Reprise du bail rural par une SCI familiale : nécessité d’un objet agricole
Dans un arrêt du 30 avril 2025, la Cour de cassation clarifie les conditions de reprise d’un bail rural par une société civile immobilière (SCI) familiale. Elle rappelle que, bien que les sociétés constituées entre membres d’une même famille ne soient pas soumises à certaines exigences relatives aux apports ou à l’ancienneté des parts sociales, l’objet agricole de la société demeure une condition impérative pour pouvoir exercer le droit de reprise.
Une SCI, propriétaire d’un domaine agricole, souhaite désormais en assurer l’exploitation directe. À cette fin, elle délivre à la preneuse deux congés pour reprise. Contestant la validité de ces congés, cette dernière saisit le tribunal paritaire des baux ruraux afin d’en obtenir l’annulation.
La cour d’appel de Versailles rejette cette demande, valide les congés et ordonne son expulsion (CA Versailles, 5 sept. 2023, n° 21/01022). Elle considère qu’en application de l’article L. 411-60 du Code rural et de la pêche maritime, il n’est pas requis que la SCI ait un objet agricole pour exercer son droit de reprise, contrairement à ce que soutenait la preneuse.
La Cour de cassation infirme le raisonnement de la cour d’appel. Au visa de l’article L. 411-60 précité, elle rappelle qu’une société, y compris familiale (constituée entre conjoints, partenaires, parents ou alliés), doit avoir un objet agricole pour pouvoir exercer son droit de reprise sur les biens qui lui ont été apportés. La cour d’appel a donc mal interprété le texte en considérant, à tort, qu’une telle société pouvait se prévaloir du droit de reprise d’un bail rural sans justifier d’un objet agricole.
Aussi, dans le cas d’espèce, la SCI disposait effectivement d’un objet agricole à la date de délivrance des congés. Il était ainsi précisé que la société avait pour objet « la propriété, la jouissance et l’administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole dont elle a et elle aura la propriété, aux fins de création et/ou de conservation d’une ou plusieurs exploitations ». Les statuts précisaient également qu’« elle assurera la gestion des biens dont elle est propriétaire en les exploitant directement ou en les donnant à bail ».
Enfin, la Haute Juridiction précise que les deux conditions classiques de reprise d’un bail rural ne s’appliquent pas aux sociétés à caractère familial. Il n’est donc pas nécessaire que le bien ait été apporté en propriété ou en jouissance au moins neuf ans avant la date du congé. De même, les parts sociales n’ont pas à être détenues depuis neuf ans lorsqu’elles ont été acquises à titre onéreux par les membres repreneurs.
Dès lors, par la substitution d’un motif de pur droit aux motifs critiqués, la décision se trouve légalement justifiée. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé.
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