et la possibilité d’être entendu par l’assemblée générale de la CUMA pour contester la décision d’exclusion lui a été rappelée par la Fédération Départementale des CUMA de la Drôme par courrier du 3 juillet 2023, de sorte qu’il disposait alors encore d’un délai d’un an pour contester la décision d’exclusion, ce qu’il n’a pas fait durant le délai de deux ans suivant son exclusion,

– à défaut d’utilisation de la possibilité de recours devant l’assemblée générale, son exclusion est devenue définitive.

Pour s’opposer aux demandes indemnitaires du GAEC de [Adresse 4], elle soutient que ce dernier ne justifie pas d’un quelconque préjudice.

S’agissant de la demande de remboursement des parts sociales, elle expose que

ne peuvent être remboursées que les parts qui ont été souscrites au départ, et que, le GAEC de [Adresse 4] ayant souscrit des parts pour un montant de 974.12 euros, il ne peut prétendre exiger le remboursement d’un montant de capital social qu’il n’a pas souscrit. Il n’y a pas lieu de rembourser 3165.88 euros. La sincérité d’une telle demande peut être mise en doute venant d’un ancien administrateur de la CUMA.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025, l’affaire a été appelée à l’audience du 19 juin 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 2 octobre 2025.

Par conclusions notifiées le 2 juin 2025, la CUMA des Chambarands Drômois, demande à la cour au visa des articles 15, 16 et 135 et 802 du code de procédure civile de rejeter des débats les conclusions récapitulatives du GAEC de [Adresse 4] et la pièce n° 21 communiquée par le GAEC de [Adresse 4] au motif que ces conclusions récapitulatives et cette pièce ont été communiquées respectivement le 22 mai 2025 à 11h27 et à 11h28, soit après la clôture prononcée le même jour à 09h00.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le rejet des conclusions du GAEC de [Adresse 4] notifiées par voie dématérialisée le 22 mai 2025

Les conclusions récapitulatives du GAEC de [Adresse 4] signifiées le 22 mai 2025 à 11h27 et la nouvelle pièce n°21 communiquée le même jour à 11h28, après la clôture prononcée le même jour à 09h00, sont en conséquence irrecevables.

Sur les demandes indemnitaires du GAEC de [Adresse 4]

En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Conformément à l’article 1104 du même code, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

En l’espèce, l’article 12 des statuts mis à jour le 30 mars 2019 stipule ainsi qu’il suit : ‘ l’exclusion d’un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d’administration pour des raisons graves, notamment si l’associé coopérateur a été condamné à une peine criminelle, s’il a nui ou tenté de nuire sérieusement à la coopérative par des actes injustifiés, s’il a contrevenu sans excuse justifiée de la force majeure aux engagements contracté aux termes de l’article 8. La décision du conseil d’administration est immédiatement exécutoire.

Le conseil d’administration ne peut délibérer valablement à cet égard qu’à la condition de réunir le quorum des deux tiers de ses membres et de se prononcer à la majorité des deux tiers des voix des administrateurs présents.

La décision d’exclusion peut faire l’objet d’un recours devant l’assemblée générale. Ce recours doit être exercé à peine de forclusion par l’associé coopérateurs dans les deux ans, suivant la date de la notification par le conseil d’administration de la décision d’exclusion. Il doit être notifié au président du conseil d’administration qui en saisira la première assemblée générale, convoquée postérieurement à la réception par lui de la notification. Ce recours n’est pas suspensif’.

Par ailleurs, l’article 8 des statuts stipule ainsi qu’il suit : ‘l’adhésion à la coopérative entraîne pour l’associé coopérateur :

1°l’engagement d’utiliser, en ce qui concerne son exploitation et dans toute la mesure de ses besoins, un ou plusieurs des services, que la coopérative est en mesure de lui procurer,

1° Bis l’engagement d’utiliser, en ce qui concerne son exploitation dans la mesure de ses besoins, l’activité de groupement d’employeur que la coopérative est en mesure de lui procurer,

2° l’obligation en application des dispositions du paragraphe quatre de l’article 14, ci-dessous de souscrire ou d’acquérir par voie de cession et dans ce dernier cas avec l’accord de la coopérative, le nombre de parts correspondant aux engagements pris.

L’engagement d’activité de la société coopérateurs est formalisé par la signature d’un bulletin d’engagement, reprenant la nature, la durée et les modalités de cet engagement’.

Il est constant que le GAEC de [Adresse 4] a régularisé le 18 février 2014, le bulletin d’adhésion et d’engagement de la CUMA par lequel il s’est engagé à régler le capital social correspondant à l’achat d’une ensileuse de marque CLAAS type Jaguar 840, neuf pour un nombre d’unité souscrite de 60 hectares et à utiliser ce matériel sur son exploitation pendant une durée minimale de 10 années (durée d’amortissement) et pour un volume de travaux correspondant aux unités de travail souscrites, sauf cas de force majeure reconnu valable par le conseil d’administration.

Selon délibération en date du 7 juin 2022, le conseil d’administration de la CUMA a constaté que le GAEC de [Adresse 4] a fait appel à une ETA pour un ensilage sans andaineur en avril 2022 alors que c’est exactement le service que fourni la CUMA et a en conséquence, prononcé son exclusion aux motifs ‘du non respect des engagements de l’adhérent et d’esprit coopératif, de problèmes relationnels avec les adhérents de la CUMA, de problèmes d’équité avec les autres adhérents et de mise en péril de l’activité de la CUMA sur le long terme’.

Contrairement à ce que soutient la CUMA, l’absence de recours contre la décision d’exclusion devant l’assemblée générale n’est pas de nature à rendre définitive la décision d’exclusion, alors que l’article 12.3 des statuts, qui stipule que la décision d’exclusion peut faire l’objet d’un recours devant l’assemblée générale, n’érige pas un tel recours en obligation et alors qu’une décision d’exclusion même définitive ne prive pas l’adhérent comme en l’espèce du droit d’en demander l’annulation devant les juridictions de l’ordre judiciaire.

S’agissant du grief tenant à l’absence de respect du quorum nécessaire pour prononcer l’exclusion d’un membre de la coopérative, la cour observe que c’est sans inverser la charge de la preuve que le premier juge a retenu qu’il appartient au GAEC de [Adresse 3], qui se prévaut de l’absence de respect de la règle de majorité fixée par les statuts pour prononcer l’exclusion d’un membre de la coopérative, de rapporter la preuve de la méconnaissance des dispositions de l’article 12 des statuts précité.

En conséquence, le GAEC de [Adresse 4] qui se contente d’affirmer qu’il appartient à l’intimée de justifier du respect de la règle de la double majorité, échoue à rapporter la preuve de l’irrégularité alléguée.

S’agissant du grief tenant à l’absence de fondement de la décision d’exclusion, la cour observe qu’il est constant que le GAEC de [Adresse 4] a eu recours à l’utilisation d’un autre matériel d’ensilage que celui de la CUMA des Chambarands Drômois pour l’exploitation de ses terres agricoles, ce qu’il reconnaît expressément.

Or, si M. [X] atteste qu’en sa qualité de chauffeur d’ensileuse auprès de l’ETA [E] [K], il effectue un travail d’ensilage au GAEC de [Adresse 3] et dans d’autres exploitations, il ne résulte aucunement de ce témoignage, que ces autres exploitations sont également membres de la CUMA et le seul témoignage de M. [E], affirmant que d’autres adhérents de la CUMA

font appel à ses services, qui est isolé, imprécis et dont l’impartialité est questionnée, s’agissant d’un client de l’appelant, est insuffisant à établir la réalité de cette affirmation.

Par ailleurs, s’il n’est pas contestable que l’article 8 des statuts précités, fait obligation aux adhérents d’utiliser un ou plusieurs des services que la coopérative est en mesure de leur procurer, la cour observe que le premier juge a exactement retenu que le GAEC de [Adresse 4] ne justifie pas que le matériel proposé par la CUMA ne correspond pas à ses besoins. En effet, d’une part, les témoignages en ce sens de M.[T] et de M.[U], constituent des preuves à soi-même dépourvues de force probante s’agissant de membres du GAEC de [Adresse 4]. D’autre part, les témoignages de [Y] et [G] [V], rédigés en des termes sinon identiques et tout cas très proches, et attestant de ce que le recours par l’appelant à un autre prestataire résulte de ce que la CUMA n’accepte pas, par peur de casse du matériel, le prefannage et l’andainage nécessaire au GAEC engagé dans le développement d’une activité d’ensilage de ray grass, qui sont isolés, et non circonstanciés, sont insuffisants à établir que le matériel fourni par la CUMA ne correspond pas aux besoins de l’exploitation du GAEC de [Adresse 4].

C’est encore vainement que l’appelant soutient qu’à la date de son exclusion, le 7 juin 2022, l’ensileuse achetée en 2014 était amortie, de sorte qu’aucune mise en cause de la pérennité de la coopérative ne résulterait du recours à un autre prestataire, alors qu’il ressort des termes mêmes du bulletin d’adhésion et d’engagement à la CUMA des Chambarands Drômois régularisé le 18 février 2014, que la durée minimale de 10 ans de son engagement à utiliser l’ensileuse litigieuse sur son exploitation correspond à la durée d’amortissement du matériel.

Le moyen tiré de ce que le règlement intérieur ne lui est pas opposable en ce qu’il n’est ni daté ni signé, est inopérant, alors que la décision d’exclusion se fonde expressément sur les statuts de la CUMA.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le GAEC de [Adresse 4] qui en 2022 a eu recours à du matériel d’un autre prestataire de service, sans qu’il soit démontré que l’ensileuse acquise par la CUMA des Chambarands Drômois et qu’il s’est engagé à utiliser pendant 10 ans, n’était pas adapté aux besoins de son exploitation, a contrevenu sans excuse de la force majeure aux engagements contractés aux termes de l’article 8 des statuts de la coopérative, de sorte que la décision d’exclusion est parfaitement fondée et le jugement déféré est confirmé.

Sur la demande en paiment de la somme de 3.165,88 euros au titre d’un reliquat de remboursement des parts sociales

En l’espèce, par application de l’article 12. 4 des statuts de la CUMA, l’associé coopérateur exclu a droit au remboursement de ses parts de capital social dans les conditions prévues à l’article 20.

L’article 20 des statuts stipule ainsi que le remboursement des parts sociales s’effectue à leur valeur nominale sans préjudice des Intérêts, des dividendes et des ristournes qui peuvent revenir à l’intéressé mais sous déduction des sommes éventuellement dues au titre de l’article 8, paragraphes 6 et 7. En tout état de cause, le remboursement du capital social est réduit à due concurrence de la contribution de l’associé aux pertes inscrites au bilan au jour de la perte de la qualité d’associé, lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves autres que la réserve légale, les réserves indisponibles et la réserve constituée pour compenser les parts annulées.

L’article 14 stipule que ‘le capital social initial s’élevait à la somme de 67.500 francs, Par suite des augmentations de capital réalisées depuis la constitution de la société, le capital social souscrit à la date du 31/12/2017 s’élève à 47.340 euros. Il est divisé en 30 941 parts d’un montant de 1,53 euros chacune.

Il est divisé en deux fractions correspondant l’une aux souscriptions des associés coopérateurs, l’autre aux souscriptions ou acquisitions des associés non coopérateurs. Le capital social souscrit ou acquis dans le cadre de l’engagement d’activité est réparti entre les associés coopérateurs en fonction des opérations qu’ils s’engagent à effectuer avec la coopérative selon les modalités et conditions suivantes : cf. règlement intérieur’.

Le règlement intérieur précise le détail des souscriptions par matériel de la manière suivante: 45 parts/ha ensilés – montant part sociale = 1,53 euros.

Enfin, il ressort du bulletin d’engagement et d’adhésion en date du 18 février 2014 signé par l’ensemble des adhérents dont le GAEC de Mongalix, que ce dernier a souscrit pour 60 hectares et s’est engagé à régler le capital social à hauteur de 69 euros / hectare ( 45 parts x 1,53 euros), soit la somme de 4.140 euros. Dès lors la CUMA n’est pas fondée à soutenir que le GAEC de [Adresse 4] a souscrit des parts pour un montant de 974.12 euros.

En conséquence, et alors que l’intimée n’allègue ni a fortiori ne démontre que le GAEC de [Adresse 4] n’a pas versé le montant relatif à la souscription des parts sociales, ce dernier est en droit, en application des statuts de la CUMA, d’obtenir remboursement de la somme de 3.165,88 euros déduction faite de la somme déja versée à hauteur de 974.12 euros.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Le GAEC de [Adresse 4] doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés. Il convient en revanche de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de les débouter en conséquence de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d’appel. Il convient en outre de confirmer le jugement déféré s’agissant des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevables les conclusions récapitulatives du GAEC de [Adresse 4] signifiées le 22 mai 2025 à 11h27 et la nouvelle pièce communiquée le même jour à 11h28,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté le GAEC de [Adresse 4] de sa demande en paiement de la somme de 3.165,88 euros au titre du reliquat du remboursement des parts sociales,

Statuant à nouveau,

Condamne la CUMA des Chambarands Drômois à payer au GAEC de [Adresse 4] la somme de 3.165,88 euros au titre du reliquat du remboursement des parts sociales,

Ajoutant,

Déboute le GAEC de [Adresse 4] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d’appel,

Déboute la CUMA des Chambarands Drômois de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d’appel,

Requalification d’une convention pluriannuelle d’exploitation en bail rural en cas de non-respect des conditions légales de durée

Il résulte de la combinaison des articles L. 411-1, alinéa 1er, L. 411-2, et L. 481-1, dans sa version issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, du Code rural et de la pêche maritime qu’à défaut de respecter les conditions de durée et de prix posées à l’article L. 481-1 du Code rural et de la pêche maritime, le contrat dénommé « convention pluriannuelle d’exploitation » est soumis au statut du fermage. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans une décision du 4 septembre.

Pour rejeter la demande de requalification de la convention pluriannuelle d’exploitation en bail rural, l’arrêt d’appel retient que s’il est exact que, selon l’article L. 481-1 du Code rural et de la pêche maritime, les conventions pluriannuelles d’exploitation sont conclues pour une durée minimale de cinq ans et que la convention litigieuse a été conclue pour une durée d’une année seulement, il a été convenu qu’elle se poursuivra d’année en année par tacite reconduction, ce dont il résulte que les dispositions légales sont nécessairement remplies si le contrat se poursuit pendant au moins cinq ans, ce qui est le cas en l’espèce.

L’arrêt d’appel est cassé. Pour le juge du droit, en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la convention avait été conclue pour une durée inférieure à cinq ans, la cour d’appel a violé les articles L. 411-1, alinéa 1er, L. 411-2, et L. 481-1, dans sa version issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, du Code rural et de la pêche maritime.

Entreprise agricole > Baux ruraux

Date : 30 septembre 2025

La rédaction

Source :

Cass. 3e civ., 4 sept. 2025, n° 24-10.493

Bail rural et violation de la cogestion : recours à la gestion d’affaires

Dans un arrêt rendu le 18 septembre 2025, la Cour de cassation clarifie l’interprétation de l’article 219 du Code civil, qui consacre la gestion d’affaires, et se prononce sur son articulation avec la règle de cogestion applicable à la conclusion d’un bail rural par des époux mariés sous le régime de la communauté.

En l’espèce, des époux communs en biens vendent, par acte du 5 septembre 2018, des parcelles dépendant de leur communauté à des acquéreurs. Une tierce personne, se présentant comme preneuse en vertu d’un bail rural verbal que lui aurait consenti l’époux en 2016, saisit le tribunal paritaire des baux ruraux. Elle sollicite la reconnaissance de ce bail et l’annulation de la vente, qu’elle estime intervenue en violation de son droit de préemption. À titre reconventionnel, l’épouse demande la nullité du bail, conclu par son mari sans son consentement.

La cour d’appel de Caen accueille la demande de la preneuse. Elle retient que l’époux a agi dans le cadre de la gestion d’affaires, permettant ainsi de reconnaître la validité du bail.

Les époux se pourvoient alors en cassation. Ils allèguent qu’en vertu de l’article 219 du Code civil, si à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires, c’est à la condition que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté. Par ailleurs, ils estiment que l’application des règles de la gestion d’affaires ne suffit pas, à elle seule, à caractériser le consentement conjoint des époux nécessaire à la conclusion d’un bail rural, tel que l’exige l’article 1425 du Code civil.

En premier lieu, la Cour de cassation juge que la violation des articles 1245 du Code civil, relatif au consentement conjoint des époux, et 1247 du Code civil, imposant la ratification de l’acte en cas d’absence d’un tel consentement, ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une gestion d’affaires concernant le bail. Ainsi, la gestion d’affaires, en tant que disposition du régime primaire, s’applique à tous les époux du seul fait du mariage et n’est pas écartée par la règle de cogestion de l’article 1245 du Code civil.

En second lieu, le juge de cassation clarifie l’interprétation de l’article 219 du Code civil : chaque alinéa pose des conditions propres, de sorte que les règles de la gestion d’affaires, prévues au deuxième alinéa, ne supposent pas que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté, contrairement à ce qui est exigé pour la règle de représentation des époux issue du premier alinéa.

Enfin, les époux soutiennent que, pour que les règles de la gestion d’affaires produisent leurs effets, la gestion doit nécessairement être utile. La Cour de cassation accueille ce dernier argument, en relevant que la cour d’appel aurait dû vérifier l’utilité de la gestion d’affaires. Par ces motifs, elle casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

À retenir : Par cet arrêt, la Haute Juridiction admet la possibilité de recourir à la gestion d’affaires pour valider un bail rural conclu sans le consentement du conjoint et non ratifié par lui, sous réserve d’un examen rigoureux de l’utilité de l’acte.

Source Entreprise agricole > Baux ruraux Date : 22 septembre 2025

Cass. 3e civ., 18 sept. 2025, n° 23-15.971, FS-B

CONTESTATION D’UN PROJET D’INSTALLATION D’UNE UNITE DE METHANISATION NECESSAIRE A L’EXPLOITATION AGRICOLE

CAA Nantes, 5ème chambre, 12 sept. 2025, n° 24NT01762

Un préfet a délivré à une EARL un permis de construire une unité de méthanisation destinée au traitement du lisier agricole, assorti de prescriptions ; le permis modificatif qui s’en est suivi a été accordé tacitement. L’arrêté préfectoral est contesté par la Fédération des associations de protection de l’environnement et du littoral des Côtes-d’Armor (FAPEL 22).

La Cour administrative d’appel de Nantes écarte l’intégralité des points de droit soulevés par la Fédération en vue d’obtenir l’annulation de l’arrêté préfectoral litigieux.  Et pourtant, ils étaient nombreux. En effet, les juges estiment que les pièces du dossier présentent toutes les garanties requises pour l’installation d’une unité de méthanisation au sein de l’exploitation agricole :

–       certes une canalisation souterraine doit traverser le domaine public, mais n’étant pas une construction au sens des dispositions de l’article R. 431-13 du code de l’Urbanisme, il n’y a pas lieu de faire figurer au dossier de demande du permis de construire en débat une pièce exprimant l’accord du gestionnaire de la voirie pour engager une procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ;

–       il n’est pas démontré que l’opération en cause génèrerait des eaux usées nécessitant un raccordement au réseau public d’assainissement, le projet prévoit au contraire que leur traitement se fera au sein de l’installation ;

–       le poste d’injection GRDF, apportant un complément fonctionnel nécessaire à l’unité de méthanisation, devant être regardé comme une annexe au sens des dispositions du PLUi, il peut être implanté à moins de 5 mètres de la voie publique ;

–       la Fédération ne saurait invoquer le risque pour la sécurité publique que constitue l’augmentation du trafic lié à l’exploitation de l’unité alors que la voie publique la desservant présente une largeur et une visibilité suffisantes ;

–       les constructions devant être semi-enfouies, la Fédération ne démontre ni que les constructions affecteraient la géologie du terrain susceptible d’entrainer des risques particuliers quant à la réalisation du projet, ni que l’unité de méthanisation présenterait un risque accru du fait de sa proximité avec la voie publique qui la longe ;

–       les constructions projetées se situent en dehors des espaces proches du rivage.

 La Cour relève :

–       d’une part, que les intrants de l’opération projetée seront exclusivement composés de matières organiques d’élevage, de matières végétales et de culture ;

–       d’autre part, que l’exploitant de l’unité de méthanisation dispose de la qualité d’exploitant agricole.

Enfin, et surtout, elle constate que l’unité de méthanisation projetée apparaît nécessaire à l’exploitation agricole qui entend traiter le lisier agricole produit par son élevage porcin, la moitié du fumier produit par l’élevage bovin voisin ainsi que des végétaux et les déchets de légumes de plusieurs autres exploitations agricoles tout en produisant du biogaz et en épandant l’intégralité du digestat sur les terres agricoles.

Dans ces conditions, tant dans son principe qu’au regard des caractéristiques du projet, la réalisation de l’unité de méthanisation en litige apparaît nécessaire à l’activité agricole. Le préfet a donc pu, sans commettre d’erreur de droit, délivrer le permis de construire, même si l’installation de l’unité est prévue en dehors des espaces urbanisés de la commune. La Fédération n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Rémunération décente des agriculteurs

Question écrite sans réponse n° 7897, 01 juil. 2025 – – Mme Sylvie Dezarnaud – Agriculture, souveraineté alimentaire.

17ème Législature

Assemblée nationale

Question écrite sans réponse

Agriculture, souveraineté alimentaire

Question écrite n° 7897 : Question de Mme Sylvie Dezarnaud Députée Isère –

Mme Sylvie Dezarnaud attire l’attention de Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur une situation extrêmement préoccupante rencontrée par les producteurs de l’organisation « Les fruitiers Dauphinois » basée à Chanas en Isère qu’elle a eu l’honneur de rencontrer le 12 juin 2025. Cette visite a mis en lumière une situation critique pour les 17 arboriculteurs de l’exploitation qui produisent 8 000 tonnes de fruits sur les départements de l’Isère, de l’Ardèche, de la Loire et de la Drôme. Leur activité est essentielle à la vitalité économique et à la souveraineté alimentaire du territoire. L’année 2025 a été marquée par une pression sanitaire sans précédent, entraînant des pertes de plus de 1 000 tonnes soit un manque à gagner supérieur à un million d’euros. Les pucerons, la tavelure, la punaise diabolique (Halyomorpha halys), le psylle et la Drosophila suzukii ont causé des ravages sur les vergers de pommiers, poiriers et cerisiers, compromettant gravement les récoltes. Ces arboriculteurs, qui travaillent souvent plus de 70 heures par semaine, peinent à dégager un revenu décent face à ces aléas. À ces défis s’ajoutent des évolutions réglementaires qui menacent directement la pérennité de leurs exploitations. L’interdiction prévue en 2026 du Spirotétramat (Movento), molécule essentielle contre les pucerons, le psylle et la mouche Rhagoletis cerasi, laisse les producteurs sans alternative viable. De même, les restrictions sur l’utilisation du Captane, en l’absence de matériel homologué disponible sur le marché, créent une impasse réglementaire face à des maladies fongiques comme la tavelure. Ces mesures, combinées à l’augmentation continue des charges (engrais, carburant, équipements), accentuent les distorsions de concurrence avec les voisins européens et les importations hors UE, notamment de Turquie, où les normes sont moins strictes. Les producteurs s’inquiètent également des insuffisances des assurances agricoles, qui ne couvrent pas adéquatement les pertes liées aux aléas climatiques et sanitaires. Par ailleurs, malgré les avancées de la loi EGAlim , la pression des centrales d’achat continue de limiter la juste rémunération de leur travail, compromettant leur capacité à investir et à maintenir leurs exploitations. Pour faire face à cette situation plus que préoccupante, elle demande au Gouvernement d’agir pour préserver l’avenir de la production fruitière française. La souveraineté alimentaire du pays et la pérennité des exploitations familiales sont en jeu. Pour cela, Mme la députée se joint aux revendications des Fruitiers Dauphinois et demande, premièrement, un moratoire sur l’interdiction du Spirotétramat et des solutions alternatives concrètes pour lutter contre les ravageurs et maladies ; deuxièmement, un accompagnement renforcé, tant financier que technique, pour compenser les pertes de 2025 et soutenir la transition face aux nouvelles normes ; troisièmement, une révision des conditions d’utilisation du Captane, en tenant compte de l’absence actuelle de matériel homologué ; quatrièmement, un renforcement des mécanismes de la loi EGAlim pour garantir une rémunération équitable face aux pratiques des centrales d’achat, et enfin, une rencontre avec les services du ministère pour exposer leur réalité de terrain et coconstruire des solutions pragmatiques.

Publication au JO : Assemblée nationale du 01 juil. 2025

Source : Assemblée nationale

La réglementation française évolue sur les changements européens récents relatifs à la gestion du potentiel viticole.

Adaptation du Code rural et de la pêche maritime à la réglementation européenne sur la replantation des vignes avec le Décret n° 2025-755 du 31 juillet 2025 relatif à la modification de dispositions du code rural et de la pêche maritime concernant la gestion du potentiel viticole

Destiné aux exploitants vitivinicoles, le décret du 31 juillet 2025 modifie le Code rural et de la pêche maritime pour aligner la réglementation française sur les changements européens récents relatifs à la gestion du potentiel viticole.

Ce décret intègre au sein de l’article D.665-9 du Code ru…
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Le droit à une exonération de TVA ne peut pas, sauf manœuvre, être dénié du fait de non-respect de procédures

Sauf à ce qu’elle constitue une tentative de manœuvre, l’inobservation d’obligations formelles telles que la présentation en douane des marchandises prévue à l’article 139, § 1, sous a), du Code des douanes de l’Union, et la déclaration de mise en libre pratique prévue à l’article 203 de ce même code, ne fait pas obstacle au bénéfice de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l’article 143, § 1, sous e), de la directive TVA 2006/112 du 28 novembre 2006, pour les réimportations sur le territoire de l’Union européenne de biens en l’état dans lequel ils ont été exportés.

Une propriétaire suédoise de chevaux qui participent à des compétitions organisées dans différents pays, après avoir transporté deux de ses chevaux vers la Norvège pour participer à de telles compétitions, les a réintroduits dans l’Union en franchissant la frontière entre la Norvège et la Suède, sans les présenter en douane. Peu après avoir dépassé le poste de douane, elle a été interceptée par une patrouille routière suédoise et, sur la base de l’article 203 du Code des douanes, ne s’est pas vue imposer de droits à l’importation au titre de cette opération de réimportation. Toutefois, l’administration des douanes a estimé qu’elle était redevable de la TVA, car si le chapitre 2, article 5, de la loi relative à l’exonération des importations, transposant dans le droit suédois l’article 143, § 1, sous e), de la directive TVA, prévoit une exonération de TVA en cas de réimportation de biens, cette exonération ne pouvait lui être accordée, celle-ci n’ayant pas déclaré les chevaux en vue de leur mise en libre pratique ni demandé d’exonération de droits à l’importation.

Aux termes de l’article 143, § 1, sous e), de la directive TVA (Cons. UE, dir. 2006/112/CE, 28 nov. 2006), sont exonérées de TVA par les États membres « les réimportations de biens en l’état dans lequel ils ont été exportés, par la personne qui les a exportés, et qui bénéficient d’une franchise douanière ». Quant à l’article 203 du Code des douanes, relatif aux marchandises en retour, il dispose que les biens exportés en dehors du territoire douanier de l’Union qui sont, dans un délai de trois ans, réintroduits sur ce territoire dans le même état que celui dans lequel ils ont été exportés et qui sont déclarés pour la mise en libre pratique sont, à la demande de la personne concernée, exonérés de droits à l’importation. Si l’article 79, § 1, sous a), du même code prévoit qu’une dette douanière peut naître de l’inobservation « d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à l’introduction des marchandises non Union sur le territoire douanier de l’Union, à leur soustraction à la surveillance douanière, ou à la circulation, à la transformation, au stockage, au dépôt temporaire, à l’admission temporaire ou à la disposition de ces marchandises dans ce territoire », l’article 86, § 6, de ce code étend l’exonération prévue à l’article 203 aux cas dans lesquels une dette douanière est née en vertu, notamment, de cet article 79, à condition, toutefois, que l’inobservation à l’origine de cette dette ne constitue pas une tentative de manœuvre.

Dans la mesure où le législateur fiscal de l’Union a expressément fait le choix d’aligner les conditions d’application de l’exonération de TVA de l’article 143, § 1, sur les conditions, tant matérielles que formelles, auxquelles le Code des douanes subordonne le bénéfice de l’exonération des droits à l’importation applicable aux marchandises en retour, l’exonération de TVA s’impose, sauf tentative de manœuvre.

source AGRIDROIT

Entreprise agricole > Fiscalité de l’entreprise agricole

Date : 12 juillet 2025

La rédaction

Source :

CJUE, 12 juin 2025, aff. C-125/24, AA [Palmstråle]

SCA : Démission d’un associé coopérateur : faute d’avoir notifié sa démission dans les délais requis par les statuts, le coopérateur a toujours la qualité d’associé

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1 – M. [S] est propriétaire de parcelles de luzerne reçues par legs universel en 2010.

2 – Le 5 juillet 2016 plusieurs agriculteurs, dont M. [T] [S], ont constitué une SCA dénommée La Cuma Luzerne Verteillacoise dont l’objet était l’acquisition d’un séchoir à luzerne pour utilisation de celui-ci par les associés de la coopérative. La société La Cuma Luzerne Verteillacoise émet chaque année à l’adresse de ses associés coopérateurs une facture relative à cette utilisation.

3 – Par arrêt de la cour de cassation du 8 mars 2017, le legs universel a été annulé, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 3 novembre 2015.

4 – M. [S] a payé les factures correspondant à la mise à disposition du séchoir pour les années 2016, 2017, 2018 et par courrier du 8 avril 2019 a adressé à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise un courrier de « démission d’adhérent à la Cuma », pour devenir effective à la réception du courrier.

5 – M. [S] n’ayant pas payé la facture de 2019 ni celles des années 2020 et 2021 pour un montant global de 7 668 euros TTC, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise a effectué plusieurs relances et mise en demeure de payer envers M. [S], qu’il a refusé au motif que du fait de l’annulation d’un legs il n’était plus propriétaire de l’exploitation agricole ayant motivé son adhésion.

6 – Par acte du 23 mars 2022, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise a fait assigner M. [S] devant le tribunal judiciaire de Périgueux, aux fins, notamment d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 7 668 euros au titre des trois factures impayées.

7 – Par jugement contradictoire du 23 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– condamné M. [S] à payer à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise, la somme de 7 688 euros au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 février 2022 et ce, jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux dépens ;

– débouté l’ensemble des parties de leurs autres demandes ;

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

8 – M. [S] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 mars 2023, en ce qu’il a:

– condamné M. [S] à payer à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise, la somme de 7 688 euros au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 février 2022 et ce, jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux dépens ;

– débouté l’ensemble des parties de leurs autres demandes.

9 – Le 5 avril 2023, les parties ont été enjointes de procéder à une médiation. Par ordonnance du 26 avril 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Bordeaux a rétracté l’ordonnance du 5 avril 2023.

10 – Par dernières conclusions déposées le 1er juin 2023, M. [S] demande à la cour de:

sur les demandes initiales de la Cuma :

– débouter la société la Cuma Luzerne Verteillacoise de l’ensemble de ses demandes formulées contre M. [S].

Sur la demande reconventionnelle de M. [S] :

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise à restituer à M. [S] les redevances indûment payées soit une somme de 5 058 euros plus la somme correspondant à la facture 2016, subsidiairement une somme de 3 206,32 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise aux entiers dépens ;

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise à payer à M. [S] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– débouter la société la Cuma Luzerne Verteillacoise de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

11 – Par dernières conclusions déposées le 7 août 2023, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise demande à la cour de :

– confirmer purement et simplement la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [S] de ses demandes plus amples ou contraires ;

– condamner M. [S] à verser à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter M. [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

– condamner M. [S] aux entiers dépens.

12 – L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 12 juin 2025.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

13 – Soutenant ne plus disposer d’aucun droit d’usage ou d’exploitation en vertu duquel il aurait pu continuer de récolter de la luzerne et utiliser le séchoir de la CUMA, l’appelant sollicite l’infirmation du jugement déféré qui, malgré sa décision de retrait de la CUMA, l’a condamné à payer l’utilisation du séchoir à luzerne pour les années 2019 à 2021 et l’a débouté de la restitution des sommes versées à torts pour les années 2016 à 2018, dans les conditions prévues à l’adhésion à la CUMA du temps où il était propriétaire des parcelles agricoles par legs universel annulé judiciairement le 8 mars 2017.

14 – L’appelant s’oppose au paiement des factures dépourvues de fondement, aucune obligation n’étant faite aux adhérents de payer une quelconque redevance ni dans le principe ni dans le montant et par conséquent, sollicite la restitution des sommes versées à tort en paiement des factures des années 2016 à 2018.

Subsidiairement, il fait valoir la nullité de son adhésion à la CUMA et par conséquent la participation aux charges y afférentes suite à l’annulation judiciaire du legs universel le 8 mars 2017.

Très subsidiairement, l’appelant oppose que son adhésion à la CUMA et ses suites sont atteintes de caducité dès lors que le but du contrat qui était l’utilisation du séchoir à Luzerne dont il disposait conformément à l’objet social de la CUMA a disparu avec l’annulation du legs universel, conformément aux articles 1186 et 1187 du code civil. Il précise que la cause objective du contrat n’est pas tant dans sa qualité de propriétaire des parcelles mais dans l’utilité et l’intérêt qu’il peut retirer du séchoir à Luzerne de la CUMA.

Dans l’ hypothèse de caducité, sa demande de restitution des sommes réglées ne porte qu’à compter du 8 mars 2017, la caducité ne pouvant avoir d’effet rétroactif.

15 – L’intimée, rappelle que l’acquisition du séchoir a été financée via un emprunt bancaire, chaque adhérent s’étant engagé sur une période 8 années à régler une facture d’utilisation du matériel en fonction du nombre d’hectares exploité soit 15 hectares pour le cas personnel de M. [S]. L’objectif de la CUMA étant de mutualiser les coûts, l’adhésion emportait nécessairement une participation financière à ceux-ci, l’appelant ayant d’ailleurs régulièrement payé les factures des trois premières années, n’en contestant pas l’obligation.

Elle soutient qu’au moment de son adhésion à la CUMA, M. [S] n’était déjà plus propriétaire des parcelles, par l’effet de l’annulation du legs universel par la cour d’appel de Bordeaux du 3 novembre 2015, confirmant par ailleurs la décision de première instance, de sorte qu’il ne peut se prévaloir ni de la nullité de son adhésion pas plus que de sa caducité.

En tout état de cause, elle fait valoir que la propriété des parcelles contenues dans le legs n’a jamais été érigée en condition à son engagement auprès de la CUMA, seule étant exigé d’être exploitant agricole, ce qu’il est toujours. En effet, se reportant à l’utilisation faite par M. [S] du séchoir à Luzerne jusqu’en 2018, après la décision de la cour de cassation, l’intimée soutient qu’il est toujours agriculteur et propriétaire d’autres parcelles, n’en justifiant pas le contraire.

Elle conteste que l’engagement de M. [S] à la CUMA serait un acte subséquent du legs litigieux.

Enfin, elle relève que la démission de M. [S] n’est pas motivée par sa perte de terres et sa qualité de propriétaire et n’a pas été acceptée par la CUMA comme il est contractuellement prévu.

Sur ce :

16 – A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes du 1er alinéa de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à la date de la signature du contrat , ‘les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité’, l’alinéa suivant précisant que ‘les sociétés coopératives agricoles et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales’.

L’article L. 521-1-1 dispose pour sa part que ‘la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère (…) est régie par les principes et règles spécifiques du présent titre et par la loi n 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et définie dans les statuts et le règlement intérieur des coopératives agricoles ou unions’.

Et ce même article de préciser, in fine, qu’une telle relation ‘repose, notamment, sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionné au a du I de l’article L.521-3″.

C’est ainsi qu’aux termes de l’ article L. 521-3, ‘ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative […] que les sociétés dont les statuts prévoient […] l’obligation pour chaque coopérateur d’utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d’activité’.

I – Sur l’existence de l’obligation

17 – Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du même code précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

18 – Aux termes de l’article 1342 du code civil, ‘le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due.Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.’, l’article 1342-3 précisant que ‘le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.’

19 – M. [S] en sa qualité d’exploitant agricole a adhéré le 5 juillet 2016 à la CUMA aux fins d’utiliser de manière mutualisée le séchoir à Luzerne.

20 – Les statuts de la CUMA prévoient que l’adhésion à la coopérative entraîne pour l’associé coopérateur l’engagement d’utiliser en ce qui concerne son exploitation un ou plusieurs des services que la coopérative est en mesure de lui procurer en contre partie de l’acquisition de parts sociales. La durée initiale de l’engagement est fixée à 8 ans, seul étant prévue la mise à la charge d’une participation financière aux frais fixes en cas de non respect de l’associé à ses engagements.

21 – En l’espèce les factures adressées à M. [S] des 30 septembre 2019, 2020 et 2021, portent mention de l’utilisation des ‘séchoirs à bottes’ exprimées en nombre d’unités, sans faire référence à une quote-part de participation proportionnelle aux charges (frais fixes).

22 – Il ressort des termes de ce contrat que la participation financière de chaque associé n’a pas été contractuellement définie, mais qu’entre 2016 et 2018, M. [S] a réglé les factures émises par la CUMA pour l’utilisation du séchoir pour ses 15 hectares de terre dans les délais et sans s’y opposer.

23 – Ces paiements non contestés jusqu’à la présente procédure établissent l’existence d’une participation financière des associés pendant 8 années, correspondant à l’objet social de la CUMA et conformément aux articles du code rural et de la pêche maritime ci-dessus rappelés.

24 – Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

II – Sur le retrait de l’engagement de M. [S]

25 – Aux termes de l’ article R. 522-4 du code rural et de la pêche maritime ‘sauf en cas de force majeure dûment justifié et soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant l’expiration de sa période d’engagement. Toutefois, en cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter sa démission au cours de cette période si son départ ne doit porter aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et s’il n’a pas pour effet de réduire le capital au-dessous de la limite fixée à l’article R. 523-3, alinéas 3 et 4″.

26 – L’article 11 du contrat rappelle ces dispositions en mentionnant que le retrait prévu en cas de force majeure ‘dûment justifié est soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de la période d’engagement en cours.

‘En cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d’un associé coopérateur en cours de période d’engagement si le départ de celui-ci ne porte aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n’a pas pour effet , en absence de cession des parts sociales, d’entraîner la réduction du capital souscrit par les associés coopérateurs dans le cadre de leur engagement d’activité au-dessous des 3/4 du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution de la coopérative.

Le conseil apprécie les raisons invoquées à l’appui de la demande de démission en cours de période d’engagement et fait connaître à l’intéressé sa décision motivée dans les trois mois de la date à laquelle la demande a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président du conseil d’administration.

La décision du conseil peut faire l’objet d’un recours devant la plus prochaine assemblée générale sans préjudice d’une action éventuelle devant le tribunal de grande instance compétent.’

27 – En l’espèce M. [S] a délivré congé par courrier recommandé du 8 avril 2019 sans en motiver les raisons et la CUMA n’a pu se prononcer en l’absence de motivation, aucun cas de force majeur n’étant par ailleurs invoqué.

28 – Ainsi, M. [S] ne justifie pas avoir notifié, au cours de la période des huit ans de son engagement, sa volonté de se retirer ni avoir reçu l’autorisation de se retirer au cours de cette période dans les conditions prévues par les statuts.

29 – Sans avoir besoin d’examiner le motif invoqué par M. [S] au soutien de sa volonté de se retirer, faute d’avoir notifié son retrait conformément aux dispositions statutaires, l’appelant avait toujours la qualité d’associé coopérateur, sans que soit opérant la nullité judiciaire du legs universel sur son engagement statutaire, ni même la caducité de cet engagement.

30 – Les demandes reconventionnelles en restitution des sommes versées sur les années 2016 à 2018 alors qu’il a utilisé le séchoir à Luzerne seront rejetées pour les mêmes motifs, M. [S] ayant la qualité d’associé coopérateur.

31 – Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

32 – M. [S] succombant en son appel sera condamné aux dépens outre le paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré

Y ajoutant,

Condamne M. [S] à verser à la CUMA Luzerne Verteillacoise la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] aux dépens.

Cour d’appel, Bordeaux, 1re chambre civile, 10 Juillet 2025 – n° 23/01046

COMPETENCE DU TRIBUNAL et Litige avec un tiers non associé dans une coopérative agricole ?

22/07/2025

Litige entre une coopérative agricole et un tiers non coopérateur : quel est le tribunal compétent ?

Dans une décision du 10 juin 2025, le tribunal de commerce d’Aurillac, auprès duquel une requête en injonction de paiement a été déposée, rappelle la spécificité des sociétés coopératives agricoles et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire.

Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions formant une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales (C. rur., art. L. 521-1), la loi donne compétence aux juridictions civiles pour connaître des litiges les concernant (C. rur., art. L. 521-5). Mais cette attribution n’est pas exclusive. Les litiges entre les sociétés coopératives agricoles et des tiers non coopérateurs nés d’actes de commerce relèvent de la compétence du tribunal de commerce. En fait, la compétence juridictionnelle en cas de litige avec une société coopérative agricole dépend de la nature de l’acte en cause.

Un litige né entre un sous-traitant d’un cabinet d’architecte et une société coopérative laitière avait été soumis au tribunal de commerce d’Aurillac. La coopérative laitière avait, en effet, fait appel à un cabinet d’architecte pour la construction d’une unité fromagère avec circuit pédagogique. Le cabinet a sous-traité une partie de sa mission (une étude technique) avant d’être mis en liquidation judiciaire.

Le sous-traitant s’est retourné contre la société coopérative pour le règlement de sa prestation et a donc déposé une requête en injonction de paiement devant le tribunal de commerce. La société coopérative agricole a formé opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer et soulevé l’incompétence du tribunal de commerce tout en demandant le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire.

La prestation du sous-traitant n’étant pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce, mais un acte mixte passé entre un commerçant (le sous-traitant) et un non commerçant (la coopérative laitière), le tribunal de commerce d’Aurillac se déclare incompétent et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire.

Source

Trib. com., Aurillac, 10 juin 2025, n° 2025J00016

LES DIFFICULTES DES ENTREPRISES AGRICOLES

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