Chemin rural – Cession d’un chemin rural faute d’affectation à l’usage du public – Veille

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Droit rural n° 6-7, Juin-juillet 2025, alerte 56

Cession d’un chemin rural faute d’affectation à l’usage du public

CAA Versailles, 4e ch., 29 avr. 2025, n° 23VE00943 : JurisData n° 2025-007131

N’est plus affecté à la circulation générale et continue du public, donc peut être aliéné, le chemin dont l’unique objet est de permettre à un riverain d’accéder à sa propriété.

Un exploitant agricole a demandé l’annulation d’une délibération d’un conseil municipal autorisant la vente d’un chemin rural à des particuliers. Le chemin rural fait, en effet, partie du domaine privé de la commune et peut être aliéné dans la mesure où il cesse d’être affecté à l’usage du public (C. rur., art. L. 161-1 et L. 161-10). Or, c’est sur le fondement de cette dernière condition que le requérant demandait l’annulation de la décision d’aliénation. Il soutenait, en effet, que le chemin rural en cause était toujours affecté à l’usage du public dès lors qu’il s’en servait de voie de passage pour ses engins agricoles.

Pour rejeter sa requête, la cour administrative d’appel s’est appuyée sur les pièces du dossier produites en première instance : il s’agissait en fait d’une impasse permettant à des riverains, qui se chargeaient de l’entretien du chemin, d’accéder à leur propriété. Elle ne portait du reste aucune empreinte d’engins agricoles.

Cela étant, même si les arguments du requérant n’avaient pas été contredits par les éléments du dossier fourni, il n’aurait pas pu obtenir l’annulation de la délibération litigieuse. Le fait de faire circuler ses propres engins agricoles sur le chemin n’est pas de nature à faire regarder ce chemin comme affecté à la circulation générale et continue. Le chemin n’était donc plus affecté à l’usage du public.

Mots clés : Chemin rural. – Défaut d’affectation. – Circulation engins agricoles.

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Prorogation du bail rural – Évaluation du régime applicable pour déterminer la validité d’un congé de reprise dans le contexte d’un bail rural – Focus

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Droit rural n° 6-7, Juin-juillet 2025, alerte 44

Évaluation du régime applicable pour déterminer la validité d’un congé de reprise dans le contexte d’un bail rural

Cass. 3e civ., 7 mai 2025, n° 22-16.518, FS-B : JurisData n° 2025-006369

Il résulte de l’article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, que, s’il apparaît, fût-ce rétrospectivement, qu’à la date d’effet du congé, la reprise n’était pas soumise à autorisation, le sursis à statuer qui aurait cependant été prononcé n’a pu entraîner la prorogation du bail et, par suite, le report de la date d’appréciation des conditions de la reprise.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mai 2025.

En l’espèce, des propriétaires de parcelles données à bail ont délivré au preneur un congé pour reprise aux fins d’exploitation par leur fils. Le preneur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé. Un sursis à statuer a été ordonné dans l’attente d’une décision définitive des juridictions administratives statuant sur le recours formé par l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), gérée par le fils des propriétaires, à l’encontre de la décision préfectorale, refusant de lui délivrer une autorisation d’exploiter. Un arrêt d’une cour administrative d’appel a définitivement rejeté la requête de l’EARL.

C’est en vain que le preneur fait grief à l’arrêt d’appel (CA Rennes, 5 mai 2022, n° 20/06350 : JurisData n° 2022-012259) de valider le congé pour reprise.

Selon l’article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d’une des parties ou d’office, surseoir à statuer dans l’attente de l’obtention d’une autorisation définitive. Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale pendant laquelle l’autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les 2 derniers mois de l’année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale suivante.

La Cour de cassation approuve, au visa de cet article, les juges du fond d’avoir fait ressortir que le sursis à statuer qu’ils avaient précédemment ordonné n’avait pas entraîné la prorogation de la durée du bail et donc le report de la date d’appréciation des conditions de la reprise, dès lors qu’il apparaissait, rétrospectivement, que la reprise n’était pas soumise à autorisation.

Pour le juge du droit, la cour d’appel s’est, à bon droit, placée à la date d’effet du congé pour apprécier sa validité, sans heurter l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge administratif, qui n’avait pas le même objet et ne concernait pas les mêmes parties.

En effet, l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014, prévoyait qu’était soumise à déclaration préalable la mise en valeur d’un bien agricole de famille lorsque trois conditions étaient remplies. Cette loi a ajouté une quatrième condition tenant à un seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. En l’espèce, ce seuil a été fixé par un arrêté du préfet de la région Bretagne. Les conditions du régime applicable au contrôle des structures devaient donc être appréciées à la date à laquelle le congé devait prendre effet. Si, à cette date, la loi du 13 octobre 2014 était applicable, le schéma directeur n’était pas fixé, de sorte que la quatrième condition n’était pas déterminée à cette date et était inapplicable au fils des propriétaires. Dès lors la cour d’appel, relevant que ce dernier remplissait les trois premières conditions pour bénéficier du régime dérogatoire de la déclaration, en a exactement déduit que la reprise du bien loué n’était pas subordonnée à une autorisation d’exploiter.

À retenir : si la reprise s’avère rétrospectivement non soumise à autorisation à la date d’effet du congé, le sursis à statuer n’a pas prorogé le bail et la date d’appréciation des conditions de reprise reste celle de l’effet du congé.

Mots clés : Prorogation du bail rural. – Conditions de reprise du bail rural. – Sursis à statuer.

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Bail rural : possibilité pour le preneur de se fonder sur un motif déjà invoqué lors du contrôle a priori du congé initial

21/05/2025

Le manquement à son obligation d’exploitation, invoqué pour contester le congé initial dans le cadre d’un contrôle a priori, peut être repris pour contester un congé en fin de prorogation de bail dans le cadre d’un contrôle a posteriori en cas d’élément nouveau inconnu du preneur lors du contrôle a priori.

Un bailleur délivre un congé à des preneurs aux fins de reprise au bénéfice de son fils, gérant d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA). Les preneurs contestent ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, souhaitant pouvoir continuer à bénéficier du bail jusqu’à leur retraite puis le transmettre à leur propre fils. En appel, le bail est prorogé, de plein droit, jusqu’à la fin de l’année culturale au cours de laquelle les preneurs atteindront leur retraite, mais leur demande en autorisation de céder le bail à leur fils est rejetée.

Dix-huit mois avant le terme de la période de prorogation (« C. rur., art. L. 411-47 »), le bailleur délivre, conformément aux dispositions de l’article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, un nouveau congé pour reprise. Les preneurs en place ont en conséquence libéré les parcelles, mais obtiennent par la suite leur réintégration avec cession du bail à leur fils doublée d’une indemnisation. Lors d’un contrôle a posteriori, il a en effet été constaté que le bénéficiaire de la reprise ne participait pas de façon effective et permanente aux travaux agricoles sur les parcelles en cause. À preuve, il a consenti un bail à son épouse sur ces parcelles. Aussi le repreneur conteste-t-il la décision de la cour d’appel. Selon lui, le second congé ne constitue que le renouvellement du précédent congé validé, et non un congé distinct ; il ne peut donc être contesté à nouveau devant le tribunal paritaire des baux ruraux :

– ni au titre du contrôle a priori portant sur les exigences et engagements pesant sur lui, notamment l’obligation d’exploiter le bien repris durant neuf ans (C. rur. art. L. 411-59),

– ni au titre du contrôle a posteriori destiné à vérifier ses engagements, et plus particulièrement son implication dans l’exploitation des parcelles en cause (C. rur., art. L. 411-66).

En effet, les preneurs, s’étant fondés sur le motif du défaut d’exploitation lors de la demande d’annulation du congé initial dans le cadre du contrôle a priori, ne pouvaient plus l’invoquer faute d’élément nouveau.

La cour d’appel n’abonde pas en ce sens. Le fait de consentir un bail à son épouse constitue, selon elle, un fait nouveau l’autorisant à vérifier, lors du contrôle a posteriori, s’il se consacrait effectivement à l’exploitation du bien repris. À cet argument, le requérant oppose un cas de force majeure tenant à la parution, entre les deux congés, du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), qui le prive du régime de la déclaration préalable et l’oblige à faire exploiter les parcelles par son épouse. Le fait est que les conditions lui permettant de reprendre l’exploitation des parcelles en cause à la date d’effet du premier congé ne l’étaient-elles plus à la date d’effet du second congé.

La Cour de cassation avait donc plusieurs questions à trancher :

  • Le juge peut-il réexaminer lors d’un contrôle a posteriori un motif déjà invoqué lors du contrôle a priori du congé initial en cas d’événement survenant postérieurement à la date d’effet de ce congé et parfaitement inconnu du preneur durant l’instance en annulation de ce congé ? ;
  • Le bénéficiaire de la reprise se trouvait-il, par force majeure, dans l’impossibilité d’exploiter aux conditions prévues par les articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 du Code rural et de la pêche maritime compte tenu du changement de législation sur le contrôle des structures de sorte qu’il n’avait pas d’autre choix que de faire exploiter les parcelles par un tiers ?

À la première question, la Cour de cassation répond par l’affirmative et approuve la décision des juges du fond : des éléments nouveaux, tel que l’octroi d’un bail rural à l’épouse du bénéficiaire de la reprise, justifient un réexamen, dans le cadre d’un contrôle a posteriori, de « motifs » déjà invoqués lors du contrôle a priori du congé initial. Dans ce cas, le preneur peut contester l’intention d’exploiter du bénéficiaire de la reprise dans le cadre du contrôle a priori du congé initial et, lors de la contestation du second congé en fin de période de prorogation du bail, demander au juge de vérifier si le bénéficiaire de la reprise se consacre bien à l’exploitation des parcelles en cause dans le cadre d’un contrôle a posteriori.

Sur la notion de force majeure, la Cour de cassation valide l’analyse de la cour d’appel. Un cas de force majeure ne peut être qu’imprévisible et irrésistible. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 modifiant la réglementation du contrôle des structures était entrée en vigueur le 15 octobre 2014. Le SDREA était, quant à lui, intervenu le 27 juin 2016 ce qui laissait au repreneur un délai de quatre mois pour demander une autorisation d’exploiter du fait du changement du seuil de surface déclenchant le contrôle des structures ; le congé étant donné pour le 31 octobre 2016. Aussi, sachant dès le mois de juin 2016 qu’il ne remplissait plus les conditions pour bénéficier du régime de la déclaration, il aurait dû soit renoncer à la reprise soit solliciter une autorisation d’exploiter. Rien qui ne soit imprévisible et irrésistible même si le changement de réglementation est parfaitement indépendant de sa volonté et qu’il ne peut en être tenu responsable.

Il s’ensuit que l’interdiction de céder le bail se limitant à la période de prorogation de ce bail (C. rur., art. L. 411-58), c’est à juste titre que les juges du fond ont accordé aux preneurs leur réintégration avec cession du bail à leur fils à l’issue de la période de prorogation du bail dans les conditions de l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime.

À retenir : Lorsque le bailleur a délivré un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise ne peut, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur, sauf en cas d’éléments nouveaux, qui étaient inconnus du preneur lors du contrôle a priori ou qu’il ne pouvait alors utilement opposer.

Source

Cass. 3e civ., 7 mai 2025, n° 23-15.142, FS-B

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Obligations statutaires dans la coopérative agricole : la lettre de démission doit respecter les délais statutaires

« En sa qualité d’associé coopérateur, M. [Z] ne pouvait ignorer que la clôture de l’exercice était fixée au 31 juillet 2019 et qu’il devait donc, pour exercer son retrait, que sa lettre de démission soit reçue au plus tard le 30 avril 2019, à défaut de quoi la coopérative pouvait lui opposer le renouvellement par tacite reconduction de son engagement d’apport.« 

LES FAITS

1- Le 17 juin 2019, M. [U] [Z], viticulteur, a notifié à La cave du pays de Quarante (ci-après la coopérative) sa décision de révoquer ses engagements envers elle à compter de la campagne 2019/2020.

Le 11 juillet 2019, la coopérative a contesté cette décision au motif qu’elle est intervenue hors du délai prévu par les statuts.

2- Le 24 février 2020, la coopérative a sommé M. [Z] d’indiquer les raisons de l’absence d’apport de la récolte 2019.

3- Par courrier du 25 mars 2020, M. [Z] a confirmé que la coopérative ne pouvait lui reprocher le caractère tardif de sa décision et l’a mise en demeure de lui payer les sommes dues en contrepartie de ses apports de récoltes à savoir :

– 10 504,29 ‘ pour la récolte 2016,

– 15 535,56 ‘ pour la récolte 2017,

– le solde de la récolte 2018 pour laquelle il n’a reçu aucun décompte.

4- Par courrier du 16 avril 2020, la coopérative a indiqué que le conseil d’administration avait décidé de procéder à la compensation des dettes et créances, fixées comme suit :

– participation aux frais fixes : 43 645,056 ‘.

– pénalité : 17 458,02 ‘.

5- Le 22 septembre 2020, M. [Z] a mis en demeure la coopérative de lui régler la somme de 47 756,02 ‘ au titre de la rémunération de ses apports de récolte 2016, 2017 et 2018, lui proposant un mode de résolution amiable du conflit, en vain.

6- C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier de justice du 9 novembre 2020, M. [Z] a assigné la coopérative devant le tribunal judiciaire de Béziers avant d’être lui-même assigné par acte d’huissier de justice du 10 novembre 2020.

Par ordonnance du 28 janvier 2021, la jonction des deux affaires a été prononcée.

7- Par jugement du 13 janvier 2021, une procédure de redressement judiciaire a été prononcée à l’encontre de La cave du pays de Quarante.

Par actes d’huissier de justice des 8 et 12 février 2021, M.[Z] a déclaré sa créance au passif de la cave et assigné en intervention forcée la société FHB SELARL, représentée par Me [O] ès-qualités d’administrateur et Me [L] [D], ès-qualités de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 10 juin 2021, la jonction des deux affaires a été prononcée.

8- Par jugement du 6 octobre 2021, La cave du pays de Quarante a fait l’objet d’une conversion en liquidation judiciaire et le tribunal de commerce de Béziers a désigné Me [D] en qualité de liquidateur.

9- Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal judiciaire de Béziers a :

– Constaté l’intervention de Maître [L] [D] es qualité de liquidateur de la SCA Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric, nommé par le jugement du tribunal de commerce de Béziers du 6 octobre 2021,

– Débouté la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D], liquidateur, de ses entières prétentions à l’encontre de M. [Z],

– Condamné la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D], liquidateur, à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

> 50 360,01 ‘ augmentés des intérêts légaux dus à compter du 22 septembre 2020 au titre des apports de récoltes restés impayés,

> 2 500 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

– Fixé en conséquence la créance totale de M. [U] [Z] au passif de la procédure collective de la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » au montant de 52860,01 ‘,

– Condamné la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D] ès-qualités, au paiement des entiers dépens.

10- Maître [D], ès-qualités, a relevé appel de ce jugement le 19 juin 2023.

PRÉTENTIONS

11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 10 février 2025, Me [D], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric, demande en substance à la cour de :

– Réformer le jugement du 15 mai 2023,

Statuer à nouveau :

– Juger que M. [Z] a bien la qualité d’associé coopérateur, et ne pouvait pas être qualifié de tiers non associé,

– Juger que M. [Z] n’a pas donné sa démission avec un préavis de trois mois avant la clôture de l’exercice, conformément aux dispositions des articles 8 et 45 des statuts.

En conséquence,

– Condamner M. [Z] à payer à la coopérative Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric les sommes suivantes :

> 43 645,05 ‘ au titre du non apport,

> 17 458,02 ‘ au titre de pénalité,

> soit la somme totale de 61 193,08 ‘ avec intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 16 avril 2020 en application de l’article 1231-6 du Code civil et qui seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du même code, à parfaire jusqu’au terme de son engagement,

– Juger qu’il est fait application du principe de la compensation entre les dettes et les créances, c’est-à-dire déduction de la seule somme retenue à titre chirographaire par Me [D], 45 861,47 ‘ conformément à l’article 8-9 des statuts,

– Rejeter toutes les demandes formées par M. [Z],

– Condamner M. [Z] à payer à la coopérative Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric la somme de 3 000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

12- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 4 novembre 2024, M. [Z] demande en substance à la cour, au visa des articles L.641-3 du Code de commerce, L. 521-3-1, R522-4 et R.524-12 alinéa 2 du Code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable à l’époque des faits, et 1231 et suivants du Code civil de :

– Confirmer le jugement du 15 mai 2023 qui a fixé la créance de M. [Z] :

> à la somme de 50 360, 01 ‘ au titre des apports de récoltes impayés majorée du montant des intérêts du 22 septembre 2020 au 14 janvier 2021 ;

> à la somme de 2500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sauf en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de fixation à la somme de 5 000 ‘ de l’indemnité de réparation du préjudice subi par ce dernier du fait du non-respect par Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric de ses obligations contractuelles, légales et réglementaires ;

– Accueillir l’appel incident,

– Infirmer le jugement du 15 mai 2023 sur ce point,

Statuant à nouveau,

– Fixer en sus de la créance d’un montant de 52 860,01 ‘ retenue par le jugement du 15 mai 2023 dont il est sollicité la confirmation, la créance de réparation tous préjudices confondus à la somme de 5 000 ‘.

En tout état de cause :

– Condamner la coopérative agricole « Les caves du pays de Quarante et du pays d’Héric » représentée par Me [D] ès-qualités, au paiement des entiers dépens sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

13- Vu l’ordonnance de clôture en date du 11 février 2025.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

14- La cour observe en liminaire n’être saisie d’aucune conclusion de M. [Z] tendant à écarter les conclusions adverses déposées la veille de l’ordonnance de clôture.

Sur la qualité d’associé coopérateur de M. [Z]

15- Selon l’article R.522-2 du code rural et de la pêche maritime,

‘La qualité d’associé coopérateur est établie par la souscription ou par l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociales de la coopérative.

Toute société coopérative agricole doit avoir obligatoirement à son siège un fichier des associés coopérateurs sur lequel ces derniers sont inscrits par ordre chronologique d’adhésion et numéros d’inscription avec indication du capital souscrit par catégorie de parts telles que prévues à l’article R. 523-1.’

Selon l’article 4 du règlement intérieur de la coopérative, la qualité d’associé coopérateur ne s’acquière que par la souscription ou l’acquisition de parts sociales de la coopérative après agrément du conseil d’administration.

16- Il est acquis que si la preuve ‘reine’ de la qualité de coopérateur résulte du fichier évoqué ci-dessus, elle peut être établie par tout moyen dont la charge incombe à celui qui s’en prévaut, la coopérative en l’espèce. Cette preuve peut résulter d’un faisceau d’indices.

17- Pour établir la qualité d’associé coopérateur de M. [Z] et démentir ce qu’il n’était pas, à savoir tiers non coopérateur, la coopérative produit aux débats ce faisceau d’indices caractérisant la souscription de parts sociales par M. [Z], dont les plus probants tiennent à son statut d’administrateur et à son comportement dans la phase pré contentieuse.

18- Ainsi, selon les statuts, la coopérative est administrée par un conseil composé de 15 membres élus par l’assemblée générale parmi les associés coopérateurs. Nul ne peut être élu adminsitrateur s’il n’est associé coopérateur.

19- De la combinaison du procès verbal d’assemblée générale du 26 avril 2018 où M. [Z] était proposé en qualité d’administrateur -quand bien même la mention de l’adoption du vote serait absente- et du procès-verbal du conseil d’administration du 23 avril 2019 où M. [Z] siégeait en qualité d’administrateur avec émargement de la feuille de présence, il résulte sans ambiguïté que M. [Z] avait été élu administrateur. Après que le conseil d’administration en a pris acte le 10 juillet 2019 suite à sa démission remise en main propre le 3 juin 2019, l’assemblée générale du 19 décembre 2019 en a également pris acte en troisième résolution.

20- Dans les courriers pré contentieux des 17 juillet 2019 et 25 mars 2020 en réponse aux courriers des 11 et 27 juillet 2019 puis du 24 février 2020, non seulement M. [Z] ne conteste pas la qualité d’associé coopérateur qui lui est prêtée mais fait valoir les obligations statutaires gouvernant la coopérative dans ses relations avec les coopérateurs, notamment l’absence de tenue de l’assemblée générale ordinaire dans les six mois de la clôture de l’exercice (soit avant le 31 janvier), revendiquant le délai de prévenance de trois mois pour le retrait du coopérateur.

21- Encore, la coopérative produit en pièce 16 une feuille de présence à l’assemblée générale du 16 avril 2015, émargée par M.[Z], titulaire de 570 parts sociales.

22- Le surplus des documents produits par la coopérative, établis en réaction à la conscience d’un manifeste laisser aller dans la gestion administrative (fiche individuelle de parts sociales au 12 octobre 2020 ; document unique récapitulatif non daté mais faisant référence à la mise à jour du 25 mars 2020 du règlement intérieur) ne font que corroborer a posteriori le statut d’associé coopérateur de M. [Z].

23- Selon l’article R522-4 du code rural et de la pêche maritime,

‘L’associé coopérateur est engagé avec sa société coopérative pour une durée déterminée.

En cas de force majeure dûment justifiée, le retrait anticipé d’un associé coopérateur est accepté par l’organe chargé de l’administration de la coopérative. Ce retrait peut également être accepté dans les conditions prévues par les statuts en cas de motif valable et si le départ de l’associé coopérateur ne porte pas préjudice au bon fonctionnement de la coopérative.

Si l’associé coopérateur n’a pas notifié au président de la société coopérative, avant le terme de son engagement, sa décision de se retirer au terme de celui-ci, cet engagement est renouvelé par tacite reconduction par périodes de même durée, selon les dispositions des statuts et du règlement intérieur en vigueur à la date du renouvellement.

Toutefois, si la période initiale d’engagement est supérieure à cinq ans, chaque période de tacite reconduction est de cinq ans au plus.’

Selon l’article 8 des statuts, si l’associé coopérateur n’a pas notifié sa volonté de se retirer par lettre recommandée avec avis de réception trois mois au moins avant l’expiration du dernier exercice de la période d’engagement concernée, l’engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de 5 ans pour l’activité de collecte vente.

Selon l’article 45 de ce ces mêmes statuts, l’exercice commence le 1er août et finit le 31 juillet.

24- Par son courrier du 17 juin 219, M. [Z] a informé la coopérative de son souhait de la quitter et de ne pas apporter sa récolte pour la campagne 2019-2020. Il ne donnait aucun motif.

Par son courrier en réponse du 11 juillet 2019, la coopérative l’informait de ce que sa lettre de démission n’était pas recevable pour ne pas avoir respecté les délais de l’article 8 point 5 des statuts, évoqué ci-dessus.

M. [Z] répliquait le 17 juillet 2019, sans contester la matérialité du dépassement du délai de sa lettre de démission, en invoquant l’article 40 alinéa 1 des statuts selon lequel ‘l’assemblée générale ordinaire doit être convoquée au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice.’ Il en tirait pour conséquence, ce qu’il renouvelle dans l’instance judiciaire, que l’assemblée générale ordinaire ne s’étant pas tenue dans les six mois de la clôture de l’exercice, il disposait d’un délai de trois mois pour analyser la situation financière et économique de la cave et qu’en fonction de cette analyse, il peut informer la cave de son intention de se retirer avant le 30 avril.

25- M. [Z] fait valoir que la coopérative ne justifie pas de la date de son engagement, laquelle déterminerait par application de l’article 8 des statuts, la date de son retrait. Alors qu’il fait état d’avoir apporté ses récoltes à compter de l’année 2012 et que sa qualité de coopérateur est établie, il ne conteste pas la teneur du document unique récapitulatif qui fait courir son engagement à compter du 10 mai 2012, quand bien même n’aurait-il pas signé ce document dont la validité n’est pas subordonné à son émargement. Il n’est pas plus amplement querellé que 2019 était le dernier exercice de la période concernée.

26- Toutefois, en sa qualité d’associé coopérateur, M. [Z] ne pouvait ignorer que la clôture de l’exercice était fixée au 31 juillet 2019 et qu’il devait donc, pour exercer son retrait, que sa lettre de démission soit reçue au plus tard le 30 avril 2019, à défaut de quoi la coopérative pouvait lui opposer le renouvellement par tacite reconduction de son engagement d’apport. Ce n’est pourtant que le 17 juin 2019 qu’il a notifié sa démission, laquelle apparaît ainsi hors délai, peu important que l’assemblée générale n’ait pas été tenue avant le 31 janvier 2019 pour l’exercice 2018, alors que cet élément qu’il met en avant aurait dû le conduire à une vigilance particulière dans l’exercice de son droit de retrait.

Le non-respect du délai par la coopérative n’apparaît en rien exonératoire du non-respect du délai par M. [Z] étant observé que les manoeuvres déloyales invoquées par M. [Z] à l’encontre de la coopérative qui aurait volontairement retardé la tenue de l’assemblée générale pour dissimuler la situation désastreuse dans laquelle elle se trouvait afin d’éviter le départ de coopérateurs en fin d’engagement ne sont en rien caractérisées, M.[Z] ne pouvant conclure du seul constat d’une situation dégradée décrite le 19 décembre 2019 une volonté dolosive antérieure.

27- Il en résulte que l’appel de la coopérative est bien fondé et que le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à obtenir la condamnation de M. [Z] au paiement de la somme de 61 193,08′ (43645,05′ au titre du non-apport et 17458,02′) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 avril 2020, selon décompte non discuté, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

28- S’agissant de la créance de M. [Z] au titre des apports de récoltes impayés au titre des exercices 2016, 2017 et 2018, l’admission à titre chirographaire de la seule somme de 45 861,47′ n’emporte pas de facto infirmation du jugement en ce qu’il a arrêté le montant de la créance à la somme de 50 360,01′, résultant des fiches de solde analysées par le premier juge, montant qui sera confirmé avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020.

29- Le principe de la compensation étant énoncé à l’article 8.9 des statuts et les parties disposant de créances certaines liquides et exigibles l’une envers l’autre, la compensation en sera ordonnée.

30- S’agissant de l’appel incident de M. [Z] à l’encontre du jugement qui a rejeté sa demande indemnitaire formulée à hauteur de 5000 ‘, la cour constate que la demande d’infirmation n’a pas été formulée par les premières conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2023 et que par application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la cour ne peut que confirmer le jugement sur ce point.

31- Le jugement de première instance étant infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la coopérative, l’équité commande de réformer l’indemnité allouée à M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

32- Partie globalement perdante en appel, M. [Z] supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté la coopérative ‘Les caves du pays de Quarante et du pays de l’Héric’ de ses entières prétentions, condamné cette même coopérative à payer à M.[U] [Z] la somme de 2 500 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et fixé en conséquence la créance totale de celui-ci à la procédure collective à la somme de 52 680,01 ‘.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [U] [Z] à payer à Me [D], ès-qualités, la somme de 61 193,08 ‘ avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2020 et capitalisation annuelle dans les termes de l’article 1343-2 du code civil.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance au profit de M.[Z].

Fixe la créance de M. [U] [Z] au passif de la procédure collective de la coopérative ‘Les caves du pays de Quarante et du pays de l’Héric’ à la somme de 50 360,01 ‘.

Opère compensation entre les créances respectives des parties.

Confirme le jugement pour le surplus.

Condamne M. [U] [Z] aux dépens d’appel.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

Cour d’appel, Montpellier, 4e chambre civile, 7 Mai 2025 – n° 23/03135

Reprise du bail rural par une SCI familiale : nécessité d’un objet agricole

Reprise du bail rural par une SCI familiale : nécessité d’un objet agricole

Dans un arrêt du 30 avril 2025, la Cour de cassation clarifie les conditions de reprise d’un bail rural par une société civile immobilière (SCI) familiale. Elle rappelle que, bien que les sociétés constituées entre membres d’une même famille ne soient pas soumises à certaines exigences relatives aux apports ou à l’ancienneté des parts sociales, l’objet agricole de la société demeure une condition impérative pour pouvoir exercer le droit de reprise.

Une SCI, propriétaire d’un domaine agricole, souhaite désormais en assurer l’exploitation directe. À cette fin, elle délivre à la preneuse deux congés pour reprise. Contestant la validité de ces congés, cette dernière saisit le tribunal paritaire des baux ruraux afin d’en obtenir l’annulation.

La cour d’appel de Versailles rejette cette demande, valide les congés et ordonne son expulsion (CA Versailles, 5 sept. 2023, n° 21/01022). Elle considère qu’en application de l’article L. 411-60 du Code rural et de la pêche maritime, il n’est pas requis que la SCI ait un objet agricole pour exercer son droit de reprise, contrairement à ce que soutenait la preneuse.

La Cour de cassation infirme le raisonnement de la cour d’appel. Au visa de l’article L. 411-60 précité, elle rappelle qu’une société, y compris familiale (constituée entre conjoints, partenaires, parents ou alliés), doit avoir un objet agricole pour pouvoir exercer son droit de reprise sur les biens qui lui ont été apportés. La cour d’appel a donc mal interprété le texte en considérant, à tort, qu’une telle société pouvait se prévaloir du droit de reprise d’un bail rural sans justifier d’un objet agricole.

Aussi, dans le cas d’espèce, la SCI disposait effectivement d’un objet agricole à la date de délivrance des congés. Il était ainsi précisé que la société avait pour objet « la propriété, la jouissance et l’administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole dont elle a et elle aura la propriété, aux fins de création et/ou de conservation d’une ou plusieurs exploitations ». Les statuts précisaient également qu’« elle assurera la gestion des biens dont elle est propriétaire en les exploitant directement ou en les donnant à bail ».

Enfin, la Haute Juridiction précise que les deux conditions classiques de reprise d’un bail rural ne s’appliquent pas aux sociétés à caractère familial. Il n’est donc pas nécessaire que le bien ait été apporté en propriété ou en jouissance au moins neuf ans avant la date du congé. De même, les parts sociales n’ont pas à être détenues depuis neuf ans lorsqu’elles ont été acquises à titre onéreux par les membres repreneurs.

Dès lors, par la substitution d’un motif de pur droit aux motifs critiqués, la décision se trouve légalement justifiée. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé.

Mélissa KASHI
Éditrice sur le JCl. Notarial Formulaire, la semaine juridique Notariale et Immobilière (JCP N) et Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniale (APSP)Source

Cass. 3e civ., 30 avr. 2025, n° 23-22.354, FS-B

La détermination du prix des produits agricoles

Sur la détermination du prix :

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu’au regard des articles 2-8 des contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale et 8 du contrat de vente de fruits et légumes, ces clauses créent un déséquilibre dans la détermination du prix au détriment du producteur, ce prix reposant sur un « prix du marché » à géométrie variable en fonction du lieu où est commercialisée la récolte, laissant les producteurs sans latitude de déterminer les prix, étant précisé que, le 30 juin 2015, le directeur général du distributeur acheteur, la société Portprim’land, en cours de constitution, a fixé un prix de 4,00 euros par kilogramme pour la récolte de 2015, sans différenciation entre les fruits standards (vente en vrac) et les fruits premium (vente sous emballage avec tri sélectif) et que cet engagement n’a pas été respecté, la société Portprim’land ayant indiqué, après avoir reçu tous les fruits de la campagne de 2015, que le prix final serait de 2,82 euros par kilogramme pour la classe standard et 3,01 euros pour la classe premium, les producteurs français ayant les concernant bénéficié de prix 30% plus élevés. Par ailleurs, le prix de vente minimum accordé pour la vente de fruits conditionnés correspond précisément à la redevance minimale qu’il doit reverser pour la production des fruits. Enfin, M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu’il était tenu au paiement de redevances portant sur la commercialisation des fruits alors qu’il était possible que la commercialisation voire la récolte des fruits n’était pas terminée. M. [F] [I] [C] [X] conclut que les clauses des contrats de concession de sous licence de certificats d’obtention végétale et de vente de fruits quant aux modalités de détermination et de paiement du prix sont manifestement contraires aux dispositions de l’article L.442-1 I 2° du code de commerce.

La société Sofruileg fait valoir qu’elle n’est liée à M. [F] [I] [C] [X] que par les contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale, qu’elle n’achète pas de fruits et qu’elle n’intervient pas sur la détermination du prix. Elle souligne que la preuve n’est aucunement rapportée qu’elle aurait pris des engagements tarifaires. La société Sofruileg indique que les contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale sont distincts des contrats de vente tandis que la clause relative aux délais de paiement est d’usage courant dans le domaine concerné.

Réponse de la cour :

Si M. [F] [C] [X] se prévaut d’un déséquilibre significatif en raison de la combinaison de l’article 2-8 « redevance » du contrat de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale du 9 mars 2013 avec le contrat de vente de fruits Actinadia Arguta Variétés Hortgem Nergi conclu avec la société Prim’Land (qui est une personne morale distincte de la société Sofruileg) le 15 mai 2013, cette combinaison n’est pas pertinente en ce que ces contrats, qui concernent respectivement l’autorisation de cultiver et de vendre les kiwis faisant l’objet de la protection couverte par les certificats d’obtention végétale, et les modalités de vente des kiwis à un opérateur commercial agréé, ne concernent pas les mêmes parties tandis qu’il n’est pas démontré que la société Sofruileg aurait eu une influence sur la fixation du prix qui relève des relations entre le producteur et cet opérateur.

Ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, la preuve n’est pas démontrée que la société Sofruileg s’était engagée, lors d’une réunion avec les producteurs tenue le 30 juin 2015, à un prix de 4,00 euros par kilogramme pour la récolte de 2015 sans différenciation entre les fruits standards et les fruits premium, M. [F] [I] [C] [X] ne justifiant d’aucun engagement écrit de la société Sofruileg en ce sens.

A cet égard, le prix de vente minimum est fixé par la société Prim’Land, aux termes du contrat de vente du 15 mai 2013.

Enfin, M. [F] [I] [C] [X] ne justifie pas en quoi le fait que la redevance proportionnelle d’exploitation qui, selon l’article 2-8-2 des contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale, est payée deux fois chaque année, un premier paiement effectué le 15 septembre sur une base de 0,15 euros par kilogramme et calculé sur les tonnages prévisionnels de la récolte de l’année en cours et le solde le 31 décembre, entraine un déséquilibre significatif à son détriment, étant observé que le premier paiement est fixé en fonction d’une production prévisionnelle correspondant à la situation du producteur.

Par conséquent, les clauses de détermination du coût des redevances des contrats de concession de sous-licence de certificats d’obtention végétale n’engendrent pas un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au détriment de M. [F] [I] [C] [X].

Cour d’appel Paris Pôle 5, chambre 2 7 Février 2025 Répertoire Général : 23/08470

DEFINITION DE L’AGRICULTEUR ACTIF



1. La SAS Château de Campuget demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 1er de l’arrêté du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire du 13 mai 2023 fixant la part minimale du capital social à détenir pour l’application de la définition de l’agriculteur actif à certaines formes sociétaires dans le cadre de la politique agricole commune, dont les dispositions fixent cette part minimale à 5 %.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l’article 1er du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021, établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les Etats membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) :  » 1. Le présent règlement établit des règles concernant : / a) les objectifs généraux et spécifiques à réaliser au moyen des aides de l’Union financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) au titre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que les indicateurs y afférents ; / (…) / c) les plans stratégiques relevant de la PAC à élaborer par les États membres, et qui fixent les valeurs cibles, précisent les conditions des interventions et affectent les ressources financières, conformément aux objectifs spécifiques et aux besoins recensés ; / (…) / 2. Le présent règlement s’applique aux aides de l’Union financées par le FEAGA et le Feader pour les interventions mentionnées dans un plan stratégique relevant de la PAC élaboré par un État membre et approuvé par la Commission, portant sur la période allant du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2027 (ci-après dénommée ‘période couverte par le plan stratégique relevant de la PAC’) « .

3. D’une part, aux termes de l’article 4 du même règlement, intitulé  » Définitions et conditions à fournir dans les plans stratégiques relevant de la PAC  » :  » 1. Les États membres indiquent dans leurs plans stratégiques relevant de la PAC les définitions de l’activité agricole, de la ‘surface agricole’, de l’hectare admissible’, de l’agriculteur actif, du jeune agriculteur et du nouvel agriculteur, ainsi que les conditions pertinentes conformément au présent article. / (…) / 5. L’agriculteur actif est déterminé de façon à garantir que l’aide ne soit accordée qu’aux personnes physiques ou morales ou aux groupements de personnes physiques ou morales exerçant au moins un niveau minimal d’activité agricole, sans nécessairement exclure la possibilité d’accorder l’aide aux agriculteurs pluriactifs ou aux agriculteurs à temps partiel. / Pour déterminer qui est un ‘agriculteur actif’, les États membres appliquent des critères objectifs et non discriminatoires tels que le revenu, la main-d’oeuvre occupée sur l’exploitation agricole, l’objet social et l’inscription de ses activités agricoles dans les registres nationaux ou régionaux. Ces critères peuvent être introduits sous une ou plusieurs formes choisies par les États membres, y compris au moyen d’une liste négative empêchant un agriculteur d’être considéré comme un agriculteur actif. Si un État membre considère comme ‘agriculteurs actifs’ les agriculteurs n’ayant pas reçu pour l’année précédente des paiements directs dépassant un certain montant, ce montant n’est pas supérieur à 5 000 EUR / (…) « .

4. D’autre part, aux termes de l’article 118 du même règlement : /  » 1. Chaque État membre soumet à la Commission une proposition de plan stratégique relevant de la PAC, dont le contenu est celui visé à l’article 107, au plus tard le 1er janvier 2022. / (…) / 2. La Commission évalue le plan stratégique relevant de la PAC proposé au regard de son exhaustivité, de sa cohérence et de sa compatibilité avec les principes généraux du droit de l’Union, avec le présent règlement et les actes délégués et d’exécution adoptés en application de celui-ci (…) / (…) / 4. La Commission approuve le plan stratégique relevant de la PAC proposé à condition que les informations nécessaires aient été communiquées et que le plan soit compatible avec l’article 9 et les autres exigences énoncées dans le présent règlement et dans le règlement (UE) 2021/2116, ainsi qu’avec les actes délégués et d’exécution adoptés en application de ces actes. L’approbation se fonde exclusivement sur des actes qui sont juridiquement contraignants pour les États membres. / (…) / 6. La Commission approuve chaque plan stratégique relevant de la PAC au moyen d’une décision d’exécution sans appliquer la procédure de comité visée à l’article 153. / 7. Les plans stratégiques relevant de la PAC ne produisent des effets juridiques qu’après leur approbation par la Commission « .

5. En application de l’article 118, paragraphe 6, du règlement (UE) 2021/2115 cité au point précédent, la Commission européenne, par une décision d’exécution C (2022) 6012 du 31 août 2022, a approuvé la version finale du plan stratégique relevant de la PAC pour la période 2023-2027 de la France, qui lui avait été soumise le 4 août 2022. Le point 4.1.4. de ce plan stratégique prévoit, notamment, que, pour qu’une société ait la qualité d’agriculteur actif, l’un de ses associés au moins doit remplir les conditions fixées pour qu’une personne physique ait cette qualité, dont celle d’être affilié à l’assurance accident du travail et maladie professionnelle des exploitants agricoles (ATEXA) ou bien, si aucun de ses associés n’est affilié à l’ATEXA, son ou ses dirigeants doivent être affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles et détenir un pourcentage de parts sociales qui sera défini dans la réglementation nationale.

6. Pour tirer les conséquences de la décision d’approbation, le décret du 30 décembre 2022 relatif aux aides du plan stratégique national de la politique agricole commune a inséré, dans le code rural et de la pêche maritime, un article D. 614-1 qui dispose, dans sa version en vigueur à la date d’adoption de l’arrêté attaqué :  » Pour l’application des régimes d’aide relevant de la politique agricole commune, est considéré comme agriculteur actif, le demandeur qui remplit l’une des conditions suivantes : / 1° Etre une personne physique répondant aux critères cumulatifs suivants : / a) Etre redevable, pour son propre compte, de la cotisation due au titre de l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles mentionnée à l’article L. 752-1 pour les activités mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 722-1 ; / (…) / b) En cas d’atteinte de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, ne pas avoir fait valoir ses droits à la retraite auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires ; / 2° Etre une société dans laquelle au moins un associé répond, au titre de son activité dans la société, aux conditions fixées au 1° ; / 3° Etre une société ou une société civile d’exploitation agricole, sans associé redevable de la cotisation due au titre de l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, mentionnée à l’article L. 752-1, sous réserve d’exercer une des activités mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 722-1 et que le ou les dirigeants de cette société : / a) Relèvent du régime de protection sociale des salariés des professions agricoles au titre des 8° ou 9° de l’article L. 722-20, ou au titre du 1° de l’article L. 722-20 pour le gérant d’une société civile d’exploitation agricole ou pour le mandataire social de la société ; / b) N’ont pas fait valoir leurs droits à la retraite auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires alors qu’ils ont atteint l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ; / c) Détiennent une part minimale du capital social de la société fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ; / (…) « . L’arrêté attaqué a été pris pour l’application des dispositions du c du 3° de cet article.

Sur la requête :

7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l’article 118 du règlement (UE) 2021/2115 citées au point 4 qu’en approuvant le plan stratégique relevant de la PAC 2023-2027 élaboré par chaque Etat membre, la Commission européenne se prononce nécessairement sur la conformité de ce plan stratégique aux principes généraux du droit de l’Union européenne et aux dispositions du même règlement. Il en va ainsi, par l’effet de la décision d’exécution approuvant le plan stratégique de la France, de la définition de l' » agriculteur actif  » telle qu’elle résulte du point 4.1.4 de ce plan stratégique, qui pose le principe d’une différence de traitement entre les sociétés dont aucun associé n’est affilié à l’ATEXA, pour lesquelles le bénéfice de cette qualité est subordonné à la détention d’une part minimale du capital social par des dirigeants affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles, et les sociétés dont au moins un associé est affilié à l’ATEXA, pour lesquelles aucune condition de détention d’une part minimale du capital social par cet associé n’est requise. Dès lors que la SAS Château de Campuget ne conteste pas la validité de cette décision d’exécution, elle ne peut utilement soutenir, par voie d’exception, que les dispositions du c du 3° de l’article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime, qui se bornent à reprendre en substance le contenu du point 4.1.4. du plan stratégique, méconnaîtraient l’article 4, paragraphe 5, du règlement (UE) 2021/2115 et le principe d’égalité garanti par le droit de l’Union européenne, ni, par voie de conséquence, le principe constitutionnel d’égalité dont l’application du principe d’égalité du droit de l’Union européenne garantit, au regard du moyen invoqué, l’effectivité du respect.

8. En deuxième lieu, les dispositions contestées de l’arrêté attaqué, combinées à celles de l’article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime dont elles font application, ont pour effet, conformément aux orientations du plan stratégique approuvé par la Commission européenne, de subordonner le bénéfice de la qualité d’agriculteur actif, dans le cas d’une société dont aucun associé n’est affilié à l’ATEXA, à la détention d’une part minimale de 5 % de son capital social par des dirigeants affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles, aucune condition de détention d’une part minimale du capital social par un associé n’étant en revanche posée, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, dans le cas d’une société dont au moins un associé est affilié à l’ATEXA. Il ressort des pièces du dossier qu’en définissant ces conditions, le pouvoir réglementaire a entendu réserver le bénéfice de la qualité d’agriculteur actif aux sociétés dont au moins un associé qui soit intéressé, dans une proportion minimale, aux résultats de l’exploitation, participe effectivement à l’activité agricole. Au regard de cet objectif, les sociétés dont un associé est affilié à l’ATEXA, ce qui implique, en vertu du 5° de l’article L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime, qu’il consacre effectivement son activité à l’exploitation dont il est associé, ne sont pas dans la même situation que les sociétés dont les associés ne sont pas affiliés à l’ATEXA et le seuil de 5 % du capital social fixé en cas d’absence d’associé affilié à l’ATEXA n’apparaît pas manifestement disproportionné au regard de l’objectif ainsi poursuivi. La SAS Château de Campuget n’est, par suite, pas fondée à soutenir qu’en retenant un taux de 5 % l’arrêté attaqué méconnaîtrait le principe constitutionnel d’égalité.

9. En troisième lieu, la société requérante soutient que les dispositions contestées méconnaissent le principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre, dès lors qu’elles introduisent une différence de traitement injustifiée dans l’accès à un régime d’aide. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, ce moyen ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

10. En dernier lieu, la SAS Château de Campuget soutient que l’arrêté attaqué, en faisant perdre sans justification à certaines des sociétés qui en bénéficiaient la qualité d’agriculteur actif, et donc l’accès aux aides de la PAC, méconnaît les stipulations combinées de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. La modification des conditions exigées par la réglementation pour reconnaître la qualité d' » agriculteur actif  » ouvrant droit aux aides de la PAC ne saurait cependant, en tout état de cause, être regardée comme portant atteinte à une espérance légitime ayant le caractère d’un bien au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SAS Château de Campuget doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de la SAS Château de Campuget est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Château de Campuget et à la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l’issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, conseillers d’Etat, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillères d’Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d’Etat-rapporteur.

Conseil d’État

N° 475895
ECLI:FR:CECHR:2025:475895.20250221
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Géraud Sajust de Bergues, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique

Lecture du vendredi 21 février 2025

Recours ouvert aux candidats pour la rétrocession de parcelles acquises par une SAFER

26/03/2025

Recours ouvert aux candidats pour la rétrocession de parcelles acquises par une SAFER

La décision de rétrocession de parcelles acquises à l’amiable par une SAFER peut faire l’objet d’un recours par tout candidat à cette rétrocession.

En l’espèce, une SAFER publie un appel à candidature en vue de l’attribution de diverses parcelles agricoles appartenant à un particulier, d’abord en un seul lot puis en trois lots. Le candidat formalise une fiche de candidature pour l’acquisition de l’ensemble des terres par moitié avec un autre candidat, au prix fixé par la SAFER. Ce dernier formalise, de même, une fiche de candidature pour l’acquisition de l’ensemble des terres pour le même prix en précisant que l’offre est formulée conjointement. Un avis d’attribution désignant une société civile immobilière (SCI) est affiché à la mairie du lieu de situation de l’immeuble. Un des candidats évincés assigne la SAFER en annulation de la décision de rétrocession, puis il assigne le propriétaire et la SCI en annulation de la vente des parcelles intervenue par acte authentique. La SAFER soulève une fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité à agir.

Pour déclarer irrecevable l’action en annulation de la décision de rétrocession de la SAFER et des actes subséquents, l’arrêt d’appel retient que le candidat évincé n’a formalisé qu’une fiche de candidature pour l’acquisition des terres par moitié avec un autre candidat. Or, la mention que son projet d’acquisition de l’ensemble des parcelles au prix demandé est commun à celui d’un autre candidat ne prive pas un candidat de la qualité pour agir seul en annulation de la décision de rétrocession à un tiers et de ses actes subséquents, juge la Cour de cassation.

La cour d’appel a donc violé les articles L. 143-14 et R. 142-1 du Code rural et de la pêche maritime desquels il résulte que la décision de rétrocession de parcelles acquises à l’amiable par une SAFER peut faire l’objet d’un recours par tout candidat à cette rétrocession.

Source

© LexisNexis SA Cass. 3e civ., 13 mars 2025, n° 23-20.390, FS-B

Refus d’autorisation d’exploiter : contestation des motifs de l’arrêté préfectoral

Le préfet doit se fonder sur les seuls éléments de droit et de fait connus à la date de sa décision.

Un préfet avait refusé une autorisation d’exploiter des terres à une EARL au motif que la reprise envisagée revenait à faire descendre la surface exploitée par le preneur en place en deçà du seuil de viabilité résultant du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA). L’EARL a alors demandé au tribunal administratif d’annuler l’arrêté préfectoral pour excès de pouvoir. Elle obtient gain de cause en appel.

En effet, la cour d’appel enjoint au préfet de réexaminer sa demande. Selon elle, il aurait dû tenir compte  » des évolutions suffisamment certaines, à la date de l’arrêté litigieux, que devait subir à brève échéance le preneur en place « . Le Conseil d’État annule son arrêt. La décision du préfet ne pouvait reposer sur l’obtention d’un bail hypothétique portant sur une superficie supplémentaire au profit du preneur en place, il devait statuer en considération des seuls éléments de droit et de fait prévalant à la date de sa décision.

Source

CE, 14 févr. 2025, n° 475847

La loi suisse applicable au bail rural est compatible avec l’ordre public du for

La loi suisse applicable au bail rural est compatible avec l’ordre public du for. Tant la loi suisse que la loi française reconnaissent au preneur un droit de préemption, dont les conditions différentes d’application répondent néanmoins à des régimes proches qui ne sont pas incompatibles.

Le droit de préemption défini par la loi française n’est pas inconditionnel, en ce que le preneur doit remplir certaines conditions pour en bénéficier, notamment quant à la durée de son exercice professionnel ou de la superficie par exemple. La seule condition de durée du bail fixée par la loi helvétique ne saurait suffire à caractériser une incompatibilité manifeste du droit de préemption suisse avec le statut français des baux ruraux. La liberté laissée au bailleur de vendre sa parcelle avant l’expiration d’un délai de six ans ne peut être qualifiée de purement potestative en ce que la décision de vendre une parcelle affermée ne procède pas uniquement de la volonté du bailleur, mais repose également sur l’intention d’acheter d’un tiers acquéreur. Enfin, il n’est pas établi que la vente litigieuse serait intervenue en fraude aux droits du preneur en ce qu’elle n’est pas intervenue un jour avant l’écoulement du délai du bail de six ans. Le preneur ne bénéficiait donc pas d’un droit de préemption en vertu du droit suisse applicable.

Source

CA Colmar, 3e ch., 17 févr. 2025, n° 23/02350 : JurisData n° 2025-001617

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