Dans un arrêt rendu le 18 septembre 2025, la Cour de cassation clarifie l’interprétation de l’article 219 du Code civil, qui consacre la gestion d’affaires, et se prononce sur son articulation avec la règle de cogestion applicable à la conclusion d’un bail rural par des époux mariés sous le régime de la communauté.
En l’espèce, des époux communs en biens vendent, par acte du 5 septembre 2018, des parcelles dépendant de leur communauté à des acquéreurs. Une tierce personne, se présentant comme preneuse en vertu d’un bail rural verbal que lui aurait consenti l’époux en 2016, saisit le tribunal paritaire des baux ruraux. Elle sollicite la reconnaissance de ce bail et l’annulation de la vente, qu’elle estime intervenue en violation de son droit de préemption. À titre reconventionnel, l’épouse demande la nullité du bail, conclu par son mari sans son consentement.
La cour d’appel de Caen accueille la demande de la preneuse. Elle retient que l’époux a agi dans le cadre de la gestion d’affaires, permettant ainsi de reconnaître la validité du bail.
Les époux se pourvoient alors en cassation. Ils allèguent qu’en vertu de l’article 219 du Code civil, si à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires, c’est à la condition que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté. Par ailleurs, ils estiment que l’application des règles de la gestion d’affaires ne suffit pas, à elle seule, à caractériser le consentement conjoint des époux nécessaire à la conclusion d’un bail rural, tel que l’exige l’article 1425 du Code civil.
En premier lieu, la Cour de cassation juge que la violation des articles 1245 du Code civil, relatif au consentement conjoint des époux, et 1247 du Code civil, imposant la ratification de l’acte en cas d’absence d’un tel consentement, ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une gestion d’affaires concernant le bail. Ainsi, la gestion d’affaires, en tant que disposition du régime primaire, s’applique à tous les époux du seul fait du mariage et n’est pas écartée par la règle de cogestion de l’article 1245 du Code civil.
En second lieu, le juge de cassation clarifie l’interprétation de l’article 219 du Code civil : chaque alinéa pose des conditions propres, de sorte que les règles de la gestion d’affaires, prévues au deuxième alinéa, ne supposent pas que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté, contrairement à ce qui est exigé pour la règle de représentation des époux issue du premier alinéa.
Enfin, les époux soutiennent que, pour que les règles de la gestion d’affaires produisent leurs effets, la gestion doit nécessairement être utile. La Cour de cassation accueille ce dernier argument, en relevant que la cour d’appel aurait dû vérifier l’utilité de la gestion d’affaires. Par ces motifs, elle casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.
À retenir : Par cet arrêt, la Haute Juridiction admet la possibilité de recourir à la gestion d’affaires pour valider un bail rural conclu sans le consentement du conjoint et non ratifié par lui, sous réserve d’un examen rigoureux de l’utilité de l’acte.
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