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SCA : Démission d’un associé coopérateur : faute d’avoir notifié sa démission dans les délais requis par les statuts, le coopérateur a toujours la qualité d’associé

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1 – M. [S] est propriétaire de parcelles de luzerne reçues par legs universel en 2010.

2 – Le 5 juillet 2016 plusieurs agriculteurs, dont M. [T] [S], ont constitué une SCA dénommée La Cuma Luzerne Verteillacoise dont l’objet était l’acquisition d’un séchoir à luzerne pour utilisation de celui-ci par les associés de la coopérative. La société La Cuma Luzerne Verteillacoise émet chaque année à l’adresse de ses associés coopérateurs une facture relative à cette utilisation.

3 – Par arrêt de la cour de cassation du 8 mars 2017, le legs universel a été annulé, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 3 novembre 2015.

4 – M. [S] a payé les factures correspondant à la mise à disposition du séchoir pour les années 2016, 2017, 2018 et par courrier du 8 avril 2019 a adressé à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise un courrier de « démission d’adhérent à la Cuma », pour devenir effective à la réception du courrier.

5 – M. [S] n’ayant pas payé la facture de 2019 ni celles des années 2020 et 2021 pour un montant global de 7 668 euros TTC, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise a effectué plusieurs relances et mise en demeure de payer envers M. [S], qu’il a refusé au motif que du fait de l’annulation d’un legs il n’était plus propriétaire de l’exploitation agricole ayant motivé son adhésion.

6 – Par acte du 23 mars 2022, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise a fait assigner M. [S] devant le tribunal judiciaire de Périgueux, aux fins, notamment d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 7 668 euros au titre des trois factures impayées.

7 – Par jugement contradictoire du 23 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– condamné M. [S] à payer à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise, la somme de 7 688 euros au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 février 2022 et ce, jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux dépens ;

– débouté l’ensemble des parties de leurs autres demandes ;

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

8 – M. [S] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 mars 2023, en ce qu’il a:

– condamné M. [S] à payer à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise, la somme de 7 688 euros au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 février 2022 et ce, jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux dépens ;

– débouté l’ensemble des parties de leurs autres demandes.

9 – Le 5 avril 2023, les parties ont été enjointes de procéder à une médiation. Par ordonnance du 26 avril 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Bordeaux a rétracté l’ordonnance du 5 avril 2023.

10 – Par dernières conclusions déposées le 1er juin 2023, M. [S] demande à la cour de:

sur les demandes initiales de la Cuma :

– débouter la société la Cuma Luzerne Verteillacoise de l’ensemble de ses demandes formulées contre M. [S].

Sur la demande reconventionnelle de M. [S] :

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise à restituer à M. [S] les redevances indûment payées soit une somme de 5 058 euros plus la somme correspondant à la facture 2016, subsidiairement une somme de 3 206,32 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise aux entiers dépens ;

– condamner la société la Cuma Luzerne Verteillacoise à payer à M. [S] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– débouter la société la Cuma Luzerne Verteillacoise de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

11 – Par dernières conclusions déposées le 7 août 2023, la société la Cuma Luzerne Verteillacoise demande à la cour de :

– confirmer purement et simplement la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [S] de ses demandes plus amples ou contraires ;

– condamner M. [S] à verser à la société la Cuma Luzerne Verteillacoise la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter M. [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

– condamner M. [S] aux entiers dépens.

12 – L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 12 juin 2025.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

13 – Soutenant ne plus disposer d’aucun droit d’usage ou d’exploitation en vertu duquel il aurait pu continuer de récolter de la luzerne et utiliser le séchoir de la CUMA, l’appelant sollicite l’infirmation du jugement déféré qui, malgré sa décision de retrait de la CUMA, l’a condamné à payer l’utilisation du séchoir à luzerne pour les années 2019 à 2021 et l’a débouté de la restitution des sommes versées à torts pour les années 2016 à 2018, dans les conditions prévues à l’adhésion à la CUMA du temps où il était propriétaire des parcelles agricoles par legs universel annulé judiciairement le 8 mars 2017.

14 – L’appelant s’oppose au paiement des factures dépourvues de fondement, aucune obligation n’étant faite aux adhérents de payer une quelconque redevance ni dans le principe ni dans le montant et par conséquent, sollicite la restitution des sommes versées à tort en paiement des factures des années 2016 à 2018.

Subsidiairement, il fait valoir la nullité de son adhésion à la CUMA et par conséquent la participation aux charges y afférentes suite à l’annulation judiciaire du legs universel le 8 mars 2017.

Très subsidiairement, l’appelant oppose que son adhésion à la CUMA et ses suites sont atteintes de caducité dès lors que le but du contrat qui était l’utilisation du séchoir à Luzerne dont il disposait conformément à l’objet social de la CUMA a disparu avec l’annulation du legs universel, conformément aux articles 1186 et 1187 du code civil. Il précise que la cause objective du contrat n’est pas tant dans sa qualité de propriétaire des parcelles mais dans l’utilité et l’intérêt qu’il peut retirer du séchoir à Luzerne de la CUMA.

Dans l’ hypothèse de caducité, sa demande de restitution des sommes réglées ne porte qu’à compter du 8 mars 2017, la caducité ne pouvant avoir d’effet rétroactif.

15 – L’intimée, rappelle que l’acquisition du séchoir a été financée via un emprunt bancaire, chaque adhérent s’étant engagé sur une période 8 années à régler une facture d’utilisation du matériel en fonction du nombre d’hectares exploité soit 15 hectares pour le cas personnel de M. [S]. L’objectif de la CUMA étant de mutualiser les coûts, l’adhésion emportait nécessairement une participation financière à ceux-ci, l’appelant ayant d’ailleurs régulièrement payé les factures des trois premières années, n’en contestant pas l’obligation.

Elle soutient qu’au moment de son adhésion à la CUMA, M. [S] n’était déjà plus propriétaire des parcelles, par l’effet de l’annulation du legs universel par la cour d’appel de Bordeaux du 3 novembre 2015, confirmant par ailleurs la décision de première instance, de sorte qu’il ne peut se prévaloir ni de la nullité de son adhésion pas plus que de sa caducité.

En tout état de cause, elle fait valoir que la propriété des parcelles contenues dans le legs n’a jamais été érigée en condition à son engagement auprès de la CUMA, seule étant exigé d’être exploitant agricole, ce qu’il est toujours. En effet, se reportant à l’utilisation faite par M. [S] du séchoir à Luzerne jusqu’en 2018, après la décision de la cour de cassation, l’intimée soutient qu’il est toujours agriculteur et propriétaire d’autres parcelles, n’en justifiant pas le contraire.

Elle conteste que l’engagement de M. [S] à la CUMA serait un acte subséquent du legs litigieux.

Enfin, elle relève que la démission de M. [S] n’est pas motivée par sa perte de terres et sa qualité de propriétaire et n’a pas été acceptée par la CUMA comme il est contractuellement prévu.

Sur ce :

16 – A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes du 1er alinéa de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à la date de la signature du contrat , ‘les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité’, l’alinéa suivant précisant que ‘les sociétés coopératives agricoles et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales’.

L’article L. 521-1-1 dispose pour sa part que ‘la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère (…) est régie par les principes et règles spécifiques du présent titre et par la loi n 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et définie dans les statuts et le règlement intérieur des coopératives agricoles ou unions’.

Et ce même article de préciser, in fine, qu’une telle relation ‘repose, notamment, sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionné au a du I de l’article L.521-3″.

C’est ainsi qu’aux termes de l’ article L. 521-3, ‘ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative […] que les sociétés dont les statuts prévoient […] l’obligation pour chaque coopérateur d’utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d’activité’.

I – Sur l’existence de l’obligation

17 – Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du même code précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

18 – Aux termes de l’article 1342 du code civil, ‘le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due.Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.’, l’article 1342-3 précisant que ‘le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.’

19 – M. [S] en sa qualité d’exploitant agricole a adhéré le 5 juillet 2016 à la CUMA aux fins d’utiliser de manière mutualisée le séchoir à Luzerne.

20 – Les statuts de la CUMA prévoient que l’adhésion à la coopérative entraîne pour l’associé coopérateur l’engagement d’utiliser en ce qui concerne son exploitation un ou plusieurs des services que la coopérative est en mesure de lui procurer en contre partie de l’acquisition de parts sociales. La durée initiale de l’engagement est fixée à 8 ans, seul étant prévue la mise à la charge d’une participation financière aux frais fixes en cas de non respect de l’associé à ses engagements.

21 – En l’espèce les factures adressées à M. [S] des 30 septembre 2019, 2020 et 2021, portent mention de l’utilisation des ‘séchoirs à bottes’ exprimées en nombre d’unités, sans faire référence à une quote-part de participation proportionnelle aux charges (frais fixes).

22 – Il ressort des termes de ce contrat que la participation financière de chaque associé n’a pas été contractuellement définie, mais qu’entre 2016 et 2018, M. [S] a réglé les factures émises par la CUMA pour l’utilisation du séchoir pour ses 15 hectares de terre dans les délais et sans s’y opposer.

23 – Ces paiements non contestés jusqu’à la présente procédure établissent l’existence d’une participation financière des associés pendant 8 années, correspondant à l’objet social de la CUMA et conformément aux articles du code rural et de la pêche maritime ci-dessus rappelés.

24 – Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

II – Sur le retrait de l’engagement de M. [S]

25 – Aux termes de l’ article R. 522-4 du code rural et de la pêche maritime ‘sauf en cas de force majeure dûment justifié et soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant l’expiration de sa période d’engagement. Toutefois, en cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter sa démission au cours de cette période si son départ ne doit porter aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et s’il n’a pas pour effet de réduire le capital au-dessous de la limite fixée à l’article R. 523-3, alinéas 3 et 4″.

26 – L’article 11 du contrat rappelle ces dispositions en mentionnant que le retrait prévu en cas de force majeure ‘dûment justifié est soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de la période d’engagement en cours.

‘En cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d’un associé coopérateur en cours de période d’engagement si le départ de celui-ci ne porte aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n’a pas pour effet , en absence de cession des parts sociales, d’entraîner la réduction du capital souscrit par les associés coopérateurs dans le cadre de leur engagement d’activité au-dessous des 3/4 du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution de la coopérative.

Le conseil apprécie les raisons invoquées à l’appui de la demande de démission en cours de période d’engagement et fait connaître à l’intéressé sa décision motivée dans les trois mois de la date à laquelle la demande a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président du conseil d’administration.

La décision du conseil peut faire l’objet d’un recours devant la plus prochaine assemblée générale sans préjudice d’une action éventuelle devant le tribunal de grande instance compétent.’

27 – En l’espèce M. [S] a délivré congé par courrier recommandé du 8 avril 2019 sans en motiver les raisons et la CUMA n’a pu se prononcer en l’absence de motivation, aucun cas de force majeur n’étant par ailleurs invoqué.

28 – Ainsi, M. [S] ne justifie pas avoir notifié, au cours de la période des huit ans de son engagement, sa volonté de se retirer ni avoir reçu l’autorisation de se retirer au cours de cette période dans les conditions prévues par les statuts.

29 – Sans avoir besoin d’examiner le motif invoqué par M. [S] au soutien de sa volonté de se retirer, faute d’avoir notifié son retrait conformément aux dispositions statutaires, l’appelant avait toujours la qualité d’associé coopérateur, sans que soit opérant la nullité judiciaire du legs universel sur son engagement statutaire, ni même la caducité de cet engagement.

30 – Les demandes reconventionnelles en restitution des sommes versées sur les années 2016 à 2018 alors qu’il a utilisé le séchoir à Luzerne seront rejetées pour les mêmes motifs, M. [S] ayant la qualité d’associé coopérateur.

31 – Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

32 – M. [S] succombant en son appel sera condamné aux dépens outre le paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré

Y ajoutant,

Condamne M. [S] à verser à la CUMA Luzerne Verteillacoise la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] aux dépens.

Cour d’appel, Bordeaux, 1re chambre civile, 10 Juillet 2025 – n° 23/01046

COMPETENCE DU TRIBUNAL et Litige avec un tiers non associé dans une coopérative agricole ?

22/07/2025

Litige entre une coopérative agricole et un tiers non coopérateur : quel est le tribunal compétent ?

Dans une décision du 10 juin 2025, le tribunal de commerce d’Aurillac, auprès duquel une requête en injonction de paiement a été déposée, rappelle la spécificité des sociétés coopératives agricoles et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire.

Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions formant une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales (C. rur., art. L. 521-1), la loi donne compétence aux juridictions civiles pour connaître des litiges les concernant (C. rur., art. L. 521-5). Mais cette attribution n’est pas exclusive. Les litiges entre les sociétés coopératives agricoles et des tiers non coopérateurs nés d’actes de commerce relèvent de la compétence du tribunal de commerce. En fait, la compétence juridictionnelle en cas de litige avec une société coopérative agricole dépend de la nature de l’acte en cause.

Un litige né entre un sous-traitant d’un cabinet d’architecte et une société coopérative laitière avait été soumis au tribunal de commerce d’Aurillac. La coopérative laitière avait, en effet, fait appel à un cabinet d’architecte pour la construction d’une unité fromagère avec circuit pédagogique. Le cabinet a sous-traité une partie de sa mission (une étude technique) avant d’être mis en liquidation judiciaire.

Le sous-traitant s’est retourné contre la société coopérative pour le règlement de sa prestation et a donc déposé une requête en injonction de paiement devant le tribunal de commerce. La société coopérative agricole a formé opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer et soulevé l’incompétence du tribunal de commerce tout en demandant le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire.

La prestation du sous-traitant n’étant pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce, mais un acte mixte passé entre un commerçant (le sous-traitant) et un non commerçant (la coopérative laitière), le tribunal de commerce d’Aurillac se déclare incompétent et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire.

Source

Trib. com., Aurillac, 10 juin 2025, n° 2025J00016

LES DIFFICULTES DES ENTREPRISES AGRICOLES

Fermage : contestation devant le juge des référés d’un barème préfectoral

02/06/2025

N’étant pas d’application immédiate, le barème fixé par le préfet ne saurait encourir sa suspension faute de remplir la condition d’urgence.

Bailleur et locataire ne sont pas entièrement libres de fixer d’un commun accord le montant du fermage. Ce dernier doit en effet se situer dans une fourchette de prix fixée par l’autorité administrative ( C. rur., art. L. 411-11). Il revient ainsi à chaque préfet de publier, par arrêté départemental, les barèmes (maxima et minima) et les méthodes de calcul du loyer applicable aux baux ruraux et conventions pluriannuelles de pâturage signés dans le département.

En 2024, le préfet de Haute-Savoie a pris deux arrêtés :

  • le premier fixant les dispositions cadres applicables aux baux ruraux et aux conventions pluriannuelles de pâturages du département,
  • le second portant fixation des valeurs locatives des terres, bâtiments agricoles et d’habitation.

Le syndicat départemental de la propriété privée rurale du département (SDPPR74) a demandé au juge des référés de suspendre ces arrêtés. Au regard du dossier chiffré présenté par ce syndicat, la juge a admis que les conséquences financières préjudiciables encourues par ses membres nécessitaient de suspendre les arrêtés en cause et d’ordonner au préfet de procéder à la révision des minima et maxima.

À la demande du ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance de la juge, la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative n’étant pas remplie. En effet, la notion d’urgence implique que l’exécution des arrêtés préfectoraux porte une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il défend (CE, 5 nov. 2001, n° 234396). Or, la révision des minima et maxima des loyers de fermage telle que fixée dans les arrêtés contestés n’a vocation à s’appliquer que lors du renouvellement des baux ou s’il s’agit de baux à long terme, en début de chaque nouvelle période de 9 ans. Ils ne produisent dans l’immédiat aucun effet et le recours au référé-suspension est, en l’occurrence, infondé.

Source

CE, 5e ch., 23 mai 2025, n° 499929

Chemin rural – Cession d’un chemin rural faute d’affectation à l’usage du public – Veille

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Droit rural n° 6-7, Juin-juillet 2025, alerte 56

Cession d’un chemin rural faute d’affectation à l’usage du public

CAA Versailles, 4e ch., 29 avr. 2025, n° 23VE00943 : JurisData n° 2025-007131

N’est plus affecté à la circulation générale et continue du public, donc peut être aliéné, le chemin dont l’unique objet est de permettre à un riverain d’accéder à sa propriété.

Un exploitant agricole a demandé l’annulation d’une délibération d’un conseil municipal autorisant la vente d’un chemin rural à des particuliers. Le chemin rural fait, en effet, partie du domaine privé de la commune et peut être aliéné dans la mesure où il cesse d’être affecté à l’usage du public (C. rur., art. L. 161-1 et L. 161-10). Or, c’est sur le fondement de cette dernière condition que le requérant demandait l’annulation de la décision d’aliénation. Il soutenait, en effet, que le chemin rural en cause était toujours affecté à l’usage du public dès lors qu’il s’en servait de voie de passage pour ses engins agricoles.

Pour rejeter sa requête, la cour administrative d’appel s’est appuyée sur les pièces du dossier produites en première instance : il s’agissait en fait d’une impasse permettant à des riverains, qui se chargeaient de l’entretien du chemin, d’accéder à leur propriété. Elle ne portait du reste aucune empreinte d’engins agricoles.

Cela étant, même si les arguments du requérant n’avaient pas été contredits par les éléments du dossier fourni, il n’aurait pas pu obtenir l’annulation de la délibération litigieuse. Le fait de faire circuler ses propres engins agricoles sur le chemin n’est pas de nature à faire regarder ce chemin comme affecté à la circulation générale et continue. Le chemin n’était donc plus affecté à l’usage du public.

Mots clés : Chemin rural. – Défaut d’affectation. – Circulation engins agricoles.

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Prorogation du bail rural – Évaluation du régime applicable pour déterminer la validité d’un congé de reprise dans le contexte d’un bail rural – Focus

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Droit rural n° 6-7, Juin-juillet 2025, alerte 44

Évaluation du régime applicable pour déterminer la validité d’un congé de reprise dans le contexte d’un bail rural

Cass. 3e civ., 7 mai 2025, n° 22-16.518, FS-B : JurisData n° 2025-006369

Il résulte de l’article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, que, s’il apparaît, fût-ce rétrospectivement, qu’à la date d’effet du congé, la reprise n’était pas soumise à autorisation, le sursis à statuer qui aurait cependant été prononcé n’a pu entraîner la prorogation du bail et, par suite, le report de la date d’appréciation des conditions de la reprise.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mai 2025.

En l’espèce, des propriétaires de parcelles données à bail ont délivré au preneur un congé pour reprise aux fins d’exploitation par leur fils. Le preneur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé. Un sursis à statuer a été ordonné dans l’attente d’une décision définitive des juridictions administratives statuant sur le recours formé par l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), gérée par le fils des propriétaires, à l’encontre de la décision préfectorale, refusant de lui délivrer une autorisation d’exploiter. Un arrêt d’une cour administrative d’appel a définitivement rejeté la requête de l’EARL.

C’est en vain que le preneur fait grief à l’arrêt d’appel (CA Rennes, 5 mai 2022, n° 20/06350 : JurisData n° 2022-012259) de valider le congé pour reprise.

Selon l’article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d’une des parties ou d’office, surseoir à statuer dans l’attente de l’obtention d’une autorisation définitive. Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale pendant laquelle l’autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les 2 derniers mois de l’année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale suivante.

La Cour de cassation approuve, au visa de cet article, les juges du fond d’avoir fait ressortir que le sursis à statuer qu’ils avaient précédemment ordonné n’avait pas entraîné la prorogation de la durée du bail et donc le report de la date d’appréciation des conditions de la reprise, dès lors qu’il apparaissait, rétrospectivement, que la reprise n’était pas soumise à autorisation.

Pour le juge du droit, la cour d’appel s’est, à bon droit, placée à la date d’effet du congé pour apprécier sa validité, sans heurter l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge administratif, qui n’avait pas le même objet et ne concernait pas les mêmes parties.

En effet, l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014, prévoyait qu’était soumise à déclaration préalable la mise en valeur d’un bien agricole de famille lorsque trois conditions étaient remplies. Cette loi a ajouté une quatrième condition tenant à un seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. En l’espèce, ce seuil a été fixé par un arrêté du préfet de la région Bretagne. Les conditions du régime applicable au contrôle des structures devaient donc être appréciées à la date à laquelle le congé devait prendre effet. Si, à cette date, la loi du 13 octobre 2014 était applicable, le schéma directeur n’était pas fixé, de sorte que la quatrième condition n’était pas déterminée à cette date et était inapplicable au fils des propriétaires. Dès lors la cour d’appel, relevant que ce dernier remplissait les trois premières conditions pour bénéficier du régime dérogatoire de la déclaration, en a exactement déduit que la reprise du bien loué n’était pas subordonnée à une autorisation d’exploiter.

À retenir : si la reprise s’avère rétrospectivement non soumise à autorisation à la date d’effet du congé, le sursis à statuer n’a pas prorogé le bail et la date d’appréciation des conditions de reprise reste celle de l’effet du congé.

Mots clés : Prorogation du bail rural. – Conditions de reprise du bail rural. – Sursis à statuer.

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Bail rural : possibilité pour le preneur de se fonder sur un motif déjà invoqué lors du contrôle a priori du congé initial

21/05/2025

Le manquement à son obligation d’exploitation, invoqué pour contester le congé initial dans le cadre d’un contrôle a priori, peut être repris pour contester un congé en fin de prorogation de bail dans le cadre d’un contrôle a posteriori en cas d’élément nouveau inconnu du preneur lors du contrôle a priori.

Un bailleur délivre un congé à des preneurs aux fins de reprise au bénéfice de son fils, gérant d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA). Les preneurs contestent ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, souhaitant pouvoir continuer à bénéficier du bail jusqu’à leur retraite puis le transmettre à leur propre fils. En appel, le bail est prorogé, de plein droit, jusqu’à la fin de l’année culturale au cours de laquelle les preneurs atteindront leur retraite, mais leur demande en autorisation de céder le bail à leur fils est rejetée.

Dix-huit mois avant le terme de la période de prorogation (« C. rur., art. L. 411-47 »), le bailleur délivre, conformément aux dispositions de l’article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, un nouveau congé pour reprise. Les preneurs en place ont en conséquence libéré les parcelles, mais obtiennent par la suite leur réintégration avec cession du bail à leur fils doublée d’une indemnisation. Lors d’un contrôle a posteriori, il a en effet été constaté que le bénéficiaire de la reprise ne participait pas de façon effective et permanente aux travaux agricoles sur les parcelles en cause. À preuve, il a consenti un bail à son épouse sur ces parcelles. Aussi le repreneur conteste-t-il la décision de la cour d’appel. Selon lui, le second congé ne constitue que le renouvellement du précédent congé validé, et non un congé distinct ; il ne peut donc être contesté à nouveau devant le tribunal paritaire des baux ruraux :

– ni au titre du contrôle a priori portant sur les exigences et engagements pesant sur lui, notamment l’obligation d’exploiter le bien repris durant neuf ans (C. rur. art. L. 411-59),

– ni au titre du contrôle a posteriori destiné à vérifier ses engagements, et plus particulièrement son implication dans l’exploitation des parcelles en cause (C. rur., art. L. 411-66).

En effet, les preneurs, s’étant fondés sur le motif du défaut d’exploitation lors de la demande d’annulation du congé initial dans le cadre du contrôle a priori, ne pouvaient plus l’invoquer faute d’élément nouveau.

La cour d’appel n’abonde pas en ce sens. Le fait de consentir un bail à son épouse constitue, selon elle, un fait nouveau l’autorisant à vérifier, lors du contrôle a posteriori, s’il se consacrait effectivement à l’exploitation du bien repris. À cet argument, le requérant oppose un cas de force majeure tenant à la parution, entre les deux congés, du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), qui le prive du régime de la déclaration préalable et l’oblige à faire exploiter les parcelles par son épouse. Le fait est que les conditions lui permettant de reprendre l’exploitation des parcelles en cause à la date d’effet du premier congé ne l’étaient-elles plus à la date d’effet du second congé.

La Cour de cassation avait donc plusieurs questions à trancher :

  • Le juge peut-il réexaminer lors d’un contrôle a posteriori un motif déjà invoqué lors du contrôle a priori du congé initial en cas d’événement survenant postérieurement à la date d’effet de ce congé et parfaitement inconnu du preneur durant l’instance en annulation de ce congé ? ;
  • Le bénéficiaire de la reprise se trouvait-il, par force majeure, dans l’impossibilité d’exploiter aux conditions prévues par les articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 du Code rural et de la pêche maritime compte tenu du changement de législation sur le contrôle des structures de sorte qu’il n’avait pas d’autre choix que de faire exploiter les parcelles par un tiers ?

À la première question, la Cour de cassation répond par l’affirmative et approuve la décision des juges du fond : des éléments nouveaux, tel que l’octroi d’un bail rural à l’épouse du bénéficiaire de la reprise, justifient un réexamen, dans le cadre d’un contrôle a posteriori, de « motifs » déjà invoqués lors du contrôle a priori du congé initial. Dans ce cas, le preneur peut contester l’intention d’exploiter du bénéficiaire de la reprise dans le cadre du contrôle a priori du congé initial et, lors de la contestation du second congé en fin de période de prorogation du bail, demander au juge de vérifier si le bénéficiaire de la reprise se consacre bien à l’exploitation des parcelles en cause dans le cadre d’un contrôle a posteriori.

Sur la notion de force majeure, la Cour de cassation valide l’analyse de la cour d’appel. Un cas de force majeure ne peut être qu’imprévisible et irrésistible. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 modifiant la réglementation du contrôle des structures était entrée en vigueur le 15 octobre 2014. Le SDREA était, quant à lui, intervenu le 27 juin 2016 ce qui laissait au repreneur un délai de quatre mois pour demander une autorisation d’exploiter du fait du changement du seuil de surface déclenchant le contrôle des structures ; le congé étant donné pour le 31 octobre 2016. Aussi, sachant dès le mois de juin 2016 qu’il ne remplissait plus les conditions pour bénéficier du régime de la déclaration, il aurait dû soit renoncer à la reprise soit solliciter une autorisation d’exploiter. Rien qui ne soit imprévisible et irrésistible même si le changement de réglementation est parfaitement indépendant de sa volonté et qu’il ne peut en être tenu responsable.

Il s’ensuit que l’interdiction de céder le bail se limitant à la période de prorogation de ce bail (C. rur., art. L. 411-58), c’est à juste titre que les juges du fond ont accordé aux preneurs leur réintégration avec cession du bail à leur fils à l’issue de la période de prorogation du bail dans les conditions de l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime.

À retenir : Lorsque le bailleur a délivré un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise ne peut, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur, sauf en cas d’éléments nouveaux, qui étaient inconnus du preneur lors du contrôle a priori ou qu’il ne pouvait alors utilement opposer.

Source

Cass. 3e civ., 7 mai 2025, n° 23-15.142, FS-B

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Obligations statutaires dans la coopérative agricole : la lettre de démission doit respecter les délais statutaires

« En sa qualité d’associé coopérateur, M. [Z] ne pouvait ignorer que la clôture de l’exercice était fixée au 31 juillet 2019 et qu’il devait donc, pour exercer son retrait, que sa lettre de démission soit reçue au plus tard le 30 avril 2019, à défaut de quoi la coopérative pouvait lui opposer le renouvellement par tacite reconduction de son engagement d’apport.« 

LES FAITS

1- Le 17 juin 2019, M. [U] [Z], viticulteur, a notifié à La cave du pays de Quarante (ci-après la coopérative) sa décision de révoquer ses engagements envers elle à compter de la campagne 2019/2020.

Le 11 juillet 2019, la coopérative a contesté cette décision au motif qu’elle est intervenue hors du délai prévu par les statuts.

2- Le 24 février 2020, la coopérative a sommé M. [Z] d’indiquer les raisons de l’absence d’apport de la récolte 2019.

3- Par courrier du 25 mars 2020, M. [Z] a confirmé que la coopérative ne pouvait lui reprocher le caractère tardif de sa décision et l’a mise en demeure de lui payer les sommes dues en contrepartie de ses apports de récoltes à savoir :

– 10 504,29 ‘ pour la récolte 2016,

– 15 535,56 ‘ pour la récolte 2017,

– le solde de la récolte 2018 pour laquelle il n’a reçu aucun décompte.

4- Par courrier du 16 avril 2020, la coopérative a indiqué que le conseil d’administration avait décidé de procéder à la compensation des dettes et créances, fixées comme suit :

– participation aux frais fixes : 43 645,056 ‘.

– pénalité : 17 458,02 ‘.

5- Le 22 septembre 2020, M. [Z] a mis en demeure la coopérative de lui régler la somme de 47 756,02 ‘ au titre de la rémunération de ses apports de récolte 2016, 2017 et 2018, lui proposant un mode de résolution amiable du conflit, en vain.

6- C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier de justice du 9 novembre 2020, M. [Z] a assigné la coopérative devant le tribunal judiciaire de Béziers avant d’être lui-même assigné par acte d’huissier de justice du 10 novembre 2020.

Par ordonnance du 28 janvier 2021, la jonction des deux affaires a été prononcée.

7- Par jugement du 13 janvier 2021, une procédure de redressement judiciaire a été prononcée à l’encontre de La cave du pays de Quarante.

Par actes d’huissier de justice des 8 et 12 février 2021, M.[Z] a déclaré sa créance au passif de la cave et assigné en intervention forcée la société FHB SELARL, représentée par Me [O] ès-qualités d’administrateur et Me [L] [D], ès-qualités de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 10 juin 2021, la jonction des deux affaires a été prononcée.

8- Par jugement du 6 octobre 2021, La cave du pays de Quarante a fait l’objet d’une conversion en liquidation judiciaire et le tribunal de commerce de Béziers a désigné Me [D] en qualité de liquidateur.

9- Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal judiciaire de Béziers a :

– Constaté l’intervention de Maître [L] [D] es qualité de liquidateur de la SCA Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric, nommé par le jugement du tribunal de commerce de Béziers du 6 octobre 2021,

– Débouté la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D], liquidateur, de ses entières prétentions à l’encontre de M. [Z],

– Condamné la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D], liquidateur, à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

> 50 360,01 ‘ augmentés des intérêts légaux dus à compter du 22 septembre 2020 au titre des apports de récoltes restés impayés,

> 2 500 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

– Fixé en conséquence la créance totale de M. [U] [Z] au passif de la procédure collective de la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » au montant de 52860,01 ‘,

– Condamné la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D] ès-qualités, au paiement des entiers dépens.

10- Maître [D], ès-qualités, a relevé appel de ce jugement le 19 juin 2023.

PRÉTENTIONS

11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 10 février 2025, Me [D], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric, demande en substance à la cour de :

– Réformer le jugement du 15 mai 2023,

Statuer à nouveau :

– Juger que M. [Z] a bien la qualité d’associé coopérateur, et ne pouvait pas être qualifié de tiers non associé,

– Juger que M. [Z] n’a pas donné sa démission avec un préavis de trois mois avant la clôture de l’exercice, conformément aux dispositions des articles 8 et 45 des statuts.

En conséquence,

– Condamner M. [Z] à payer à la coopérative Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric les sommes suivantes :

> 43 645,05 ‘ au titre du non apport,

> 17 458,02 ‘ au titre de pénalité,

> soit la somme totale de 61 193,08 ‘ avec intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 16 avril 2020 en application de l’article 1231-6 du Code civil et qui seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du même code, à parfaire jusqu’au terme de son engagement,

– Juger qu’il est fait application du principe de la compensation entre les dettes et les créances, c’est-à-dire déduction de la seule somme retenue à titre chirographaire par Me [D], 45 861,47 ‘ conformément à l’article 8-9 des statuts,

– Rejeter toutes les demandes formées par M. [Z],

– Condamner M. [Z] à payer à la coopérative Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric la somme de 3 000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

12- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 4 novembre 2024, M. [Z] demande en substance à la cour, au visa des articles L.641-3 du Code de commerce, L. 521-3-1, R522-4 et R.524-12 alinéa 2 du Code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable à l’époque des faits, et 1231 et suivants du Code civil de :

– Confirmer le jugement du 15 mai 2023 qui a fixé la créance de M. [Z] :

> à la somme de 50 360, 01 ‘ au titre des apports de récoltes impayés majorée du montant des intérêts du 22 septembre 2020 au 14 janvier 2021 ;

> à la somme de 2500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sauf en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de fixation à la somme de 5 000 ‘ de l’indemnité de réparation du préjudice subi par ce dernier du fait du non-respect par Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric de ses obligations contractuelles, légales et réglementaires ;

– Accueillir l’appel incident,

– Infirmer le jugement du 15 mai 2023 sur ce point,

Statuant à nouveau,

– Fixer en sus de la créance d’un montant de 52 860,01 ‘ retenue par le jugement du 15 mai 2023 dont il est sollicité la confirmation, la créance de réparation tous préjudices confondus à la somme de 5 000 ‘.

En tout état de cause :

– Condamner la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D] ès-qualités, au paiement des entiers dépens sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

13- Vu l’ordonnance de clôture en date du 11 février 2025.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

14- La cour observe en liminaire n’être saisie d’aucune conclusion de M. [Z] tendant à écarter les conclusions adverses déposées la veille de l’ordonnance de clôture.

Sur la qualité d’associé coopérateur de M. [Z]

15- Selon l’article R.522-2 du code rural et de la pêche maritime,

‘La qualité d’associé coopérateur est établie par la souscription ou par l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociales de la coopérative.

Toute société coopérative agricole doit avoir obligatoirement à son siège un fichier des associés coopérateurs sur lequel ces derniers sont inscrits par ordre chronologique d’adhésion et numéros d’inscription avec indication du capital souscrit par catégorie de parts telles que prévues à l’article R. 523-1.’

Selon l’article 4 du règlement intérieur de la coopérative, la qualité d’associé coopérateur ne s’acquière que par la souscription ou l’acquisition de parts sociales de la coopérative après agrément du conseil d’administration.

16- Il est acquis que si la preuve ‘reine’ de la qualité de coopérateur résulte du fichier évoqué ci-dessus, elle peut être établie par tout moyen dont la charge incombe à celui qui s’en prévaut, la coopérative en l’espèce. Cette preuve peut résulter d’un faisceau d’indices.

17- Pour établir la qualité d’associé coopérateur de M. [Z] et démentir ce qu’il n’était pas, à savoir tiers non coopérateur, la coopérative produit aux débats ce faisceau d’indices caractérisant la souscription de parts sociales par M. [Z], dont les plus probants tiennent à son statut d’administrateur et à son comportement dans la phase pré contentieuse.

18- Ainsi, selon les statuts, la coopérative est administrée par un conseil composé de 15 membres élus par l’assemblée générale parmi les associés coopérateurs. Nul ne peut être élu adminsitrateur s’il n’est associé coopérateur.

19- De la combinaison du procès verbal d’assemblée générale du 26 avril 2018 où M. [Z] était proposé en qualité d’administrateur -quand bien même la mention de l’adoption du vote serait absente- et du procès-verbal du conseil d’administration du 23 avril 2019 où M. [Z] siégeait en qualité d’administrateur avec émargement de la feuille de présence, il résulte sans ambiguïté que M. [Z] avait été élu administrateur. Après que le conseil d’administration en a pris acte le 10 juillet 2019 suite à sa démission remise en main propre le 3 juin 2019, l’assemblée générale du 19 décembre 2019 en a également pris acte en troisième résolution.

20- Dans les courriers pré contentieux des 17 juillet 2019 et 25 mars 2020 en réponse aux courriers des 11 et 27 juillet 2019 puis du 24 février 2020, non seulement M. [Z] ne conteste pas la qualité d’associé coopérateur qui lui est prêtée mais fait valoir les obligations statutaires gouvernant la coopérative dans ses relations avec les coopérateurs, notamment l’absence de tenue de l’assemblée générale ordinaire dans les six mois de la clôture de l’exercice (soit avant le 31 janvier), revendiquant le délai de prévenance de trois mois pour le retrait du coopérateur.

21- Encore, la coopérative produit en pièce 16 une feuille de présence à l’assemblée générale du 16 avril 2015, émargée par M.[Z], titulaire de 570 parts sociales.

22- Le surplus des documents produits par la coopérative, établis en réaction à la conscience d’un manifeste laisser aller dans la gestion administrative (fiche individuelle de parts sociales au 12 octobre 2020 ; document unique récapitulatif non daté mais faisant référence à la mise à jour du 25 mars 2020 du règlement intérieur) ne font que corroborer a posteriori le statut d’associé coopérateur de M. [Z].

23- Selon l’article R522-4 du code rural et de la pêche maritime,

‘L’associé coopérateur est engagé avec sa société coopérative pour une durée déterminée.

En cas de force majeure dûment justifiée, le retrait anticipé d’un associé coopérateur est accepté par l’organe chargé de l’administration de la coopérative. Ce retrait peut également être accepté dans les conditions prévues par les statuts en cas de motif valable et si le départ de l’associé coopérateur ne porte pas préjudice au bon fonctionnement de la coopérative.

Si l’associé coopérateur n’a pas notifié au président de la société coopérative, avant le terme de son engagement, sa décision de se retirer au terme de celui-ci, cet engagement est renouvelé par tacite reconduction par périodes de même durée, selon les dispositions des statuts et du règlement intérieur en vigueur à la date du renouvellement.

Toutefois, si la période initiale d’engagement est supérieure à cinq ans, chaque période de tacite reconduction est de cinq ans au plus.’

Selon l’article 8 des statuts, si l’associé coopérateur n’a pas notifié sa volonté de se retirer par lettre recommandée avec avis de réception trois mois au moins avant l’expiration du dernier exercice de la période d’engagement concernée, l’engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de 5 ans pour l’activité de collecte vente.

Selon l’article 45 de ce ces mêmes statuts, l’exercice commence le 1er août et finit le 31 juillet.

24- Par son courrier du 17 juin 219, M. [Z] a informé la coopérative de son souhait de la quitter et de ne pas apporter sa récolte pour la campagne 2019-2020. Il ne donnait aucun motif.

Par son courrier en réponse du 11 juillet 2019, la coopérative l’informait de ce que sa lettre de démission n’était pas recevable pour ne pas avoir respecté les délais de l’article 8 point 5 des statuts, évoqué ci-dessus.

M. [Z] répliquait le 17 juillet 2019, sans contester la matérialité du dépassement du délai de sa lettre de démission, en invoquant l’article 40 alinéa 1 des statuts selon lequel ‘l’assemblée générale ordinaire doit être convoquée au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice.’ Il en tirait pour conséquence, ce qu’il renouvelle dans l’instance judiciaire, que l’assemblée générale ordinaire ne s’étant pas tenue dans les six mois de la clôture de l’exercice, il disposait d’un délai de trois mois pour analyser la situation financière et économique de la cave et qu’en fonction de cette analyse, il peut informer la cave de son intention de se retirer avant le 30 avril.

25- M. [Z] fait valoir que la coopérative ne justifie pas de la date de son engagement, laquelle déterminerait par application de l’article 8 des statuts, la date de son retrait. Alors qu’il fait état d’avoir apporté ses récoltes à compter de l’année 2012 et que sa qualité de coopérateur est établie, il ne conteste pas la teneur du document unique récapitulatif qui fait courir son engagement à compter du 10 mai 2012, quand bien même n’aurait-il pas signé ce document dont la validité n’est pas subordonné à son émargement. Il n’est pas plus amplement querellé que 2019 était le dernier exercice de la période concernée.

26- Toutefois, en sa qualité d’associé coopérateur, M. [Z] ne pouvait ignorer que la clôture de l’exercice était fixée au 31 juillet 2019 et qu’il devait donc, pour exercer son retrait, que sa lettre de démission soit reçue au plus tard le 30 avril 2019, à défaut de quoi la coopérative pouvait lui opposer le renouvellement par tacite reconduction de son engagement d’apport. Ce n’est pourtant que le 17 juin 2019 qu’il a notifié sa démission, laquelle apparaît ainsi hors délai, peu important que l’assemblée générale n’ait pas été tenue avant le 31 janvier 2019 pour l’exercice 2018, alors que cet élément qu’il met en avant aurait dû le conduire à une vigilance particulière dans l’exercice de son droit de retrait.

Le non-respect du délai par la coopérative n’apparaît en rien exonératoire du non-respect du délai par M. [Z] étant observé que les manoeuvres déloyales invoquées par M. [Z] à l’encontre de la coopérative qui aurait volontairement retardé la tenue de l’assemblée générale pour dissimuler la situation désastreuse dans laquelle elle se trouvait afin d’éviter le départ de coopérateurs en fin d’engagement ne sont en rien caractérisées, M.[Z] ne pouvant conclure du seul constat d’une situation dégradée décrite le 19 décembre 2019 une volonté dolosive antérieure.

27- Il en résulte que l’appel de la coopérative est bien fondé et que le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à obtenir la condamnation de M. [Z] au paiement de la somme de 61 193,08′ (43645,05′ au titre du non-apport et 17458,02′) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 avril 2020, selon décompte non discuté, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

28- S’agissant de la créance de M. [Z] au titre des apports de récoltes impayés au titre des exercices 2016, 2017 et 2018, l’admission à titre chirographaire de la seule somme de 45 861,47′ n’emporte pas de facto infirmation du jugement en ce qu’il a arrêté le montant de la créance à la somme de 50 360,01′, résultant des fiches de solde analysées par le premier juge, montant qui sera confirmé avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020.

29- Le principe de la compensation étant énoncé à l’article 8.9 des statuts et les parties disposant de créances certaines liquides et exigibles l’une envers l’autre, la compensation en sera ordonnée.

30- S’agissant de l’appel incident de M. [Z] à l’encontre du jugement qui a rejeté sa demande indemnitaire formulée à hauteur de 5000 ‘, la cour constate que la demande d’infirmation n’a pas été formulée par les premières conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2023 et que par application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la cour ne peut que confirmer le jugement sur ce point.

31- Le jugement de première instance étant infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la coopérative, l’équité commande de réformer l’indemnité allouée à M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

32- Partie globalement perdante en appel, M. [Z] supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté la coopérative ‘Les caves du pays de Quarante et du pays de l’Héric’ de ses entières prétentions, condamné cette même coopérative à payer à M.[U] [Z] la somme de 2 500 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et fixé en conséquence la créance totale de celui-ci à la procédure collective à la somme de 52 680,01 ‘.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [U] [Z] à payer à Me [D], ès-qualités, la somme de 61 193,08 ‘ avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2020 et capitalisation annuelle dans les termes de l’article 1343-2 du code civil.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance au profit de M.[Z].

Fixe la créance de M. [U] [Z] au passif de la procédure collective de la coopérative ‘Les caves du pays de Quarante et du pays de l’Héric’ à la somme de 50 360,01 ‘.

Opère compensation entre les créances respectives des parties.

Confirme le jugement pour le surplus.

Condamne M. [U] [Z] aux dépens d’appel.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

Cour d’appel, Montpellier, 4e chambre civile, 7 Mai 2025 – n° 23/03135

Reprise du bail rural par une SCI familiale : nécessité d’un objet agricole

Reprise du bail rural par une SCI familiale : nécessité d’un objet agricole

Dans un arrêt du 30 avril 2025, la Cour de cassation clarifie les conditions de reprise d’un bail rural par une société civile immobilière (SCI) familiale. Elle rappelle que, bien que les sociétés constituées entre membres d’une même famille ne soient pas soumises à certaines exigences relatives aux apports ou à l’ancienneté des parts sociales, l’objet agricole de la société demeure une condition impérative pour pouvoir exercer le droit de reprise.

Une SCI, propriétaire d’un domaine agricole, souhaite désormais en assurer l’exploitation directe. À cette fin, elle délivre à la preneuse deux congés pour reprise. Contestant la validité de ces congés, cette dernière saisit le tribunal paritaire des baux ruraux afin d’en obtenir l’annulation.

La cour d’appel de Versailles rejette cette demande, valide les congés et ordonne son expulsion (CA Versailles, 5 sept. 2023, n° 21/01022). Elle considère qu’en application de l’article L. 411-60 du Code rural et de la pêche maritime, il n’est pas requis que la SCI ait un objet agricole pour exercer son droit de reprise, contrairement à ce que soutenait la preneuse.

La Cour de cassation infirme le raisonnement de la cour d’appel. Au visa de l’article L. 411-60 précité, elle rappelle qu’une société, y compris familiale (constituée entre conjoints, partenaires, parents ou alliés), doit avoir un objet agricole pour pouvoir exercer son droit de reprise sur les biens qui lui ont été apportés. La cour d’appel a donc mal interprété le texte en considérant, à tort, qu’une telle société pouvait se prévaloir du droit de reprise d’un bail rural sans justifier d’un objet agricole.

Aussi, dans le cas d’espèce, la SCI disposait effectivement d’un objet agricole à la date de délivrance des congés. Il était ainsi précisé que la société avait pour objet « la propriété, la jouissance et l’administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole dont elle a et elle aura la propriété, aux fins de création et/ou de conservation d’une ou plusieurs exploitations ». Les statuts précisaient également qu’« elle assurera la gestion des biens dont elle est propriétaire en les exploitant directement ou en les donnant à bail ».

Enfin, la Haute Juridiction précise que les deux conditions classiques de reprise d’un bail rural ne s’appliquent pas aux sociétés à caractère familial. Il n’est donc pas nécessaire que le bien ait été apporté en propriété ou en jouissance au moins neuf ans avant la date du congé. De même, les parts sociales n’ont pas à être détenues depuis neuf ans lorsqu’elles ont été acquises à titre onéreux par les membres repreneurs.

Dès lors, par la substitution d’un motif de pur droit aux motifs critiqués, la décision se trouve légalement justifiée. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé.

Mélissa KASHI
Éditrice sur le JCl. Notarial Formulaire, la semaine juridique Notariale et Immobilière (JCP N) et Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniale (APSP)Source

Cass. 3e civ., 30 avr. 2025, n° 23-22.354, FS-B

La détermination du prix des produits agricoles

Sur la détermination du prix :

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu’au regard des articles 2-8 des contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale et 8 du contrat de vente de fruits et légumes, ces clauses créent un déséquilibre dans la détermination du prix au détriment du producteur, ce prix reposant sur un « prix du marché » à géométrie variable en fonction du lieu où est commercialisée la récolte, laissant les producteurs sans latitude de déterminer les prix, étant précisé que, le 30 juin 2015, le directeur général du distributeur acheteur, la société Portprim’land, en cours de constitution, a fixé un prix de 4,00 euros par kilogramme pour la récolte de 2015, sans différenciation entre les fruits standards (vente en vrac) et les fruits premium (vente sous emballage avec tri sélectif) et que cet engagement n’a pas été respecté, la société Portprim’land ayant indiqué, après avoir reçu tous les fruits de la campagne de 2015, que le prix final serait de 2,82 euros par kilogramme pour la classe standard et 3,01 euros pour la classe premium, les producteurs français ayant les concernant bénéficié de prix 30% plus élevés. Par ailleurs, le prix de vente minimum accordé pour la vente de fruits conditionnés correspond précisément à la redevance minimale qu’il doit reverser pour la production des fruits. Enfin, M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu’il était tenu au paiement de redevances portant sur la commercialisation des fruits alors qu’il était possible que la commercialisation voire la récolte des fruits n’était pas terminée. M. [F] [I] [C] [X] conclut que les clauses des contrats de concession de sous licence de certificats d’obtention végétale et de vente de fruits quant aux modalités de détermination et de paiement du prix sont manifestement contraires aux dispositions de l’article L.442-1 I 2° du code de commerce.

La société Sofruileg fait valoir qu’elle n’est liée à M. [F] [I] [C] [X] que par les contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale, qu’elle n’achète pas de fruits et qu’elle n’intervient pas sur la détermination du prix. Elle souligne que la preuve n’est aucunement rapportée qu’elle aurait pris des engagements tarifaires. La société Sofruileg indique que les contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale sont distincts des contrats de vente tandis que la clause relative aux délais de paiement est d’usage courant dans le domaine concerné.

Réponse de la cour :

Si M. [F] [C] [X] se prévaut d’un déséquilibre significatif en raison de la combinaison de l’article 2-8 « redevance » du contrat de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale du 9 mars 2013 avec le contrat de vente de fruits Actinadia Arguta Variétés Hortgem Nergi conclu avec la société Prim’Land (qui est une personne morale distincte de la société Sofruileg) le 15 mai 2013, cette combinaison n’est pas pertinente en ce que ces contrats, qui concernent respectivement l’autorisation de cultiver et de vendre les kiwis faisant l’objet de la protection couverte par les certificats d’obtention végétale, et les modalités de vente des kiwis à un opérateur commercial agréé, ne concernent pas les mêmes parties tandis qu’il n’est pas démontré que la société Sofruileg aurait eu une influence sur la fixation du prix qui relève des relations entre le producteur et cet opérateur.

Ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, la preuve n’est pas démontrée que la société Sofruileg s’était engagée, lors d’une réunion avec les producteurs tenue le 30 juin 2015, à un prix de 4,00 euros par kilogramme pour la récolte de 2015 sans différenciation entre les fruits standards et les fruits premium, M. [F] [I] [C] [X] ne justifiant d’aucun engagement écrit de la société Sofruileg en ce sens.

A cet égard, le prix de vente minimum est fixé par la société Prim’Land, aux termes du contrat de vente du 15 mai 2013.

Enfin, M. [F] [I] [C] [X] ne justifie pas en quoi le fait que la redevance proportionnelle d’exploitation qui, selon l’article 2-8-2 des contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale, est payée deux fois chaque année, un premier paiement effectué le 15 septembre sur une base de 0,15 euros par kilogramme et calculé sur les tonnages prévisionnels de la récolte de l’année en cours et le solde le 31 décembre, entraine un déséquilibre significatif à son détriment, étant observé que le premier paiement est fixé en fonction d’une production prévisionnelle correspondant à la situation du producteur.

Par conséquent, les clauses de détermination du coût des redevances des contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale n’engendrent pas un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au détriment de M. [F] [I] [C] [X].

Cour d’appel Paris Pôle 5, chambre 2 7 Février 2025 Répertoire Général : 23/08470

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