Catégorie : Autorisation d’exploiter

CONTESTATION D’UN PROJET D’INSTALLATION D’UNE UNITE DE METHANISATION NECESSAIRE A L’EXPLOITATION AGRICOLE

CAA Nantes, 5ème chambre, 12 sept. 2025, n° 24NT01762

Un préfet a délivré à une EARL un permis de construire une unité de méthanisation destinée au traitement du lisier agricole, assorti de prescriptions ; le permis modificatif qui s’en est suivi a été accordé tacitement. L’arrêté préfectoral est contesté par la Fédération des associations de protection de l’environnement et du littoral des Côtes-d’Armor (FAPEL 22).

La Cour administrative d’appel de Nantes écarte l’intégralité des points de droit soulevés par la Fédération en vue d’obtenir l’annulation de l’arrêté préfectoral litigieux.  Et pourtant, ils étaient nombreux. En effet, les juges estiment que les pièces du dossier présentent toutes les garanties requises pour l’installation d’une unité de méthanisation au sein de l’exploitation agricole :

–       certes une canalisation souterraine doit traverser le domaine public, mais n’étant pas une construction au sens des dispositions de l’article R. 431-13 du code de l’Urbanisme, il n’y a pas lieu de faire figurer au dossier de demande du permis de construire en débat une pièce exprimant l’accord du gestionnaire de la voirie pour engager une procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ;

–       il n’est pas démontré que l’opération en cause génèrerait des eaux usées nécessitant un raccordement au réseau public d’assainissement, le projet prévoit au contraire que leur traitement se fera au sein de l’installation ;

–       le poste d’injection GRDF, apportant un complément fonctionnel nécessaire à l’unité de méthanisation, devant être regardé comme une annexe au sens des dispositions du PLUi, il peut être implanté à moins de 5 mètres de la voie publique ;

–       la Fédération ne saurait invoquer le risque pour la sécurité publique que constitue l’augmentation du trafic lié à l’exploitation de l’unité alors que la voie publique la desservant présente une largeur et une visibilité suffisantes ;

–       les constructions devant être semi-enfouies, la Fédération ne démontre ni que les constructions affecteraient la géologie du terrain susceptible d’entrainer des risques particuliers quant à la réalisation du projet, ni que l’unité de méthanisation présenterait un risque accru du fait de sa proximité avec la voie publique qui la longe ;

–       les constructions projetées se situent en dehors des espaces proches du rivage.

 La Cour relève :

–       d’une part, que les intrants de l’opération projetée seront exclusivement composés de matières organiques d’élevage, de matières végétales et de culture ;

–       d’autre part, que l’exploitant de l’unité de méthanisation dispose de la qualité d’exploitant agricole.

Enfin, et surtout, elle constate que l’unité de méthanisation projetée apparaît nécessaire à l’exploitation agricole qui entend traiter le lisier agricole produit par son élevage porcin, la moitié du fumier produit par l’élevage bovin voisin ainsi que des végétaux et les déchets de légumes de plusieurs autres exploitations agricoles tout en produisant du biogaz et en épandant l’intégralité du digestat sur les terres agricoles.

Dans ces conditions, tant dans son principe qu’au regard des caractéristiques du projet, la réalisation de l’unité de méthanisation en litige apparaît nécessaire à l’activité agricole. Le préfet a donc pu, sans commettre d’erreur de droit, délivrer le permis de construire, même si l’installation de l’unité est prévue en dehors des espaces urbanisés de la commune. La Fédération n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Refus d’autorisation d’exploiter : contestation des motifs de l’arrêté préfectoral

Le préfet doit se fonder sur les seuls éléments de droit et de fait connus à la date de sa décision.

Un préfet avait refusé une autorisation d’exploiter des terres à une EARL au motif que la reprise envisagée revenait à faire descendre la surface exploitée par le preneur en place en deçà du seuil de viabilité résultant du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA). L’EARL a alors demandé au tribunal administratif d’annuler l’arrêté préfectoral pour excès de pouvoir. Elle obtient gain de cause en appel.

En effet, la cour d’appel enjoint au préfet de réexaminer sa demande. Selon elle, il aurait dû tenir compte  » des évolutions suffisamment certaines, à la date de l’arrêté litigieux, que devait subir à brève échéance le preneur en place « . Le Conseil d’État annule son arrêt. La décision du préfet ne pouvait reposer sur l’obtention d’un bail hypothétique portant sur une superficie supplémentaire au profit du preneur en place, il devait statuer en considération des seuls éléments de droit et de fait prévalant à la date de sa décision.

Source

CE, 14 févr. 2025, n° 475847

AUTORISATION D’EXPLOITER DU CONTROLE DES STRUCTURES : Biens détenus par un parent ou allié, depuis neuf ans au moins .

RESUME

Cette condition, doit s’apprécier en prenant en compte le fait que le bien a été détenu sur cette période, éventuellement, par plusieurs parents ou alliés successifs, dans la limite du troisième degré de parenté ou d’alliance.

L’établissement agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme de la Queue a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler les décisions n° 08170103 du 7 novembre 2017 et n° 08170103-bis du 14 novembre 2017 par lesquelles le préfet de la région Grand Est a rejeté sa demande d’autorisation d’exploiter une surface de 22 hectares, 27 ares située sur les communes de Verrières et Sy, ainsi que la décision du 3 avril 2018 rejetant son recours gracieux, d’enjoindre l’autorité administrative à l’autoriser à exploiter cette surface agricole et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801242 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a annulé les décisions attaquées et mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à l’EARL Ferme de la Queue en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 16 mars 2020, sous le n° 20NC00678, le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) E… RJL, représenté par Me Liégeois, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2020, en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’EARL Ferme de la Queue ;

3°) de mettre à la charge de l’EARL Ferme de la Queue le versement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

  • contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, l’autorité administrative avait bien tenu compte de la présence d’un associé exploitant et d’un salarié à temps plein pour le calcul du seuil d’agrandissement excessif ;
  • contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, l’épouse du gérant de l’EARL Ferme de la Queue ne peut être considérée comme une  » alliée  » ou un  » parent  » ;
  • c’est donc à tort que le tribunal a considéré que la demande d’autorisation d’exploiter de l’EARL Ferme de la Queue relevait du premier rang de priorité alors qu’elle devait être classé au troisième rang de priorité.

Par un mémoire enregistré le 4 août 2020, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’en rapporte à sa requête d’appel enregistrée sous le n° 20NC00825.

La requête a été communiquée à l’EARL Ferme de la Queue qui n’a pas produit de mémoire en défense dans cette instance.

II. Par une requête enregistrée le 26 mars 2020, sous le n° 20NC00825, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2020, en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’EARL Ferme de la Queue.

Il soutient que :

  • si, comme l’a retenu le tribunal, la superficie que l’EARL Ferme de la Queue projetait d’exploiter n’excédait pas le seuil d’agrandissement excessif, fixé à 492 hectares compte tenu des deux unités de travail en équivalent temps plein, en revanche, la surface qu’il était envisagée de mettre en valeur n’était pas détenue par un allié depuis neuf ans au moins lorsque le gérant l’EARL Ferme de la Queue a reçu les parcelles en location de la part de son épouse ;
  • c’est donc à tort que les premiers juges ont estimé que l’EARL Ferme de la Queue pouvait bénéficier du premier rang de priorité.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2020, le GAEC E… RJL, représenté par Me Liégeois, conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens, que sa requête n° 20NC00678.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2020, l’EARL Ferme de la Queue, représentée par la SCP Ledoux, Ferri, Riou-Jacques, Touchon, Mayolet, conclut au rejet de la requête du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre n’est pas fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

  • le code rural et de la pêche maritime ;
  • le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;
  • le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne ;
  • le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

  • le rapport de Mme Picque, première conseillère,
  • et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

  1. Le 23 octobre 1999, M. A… E… a consenti à M. B… E… un bail rural, dont le terme était fixé au 31 décembre 2017, portant sur deux parcelles d’une surface totale de 22 hectares et 74 ares, situées sur les communes de Sy et de Verrières (08390), cadastrées pour la première, section ZD n° 2 lieu-dit Ecogne devenue n° 16 et n° 18, et pour la seconde, section A n° 146. Devenue propriétaire de ces parcelles en 2016, Mme F… D… a donné congé à M. B… E… pour reprise du bail par son époux, M. G… D…, gérant de l’EARL Ferme de la Queue. Le 17 juillet 2017, l’EARL Ferme de la Queue, représentée par son gérant, a demandé l’autorisation d’exploiter les parcelles en cause. Par deux décisions des 7 et 14 novembre 2017, le préfet de la région Grand Est a rejeté cette demande. Le recours gracieux de l’EARL Ferme de la Queue a été rejeté le 3 avril 2018. Par deux appels croisés, qu’il y a lieu de joindre, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation et le GAEC E… RJL, preneur en place, relève appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de
    Châlons-en-Champagne a annulé ces décisions.

Sur la légalité des décisions des 7 et 14 novembre 2017 et de celle du 3 avril 2018 portant rejet du recours gracieux :

  1. Aux termes du II de l’article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Champagne-Ardenne :  » 1° Sont classées au premier rang de priorité les opérations non hiérarchisées entre elles et ci-après énumérées, relatives à des biens destinés : (…) e) à l’accroissement de la superficie de l’exploitation du demandeur lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : – les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens de l’alinéa précédent, depuis neuf ans au moins ; (…) « . Cette dernière condition, qui ne vise pas expressément la personne qui détient les terres à la date de la décision préfectorale, doit s’apprécier en prenant en compte le fait que le bien a été détenu sur cette période, éventuellement, par plusieurs parents ou alliés successifs, dans la limite du troisième degré de parenté ou d’alliance.
  2. Il ressort des pièces du dossier que Mme F… D…, épouse de M. G… D…, gérant de l’EARL Ferme de la Queue, est propriétaire des parcelles en litige depuis 2016 après les avoir reçues par donation de ses parents. Alliée de son époux au sens des dispositions citées au point 2, elle lui a donné ces terres en location. Il n’est par ailleurs pas contesté que les beaux-parents de M. D…, qui sont ses alliés au premier degré, détenaient les biens en cause depuis plus de neuf ans. Par conséquent, l’opération d’agrandissement envisagée par l’EARL Ferme de la Queue relève du premier rang de priorité et le préfet de la région Grand Est a inexactement appliqué les dispositions citées au point 2 en rejetant sa demande d’autorisation d’exploiter au motif qu’elle relevait d’un rang de priorité inférieur.
  3. Il résulte de ce qui précède que le GAEC E… RJL et le ministre de l’agriculture et de l’alimentation ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 7 et 14 novembre 2017 par lesquelles le préfet de la région Grand Est a rejeté la demande d’autorisation d’exploiter une surface de 22 hectares, 27 ares située sur les communes de Verrières et Sy présentée par l’EARL Ferme de la Queue et la décision du 3 avril 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur les frais d’instance :

  1. Par voie de conséquence, les conclusions du GAEC E… RJL présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’EARL Ferme de la Queue et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes du GAEC E… RJL et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation sont rejetées.

Article 2 : L’Etat versera à l’EARL Ferme de la Queue une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC E… RJL, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l’EARL Ferme de la Queue.
Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est.
Délibéré après l’audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

  • Mme Ghisu-Deparis, présidente,
  • M. Denizot, premier conseiller,
  • Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

CAA de NANCY – 4ème chambre
  • N° 20NC00678
  • Inédit au recueil Lebon

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