DEFINITION DE L’AGRICULTEUR ACTIF



1. La SAS Château de Campuget demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 1er de l’arrêté du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire du 13 mai 2023 fixant la part minimale du capital social à détenir pour l’application de la définition de l’agriculteur actif à certaines formes sociétaires dans le cadre de la politique agricole commune, dont les dispositions fixent cette part minimale à 5 %.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l’article 1er du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021, établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les Etats membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) :  » 1. Le présent règlement établit des règles concernant : / a) les objectifs généraux et spécifiques à réaliser au moyen des aides de l’Union financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) au titre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que les indicateurs y afférents ; / (…) / c) les plans stratégiques relevant de la PAC à élaborer par les États membres, et qui fixent les valeurs cibles, précisent les conditions des interventions et affectent les ressources financières, conformément aux objectifs spécifiques et aux besoins recensés ; / (…) / 2. Le présent règlement s’applique aux aides de l’Union financées par le FEAGA et le Feader pour les interventions mentionnées dans un plan stratégique relevant de la PAC élaboré par un État membre et approuvé par la Commission, portant sur la période allant du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2027 (ci-après dénommée ‘période couverte par le plan stratégique relevant de la PAC’) « .

3. D’une part, aux termes de l’article 4 du même règlement, intitulé  » Définitions et conditions à fournir dans les plans stratégiques relevant de la PAC  » :  » 1. Les États membres indiquent dans leurs plans stratégiques relevant de la PAC les définitions de l’activité agricole, de la ‘surface agricole’, de l’hectare admissible’, de l’agriculteur actif, du jeune agriculteur et du nouvel agriculteur, ainsi que les conditions pertinentes conformément au présent article. / (…) / 5. L’agriculteur actif est déterminé de façon à garantir que l’aide ne soit accordée qu’aux personnes physiques ou morales ou aux groupements de personnes physiques ou morales exerçant au moins un niveau minimal d’activité agricole, sans nécessairement exclure la possibilité d’accorder l’aide aux agriculteurs pluriactifs ou aux agriculteurs à temps partiel. / Pour déterminer qui est un ‘agriculteur actif’, les États membres appliquent des critères objectifs et non discriminatoires tels que le revenu, la main-d’oeuvre occupée sur l’exploitation agricole, l’objet social et l’inscription de ses activités agricoles dans les registres nationaux ou régionaux. Ces critères peuvent être introduits sous une ou plusieurs formes choisies par les États membres, y compris au moyen d’une liste négative empêchant un agriculteur d’être considéré comme un agriculteur actif. Si un État membre considère comme ‘agriculteurs actifs’ les agriculteurs n’ayant pas reçu pour l’année précédente des paiements directs dépassant un certain montant, ce montant n’est pas supérieur à 5 000 EUR / (…) « .

4. D’autre part, aux termes de l’article 118 du même règlement : /  » 1. Chaque État membre soumet à la Commission une proposition de plan stratégique relevant de la PAC, dont le contenu est celui visé à l’article 107, au plus tard le 1er janvier 2022. / (…) / 2. La Commission évalue le plan stratégique relevant de la PAC proposé au regard de son exhaustivité, de sa cohérence et de sa compatibilité avec les principes généraux du droit de l’Union, avec le présent règlement et les actes délégués et d’exécution adoptés en application de celui-ci (…) / (…) / 4. La Commission approuve le plan stratégique relevant de la PAC proposé à condition que les informations nécessaires aient été communiquées et que le plan soit compatible avec l’article 9 et les autres exigences énoncées dans le présent règlement et dans le règlement (UE) 2021/2116, ainsi qu’avec les actes délégués et d’exécution adoptés en application de ces actes. L’approbation se fonde exclusivement sur des actes qui sont juridiquement contraignants pour les États membres. / (…) / 6. La Commission approuve chaque plan stratégique relevant de la PAC au moyen d’une décision d’exécution sans appliquer la procédure de comité visée à l’article 153. / 7. Les plans stratégiques relevant de la PAC ne produisent des effets juridiques qu’après leur approbation par la Commission « .

5. En application de l’article 118, paragraphe 6, du règlement (UE) 2021/2115 cité au point précédent, la Commission européenne, par une décision d’exécution C (2022) 6012 du 31 août 2022, a approuvé la version finale du plan stratégique relevant de la PAC pour la période 2023-2027 de la France, qui lui avait été soumise le 4 août 2022. Le point 4.1.4. de ce plan stratégique prévoit, notamment, que, pour qu’une société ait la qualité d’agriculteur actif, l’un de ses associés au moins doit remplir les conditions fixées pour qu’une personne physique ait cette qualité, dont celle d’être affilié à l’assurance accident du travail et maladie professionnelle des exploitants agricoles (ATEXA) ou bien, si aucun de ses associés n’est affilié à l’ATEXA, son ou ses dirigeants doivent être affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles et détenir un pourcentage de parts sociales qui sera défini dans la réglementation nationale.

6. Pour tirer les conséquences de la décision d’approbation, le décret du 30 décembre 2022 relatif aux aides du plan stratégique national de la politique agricole commune a inséré, dans le code rural et de la pêche maritime, un article D. 614-1 qui dispose, dans sa version en vigueur à la date d’adoption de l’arrêté attaqué :  » Pour l’application des régimes d’aide relevant de la politique agricole commune, est considéré comme agriculteur actif, le demandeur qui remplit l’une des conditions suivantes : / 1° Etre une personne physique répondant aux critères cumulatifs suivants : / a) Etre redevable, pour son propre compte, de la cotisation due au titre de l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles mentionnée à l’article L. 752-1 pour les activités mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 722-1 ; / (…) / b) En cas d’atteinte de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, ne pas avoir fait valoir ses droits à la retraite auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires ; / 2° Etre une société dans laquelle au moins un associé répond, au titre de son activité dans la société, aux conditions fixées au 1° ; / 3° Etre une société ou une société civile d’exploitation agricole, sans associé redevable de la cotisation due au titre de l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, mentionnée à l’article L. 752-1, sous réserve d’exercer une des activités mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 722-1 et que le ou les dirigeants de cette société : / a) Relèvent du régime de protection sociale des salariés des professions agricoles au titre des 8° ou 9° de l’article L. 722-20, ou au titre du 1° de l’article L. 722-20 pour le gérant d’une société civile d’exploitation agricole ou pour le mandataire social de la société ; / b) N’ont pas fait valoir leurs droits à la retraite auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires alors qu’ils ont atteint l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ; / c) Détiennent une part minimale du capital social de la société fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ; / (…) « . L’arrêté attaqué a été pris pour l’application des dispositions du c du 3° de cet article.

Sur la requête :

7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l’article 118 du règlement (UE) 2021/2115 citées au point 4 qu’en approuvant le plan stratégique relevant de la PAC 2023-2027 élaboré par chaque Etat membre, la Commission européenne se prononce nécessairement sur la conformité de ce plan stratégique aux principes généraux du droit de l’Union européenne et aux dispositions du même règlement. Il en va ainsi, par l’effet de la décision d’exécution approuvant le plan stratégique de la France, de la définition de l' » agriculteur actif  » telle qu’elle résulte du point 4.1.4 de ce plan stratégique, qui pose le principe d’une différence de traitement entre les sociétés dont aucun associé n’est affilié à l’ATEXA, pour lesquelles le bénéfice de cette qualité est subordonné à la détention d’une part minimale du capital social par des dirigeants affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles, et les sociétés dont au moins un associé est affilié à l’ATEXA, pour lesquelles aucune condition de détention d’une part minimale du capital social par cet associé n’est requise. Dès lors que la SAS Château de Campuget ne conteste pas la validité de cette décision d’exécution, elle ne peut utilement soutenir, par voie d’exception, que les dispositions du c du 3° de l’article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime, qui se bornent à reprendre en substance le contenu du point 4.1.4. du plan stratégique, méconnaîtraient l’article 4, paragraphe 5, du règlement (UE) 2021/2115 et le principe d’égalité garanti par le droit de l’Union européenne, ni, par voie de conséquence, le principe constitutionnel d’égalité dont l’application du principe d’égalité du droit de l’Union européenne garantit, au regard du moyen invoqué, l’effectivité du respect.

8. En deuxième lieu, les dispositions contestées de l’arrêté attaqué, combinées à celles de l’article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime dont elles font application, ont pour effet, conformément aux orientations du plan stratégique approuvé par la Commission européenne, de subordonner le bénéfice de la qualité d’agriculteur actif, dans le cas d’une société dont aucun associé n’est affilié à l’ATEXA, à la détention d’une part minimale de 5 % de son capital social par des dirigeants affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles, aucune condition de détention d’une part minimale du capital social par un associé n’étant en revanche posée, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, dans le cas d’une société dont au moins un associé est affilié à l’ATEXA. Il ressort des pièces du dossier qu’en définissant ces conditions, le pouvoir réglementaire a entendu réserver le bénéfice de la qualité d’agriculteur actif aux sociétés dont au moins un associé qui soit intéressé, dans une proportion minimale, aux résultats de l’exploitation, participe effectivement à l’activité agricole. Au regard de cet objectif, les sociétés dont un associé est affilié à l’ATEXA, ce qui implique, en vertu du 5° de l’article L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime, qu’il consacre effectivement son activité à l’exploitation dont il est associé, ne sont pas dans la même situation que les sociétés dont les associés ne sont pas affiliés à l’ATEXA et le seuil de 5 % du capital social fixé en cas d’absence d’associé affilié à l’ATEXA n’apparaît pas manifestement disproportionné au regard de l’objectif ainsi poursuivi. La SAS Château de Campuget n’est, par suite, pas fondée à soutenir qu’en retenant un taux de 5 % l’arrêté attaqué méconnaîtrait le principe constitutionnel d’égalité.

9. En troisième lieu, la société requérante soutient que les dispositions contestées méconnaissent le principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre, dès lors qu’elles introduisent une différence de traitement injustifiée dans l’accès à un régime d’aide. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, ce moyen ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

10. En dernier lieu, la SAS Château de Campuget soutient que l’arrêté attaqué, en faisant perdre sans justification à certaines des sociétés qui en bénéficiaient la qualité d’agriculteur actif, et donc l’accès aux aides de la PAC, méconnaît les stipulations combinées de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. La modification des conditions exigées par la réglementation pour reconnaître la qualité d' » agriculteur actif  » ouvrant droit aux aides de la PAC ne saurait cependant, en tout état de cause, être regardée comme portant atteinte à une espérance légitime ayant le caractère d’un bien au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SAS Château de Campuget doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SAS Château de Campuget est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Château de Campuget et à la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l’issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, conseillers d’Etat, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillères d’Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d’Etat-rapporteur.

Conseil d’État

N° 475895
ECLI:FR:CECHR:2025:475895.20250221
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Géraud Sajust de Bergues, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique

Lecture du vendredi 21 février 2025

Recours ouvert aux candidats pour la rétrocession de parcelles acquises par une SAFER

26/03/2025

Recours ouvert aux candidats pour la rétrocession de parcelles acquises par une SAFER

La décision de rétrocession de parcelles acquises à l’amiable par une SAFER peut faire l’objet d’un recours par tout candidat à cette rétrocession.

En l’espèce, une SAFER publie un appel à candidature en vue de l’attribution de diverses parcelles agricoles appartenant à un particulier, d’abord en un seul lot puis en trois lots. Le candidat formalise une fiche de candidature pour l’acquisition de l’ensemble des terres par moitié avec un autre candidat, au prix fixé par la SAFER. Ce dernier formalise, de même, une fiche de candidature pour l’acquisition de l’ensemble des terres pour le même prix en précisant que l’offre est formulée conjointement. Un avis d’attribution désignant une société civile immobilière (SCI) est affiché à la mairie du lieu de situation de l’immeuble. Un des candidats évincés assigne la SAFER en annulation de la décision de rétrocession, puis il assigne le propriétaire et la SCI en annulation de la vente des parcelles intervenue par acte authentique. La SAFER soulève une fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité à agir.

Pour déclarer irrecevable l’action en annulation de la décision de rétrocession de la SAFER et des actes subséquents, l’arrêt d’appel retient que le candidat évincé n’a formalisé qu’une fiche de candidature pour l’acquisition des terres par moitié avec un autre candidat. Or, la mention que son projet d’acquisition de l’ensemble des parcelles au prix demandé est commun à celui d’un autre candidat ne prive pas un candidat de la qualité pour agir seul en annulation de la décision de rétrocession à un tiers et de ses actes subséquents, juge la Cour de cassation.

La cour d’appel a donc violé les articles L. 143-14 et R. 142-1 du Code rural et de la pêche maritime desquels il résulte que la décision de rétrocession de parcelles acquises à l’amiable par une SAFER peut faire l’objet d’un recours par tout candidat à cette rétrocession.

Source

© LexisNexis SA Cass. 3e civ., 13 mars 2025, n° 23-20.390, FS-B

Refus d’autorisation d’exploiter : contestation des motifs de l’arrêté préfectoral

Le préfet doit se fonder sur les seuls éléments de droit et de fait connus à la date de sa décision.

Un préfet avait refusé une autorisation d’exploiter des terres à une EARL au motif que la reprise envisagée revenait à faire descendre la surface exploitée par le preneur en place en deçà du seuil de viabilité résultant du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA). L’EARL a alors demandé au tribunal administratif d’annuler l’arrêté préfectoral pour excès de pouvoir. Elle obtient gain de cause en appel.

En effet, la cour d’appel enjoint au préfet de réexaminer sa demande. Selon elle, il aurait dû tenir compte  » des évolutions suffisamment certaines, à la date de l’arrêté litigieux, que devait subir à brève échéance le preneur en place « . Le Conseil d’État annule son arrêt. La décision du préfet ne pouvait reposer sur l’obtention d’un bail hypothétique portant sur une superficie supplémentaire au profit du preneur en place, il devait statuer en considération des seuls éléments de droit et de fait prévalant à la date de sa décision.

Source

CE, 14 févr. 2025, n° 475847

La loi suisse applicable au bail rural est compatible avec l’ordre public du for

La loi suisse applicable au bail rural est compatible avec l’ordre public du for. Tant la loi suisse que la loi française reconnaissent au preneur un droit de préemption, dont les conditions différentes d’application répondent néanmoins à des régimes proches qui ne sont pas incompatibles.

Le droit de préemption défini par la loi française n’est pas inconditionnel, en ce que le preneur doit remplir certaines conditions pour en bénéficier, notamment quant à la durée de son exercice professionnel ou de la superficie par exemple. La seule condition de durée du bail fixée par la loi helvétique ne saurait suffire à caractériser une incompatibilité manifeste du droit de préemption suisse avec le statut français des baux ruraux. La liberté laissée au bailleur de vendre sa parcelle avant l’expiration d’un délai de six ans ne peut être qualifiée de purement potestative en ce que la décision de vendre une parcelle affermée ne procède pas uniquement de la volonté du bailleur, mais repose également sur l’intention d’acheter d’un tiers acquéreur. Enfin, il n’est pas établi que la vente litigieuse serait intervenue en fraude aux droits du preneur en ce qu’elle n’est pas intervenue un jour avant l’écoulement du délai du bail de six ans. Le preneur ne bénéficiait donc pas d’un droit de préemption en vertu du droit suisse applicable.

Source

CA Colmar, 3e ch., 17 févr. 2025, n° 23/02350 : JurisData n° 2025-001617

LFSS 2025 : l’essentiel des mesures en faveur du monde agricole

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2025, parue au Journal officiel du 28 février 2025, comprend un ensemble de mesures destinées à alléger la charge sociale des non-salariés agricoles.

Dans le cadre des différents dispositifs mis en place pour soutenir le secteur agricole en grandes difficultés, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 comporte de véritables avancées sociales pour l’exploitant agricole.

Réforme du mode de calcul des pensions versées aux non-salariés agricoles. – En vue d’améliorer la situation des retraités agricoles, l’article 87 de la loi modifie le mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles (NSA) en vue de l’aligner sur le régime général des indépendants en passant d’un régime par points à un régime par annuités.

Actuellement, le mode de calcul de la pension de retraite de base d’un non-salarié agricole se compose d’une pension forfaitaire (AVI) et d’une pension proportionnelle par points (AVA) dont le montant dépend à la fois des cotisations versées et de la durée d’assurance. Dès 2026, les retraites des NSA seront calculées sur la base des 25 meilleures années de revenus, ce qui permettra de substituer une pension unique aux pensions de retraite forfaitaires et proportionnelles.

Mais, compte tenu de la complexité du passage d’un régime à l’autre au regard des informations détenues par la MSA, la réforme ne pourra être opérationnelle qu’à compter du 1er janvier 2028. Les pensions liquidées entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2027 seront calculées selon les règles actuelles.

À une date fixée par décret, et au plus tard le 31 mars 2028, le niveau de la pension sera révisé et les sommes versées antérieurement feront l’objet d’une régularisation. Soit le montant sera revu à la hausse si le nouveau calcul est plus favorable au retraité, soit il sera maintenu en l’état s’il lui est défavorable.

Consécutivement, l’article 3 de la loi aligne l’effort contributif des NSA sur celui des travailleurs indépendants, sachant que deux spécificités agricoles seront conservées : l’assiette triennale ainsi que l’annualisation des cotisations (C. rur., art. L. 731-42). Cet alignement va également impacter le chef d’exploitation à titre secondaire ainsi que les membres de famille à titre exclusif, principal ou secondaire.

Emploi de saisonniers agricoles : pérennisation du dispositif d’exonération TO-DE. – Le régime d’exonération de cotisations patronales pour l’embauche, sous conditions, de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE), qui devait cesser à la fin de l’année 2025, est pérennisé par l’article 8 de la loi (C. rur., art. L. 741-16).

Cet article relève, dès le 1er mai 2024, son plafond d’exonération totale de 1,20 à 1,25 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Ainsi, pour les cotisations dues au titre des rémunérations dues au titre des périodes courant à compter du 1er mai 2024, l’exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 25 % et devient nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 60 % (1,6 SMIC).

Enfin, les articles 9 et 10 étendent le dispositif d’exonération respectivement aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) mettant des salariés à la disposition de leurs adhérents (C. rur. art. L. 741-16, V) et aux coopératives qui mettent à disposition du personnel, pour le conditionnement des fruits et légumes, lorsque ces tâches temporaires sont accomplies sous l’autorité d’un exploitant agricole et constituent le prolongement direct de l’acte de production. (C. rur. art. L. 741-16 et CGI, art. 1451, I, 1°, avant dernier alinéa).

Cette mesure doit faire l’objet d’une évaluation par le gouvernement avant le 1er octobre 2025.

Exonération applicable aux jeunes agriculteurs : cumul avec les taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille. – Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, âgés de 18 à 40 ans au plus à la date de leur affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées agricoles, bénéficient d’une exonération partielle des cotisations des branches maladie, vieillesse et famille dont ils sont redevables pour eux-mêmes. À compter des cotisations sociales dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2025, ces exonérations sont cumulables avec les réductions dégressives de cotisations sociales instituées au profit de l’ensemble des travailleurs indépendants durant les 5 premières années qui suivent leur installation : 65 % la 1re année, 55 % la deuxième, 35 % la troisième, 25 % la quatrième et 15 % la cinquième (CSS, art. L. 613-1 et C. rur., art. L. 731-13).

À défaut, l’application du taux réduit pour les JA aurait conduit à un montant supérieur à celui appliqué dans le droit commun.

Revenus tirés de la location des gîtes ruraux : maintien de l’assiette sociale. – Pour le calcul des cotisations et des contributions dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2026, l’article 12 cristallise l’assiette sociale des exploitants pour les sommes dues à raison des meublés de tourisme dans son ancien renvoi au régime des bénéfices dit « micro-entreprises » (CGI, art. 50-0). Les agriculteurs continuent donc à bénéficier du régime antérieur à la loi Airbnb n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale et qui aurait eu une répercussion sur l’assiette sociale des non-salariés agricoles (C. rur., art. L. 731‑14‑1, A).

Le statut de conjoint collaborateur : un statut limité dans le temps. – Depuis le 1er janvier 2022, les personnes qui deviennent collaborateurs du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ne peuvent pas conserver cette qualité plus de 5 ans. L’article 87 de la loi précise que pour les personnes exerçant au 1er janvier 2022 une activité professionnelle sous ce statut, la durée de 5 ans s’apprécie au regard des seules périodes postérieures à cette date. Toutefois, si ces personnes atteignent l’âge de la retraite à taux plein avant le 1er janvier 2032, cette durée peut être prolongée jusqu’à la liquidation de leurs droits à pension ( C. rur., art. L. 321-5 ).

Source

L. n° 2025-199, 28 févr. 2025, art. 8, 9, 10, 11, 12, 87 : JO 28 févr. 2025

© LexisNexis SA

Arrachage et bail rural et indemnités et remise en état

______________________

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 29 septembre 2022), par acte du 28 novembre 1978, Mme [Z] et son époux, [E] [X], aux droits duquel sont venues Mmes [S] et [O] [X], (les bailleresses) ont consenti à la société La Crête de [Localité 6] (la société) un bail rural à long terme sur deux parcelles en nature de terre.

2. Par acte du 27 juillet 2016, les bailleresses ont donné congé à la société à effet au 14 novembre 2020 aux fins de reprise des parcelles.

3. Par arrêt irrévocable du 12 septembre 2019, le congé a été validé.

4. Le 16 novembre 2020, la société a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en indemnisation des améliorations apportées au fonds.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande indemnitaire de sortie de ferme, de dire qu’elle devra procéder elle-même à l’arrachage des arbres et plantations sur les parcelles, de la condamner, à défaut de remise en état, au paiement d’une certaine somme au titre des frais de remise en état et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation, alors « que le preneur qui a, par son travail ou ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur quelle que soit la cause qui a mis fin au bail ; que sont réputées non-écrites toutes clauses ou conventions ayant pour effet de supprimer ou de restreindre les droits conférés au preneur sortant ou au bailleur ; qu’en faisant produire effet à la clause suivant laquelle « quelle que soit la cause qui mettra fin au bail, la société La crête de [Localité 6] n’aura droit, à l’expiration de ce bail, à aucune indemnité pour les travaux ou investissements qu’elle aura pu faire », les juges du fond ont violé les articles L. 411-69 et L. 411-77 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l’article 1134 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-69, alinéa 1er, L. 411-72 et L. 411-77 du code rural et de la pêche maritime :

6. Aux termes du premier de ces textes, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.

7. Aux termes du deuxième, s’il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi.

8. Selon le dernier, sont réputées non écrites toutes clauses ou conventions ayant pour effet de supprimer ou de restreindre les droits conférés au preneur sortant ou au bailleur par les dispositions précédentes.

9. L’arrêt constate, d’abord, que le bail unissant les parties impose à la société de transformer les parcelles de terre en verger et contient la stipulation suivante : « Quelle que soit la cause qui mettra fin au bail, la société (…) n’aura droit, à l’expiration de ce bail, à aucune indemnité pour les travaux ou investissements qu’elle aura pu faire. Bien au contraire, elle devra (…) rendre la pièce de terre nue comme elle l’a prise et, pour ce faire, elle disposera d’un délai de trois mois à compter de l’expiration du bail pour, à ses frais, arracher et enlever les arbres qu’elle aura plantés, faire disparaître toutes installations, et rendre la pièce de terre dans son état d’origine, c’est-à-dire en nature de labour prêt à être ensemencé ».

10. Il retient, ensuite, que cette clause imposant la remise en état à nu des terres à l’issue du bail implique que les parties ne considèrent pas la plantation du verger comme une amélioration apportée aux terres louées.

11. Puis, après avoir énoncé que l’indemnité de sortie pour amélioration n’est due que si les améliorations persistent en fin de bail, il relève que la clause du bail prévoyant l’arrachage du verger à la fin du bail rend sans effet pour le bailleur les améliorations apportées par la plantation d’un verger.

12. Il ajoute, enfin, que le bailleur a par cette obligation de remise des parcelles dans leur état d’origine nécessairement renoncé dès la conclusion du bail à la propriété des arbres plantés.

13. En statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une dégradation, qui seule aurait pu justifier l’obligation imposée au preneur d’arracher les plantations en fin de bail, et alors que le bailleur ne peut contraindre le preneur à renoncer par avance à l’indemnité qui lui est due à l’expiration du bail, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation du chef de dispositif prononçant le rejet de la demande d’indemnité de sortie de ferme n’atteint pas le chef de dispositif condamnant la société à payer une indemnité d’occupation, dès lors que les motifs censurés ne sont pas le soutien de cette décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande indemnitaire de sortie de ferme formée par la société La Crête de [Localité 6], dit qu’elle devra procéder elle-même à l’arrachage des arbres et plantations sur les parcelles, la condamne, à défaut de remise en état, au paiement d’une certaine somme au titre des frais de remise en état et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne Mme [Z] et Mmes [S] et [O] [X] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et Mmes [S] et [O] [X] et les condamne à payer à la société La Crête de [Localité 6] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre.

CC arrêt du 12 septembre 2024 Cassation partielle n° 476 F-D Pourvoi n° Q 22-24.251

Contrats – Bail rural : le preneur qui ne peut jouir du bien loué démontre un intérêt légitime à demander une expulsion – Veille

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La loi ne limitant pas le droit d’agir en expulsion à des personnes qualifiées, l’action en expulsion est ouverte, en application de l’article 31 du Code de procédure civile, à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès de cette action. Telle est la solution posée par la Cour de cassation dans une décision du 14 novembre 2024.

En l’espèce, se prévalant de baux consentis à son profit sur des parcelles, une SCEA a assigné une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en expulsion, soutenant que les baux consentis à cette dernière sur ces mêmes parcelles lui étaient inopposables.

C’est à bon droit que la SCEA fait grief à l’arrêt d’appel de déclarer irrecevable sa demande d’expulsion. Pour la rejeter, les juges du fond ont retenu que la SCEA se prévaut de l’existence d’un contrat de bail rural écrit la liant à plusieurs bailleurs dont découlent un droit de jouissance à son bénéfice et une obligation de délivrance à la charge des bailleurs, de sorte que seuls ces derniers ont qualité pour demander l’expulsion de l’EARL. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 31 du Code de procédure civile. La loi ne limite pas le droit d’agir en expulsion à des personnes qualifiées et l’intérêt à agir de la SCEA n’est pas contesté, juge la Cour de cassation.

Ainsi, la Cour de cassation juge, en l’espèce, que la cour d’appel qui a fait prévaloir les baux consentis à l’EARL sur ceux consentis à la SCEA viole l’article 1328 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 duquel il résulte qu’un acte ne peut avoir date certaine que si est remplie l’une des trois conditions limitativement énumérées. En effet, aux termes de ce texte, les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d’inventaire. Or, en l’espèce, la cour d’appel a estimé que les baux dont se prévalait l’EARL avaient acquis date certaine au motif qu’elle pouvait elle-même en dater la conclusion avec certitude comme étant antérieurs à ceux dont se prévaut la SCEA.

Cass. 3e civ., 14 nov. 2024, n° 23-13.884, FS-B : JurisData n° 2024-020407

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Société civile immobilière – Conditions strictes pour le retrait d’un associé d’une société civile immobilière en jouissance à temps partagé – Veille

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Pour obtenir son retrait d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, un associé doit non seulement justifier d’une situation personnelle difficile, mais aussi démontrer l’impossibilité d’utiliser autrement ses droits.

Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 novembre, précisant que :

« Les justes motifs, prévus à l’article 19-1 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986, autorisant le retrait judiciaire de l’associé d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, s’apprécient par la mise en balance des considérations liées à la situation personnelle de celui-ci et de l’intérêt collectif des associés restants au maintien de cette forme sociale d’offre touristique ».

En l’espèce, deux époux avaient acquis en 1997 des parts d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé. Ils ont demandé en justice l’autorisation de se retirer de la société pour justes motifs, en application de l’article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986.

Après le rejet de leur demande par la cour d’appel, le couple s’est pourvu en cassation, mais sans plus de succès.

Les juges avaient constaté que l’épouse, en raison de graves problèmes de santé, n’était manifestement plus en état de se déplacer pour user personnellement du droit de jouissance de l’appartement en cause et que son mari ne pouvait pas plus occuper seul le bien. Toutefois, ils ont considéré que ces constatations étaient insuffisantes pour caractériser de justes motifs de retrait, et ce, en raison du fait que les époux associés devaient également rapporter la preuve qu’ils ne pouvaient utiliser autrement leurs droits en les cédant ou en louant l’appartement.

Ainsi, le couple était parvenu à démontrer ne pas pouvoir utiliser personnellement l’appartement en cause, mais n’avait pas rapporté la preuve de l’impossibilité de céder leurs droits ou de louer l’appartement les semaines où ils en avaient la jouissance. Les juges – du fond et de cassation – ont retenu qu’il ne justifiait ainsi pas d’un juste motif de retrait de la société.

Cass. 3e civ., 21 nov. 2024, n° 23-16.857, FS-B : JurisData n° 2024-022002

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Point de départ de la prescription en matière de cession illicite de bail rural

Dans un arrêt du 12 décembre 2024, la Cour de cassation rappelle que le point de départ de la prescription de l’action en résiliation du bail rural pour cession ou sous-location prohibées se situe au jour où ces infractions ont cessé (V. Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, n° 16-18.724  : JurisData n° 2018-001035).

Elle précise que l’apport du droit au bail à une société sans l’agrément du bailleur, en violation de l’article L. 411-38 du Code rural et de la pêche maritime, s’analysant en une cession prohibée, le point de départ de la prescription de l’action en résiliation du bail rural se situe au jour où cette infraction a cessé.

Cass. 3e civ., 12 déc. 2024, n° 23-20.354, FS-B

Tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 3 février 2023), la société Union de coopératives agricoles évolution a conclu avec M. [W] un accord-cadre dénommé « Élevage partenaire XY création » portant sur la sélection et l’amélioration de la génétique de vaches de race normande ainsi qu’un contrat d’application concernant la vache dénommée Iroise.

2. A la suite de la résiliation de l’accord-cadre par M. [W], la société Union évolution, venant aux droits de la société Union des coopératives agricoles évolution, l’a assigné en paiement de dommages et intérêts au titre de manquements.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la société Union évolution la somme de 34 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2017, alors « qu’il faisait valoir dans ses écritures qu’il avait bien donné les informations concernant les naissances des veaux issus de la vache Iroise, objet d’un contrat d’application « référence » en date du 16 juillet 2014 et que pour cela l’éleveur se prévalait de ce que les naissances étaient mentionnées en temps réel au fichier SIG, Système national d’Information génétique bovin, auquel la société Evolution avait accès à compter de la signature du contrat-cadre avec lui, mais aussi de l’usage dans la profession des notifications orales des naissances et de toutes les opérations réalisées, et que par conséquent, la société Evolution avait une connaissance parfaite de son élevage, en sorte qu’il n’était pas possible de reprocher à l’éleveur d’avoir manqué à ses obligations d’informer cette société et qu’il était de la seule responsabilité de la société Evolution de ne pas avoir profité de son droit de priorité et de ne pas avoir acheté les quatre veaux litigieux issus de la vache Iroise, ni de les avoir prélevés en vue de leur génotypage ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions des plus pertinentes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour condamner M. [W] à payer à la société Union évolution la somme de 34 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre des intérêts, l’arrêt retient qu’il ne démontre aucunement avoir informé la société Union des coopératives agricoles évolution de la naissance des veaux Liégeoise, Lampaul, Laitier et Licorice issus de la vache Iroise.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [W] qui, pour contester tout manquement à ses obligations contractuelles, invoquait les usages de la profession et le fait que, en application du contrat-cadre, la société Union des coopératives agricoles évolution avait pris la maîtrise de l’élevage sur le plan génétique, avait eu accès au fichier du Système national d’Information génétique bovin sur lequel les naissances sont mentionnées en temps réel et que ces informations lui permettaient de décider de l’intérêt que pouvait avoir tel ou tel animal sur le plan génétique, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’action de la société Union évolution, l’arrêt rendu le 3 février 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes autrement composée ;

Condamne la société Union évolution aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Union évolution et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 16 Octobre 2024 – n° 23-14.745

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