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La qualification du délai du preneur pour agir en indemnisation des améliorations : une forclusion

LES FAITS
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2021), les 16 et 26 novembre 2001, les sociétés civiles immobilières Héritiers d’Exea et de Montrabech (les SCI) ont donné à bail rural à long terme à la société [Adresse 3] (la locataire) des terres en nature de vigne et de champ.

2. Le bail a fait obligation à la locataire de restructurer le vignoble à ses frais exclusifs.

3. Au motif de manquements de la locataire à ses obligations contractuelles, les SCI ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et paiement de dommages-intérêts.

4. Ayant le 15 avril 2015 résilié le bail, Mme [L], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la locataire, a, reconventionnellement, demandé l’annulation de la clause de restructuration du vignoble aux frais exclusifs de la locataire et l’indemnisation des frais d’arrachage, de défonçage et de replantation, des avances aux cultures, de la perte de valeur des stocks et du manque à gagner résultant de la résolution anticipée du bail imputable aux SCI.

5. Par arrêt du 28 juin 2018 la clause de restructuration du vignoble aux frais exclusifs de la locataire a été réputée non écrite et une mesure d’expertise, a été ordonnée sur les différents chefs de préjudice allégués par les parties.

EXAMEN DES MOYENS

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

6. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

ENONCE DES MOYENS

7. La locataire fait grief à l’arrêt de fixer, au passif de sa liquidation judiciaire, à la somme de 493 966 euros la créance d’indemnisation des SCI au titre des fermages, alors « qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions, si ce n’est pour faire juger notamment les questions nées de la survenance ou de la révélation d’un fait ; qu’en retenant en l’espèce que les demandes indemnitaires présentées pour la première fois en appel étaient recevables pour cette raison qu’elles faisaient suite à un premier arrêt ayant déclaré non écrite l’une des stipulations du bail, quand cette précédente décision avait simplement fait droit à une demande présentée dès la première instance, et ne constituait dès lors pas un fait nouveau rendant recevables des demandes nouvelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 564 du code de procédure civile. »

REPONSE DE LA COUR

Vu l’article 564 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

9. Pour déclarer recevable la demande des SCI en restitution de fermages, l’arrêt retient que celle-ci, présentée pour la première fois en cause d’appel, a été formée postérieurement à l’arrêt du 28 juin 2018 ayant déclaré non écrite la clause imposant au preneur le renouvellement à sa charge du vignoble et n’est que la conséquence de cette annulation.

10. En statuant ainsi, alors que les SCI pouvaient, dès la première instance, demander à titre subsidiaire, la condamnation de la locataire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La locataire fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’indemnisation au titre des avances aux cultures, alors :

« 1°/ qu’il appartient au juge qui estime que le rapport de l’expert judiciaire désigné à l’occasion du litige est insuffisamment précis d’interroger l’expert ou d’ordonner un complément d’expertise ; qu’en l’espèce, en retenant qu’en l’absence de commentaires de l’expert judiciaire sur les documents comptables qui lui avaient été fournis, il n’était pas possible de retenir sa conclusion selon laquelle l’indemnité revendiquée par la société [Adresse 3] était conforme aux valeurs comptables certifiées, la cour d’appel, qui a fait supporter à la société demanderesse une insuffisance du rapport d’expertise, a violé les articles 1134 et 1147 anciens du code civil et l’article 1719 du même code, ensemble l’article 245 du code de procédure civile.

2°/ que le bien-fondé d’une demande indemnitaire ne dépend pas de l’exactitude de l’évaluation faite par le demandeur de son préjudice ; qu’en rejetant la demande en indemnisation des avances aux cultures à raison d’une incertitude sur le montant de ce préjudice, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 anciens du code civil et de l’article 1719 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 du code civil et 245, alinéa 1er, du code de procédure civile :

12. Il résulte du premier de ces textes que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.

13. Aux termes du second, le juge peut toujours inviter le technicien à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l’audience, ses constatations ou ses conclusions.

14. Pour rejeter la demande de la locataire au titre des avances aux cultures, l’arrêt retient que l’expert a indiqué que le montant revendiqué était conforme aux valeurs comptables certifiées mais que les SCI font, à juste titre, remarquer que les documents versés au débat, et non véritablement commentés par l’expert, ne permettent pas de retenir ce montant.

15. En statuant ainsi, sans évaluer le montant d’une créance dont elle constatait l’existence en son principe, la cour d’appel, à laquelle il appartenait, dès lors qu’elle estimait que le rapport de l’expert judiciaire, désigné à l’occasion du litige, ne lui permettait pas de se déterminer, d’interroger celui-ci ou d’ordonner en tant que de besoin un complément ou une nouvelle expertise, a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. Les SCI font grief à l’arrêt de fixer à une certaine somme l’indemnité au titre des frais d’arrachage, de défonçage et de replantation réalisés par la locataire, alors « que le droit à l’indemnité de preneur sortant sur le fondement de l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime se prescrit à peine de forclusion par douze mois à compter de la résiliation du bail ; qu’au cas présent, la résiliation du bail ayant eu lieu le 15 avril 2015, les exposantes faisaient valoir que la demande d’indemnité de preneur sortant formulée pour la première fois dans les conclusions régularisées en juin 2016 devait être déclarée prescrite ; que pour rejeter cette demande, la cour d’appel a retenu que la prescription n’avait pu courir qu’à compter de l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 28 juin 2018 ; qu’en statuant de la sorte, alors que le délai de forclusion édicté par l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime a pour point de départ la résiliation du bail, la cour d’appel a violé l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 411-69, dernier alinéa, du code rural et de la pêche maritime :

17. Aux termes de ce texte, la demande du preneur sortant relative à une indemnisation des améliorations apportées au fonds loué se prescrit par douze mois à compter de la date de fin de bail, à peine de forclusion.

18. Pour recevoir la demande de la locataire, sur ce fondement, au titre des améliorations apportées au fonds loué, l’arrêt retient qu’elle ne peut être considérée comme atteinte par la prescription qui n’a pu courir qu’à compter de l’arrêt du 28 juin 2018.

19. En statuant ainsi, alors que l’article précité a instauré un délai de forclusion d’un an courant à compter de la fin du bail, insusceptible, sauf dispositions contraires, d’interruption et de suspension, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

20. Les SCI font grief à l’arrêt de fixer à une certaine somme l’indemnisation du manque à gagner, alors « qu’en cas de résiliation fautive anticipée d’un contrat à durée déterminée, seul l’auteur de cette résiliation fautive peut être condamné à réparer le préjudice né du manque à gagner de son cocontractant ; qu’au cas présent, la société [Adresse 3] demandait à ce que les sociétés bailleresses soient condamnées à lui payer une indemnité destinée à compenser le manque à gagner qu’elle soutenait avoir subi du fait de la résiliation anticipée du bail, résiliation prononcée à la demande de sa liquidatrice Maître [M] [L] mais qu’elle prétendait imputer à la malignité des bailleurs ; que la cour d’appel a retenu, par un chef de dispositif non contesté, que la résiliation était le fait de la décision exclusive de Maître [M] [L], es-qualités, sans qu’aucune faute ne puisse être imputée aux bailleresses ; que cependant, elle a condamné les exposantes à indemniser le manque à gagner la société [Adresse 3] dû à la résiliation anticipée du contrat ; qu’en condamnant les bailleresses à réparer un préjudice lorsqu’elle constatait que son fait générateur, la résiliation anticipée du contrat, ne leur était pas imputable, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

21. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

22. Pour faire partiellement droit à la demande de la locataire en indemnisation du manque à gagner résultant de la résolution anticipée du bail l’arrêt retient qu’au regard des conclusions de l’expert et des résultats des années précédant la résiliation, il convient de fixer l’indemnisation à 300 000 euros.

23. En statuant ainsi, après avoir relevé que la résiliation du bail n’était pas imputable aux SCI, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe à la somme de 493 966 euros l’indemnisation au titre des fermages la créance de la société civile immobilière Héritiers d’Exea et de la société civile immobilière de Montrabech au passif de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 3], en ce qu’il fixe la créance de la société [Adresse 3] à l’encontre de la société civile immobilière Héritiers d’Exea et de la société civile immobilière de Montrabech à la somme de 273 000 euros au titre des frais d’arrachage, de défonçage et de replantation et à celle de 300 000 euros au titre de l’indemnisation du manque à gagner et en ce qu’il rejette la demande de la société [Adresse 3] au titre des avances aux cultures, l’arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

9 mars 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-13.646

COOPERATIVE AGRICOLE ET RELATIONS AVEC SON ADHERENT : LE JUGE DE LA MISE N’ETAIT PAS COMPETENT POUR CONNAITRE D’UNE DEMANDE DE SURSIS AVANT LA REFORME DE DECEMBRE 2019

L’Union des vignerons associés des Monts de Bourgogne (l’Union des vignerons), union de sociétés coopératives agricoles inscrite au registre du commerce et des sociétés d’Auxerre le 26 mars 2012, a été créée par les sociétés coopératives agricoles (SCA) La Chablisienne et La Cave des Hautes-Côtes. Elle a depuis 2015 comme nouvel associé la SCA La Cave des vignerons des terres secrètes.

Le 30 novembre 2016, la SCA La Chablisienne a notifié, au visa de l’article 8-4 des statuts, son retrait de l’Union des vignerons à effet au 31 décembre 2017, date constituant selon elle le terme de sa période d’engagement de cinq ans.

Par acte des 16 et 17 mai 2017, la SCA La Chablisienne a assigné l’Union des vignerons devant le tribunal de grande instance d’Auxerre aux fins de voir ordonner la résiliation judiciaire de sa relation d’associée aux torts de l’Union et obtenir la réparation de son préjudice.

Reprochant à la SCA La Chablisienne de ne pas respecter ses engagements d’apport et d’utilisation exclusive des services de l’Union des vignerons jusqu’au 31 décembre 2020, le conseil d’administration de cette dernière, selon procès verbal de délibération du 21 février 2018, a décidé d’appliquer les sanctions pécuniaires prévues par les articles 8-5 et 8-6 des statuts, soit la somme de 10 709 225,22 euros, ramenée à 7 207 204, 49 euros le 13 janvier 2020 au vu de l’exercice comptable clos au 31 décembre 2018.

Cette décision a été notifiée à la SCA La Chablisienne par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 mars 2018 portant mise en demeure de payer.

Par acte du 27 juillet 2018, la SCA La Chablisienne a assigné l’Union des vignerons devant le tribunal de grande instance de Dijon aux fins de voir juger que les articles 8-1, 8-3, 8-5 et 8-6 des statuts de l’Union des vignerons sont incompatibles avec les dispositions de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et les règles européennes du droit de la concurrence et que ces dispositions présentent de surcroît un caractère manifestement abusif, et obtenir leur annulation, outre celle de la décision du conseil d’administration de l’Union des Vignerons du 21 février 2018 et de la mise en demeure de payer du 23 mars 2018.

L’Union des vignerons a, par conclusions notifiées le 9 mai 2019, sollicité reconventionnellement le paiement des sanctions décidées selon procès verbal du 21 février 2018.

Par ordonnance confirmée par arrêt de la cour d’appel de Dijon du 10 septembre 2020, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Dijon a prononcé le dessaisissement du tribunal de grande instance de Dijon au profit de celui d’Auxerre.

Parallèlement, la SCA La Chablisienne a, les 15 mars et 11 avril 2018, déposé deux plaintes pour faux et usage de faux en visant le procès verbal du 21 février 2018 et escroquerie en bande organisée auprès du procureur de la République de Dijon, lesquelles ont été classées sans suite le 23 mai 2019.

Le 23 décembre 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon a classé sans suite la plainte déposée par la SCA La Chablisienne le 20 mai 2019.

Par ordonnance du 22 janvier 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Auxerre a, notamment, ordonné la jonction des deux instances, déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la SCA La Chablisienne, au visa de l’article 74 du code de procédure civile et dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

La cour d’appel de Paris, par arrêt du 5 octobre 2021, a confirmé cette ordonnance, dans les limites de l’appel qui ne portait pas sur le rejet de la demande de sursis à statuer.

Selon plainte avec constitution de partie civile du 3 septembre 2021 pour faux et usage de faux en écriture et tentative d’escroquerie visant le classement sans suite des trois plaintes antérieures, la SCA La Chablisienne a saisi le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire d’Auxerre.

Le 2 février 2022, la SCA La Chablisienne a déposé une nouvelle plainte devant le procureur de la République de Dijon aux fins de dénoncer des faits de publication et communication de documents comptables insincères par l’Union des vignerons.

Selon nouvelle ordonnance du 1er août 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Auxerre, saisi d’une nouvelle demande de sursis à statuer le 7 septembre 2021, a :

– déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la SCA La Chablisienne,

– dit n’y avoir lieu à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice,

– débouté la SCA La Chablisienne de sa demande d’expertise,

– condamné la SCA La Chablisienne à payer à l’Union des vignerons la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné la SCA La Chablisienne à payer à l’Union des vignerons la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SCA La Chablisienne aux dépens de l’incident.

Par acte du 2 août 2022, la SCA La Chablisienne a interjeté appel de cette décision laquelle a fait l’objet d’une première fixation à bref délai au 4 janvier 2023 puis d’une seconde au 13 juin suivant.

Entre-temps et par ordonnance du 17 janvier 2023, le magistrat désigné par le premier président de la cour a dit qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du président de la chambre de connaître de l’irrecevabilité d’un appel pour défaut d’ouverture d’une voie de recours et de statuer sur une demande de rejet d’une pièce des débats.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 15 mai 2023, la SCA La Chablisienne demande à la cour de :

à titre principal,

– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’achèvement de l’instruction actuellement en cours devant le juge d’instruction du tribunal judiciaire d’Auxerre,

– ordonner un sursis à statuer, dans l’attente de l’achèvement de l’instruction actuellement en cours et de l’enquête préliminaire actuellement ouverte devant le procureur de Dijon à la suite de la plainte en date du 2 février 2022,

à titre subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a rejeté l’expertise sollicitée,

– désigner tel expert judiciaire qu’il plaira, avec pour mission de :

convoquer les parties,

se faire remettre tous les documents annuels (bilans, comptes de résultats, annexes, rapport de gestion, procès-verbaux et rapports annuels de l’Union des vignerons, La Cave des hautes côtes, La Cave des vignerons des terres secrètes, la Chablisienne, sur les exercices 2016, 2017, 2018, 2019, 2020,

se faire remettre les rapports de révision complémentaire « Révision Sud Est » du 24 avril 2020, et le rapport Grant Thornton,

déterminer, à la vue du fonctionnement financier entre l’Union des vignerons et ses associés , avant le 31 décembre 2017 et après, si l’Union des vignerons a pour objet de collecter, transformer et vendre les productions apportées par ses associés , ou bien si elle a pour objet de mutualiser des charges communes à tous ses associés , en les refacturant à ces derniers sans aucune marge,

décrire le fonctionnement financier entre l’Union des vignerons et ses associés ,

en cas de fonctionnement sous forme de mutualisation de charges, déterminer si le résultat de l’Union des vignerons, ou sa profitabilité, est influencée ou non pas le niveau du chiffre d’affaires, et si la réduction de chiffre d’affaires liée au départ de la SCA La Chablisienne entraîné ou non un préjudice sur le résultat,

examiner et déterminer le montant des charges reprises par la SCA La Chablisienne au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2017, dans la perspective de son retrait, et déterminer quelle a été la conséquence de cette baisse des charges sur le résultat de l’Union des vignerons,

examiner précisément la nature des charges fixes prises en compte par l’Union des vignerons en 2017 et en 2018 pour calculer les pénalités à l’encontre de la SCA La Chablisienne, faire toutes demandes de pièces justificatives en ce sens, déterminer précisément les dates d’engagement de ces charges au sein de l’Union des vignerons,

chiffrer et détailler les transferts de charges intervenus de la Cave des hautes côtes et de la Cave des vignerons des terres secrètes vers l’Union des vignerons sur les exercices 2017 et 2018,

estimer le montant d’une pénalité calculée sur le fondement de la participation aux frais fixes sur le fondement de l’article 8-6 des statuts de l’Union des vignerons, en excluant toute augmentation liée à tout transfert de charges des coopératives associées vers l’Union à compter du 31 décembre 2017, et en prenant en compte le même niveau de charges fixes de l’Union des vignerons au 31 décembre 2016 et la diminution intervenue en 2017 avec les charges reprises par la SCA La Chablisienne lors de son retrait,

donner son avis sur l’éventualité d’un préjudice subi par l’Union des vignerons, et qui serait imputable au retrait de la SCA La Chablisienne,

déterminer le montant de l’obligation de remboursement du capital social détenu par la SCA La Chablisienne dans l’Union des vignerons,

dresser rapport du tout,

en tout état de cause,

– condamner l’Union des vignerons à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter l’Union des vignerons de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner l’Union des vignerons aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 1er juin 2023, l’Union des vignerons demande à la cour de :

à titre principal,

– déclarer irrecevable l’appel interjeté par la SCA La Chablisienne à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande d’expertise,

à titre subsidiaire,

– confirmer cette même ordonnance en ce qu’elle a débouté la SCA La Chablisienne de sa demande d’expertise,

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer de la SCA La Chablisienne et si besoin en ce qu’elle l’en a déboutée,

– débouter la SCA La Chablisienne de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la SCA La Chablisienne à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’incident,

y ajoutant,

– condamner la SCA La Chablisienne à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts et celle de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCA La Chablisienne aux entiers dépens.

Le clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 6 juin 2023.

SUR CE,

Sur la demande de sursis à statuer

Le juge de la mise en état a considéré que :

– l’ordonnance du juge de la mise en état du 22 janvier 2021 n’a pas autorité de la chose jugée,

– la SCA La Chablisienne a déposé le 5 novembre 2019 des conclusions aux termes desquelles elle s’est abstenue de soulever simultanément aux exceptions et fins de non recevoir qu’elle invoquait, une exception de sursis à statuer, puis le 30 septembre 2020 des conclusions au fond, alors qu’elle était à ces dates parfaitement informée de la teneur du procès verbal du conseil d’administration du 21 février 2018 qu’elle argue de faux,

– elle est irrecevable, sur le fondement de l’article 74 du code de procédure civile, à solliciter un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, la plainte avec constitution de partie civile déposée le 3 septembre 2021 qui est un choix procédural de sa part pour obtenir de nouvelles investigations après le classement sans suite de ses trois plaintes précédentes, ne constituant pas, alors même qu’elle émane de la partie même qui demande le sursis à statuer, un élément nouveau, rendant recevable une demande qu’elle aurait dû présenter avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir,

– en tout état de cause, le prononcé du sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale invoquée présente un caractère facultatif pour être demandé dans une instance civile qui ne tend pas à la réparation du préjudice causé par les infractions alléguées, de sorte que la décision de suspendre l’instance relève du pouvoir discrétionnaire du juge en vue d’une bonne administration de la justice,

– la SCA La Chablisienne n’a produit aux débats que la première page de sa plainte avec constitution de partie civile sur laquelle figure le cachet du tribunal judiciaire attestant de sa réception le 3 septembre 2021, laquelle ne permet ni d’en connaître la teneur ni d’apprécier en conséquence son éventuel lien avec la présente instance,

– la SCA La Chablisienne ne justifie pas davantage de la recevabilité de cette plainte par le versement effectif de la consignation.

La SCA La Chablisienne soutient que :

– depuis l’ordonnance du juge de la mise en état du 22 janvier 2021, la connaissance de nouveaux éléments en 2021 et 2022 sur la réalité du comportement de nature pénale de l’Union des vignerons visant à falsifier la présentation de son patrimoine pour justifier les pénalités réclamées impose un sursis à statuer,

– ces éléments nouveaux résultent de la procédure pénale communiquée par le parquet de Dijon préalablement à sa plainte avec constitution de partie civile, du rapport non contradictoire de la société Grant Thornton établi le 15 février 2022 à son initiative, de la publication en 2022 des comptes de l’Union au 30 septembre 2021 suivie de la plainte en présentation de comptes insincères du 2 février 2022 et de l’avis du parquet général près la cour d’appel de Paris du 8 février 2022 faisant le constat de liens d’intérêts entre l’Union des vignerons associés et le lobby des coopératives agricoles, la Coopérative agricole , représentante d’intérêts, de nature à influer sur la solution du litige,

– le comportement frauduleux de l’Union des vignerons tient à ce qu’elle a élaboré de faux documents pour accréditer une poursuite de son propre engagement dans l’union, augmenté artificiellement le niveau des charges fixes de l’union après son retrait en lui transférant artificiellement des charges pesant sur les associés pour les intégrer au calcul de la pénalité prévue à l’article 8 de ses statuts et dissimulé et/ou retardé son obligation de lui rembourser le capital social en conséquence de son retrait,

– le tribunal judiciaire est saisi de la demande reconventionnelle en paiement des sanctions pour un montant de 7 207 204,49 euros infligées par l’Union des vignerons, ce qui impose la résolution préalable de questions portant sur la nature de l’engagement des associés coopérateurs, sur la date réelle de fin de son engagement, ainsi que sur les charges fixes restant à la charge des associés à prendre en compte dans le calcul de la pénalité,

– le fonctionnement financier de l’Union des vignerons n’a pas été celui d’une union de sociétés coopératives mais celui d’un groupement d’intérêt économique,

– l’analyse du fonctionnement financier réel de l’Union des vignerons par rapport au fonctionnement du contrat de société statutaire est indispensable pour pouvoir apprécier le caractère fautif ou non d’une des parties à ce contrat de société et particulièrement, comprendre comment l’Union des vignerons a pu transformer un gain de charges lié à son départ de 730 000 euros en une pénalité de 7 204 282,59 euros,

– les infractions pénales objet de l’instruction près le tribunal judiciaire (faux procès verbal à la base de la pénalité) et de la plainte devant le parquet de Dijon du 2 février 2022 (présentation de bilan insincère par la dissimulation de la dette de capital social de 923 600 euros au profit de la SCA La Chablisienne) conditionnent directement le règlement du litige civil,

– face à la résistance de l’Union des vignerons à répondre à ces questions, seul le juge d’instruction actuellement saisi du dossier de la pénalité pourra apporter des réponses,

– la demande de sursis a été faite en 2022, dès la production des données du rapport de l’expert privé Grant Thornton basé sur la comparaison des bilans publiés par l’Union des vignerons elle-même.

L’Union des vignerons réplique que :

à titre principal, sur la recevabilité de la demande de sursis :

– pour que sa seconde demande de sursis à statuer initiée le 7 septembre 2021 soit recevable au regard de l’article 74 du code de procédure civile, il incombe à la SCA La Chablisienne de rapporter la preuve non seulement d’un élément nouveau survenu après ses conclusions d’incident notifiées le 5 novembre 2019, par lesquelles elle soulevait deux exceptions de connexité et litispendance, ainsi que diverses fins de non-recevoir mais également d’un élément nouveau survenu après ses conclusions au fond notifiées les 17 septembre 2020 et 7 mai 2021, ce qu’elle ne fait pas,

– de plus, pour que cette nouvelle demande ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée, la SCA La Chablisienne doit rapporter la preuve d’un élément nouveau survenu depuis l’ordonnance rendue le 22 janvier 2021, qui avait déjà déclaré sa demande irrecevable, ce qu’elle ne fait pas,

– sa demande de sursis à statuer fondée sur la plainte du 2 février 2022 et formulée dans ses conclusions du 13 avril 2023 est irrecevable car elle s’est abstenue de formuler cette demande en première instance et a conclu au fond dans la présente instance les 15 février 2022 puis 20 septembre 2022 et 17 janvier 2023,

– cette plainte fondée sur le fait que l’Union des vignerons n’a pas porté au passif de son bilan clos au 31 décembre 2021 la somme de 923 600 euros correspondant à la valeur des parts sociales de la SCA La Chablisienne n’étant pas constitutive d’un élément nouveau, elle aurait dû être déposée dès le bilan portant sur l’exercice clos au 31 décembre 2017 établi le 21 décembre 2018,

– l’argument est d’autant plus fallacieux que la SCA La Chablisienne a renoncé à sa demande de remboursement de ses parts sociales devant le tribunal judiciaire d’Auxerre par conclusions du 7 mai 2021 et a saisi le tribunal judiciaire de Dijon de cette demande par assignation du 19 décembre 2022,

à titre subsidiaire et au fond :

– le sursis sollicité ne s’impose pas, au visa de l’article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale,

– la SCA La Chablisienne n’a jamais communiqué ni la copie de ses plaintes adressées au procureur de la République ni de sa plainte avec constitution de partie civile alors qu’en cette qualité et pour la défense de ses intérêts, le secret de l’instruction ne s’oppose pas à elle au regard de l’article 11 du code de procédure pénale,

– le tribunal judiciaire d’Auxerre peut statuer sur la question de la date de fin de l’engagement de la SCA La Chablisienne et sur les demandes de l’Union des vignerons en s’appuyant sur le seul procès-verbal de délibération du conseil d’administration du 2 mai 2018, de sorte que le sort de la première plainte avec constitution de partie civile relative au procès verbal de délibération du 21 février 2018 est sans incidence sur la solution du procès civil,

– contrairement à ce qu’affirme la SCA La Chablisienne, une simple première audition de la partie civile après deux enquêtes approfondies et deux classements sans suite par deux magistrats différents ne permet d’établir ni la recevabilité ni le sérieux de sa plainte.

En application des articles 73 et 74 du code de procédure civile, la demande tendant à faire suspendre le cours de l’instance est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d’irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir de son auteur.

Par ailleurs, l’article 794 du code de procédure civile dispose que les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure.

L’ordonnance du juge de la mise en état du 21 janvier 2021 ayant déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer a autorité de la chose jugée puisque la cour d’appel a par arrêt du 5 octobre 2021 confirmé cette ordonnance, celle-ci n’étant, au demeurant, pas saisie par la SCA La Chablisienne d’une demande d’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle avait rejeté sa demande de sursis à statuer.

Dès lors, la SCA La Chablisienne qui a sollicité de nouveau par conclusions d’incident du 7 septembre 2021 un sursis à statuer doit justifier d’un élément nouveau survenu depuis l’ordonnance du 21 janvier 2021 et ses conclusions au fond du 7 mai 2021.

L’existence d’un fait ou événement nouveau ne peut résulter de ce que la partie qui l’invoque a négligé d’accomplir une diligence en temps utile.

Si les plaintes pénales de la SCA La Chablisienne des 15 mars et 11 avril 2018 ne sont pas produites aux débats, il résulte des conclusions prises par cette dernière qu’elles visaient le procès verbal de délibération du conseil d’administration de l’Union des vignerons du 21 février 2018 et qu’elles ont été classées sans suite par le procureur de la République de Dijon le 29 mai 2019.

Alors qu’aucune preuve n’est rapportée du dépôt d’une ‘plainte récapitulative’ du 13 février 2020, le procureur de la République du tribunal judiciaire de Dijon a classé sans suite, le 23 décembre 2020, la troisième plainte déposée par la SCA La Chablisienne le 20 mai 2019.

La SCA La Chablisienne qui ne justifie aucunement qu’elle n’aurait eu connaissance du premier classement qu’en juillet 2019 et du second qu’en mars 2021, était donc en mesure de solliciter les éléments des deux enquêtes pénales diligentées avant le classement de ses plaintes et de déposer une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d’instruction pour des faits de faux, usage de faux et tentative d’escroquerie en justifiant du classement sans suite de ses premières plaintes de 2018 et du classement sans suite de sa troisième plainte avant le mois de mai 2021, date à laquelle elle a de nouveau conclu au fond.

Or, cette plainte avec constitution de partie civile n’a été déposée que le 3 septembre 2021 sans que la SCA La Chablisienne qui n’en produit toujours que la première page alors que le secret de l’instruction ne peut lui être opposé, conformément à l’alinéa 2 de l’article 11 du code de procédure pénale, ne justifie de son contenu et notamment de la prise en compte d’éléments issus des enquêtes ayant conduit aux classements précités.

Elle ne saurait donc constituer, ainsi que l’a jugé de manière pertinente le premier juge, la survenance d’un événement nouveau alors même qu’elle émane de la partie même qui sollicite le sursis à statuer et n’est, faute de preuve contraire, que la reprise d’éléments déjà mentionnés dans les trois plaintes classées sans suite portant sur le procès verbal litigieux du 21 février 2018.

Bien qu’en première instance elle n’ait invoqué ni la publication en 2022 des comptes de l’Union au 30 décembre 2021 suivie de sa plainte simple du 2 février 2022 ni les conclusions du rapport Grant Thornton daté du 4 février 2022 ni l’avis du parquet général près la cour d’appel de Paris du 8 février 2022 à l’appui de sa demande de sursis à statuer, la SCA La Chablisienne est recevable à s’en prévaloir en appel comme moyens de fait nouveaux destinés à soutenir son exception de procédure présentée dès le 7 septembre 2021 soit avant les conclusions au fond notifiées les 20 septembre 2022 et 17 janvier 2023.

L’avis du parquet général près la cour d’appel de Paris du 8 février 2022 donné dans une affaire qui ne concerne pas les mêmes parties, est totalement étranger dans son contenu à la présente instance et ne saurait constituer un élément nouveau de nature à rendre recevable la nouvelle demande de sursis à statuer.

A l’inverse les conclusions du rapport Grant Thornton du 4 février 2022, la publication en 2022 des comptes de l’Union des vignerons au 30 septembre 2021 et la nouvelle plainte simple du 2 février 2022 fondée sur ces comptes constituent des éléments nouveaux rendant recevable la seconde demande de sursis à statuer. L’ordonnance du juge de la mise en état est donc infirmée en ce sens.

L’article 4 du code de procédure pénale dispose que :

L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

La SCA La Chablisienne sollicite un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’information judiciaire ouverte à la suite de sa plainte avec constitution de partie civile et de sa quatrième plainte simple du 2 février 2022.

L’action civile intentée devant le juge civil du tribunal judiciaire d’Auxerre n’est pas une action en réparation du dommage causé par les infractions dont le juge d’instruction est saisi à la suite de la plainte avec constitution de partie civile du 3 septembre 2021 et la plainte simple du 2 février 2022 n’a pas mis l’action publique en mouvement de sorte que le sursis à statuer n’est pas de droit.

La SCA La Chablisienne soutient que l’Union des vignerons avait accepté son départ au 31 décembre 2017 et en avait réglé les modalités afin d’économiser des charges pour un montant de 723 000 euros et que tous les documents sur lesquels elle se base pour justifier sa demande de pénalités sont totalement contraires à cette réalité et sont des faux.

L’issue de l’information judiciaire en cours devant le juge d’instruction du tribunal d’Auxerre relativement au procès verbal du 21 février 2018 argué de faux apparaît sans incidence sur l’issue du procès civil alors que la question de la date à laquelle la SCA La Chablisienne a acquis la qualité d’associé coopérateur et conséquemment de la date de la fin de son engagement relève de l’article R 522-3 du code rural et des statuts, que la demande en paiement des sanctions statutaires ne se fonde pas que sur le seul procès verbal de délibération du conseil d’administration de l’Union des vignerons du 21 février 2018 argué de faux mais également sur celui du 2 mai 2018 qui réitère les décisions prises lors du précédent conseil d’administration et que les sanctions pécuniaires dont le paiement est réclamé par l’Union des vignerons sont fondées exclusivement sur les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018.

L’issue de la plainte déposée devant le procureur de la République de Dijon pour présentation de comptes insincères du fait de la dissimulation d’une dette de remboursement du capital social de 923 600 euros au profit de la SCA La Chablisienne est indifférente au règlement du litige devant le tribunal judiciaire d’Auxerre puisque non seulement celle-ci admet que le bilan de l’Union des vignerons au 31 décembre 2021 publié fin 2022 mentionne la dette mais que surtout par conclusions notifiées le 7 mai 2021, elle a renoncé à sa demande de remboursement de ses parts sociales devant le tribunal judiciaire d’Auxerre pour introduire le 19 décembre 2022 une action en paiement de ces mêmes parts devant le tribunal judiciaire de Dijon.

La demande de sursis à statuer est donc infondée et est rejetée, en confirmation de l’ordonnance déférée.

Sur la demande d’expertise

Le juge de la mise en état a estimé que la demande d’expertise était prématurée à ce stade de la procédure, dans la mesure où :

– elle s’inscrit dans une volonté de la SCA La Chablisienne de s’opposer au montant des sanctions votées par le conseil d’administration de l’Union des Vignerons et il appartiendra à la juridiction de fond de dire si la SCA La Chablisienne est redevable ou non de ces sanctions avant d’évoquer leur montant,

– de surcroît, la question de l’utilité éventuelle d’une telle mesure d’expertise impose de trancher préalablement le différend opposant les parties sur la question du calcul même de ces pénalités, qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

L’appelante fait valoir que :

– sa demande d’expertise n’est pas irrecevable mais au contraire conforme aux dispositions de l’article 272 du code de procédure civile,

– elle est nécessaire pour comprendre le fonctionnement et la situation financière de l’Union,

– en vertu d’une décision rendue par la chambre commerciale de la Cour de cassation du 25 mai 2022, au visa de l’article 1843-4 du code civil, l’associé retrayant peut solliciter une expertise judiciaire sur la valorisation financière de son retrait devant le juge de la mise en état saisi du litige, sur le caractère fautif ou non de ce retrait, et les conséquences financières entre les parties.

– l’expertise demandée traite de la détermination des conditions financières d’un retrait.

L’Union des Vignerons répond à titre principal que :

– l’appel portant sur le rejet de la demande d’expertise est irrecevable,

– l’article 272 du code de procédure civile ne s’applique pas à l’ordonnance déférée, cette dernière relevant des modalités de droit commun de l’appel des ordonnances du juge de la mise en état, prévu à l’article 795 du même code, lequel dispose que ces ordonnances ne sont pas susceptibles d’appel hors les cas énoncés de manière limitative dans cet article d’interprétation stricte,

– l’arrêt en date du 25 mai 2022 (n°20-14.352) invoqué par la SCA La Chablisienne est d’évidence sans portée, l’article 1843-4 étant inapplicable au cas d’espèce puisqu’il ne s’agit pas d’une cession des droits sociaux d’un associé ni d’un rachat de ses droits par la société,

– le remboursement des parts sociales de l’associé coopérateur d’une société coopérative agricole s’effectue, s’il est exigible, à leur valeur nominale conformément à l’article 19 des statuts réglementés et aux dispositions spécifiques de l’article R523-5 du code rural,

– il résulte de l’article 1844-3 du code civil, que le pouvoir de désigner un expert est réservé au président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce statuant selon la procédure accélérée au fond, de sorte que le juge de la mise en état, même en cas de cession ou de rachat de parts sociales, ne peut pas ordonner une expertise sauf à commettre un excès de pouvoir.

A titre subsidiaire, elle estime que cette expertise est sans intérêt pour la solution du litige, dans la mesure où :

– il ressort des propres déclarations de la SCA La Chablisienne qu’elle dispose de tous les éléments de preuve qu’elle estime utiles pour établir que les demandes de l’Union ne seraient pas fondées,

– les sociétés coopératives agricoles obéissent à des statuts réglementés adoptés par arrêté du ministre en charge de l’agriculture et les modèles de statuts réglementés fixent impérativement, et en des termes prérédigés, les modalités de calcul des sanctions pécuniaires applicables aux associés coopérateurs qui ne respectent pas leur engagement d’activité,

– le chef de mission proposé par la SCA La Chablisienne et tendant à ‘déterminer le montant de l’obligation de remboursement du capital social détenu par La Chablisienne dans l’Union’ est inutile puisqu’elle ne formule aucune demande de remboursement à ce titre dans ses conclusions au fond devant le tribunal judiciaire d’Auxerre.

Si l’article 795 du code de procédure civile dispose de manière générale que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel qu’avec le jugement au fond, il prévoit toutefois à titre d’exception qu’elles sont susceptibles d’appel dans les cas et conditions prévus en matière d’expertise ou de sursis à statuer.

L’article 272 du même code prévoit que la décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Il s’en déduit que ces dispositions sont inapplicables aux décisions qui refusent d’ordonner une expertise de sorte que seules les dispositions de l’article 795 précité sont applicables et que l’appel de l’ordonnance est irrecevable de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par l’Union des vignerons

Le juge de la mise en état a considéré que la SCA La Chablisienne faisait preuve d’un comportement dilatoire, aux motifs que :

– le dépôt de conclusions tendant une nouvelle fois au sursis à statuer invoque une plainte avec constitution de partie civile comme un élément nouveau, alors qu’il avait déjà jugé la plainte récapitulative invoquée comme non constitutive d’un élément nouveau et que la SCA La Chablisienne avait renoncé à son appel sur cette demande de sursis,

– la demande d’expertise a été ajoutée tardivement à la demande de sursis, retardant encore l’examen de l’incident en contraignant à de nouveaux échanges pour faire respecter le principe du contradictoire.

La cour a soulevé d’office, à l’audience, la question du pouvoir du juge de la mise en état et de la cour sur appel d’une décision du juge de la mise en état d’allouer des dommages et intérêts et l’Union des vignerons a adressé ses observations par note en délibéré des 27 juin et 21 août 2023 et la SCA La Chablisienne par note du 25 juillet 2023.

La SCA La Chablisienne prétend que :

– les pouvoirs du juge de la mise en état sont limités et ne comprennent pas celui de condamner une partie à une amende civile ou à des dommages et intérêts, lequel relève de la juridiction du fond,

– le comportement dilatoire est à reprocher plutôt à l’Union des vignerons qui a fait retarder le calendrier de la cour par rapport au calendrier de procédure du tribunal judiciaire.

L’Union des vignerons répond que :

– dans ses dernières écritures notifiées le 15 mai 2023, la SCA La Chablisienne ne demande ni la réformation ni l’infirmation de la décision entreprise sur sa condamnation à des dommages et intérêts, de sorte que la décision entreprise ne peut qu’être confirmée de ce chef,

– l’article 559 du code de procédure civile a une portée générale et trouve à s’appliquer à l’appel

de toute décision y compris d’une ordonnance du juge de la mise en état.

– la SCA La Chablisienne est d’une particulière mauvaise foi et son appel présente un caractère abusif, puisque eu égard notamment aux décisions particulièrement motivées déjà rendues à son encontre, elle n’a pu se méprendre ni sur ses droits ni sur les conséquences de ses agissements.

La SCA La Chablisienne demande à la cour d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté ses demandes de sursis à statuer et d’expertise, d’ordonner un sursis à statuer et une expertise mais également, en tout état de cause, de débouter l’Union des vignerons de l’ensemble de ses demandes laquelle inclut la demande de dommages et intérêts.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d’appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (Cass., 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626 publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Tel est le cas, en l’espèce, puisque l’instance a été introduite par assignations de 2017 et 2018.

Dès lors, la cour est saisie d’une demande de débouté de la demande de dommages et intérêts formée par l’Union des vignerons.

Les attributions du juge de la mise en état sont limitativement énumérées par les articles 763 à 772 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au litige. Si l’article 772 lui permet expressément de statuer sur les dépens et sur les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, aucune des autres dispositions citées ne lui confère le pouvoir d’allouer à une partie des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par une action en justice jugée dilatoire ou abusive.

En conséquence, l’ordonnance est infirmée de ce chef, ni le juge de la mise en état ni la cour statuant en appel n’ayant le pouvoir d’accorder des dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d’appel doivent incomber à la SCA La Chablisienne, partie perdante, laquelle est également condamnée à payer à l’Union des vignerons la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a :

– déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la SCA La Chablisienne,

– condamné la SCA La Chablisienne à payer à l’Union des vignerons associés des Monts de Bourgogne la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Déclare recevable la demande de sursis à statuer formée par la SCA La Chablisienne,

L’en déboute,

Dit qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état ou de la cour statuant sur appel d’une décision du juge de la mise en état de statuer sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par l’Union des vignerons associés des Monts de Bourgogne,

Y ajoutant,

Dit irrecevable l’appel interjeté par la SCA La Chablisienne à l’encontre de l’ordonnance en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande d’expertise,

Condamne la SCA La Chablisienne aux dépens,

Condamne la SCA La Chablisienne à payer à l’Union des vignerons associés des Monts de Bourgogne la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

  • Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d’un autre contrat.

Chemin d’exploitation – Riverains d’un chemin d’exploitation : la propriété d’un seul exclut le droit d’enfouissement des autres – Commentaire par Denis Lochouarn

Droit rural n° 10, Octobre 2023, comm. 95

Riverains d’un chemin d’exploitation : la propriété d’un seul exclut le droit d’enfouissement des autres

Commentaire par Denis Lochouarn docteur en droit

Chemin d’exploitation

Solution. – Un propriétaire riverain d’un chemin d’exploitation ne peut pas implanter une canalisation dans le tréfonds de ce chemin si l’assiette de celui-ci appartient à un autre riverain.

Impact. – Cette décision apporte une importante limitation au droit d’user du tréfonds reconnu à tout propriétaire riverain sur le fondement de l’usage d’un chemin d’exploitation.

Cass. 3e civ., 29 juin 2023, n° 21-25.526 : JurisData n° 2023-015746

Note :

La Cour de cassation a eu à se prononcer une nouvelle fois sur le droit au sous-sol des chemins d’exploitation.

Un propriétaire ayant assigné un de ses voisins en reconnaissance d’un chemin d’exploitation afin d’implanter dans son sous-sol des canalisations s’est pourvu en cassation contre l’arrêt confirmatif par lequel la cour d’appel, tout en admettant l’existence d’un tel chemin, lui a refusé ce droit dès lors qu’il n’établissait pas l’état d’enclave de sa propriété (CA Toulouse, 26 juill. 2021, n° 18/01993 : JurisData n° 2021-011813). Pour les juges du fond, l’existence d’un chemin d’exploitation n’implique pas le bénéfice d’une servitude de réseaux.

Selon le pourvoi, le riverain d’un chemin d’exploitation a le droit d’y installer des canalisations souterraines en vue d’obtenir tous les avantages que cette voie de communication est susceptible de lui procurer, sans qu’il soit tenu de démontrer un état d’enclave du tréfonds de sa parcelle.

Ce droit a effectivement été reconnu par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 4 juill. 1972, n° 71-11.172 : Bull. civ. III, n° 444. – Cass. 3e civ., 29 sept. 2015, n° 14-17.816), sur le fondement de la fonction des chemins d’exploitation et du droit d’usage commun reconnu par l’article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime. Il en résulte qu’un riverain d’un tel chemin peut l’exercer sans l’autorisation des autres (Cass. 3e civ., 29 juin 2010, n° 09-15.840 : AJDI 2010, p. 247. – CA Paris, 12 sept. 2012, n° 12/204. – CA Aix-en-Provence, 6 mars 2014, n° 13/05918). Toutefois, il est admis que le droit d’enfouissement peut être restreint ou supprimé par une convention déterminant l’usage de chemin (Cass. 3e civ., 4 juill. 1972, n° 71-11.172 : Bull. civ. III, n° 444. – Cass. 3e civ., 29 juin 2010, n° 09-15.840 : AJDI 2010, p. 247), voire écarté s’il diminue ou fragilise cet usage (Cass. 3e civ., 29 juin 2010, n° 09-15.840 : AJDI 2010, p. 247).

En l’espèce, aucune convention n’a été invoquée mais les juges du fond ont constaté que le terrain d’assiette du chemin litigieux appartenait à la partie adverse. La Cour de cassation en a conclu que l’auteur du pourvoi n’était pas en droit d’installer en dessous des canalisations au titre du droit d’usage. Ainsi, tout en rappelant qu’il résulte de l’article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime que le riverain d’un chemin d’exploitation a le droit d’y installer des canalisations souterraines en vue d’obtenir tous les avantages que cette voie de communication est susceptible de lui procurer dans le respect, le cas échéant, de la convention qui en détermine l’usage, l’arrêt précise que « tel n’est pas le cas lorsqu’un autre riverain est propriétaire du sol constituant son assiette ».

On observera que cette décision est en cohérence avec la jurisprudence selon laquelle le propriétaire par titre de l’assiette d’un chemin d’exploitation peut obtenir la suppression des installations effectuées par un voisin, notamment en dessous, quand bien même elles ne font pas obstacle au passage (Cass. 3e civ., 31 mai 2018, n° 17-17.933 : JurisData n° 2018-010407 ; RD rur. 2018, comm. 139, D. Lochouarn).

Mots clés : Droit rural. – Espace rural. – Chemin d’exploitation. – Tréfonds.

Mots clés : Canalisation. – Servitude de réseaux. – Droit d’usage.

icon_paragraph_marker.gif Textes :  C. rur., art. L. 162-1

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L’État doit politiquement répondre du préjudice écologique

Le tribunal administratif de Paris enjoint au Gouvernement, d’ici le 30 juin 2024, d’adopter toutes les
mesures utiles pour rétablir la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des
pesticides avec les objectifs quantitatifs fixés au sein des plans « Ecophyto ».

TA Paris, 29 juin 2023, n° 2200534/4-1 : JurisData n° 2023-011179

Avocats, notaires, juristes… ils formulent leurs propositions pour la loi d’orientation

Pour faciliter la transmission des exploitations, l’Association française de droit rural propose trois nouveaux dispositifs. Des mesures qui pourront alimenter les prochains débats du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir. Publié le 13 septembre 2023 Partager

L’Association française de droit rural veut instaurer la location-gérance dans le secteur agricole. © Cédric Faimali/GFA

Après les dernières annonces du ministre de l’Agriculture en faveur de l’installation, l’Association française de droit rural (AFDR) a formulé plusieurs propositions dans une note publiée le 11 septembre 2023. Ces propositions pourront alimenter les débats des prochains pacte et loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture.

Redonner du souffle au bail cessible

Regroupant des avocats, des notaires, des juristes et des experts fonciers, l’association déplore la sous-utilisation du bail cessible hors cadre familial créé en 2006. Ce contrat permet au cédant de valoriser son droit au bail et au cessionnaire de valoriser à son tour ce droit au bail lors de la revente future de son exploitation.

Reprise de l’exploitation : Un « pas-de-porte » autorisé et fixé par les parties (31/12/2020)

Alors qu’ils le considèrent comme un outil favorisant la transmission de l’exploitation agricole, les membres du groupe de travail de l’AFDR qui a planché sur le sujet proposent de réécrire l’article L. 418-3 du code rural pour encadrer « le calcul de l’indemnité susceptible d’être versée au preneur lorsque le bail cessible, venant à terme, n’est pas renouvelé à l’initiative du bailleur ».

Introduire la location-gérance agricole

Autre dispositif créé en 2006 et qui peine à être saisi par les exploitants : le fonds agricole. L’association souhaite que la location-gérance pour mettre en valeur un fonds agricole puisse être possible. Pratiquée dans le secteur commercial, « la location-gérance permet au propriétaire d’un fonds ou à son locataire de concéder à un locataire gérant le droit de l’exploiter à ses risques et périls, en contrepartie au paiement d’une redevance ».

« Économiquement, la formule serait avantageuse pour le locataire gérant, qui pourrait ainsi exploiter un fonds sans avoir à acquérir immédiatement les éléments qui le constituent, étant rappelé que la charge de l’investissement initial constitue l’un des principaux freins à l’installation ou à la transmission des exploitations agricoles », estime l’AFDR. Et d’ajouter que cela permettrait « de proposer une formule d’installation à « l’essai », et de répondre ainsi à un souhait exprimé dans le cadre de la concertation mise en place par le ministère de l’Agriculture ».

Autoriser la sous-location de courte durée

L’AFDR propose d’assouplir le statut du fermage en autorisant les sous-locations qui sont par principe interdites aujourd’hui, « même si elles sont déjà pratiquées dans de nombreuses régions ». Cette sous-location ne pourrait être que de courte durée, et, « pour permettre l’implantation de cultures temporaires par des tiers sur le fonds loué, à une échelle infra-annuelle ».

« Ces pratiques, économiquement intéressantes, permettent notamment à des tiers d’user très provisoirement du fonds pour une production de légumes, dans l’attente de la reprise du cycle saisonnier d’exploitation des parcelles par le preneur en place », explique l’AFDR.

Interview : « Redonner une deuxième jeunesse au statut du fermage » (02/02/2023)

Cette proposition rappelle celle portée par le député Jean Terlier qui avait déposé au début de l’année une proposition de loi pour réformer le statut du fermage. Un texte qui n’a pas encore réussi à trouver sa place dans l’agenda de l’Assemblée nationale. Alexis Marcotte

Droit rural – Le financement des changements de pratiques par les contrats de filières des coopératives – Etude par Patricia Hirsch

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Droit rural n° 8-9, Août-Septembre 2023, dossier 28

Le financement des changements de pratiques par les contrats de filières des coopératives

Etude par Patricia Hirsch avocat spécialiste de droit rural

Les changements climatiques posent de réelles difficultés aux exploitants agricoles, alors que la politique agricole commune vise à accroître la résilience de l’agriculture et que les acteurs étatiques prennent chaque jour davantage la mesure de leur rôle. Les acteurs privés agricoles restent au cœur de cette évolution, mesurant cet impact au quotidien. Même s’il est difficile de se retrouver dans les méandres des financements publics européens et nationaux, ce d’autant que les textes évoluent sans cesse et que la nouvelle PAC 2023 a modifié ces aides et subventions, ces financements constituent le socle essentiel qui peut prendre le relais pour des actions innovantes et pérennes face aux bouleversements qui s’annoncent.

1. – Vaste sujet qui mériterait des développements importants. – Aussi et parce qu’il s’agit de reprendre l’intervention faite lors du congrès de l’AFDR du 14 octobre 2022 à Toulouse, cette présentation arrête les grandes lignes exposées, sans rentrer dans les détails.

On retiendra : les principaux acteurs, les flux financiers les relations contractuelles et quatre exemples de réalisations qui traduisent comment peut se mettre en œuvre le financement des changements de pratiques par les contrats de filières des coopératives agricoles.

À noter que la PAC 2023 a apporté des modifications mais que les schémas restent les mêmes.

1. Les principaux acteurs

2. – Ils peuvent être regroupés en trois grandes catégories : les institutions ayant un caractère étatique, les coopératives et les associés coopérateurs, les agriculteurs, et les industriels et la distribution.

A. – Les institutions ayant un caractère étatique 

3. – Le FEADER. – Le fonds européen agricole pour le développement rural, représentant le second pilier de la politique agricole commune (PAC). Pour la France, État membre qui se voit allouer la plus conséquente contribution, il s’agit d’environ 11,4 milliards d’euros pour la période se finissant en décembre 2022. Pour la période 2023-2027, la France bénéficie d’une enveloppe de 10 milliards d’euros issus des fonds FEADER. Il intervient notamment dans des projets concernant :

  • des mesures agro-environnementales et climatiques ;
  • dans le soutien à l’agriculture biologique et les paiements au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l’eau ;
  • dans les investissements dans les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

4. – FRANCE AGRIMER. – Il s’agit de l’Organisme payeur des fonds européens et nationaux, qui met en œuvre des dispositifs de soutien aux filières agricoles et de la pêche, et gère des dispositifs de régulation des marchés, représentant pour l’année 2021, 665 millions d’euros versés aux filières agricoles et de la pêche, au titre de dispositifs d’aides européens nationaux.5. – Les régions, les départements et les communes. – Le renforcement récent des compétences des régions en matière de développement économique et d’aménagement du territoire, conjugué au transfert de la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) aux régions, leur consacre désormais un rôle de véritable pilote des politiques de l’agriculture et de développement rural à l’échelon régional. Ainsi avec le transfert du FEADER, les régions, autorité de gestion, sont devenues responsables de l’écriture et de la bonne mise en œuvre de programmes opérationnels régionaux, les Programmes de développement ruraux (PDR) régionaux depuis 2014 jusqu’en 2022. Les régions gèrent près de 1,8 milliard d’euros par an.6. – Les chambres d’agriculture. – Elles soutiennent notamment des projets au titre des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC)1. Ainsi, depuis 2015, les MAEC sont de trois types : 1 des MAEC répondant à une logique de système ; 2 des MAEC répondant à des enjeux localisés, construites à partir de la combinaison d’engagements unitaires, suivant les bases de ce qui existait ; 3 des MAEC répondant à l’objectif de préservation des ressources génétiques : dispositifs pour les races animales et ressources végétales menacées et dispositif apiculture. Le montant total des aides publiques consacrées aux MAEC sur la période 2014/2020 est doublé par rapport à la période 2007/2013Note 1 .7. – Les agences de l’eau. – Elles sont au nombre de 6 ; elles contribuent à apporter une vue d’ensemble des problèmes liés à la gestion de l’eau, et des moyens financiers permettant d’entreprendre une politique cohérente pour : 1 Lutter contre les pollutions de toute nature ; 2 Gérer la ressource en eau et satisfaire les usages ; 3 Préserver les équilibres écologiques et les milieux aquatiques et le littoral.

Les financements des agences de l’eau reposent sur des redevances collectées pour financer les services d’eau et pour mener des actions, au titre de la gestion durable de l’eau et redistribuent sous forme d’aides financières aux collectivités territoriales aux industriels, aux agriculteurs.8. – Les Instituts de recherche publics. – Ils promeuvent et financent des projets en partenariat entre des laboratoires universitaires et des partenaires de la société civile, dans le cadre de recherches participatives.9. – Les associations syndicales autorisées de propriétaires (ASA). – Ayant le statut d’établissement public administratif, associations créées et contrôlées par l’État, elles sont constituées pour effectuer des travaux spécifiques d’amélioration ou d’entretien des canaux d’irrigation pour l’arrosage et l’irrigation.

B. – Les coopératives et les associés coopérateurs, les exploitants agricoles

10. – On peut citer la coopérative agricole, l’Union de coopératives agricoles, la CUMA – coopérative d’utilisation de matériel agricole, la coopérative pastorale, la Société coopérative d’intérêt collective – la SCIC, même si cette dernière n’a pas le caractère agricole par nature.11. – Ces sociétés constituent les outils appropriés pour être l’interface entre les institutions comme ci-dessus énoncées et les exploitants agricoles ou encore les industriels et la distribution.

C. – Les industriels et la distribution

12. – Ces acteurs économiques sont souvent le fer de lance de projets souvent innovants, comme évoqués au point 4.

2. Les flux financiers

A. – Les fonds du FEADER

13. – Les fonds proviennent essentiellement du FEADER pour transiter vers la RégionNote 2 , et sont ensuite versés soit à la coopérative agricole soit directement aux exploitants agricoles pour permettre la réalisation du projet. Cela peut être également des fonds FEADER qui transitent vers L’ASA ou vers la coopérative mais provenant de l’Agence de l’eau.14. – Pour donner quelques notions des financements de projets en cours concernant des projets afin de moderniser et automatiser les réseaux et les bornes d’irrigationNote 3 .15. – Ainsi, actuellement dans le département de l’Aude, est en cours de réalisation, un projet de 2 450 000 € dont la répartition s’établit comme suit : FEADER pour 28,6 % ; région Occitanie pour 26,8 % ; département pour 5 % ; agence de l’eau pour 19,6 % ; autofinancement pour 20 %.16. – Dans le département de l’Hérault, également en cours de réalisation, un projet de 4 660 000 € somme suit : FEADER pour 37,3 % ; région Occitanie pour 11,4 % ; département pour 11,4 % ; agence de l’eau pour 19,9 % ; autofinancement pour 20 %.17. – Autre exemple sur un financement total de 196 170 € s’agissant cette fois, d’un projet d’aide d’investissement d’ingénierie territoriale pour lutter contre le stress hydrique : FEADER 98 870 € ; Agence de l’eau 58 066 € ; autofinancement 39 234 €.18. – Ces trois projets ont été validés par les institutions étatiques.

B. – Coopératives, industriels et distribution

19. – On trouve très souvent des aides à l’hectare, à ne pas confondre avec les aides PAC qui permettent de financer des projets privés, comme évoqué ci-après, où le financement peut être beaucoup plus important, mais directement négociés entre la coopérative, l’exploitant agricole et l’industriel ou la Distribution.20. – Ainsi, le fonctionnement est le suivant. Il s’agit d’une somme à l’hectare avancée, sur des aides dites « aide à l’amélioration culturale » faite par l’industriel et/ou la distribution directement à l’exploitant ou à la coopérative selon les cas, en contrepartie d’un apport de produit agricole spécifique souvent sur une période déterminée, sur une parcelle déterminée.

3. Les relations contractuelles

21. – Il est intéressant de constater le mélange des genres dans les projets.

A. – La convention de subvention ou convention d’attribution

22. – La coopérative va signer une convention de subvention ou convention d’attribution. Il s’agit d’aides à l’innovation et à la recherche ainsi que les aides d’investissement.23. – On trouve ainsi, en application du règlement UE n° 1301/2013 du 17 décembre 2013 relative au Fonds européen de développement régional au titre d’investissement d’ingénierie territoriale, des projets d’ingénierie territoriale au titre du développement des espaces agricoles, forestiers et ruraux de la ressource en eau – volet Développement rural et agricoleNote 4 .24. – En application de l’article 18 du règlement (UE) n° 1290/2013 du 11 décembre 2013, il s’agit d’aides aux agroéquipements nécessaires à l’adaptation au changement climatique4.25. – Ainsi, FranceAgriMer a mis en place un programme d’aide aux investissements permettant d’améliorer la résilience individuelle des exploitations agricoles face aux aléas climatiques dont la fréquence augmente la protection contre le gel, la protection contre la grêle, la protection contre la sécheresse ou encore la protection contre le vent-cyclone, ouragan, tornade.

B. – Le contrat

26. – Ensuite, la coopérative agricole met en place un contrat avec son associé coopérateur en sus de son engagement d’activité d’apport statutaire, article 8 des statuts types. C’est là qu’il faut saluer l’intervention du législateur qui a introduit en avril 2019, une nouvelle notion, obligeant les parties à définir d’un commun accord, une date d’échéance unique pour l’engagement coopératif mais également pour ce nouveau contrat spécifique. Appelé très souvent « contrat d’aide à la plantation » sous toutes ses formes, contracté en application de l’article 1101 et suivants du Code civil.27. – On trouve ensuite le contrat d’approvisionnement, appelé aussi contrat fournisseur, cette fois en application des dispositions des articles L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime et suivants selon la mise en œuvre des dispositions des Lois Egalim 1 et 2Note 5 28. – C’est ainsi que désormais, il faut intégrer plusieurs types de contrats qu’il s’agisse du contrat « d’aide à la plantation » entre la coopérative et son associé coopérateur, du contrat fournisseur, entre l’industriel, la distribution et la coopérative agricole et ou l’exploitant coopérateur, et tout ceci pour une optimisation culturale (qualitative, quantitative, ayant nécessairement un impact sur la durée du contrat) pour notamment faire face aux conséquences du réchauffement climatique dont on verra des exemples ci-après.29. – C’est ici que les juristes, dans leurs pratiques quotidiennes ont un rôle majeur à jouer, dans leur capacité inventive mais avec vigilance et rigueur accrue afin de sécuriser les droits des parties en cause.

4. Des réalisations concrètes

30. – Il s’agit de présenter quatre réalisations au travers le territoire français aussi différentes les unes des autres qui, démontrent cette force inventive des différents acteurs.31. – Une première réalisation dans les Cévennes pour irriguer les oignons doux avec le soutien des chambres de l’agriculture du Gard et de l’Hérault. – Il s’agit de la réalisation de réserves d’eau dissimulées dans la végétation qui récupère les eaux pluviales durant les épisodes cévenols si craints des populations locales. Sachant que nous sommes actuellement dans l’incapacité de récupérer efficacement les eaux pluviales qui tombent en trop grande abondance sur des périodes très courtes, de façon trop brutale, ces réserves par leur taille raisonnable se remplissent sans mettre en péril l’environnement. Ces réserves sont financées par le FEADER, subvention directement versée à l’exploitant ou encore avec un abonnement de la coopérative moyennant un contrat spécifique sur une durée plus importante puisqu’en l’espèce il s’agit de la durée d’amortissement de la construction des réserves pour irriguer les cultures d’oignons doux des Cévennes.32. – Une deuxième réalisation complètement avant-gardiste pour l’installation de panneaux solaires sur les vignes. – Des vignes sont cultivées sous des panneaux photovoltaïques, lesquels panneaux sont dits intelligents et s’orientent en fonction des besoins de la plante et de la météo, système idéal pour lutter contre les aléas climatiques. En l’espèce, il s’agit du fonds européen, de la région et du département – le complément étant financé par la coopérative elle-même par un système abondement. Là encore avec un contrat spécifique outre le contrat d’engagement d’apport total de la récolte à la coopérative par l’associé coopérateur. Ce type de projet est également en train de se développer sur les vergers.33. – Une troisième réalisation originale dans le Doubs pour une éolienne qui pompe l’eau dans un étang à une attitude d’environ 900 mètres. – L’étang communal est alimenté par ruissellement des eaux et source dans la marne de provenance alpine qui alimente une dizaine d’exploitations agricoles lesquelles mettent au pâturage des génisses et vaches taries des mois d’avril (fonte des neiges) à novembre, soit entre 130 à 200 animaux, représentant une consommation d’environ 3200 m3 par an. L’apport d’eau quotidiennement de 15 m3, représente a minima deux navettes par jour, soit 420 voyages, soit 1344 km et 210 heures de temps passé. La surface alimentée en eau par le pompage effectué par l’éolienne couvre environ 3 km2. Dans le cadre de la coopérative pastorale, où les terres communales sur lesquelles sont situés les étangs sont mises à disposition des exploitants agricoles. En contrepartie, la coopérative agricole s’engage à financer les analyses de l’eau sur une durée indéterminée pour les exploitants adhérents à la fois à la coopérative pastorale et à la coopérative agricole. Durant l’été 2022, les exploitations ont toutes eu l’eau nécessaire pour abreuver les animaux.34. – Dernière réalisation dans la vallée du Rhône avec une coopérative de fruits pour des installations de goutte à goutte. – Les vergers sont très sensibles aux changements climatiques et ces installations de goutte à goutte peuvent permettre de gérer le stress hydrique des arbres avec des techniques d’irrigation plus ou moins économes en fonction des types de cultures. Dans cette réalisation, l’Industriel et la Distribution contribuent à une aide financière conséquente en contrepartie des apports des récoltes sur des durées déterminées plus longues que l’engagement statutaire initial entre la coopérative et l’associé coopérateur, le tout dans le cadre d’un contrat en application des dispositions de l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime.35. – En conclusion et pour vous démontrer combien grâce à la diversité territoriale et culturelle, grâce à un monde agricole varié et diversifié, mais surtout à l’aide d’une certaine souplesse contractuelle et une bonne dose d’imagination, tout est possible aux rédacteurs et aux acteurs, pour permettre la mise en œuvre de projets innovants et durables. ▪

Mots clés : Droit rural. – Eau. – Agriculture. – Pollution.

Mots clés : Congrès AFDR 2022. – Coopératives. – Milieux aquatiques.

Mots clés : Dossier. – L’eau et l’agriculture. – Changements de pratiques. – Financement et contrats de filières des coopératives. – Congrès AFDR 2022.

icon_paragraph_marker.gif Egalement dans ce dossier : articles 25, 26, 27, 29Note 1 Question écrite n° 01079 de M. Christian Klinger (Haut-Rhin – Les Républicains) : JO Sénat, 14 juill. 2022, p. 3519.Note 2 À partir de 2023, les MAEC surfaciques sont gérées par l’État.Note 3 Chiffres provenant de la Chambre régionale d’agriculture Occitanie – 2022.Note 4 PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 1301/2013, 17 déc. 2013, relatif au fonds européen de développement régional et aux dispositions particulières relatives à l’objectif « investissement pour la croissance et l’emploi », et abrogeant le règlement (CE) n° 1080/2006, et règlement (UE) n° 1293/2013 du 11/12/13 relatif à l’établissement d’un programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE) abrogeant le règlement (CE) n° 614/2007.Note 5 L. n° 2018-938, 30 oct. 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. – Et L. n° 2021-1357, 18 oct. 2021, visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

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TRIBUNAL EN REFERE ET LIVRAISON DE PALOX ET DE FRUITS

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MODIFICATIONS DU REGISTRE DE COMMERCE ET ANNULATION DE DELIBERATIONS DES ASSOCIES

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Angers, 13 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 9 septembre 2020, n° 19-15.422), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d’apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d’apport et l’augmentation de capital subséquente.

2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA.

3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d’apport du 14 décembre 2004.

4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d’un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l’arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ».

5. La société FDG a, par voie de requête, demandé au juge commis à la surveillance de ce registre d’enjoindre au greffier de procéder à l’annulation de ces modifications et de rétablir l’état antérieur de ces inscriptions.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l’arrêt d’enjoindre au greffe du tribunal de commerce de procéder à l’annulation des modifications inscrites à l’extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l’état antérieur à ces modifications, et d’enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2012, alors « que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n’ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l’efficacité des actes et pièces déposés en vue de l’inscription d’une mention au registre du commerce et des sociétés ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les inscriptions portées au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2012 relatives à la forme sociale de la société Larzul et à la réduction de son capital étaient justifiées par une délibération du 24 mars 2012, par laquelle la société Vectora, en qualité d’associé unique de la société Larzul, avait décidé, en conséquence de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2012, de constater que la société Larzul était une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 3 300 000 euros, et de modifier ses statuts pour adopter à nouveaux ceux en vigueur antérieurement ; que, pour ordonner l’annulation de ces inscriptions, à la demande de la société FDG, qui prétendait qu’elle n’avait pas perdu la qualité d’associé et qu’ainsi la société Larzul ne disposait pas d’un associé unique, la cour d’appel retient, par motifs propres et adoptés, que l’arrêt du 24 janvier 2012 ne statue pas sur les conséquences des annulations prononcées et qu’un retour à la situation antérieure ne résulte pas expressément de cet arrêt ; qu’en se prononçant ainsi, la cour d’appel, qui a remis en cause le statut de société à associé unique de la société Larzul et la perte de la qualité d’associé de la société FDG, et ainsi la validité de la délibération prise le 24 janvier [lire : mars] 2012, par l’interprétation qu’elle a faite de l’arrêt du 24 janvier 2012, a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence et violé l’article L. 123-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l’article R. 123-95 du code de commerce que le greffier vérifie que les énonciations d’une demande d’inscription au registre du commerce et des sociétés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d’une demande de modification ou de radiation, avec l’état du dossier, mais qu’il ne dispose d’aucun pouvoir d’interpréter lesdits actes et pièces justificatives.

8. Il résulte de l’article L. 123-6 du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, compétent pour connaître de toutes contestations entre l’assujetti et le greffier, ne peut, à l’occasion d’une telle contestation, trancher un différend opposant la société assujettie à un tiers, telle la reconnaissance à ce dernier de sa qualité d’associé, qui ressortit au juge compétent sur le fond.

9. Ayant constaté que l’arrêt du 24 janvier 2012 s’était borné à annuler l’apport de fonds de commerce et l’augmentation de capital en résultant, mais qu’il n’en résultait ni l’anéantissement du protocole d’accord du 14 décembre 2004 et de tous les actes qui en sont la suite ni, par voie de conséquence, le retour à la situation antérieure à ce protocole, ce dont il se déduit que les énonciations de la demande de modification de l’inscription de la société Larzul au registre du commerce et des sociétés formée en 2012 n’étaient pas compatibles avec l’état du dossier, la cour d’appel, qui n’a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d’actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l’ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l’annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

  1. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l’arrêt d’enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, alors « que si l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du registre d’enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions complémentaires ou rectifications qu’elle n’aurait pas fait porter dans les délais ou qui s’avéreraient nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ni ce texte ni aucune autre disposition légale ne l’autorise à enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux ; qu’en enjoignant à la société Larzul de modifier ses statuts, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce :

  1. Selon ce texte, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut enjoindre à toute personne immatriculée à ce registre qui ne les aurait pas requises dans les délais prescrits, de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu’elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
  2. L’arrêt confirme la décision du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ayant fait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique.
  3. En statuant ainsi, alors que le pouvoir d’injonction conféré au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d’appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

  1. Ainsi qu’il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
  2. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
  3. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d’enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu’être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l’ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, il enjoint à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2014, et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l’arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable la demande de la société Groupe française de gastronomie tendant à ce que la société Larzul soit enjointe de mettre ses
statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 24 janvier 2014 ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d’appel d’Angers ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

1 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-22.446 Chambre commerciale financière et économique – Formation restreinte hors RNSM/NA Publié au Bulletin ECLI:FR:CCASS:2023:CO00407

AIDE PUBLIQUE AU TITRE DU FONDS OPERATIONNEL PAR FRANCE AGRIMER

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril 2021 et 25 août 2022, l’union de coopératives agricoles (UCA)  » Les Vergers de Blue Whale « , représentée par Me Ledoux, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 2 mars 2021 en tant que par cette décision la directrice générale de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a opéré une réfaction d’un montant de 260 208,89 euros sur l’aide attribuée au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel et lui a infligé une pénalité d’un montant de 203 272,64 euros ;

2°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision attaquée n’a pas fait l’objet d’une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration ;

– la réfaction opérée par FranceAgriMer est entachée d’une erreur de droit, dès lors que le point 3.7.2 de l’annexe W de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes ne lui est pas applicable, dans la mesure où les aides sont versées aux producteurs par les coopératives membres de l’UCA et non directement par elle-même ; en tout état de cause, elle a versé les aides à ses coopératives adhérentes avant le 15 février 2020 ;

– la pénalité de 203 272 euros infligée en application du point 3 de l’article 61 du règlement UE n° 2017/891 n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2022, l’établissement FranceAgriMer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 août 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 septembre suivant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

– le règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 ;

– le règlement d’exécution (UE) 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 ;

– l’arrêté du 28 mars 2018 portant modalités de mise en œuvre du règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 et du règlement d’exécution (UE) 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 complétant et portant modalités d’application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des produits transformés à base de fruits et légumes ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. A,

– les conclusions de M. Leymarie, rapporteur public,

– et les observations de Me Delattre, substituant Me Ledoux, représentant l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale « .

Considérant ce qui suit :

1. L’union de coopératives agricoles (UCA)  » Les Vergers de Blue Whale « , en sa qualité d’organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes reconnue par un arrêté du ministre de l’agriculture et de la pêche du 30 octobre 1997, a déposé une demande d’aide d’un montant de 4 702 275,74 euros au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel. Par une décision du 9 novembre 2020, et à la suite d’un contrôle sur place, la directrice générale de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer FranceAgriMer lui a attribué une aide réduite à 4 074 920,02 euros, après application de réfactions et d’une pénalité. Par un courrier du 5 janvier 2021, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » a formé un recours gracieux contre cette décision. Par une décision du 2 mars 2021, et au vu des justificatifs produits par l’UCA, la directrice générale de FranceAgriMer a annulé certaines réfactions, réduit le montant de la pénalité infligée et fixé le montant de l’aide communautaire au titre du fonds opérationnel 2019 à 4 295 730,46 euros. Par la présente requête, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » demande au tribunal d’annuler la décision du 2 mars 2021 en tant que la directrice générale de FranceAgriMer a opéré une réfaction de 260 208,89 euros et lui a infligé une pénalité de 203 272,64 euros.

Sur l’étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de la directrice générale de FranceAgriMer du 2 mars 2021 rejetant partiellement le recours gracieux formé par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » contre la décision du 9 novembre 2020 doivent également être regardées comme dirigées contre cette décision du 9 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la procédure contradictoire préalable :

4. Aux termes de l’article L. 110-1 du code des relations entre le public et l’administration :  » Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l’administration « . Selon l’article L. 121-1 du même code :  » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable « .

5. Dès lors que la décision du 2 mars 2021 a été prise en réponse au recours gracieux formé par la requérante contre la décision du 9 novembre 2020, et constitue ainsi une réponse faite à une demande au sens de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées. Est à cet égard sans incidence la circonstance que le motif fondant la réfaction de 260 208,89 euros litigieuse soit différent dans la décision initiale et dans celle rejetant le recours gracieux.

En ce qui concerne la décision de réfaction :

S’agissant du cadre juridique applicable au litige :

6. Aux termes de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime :  » Les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. / () Les sociétés coopératives agricoles peuvent se grouper en unions de coopératives agricoles () « . Aux termes de l’article L. 521-1-1 du même code :  » La relation entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère ou entre une coopérative agricole et l’union de coopératives agricoles à laquelle elle adhère est régie par les principes et règles spécifiques du présent titre et par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération () « . L’article 5 de la loi du 10 septembre 1947 précitée dispose :  » () Sauf en ce qui concerne les sociétés coopératives agricoles ou leurs unions, les statuts d’une union de coopératives peuvent prévoir que les associés des coopératives membres de l’union peuvent bénéficier directement des services de cette dernière ou participer à la réalisation des opérations entrant dans son objet, sous réserve que les statuts des coopératives le permettent () « .

7. Aux termes de l’article 32 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé :  » 1. Les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes () peuvent constituer un fonds opérationnel. Le fonds est financé par : / a) les contributions financières versées : / i) par les membres de l’organisation de producteurs et/ou par l’organisation elle-même () ; b) l’aide financière de l’Union, qui peut être octroyée aux organisations de producteurs () / 2. Les fonds opérationnels sont utilisés aux seules fins du financement des programmes opérationnels soumis aux Etats membres et approuvés par ceux-ci « . L’article 9 du règlement d’exécution (UE) 2017/892 susvisé dispose :  » 1. Les organisations de producteurs présentent une demande d’aide ou de solde de l’aide auprès de l’autorité compétente de l’Etat membre pour chaque programme opérationnel pour lequel une aide est demandée, au plus tard le 15 février de l’année suivant celle pour laquelle l’aide est demandée. / 2. Les demandes d’aide sont accompagnées des pièces justificatives indiquant : / () d) les dépenses engagées au titre du programme opérationnel () « . Aux termes de l’article D. 664-14 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur :  » Les organisations de producteurs et associations d’organisations de producteurs adressent leurs demandes d’aide financière communautaire au directeur général de FranceAgriMer dans les conditions et délais mentionnés à l’article 9 du règlement d’exécution (UE) n° 2017/892 () « .

8. Aux termes de l’article 36 du règlement (UE) n° 1308/2013 précité :  » () 2. Chaque État membre établit une stratégie nationale pour les programmes opérationnels à caractère durable sur le marché des fruits et légumes () « . Aux termes de l’article D. 664-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige :  » Le ministre chargé de l’agriculture adopte la structure générale et le contenu global de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes mentionnée au 2 de l’article 36 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (). La stratégie peut être consultée sur le site du ministère de l’agriculture et de la pêche et de l’établissement public créé en application de l’article L. 621-1, compétent en matière de fruits et légumes. « . Une annexe W est jointe à la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes. Tout comme la stratégie nationale, l’annexe W, qui constitue un référentiel et fait l’objet d’actualisations régulières publiées sur le site internet de FranceAgriMer, est opposable aux organisations de producteurs.

9. Aux termes du point 3.7.2 de l’annexe W précitée :  » L’OP [organisation de producteurs] prend en charge la dépense en remboursant le producteur. Ainsi, le producteur doit s’acquitter de sa facture avant que l’OP ne règle le paiement de la demande de prise en charge, sauf cas dûment justifiés. Ce paiement (par l’OP) doit avoir lieu avant le 15 février de l’année suivant le fonds et le débit effectif du compte de l’OP doit également avoir été réalisé à cette date. Pour les coopératives, le mouvement du compte coopérateur vaut débit « . Le respect de cette date constitue une garantie pour le producteur.

10. Il résulte de ce qui précède qu’une union de coopératives agricoles reconnue comme organisation de producteurs est, en cette qualité, seule responsable vis-à-vis de FranceAgriMer pour déposer une demande d’aide européenne ou de solde au titre du fonds opérationnel constitué en vue de la mise en œuvre de son programme opérationnel, et pour s’assurer de la bonne exécution des dépenses, conformément aux dispositions qui viennent d’être rappelées. Il s’ensuit qu’alors même que cette union de coopératives agricoles n’a, en principe, pas de lien juridique direct avec les producteurs membres des coopératives adhérentes de l’union, elle est, en tant qu’organisation de producteurs, et sauf dans l’hypothèse où ces coopératives seraient elles-mêmes reconnues comme organisations de producteurs, seule responsable du remboursement à ces producteurs – au plus tard, le 15 février de l’année suivant le fonds opérationnel – du montant pris en charge par le fonds des factures qu’ils ont préalablement acquittées.

S’agissant de la contestation de la réfaction de 260 208,89 euros :

11. D’une part, il résulte du principe énoncé au point précédent qu’au sens des dispositions du point 3.7.2 de l’annexe W, applicables au litige, doivent seules être regardées comme productrices la société civile d’exploitation agricole (SCEA)  » Domaine de Fontorbe  » et la SCEA  » Les Vergers d’Ambres « , dès lors qu’elles se sont acquittées des factures en cause dans la présente instance avant d’en demander la prise en charge au titre du fonds opérationnel 2019. En revanche, la société coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées « , qui n’a donc pas supporté ces dépenses, ne saurait, dans le présent litige, être considérée comme un producteur pour l’application des dispositions précitées. Enfin, l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , en tant qu’organisation de producteurs reconnue par arrêté ministériel, était seule garante du remboursement aux productrices susmentionnées, dans les délais réglementaires, des sommes par elles avancées, nonobstant la circonstance qu’elles sont membres de la coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées « .

12. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que les deux SCEA citées au point précédent ont sollicité le remboursement, par le fonds opérationnel 2019 géré par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , de factures pour un montant total de 260 208,89 euros, correspondant à des dépenses éligibles au titre du programme opérationnel, et datées des 18 et 19 décembre 2019. Or, il est constant que ces deux sociétés productrices n’ont été payées que les 27 et 28 avril 2020, soit après le 15 février de l’année suivant le fonds, en méconnaissance des dispositions précitées de l’annexe W. Par suite, la directrice de FranceAgriMer était fondée, pour ce seul motif, à déduire le montant pris en charge des factures tardivement payées de celui des dépenses admissibles servant à calculer l’aide accordée à l’organisation de producteurs UCA  » Les Vergers de Blue Whale « , sans que la requérante ne puisse utilement faire valoir qu’elle a versé les sommes en litige à la coopérative  » Coop Fruits Légumes des Deux Vallées  » avant le 15 février 2020, dès lors que cette coopérative n’est pas, dans le présent litige, un producteur au sens des dispositions précitées du point 3.7.2 de l’annexe W, ni que ce retard est imputable à cette coopérative , dès lors que cette dernière n’est pas une organisation de producteurs. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la directrice de FranceAgriMer a entaché ses décisions d’une erreur de droit en lui faisant application de ces dispositions.

En ce qui concerne la pénalité infligée :

13. Aux termes de l’article 61 du règlement délégué (UE) 2017/891 :  » 1. Les paiements sont calculés sur la base des actions admissibles. / 2. L’État membre examine la demande d’aide reçue et établit les montants admissibles au bénéfice de l’aide. Il détermine le montant qui : / a) serait payable au bénéficiaire sur la seule base de la demande ; / b) est payable au bénéficiaire après examen de l’admissibilité de la demande. / 3. Si le montant établi conformément au paragraphe 2, point a), dépasse de plus de 3 % le montant établi conformément au paragraphe 2, point b), une pénalité est appliquée. Le montant de la pénalité correspond à la différence entre les montants calculés conformément au paragraphe 2, points a) et b). Toutefois, aucune pénalité n’est appliquée si l’organisation de producteurs est en mesure de démontrer qu’elle n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible. 4. Les paragraphes 2 et 3 s’appliquent mutatis mutandis aux dépenses non admissibles relevées lors des contrôles sur place () « .

14. Il résulte de l’instruction que, compte tenu des réfactions opérées par FranceAgriMer et non contestées par la requérante, d’une part, et des énonciations du présent jugement qui valide la réfaction d’un montant de 260 208,89 euros, d’autre part, le montant de l’aide recevable par l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » au titre du fonds opérationnel 2019 s’élève à 4 499 003,10 euros, soit 203 272,64 euros de moins que l’aide sollicitée, qui s’élevait à 4 702 275,74 euros. Le montant de l’aide demandée par l’organisation de producteurs excède donc de 4,5 % le montant de l’aide recevable. Dès lors que le dépassement est supérieur à 3 %, une pénalité égale à la différence entre le montant de l’aide demandée et le montant payable était donc encourue en application des dispositions citées au point précédent. En outre, l’UCA étant, en sa qualité d’organisation de producteurs, garante vis-à-vis de FranceAgriMer du paiement des aides aux producteurs dans les délais prescrits, elle doit être regardée comme responsable de la prise en compte du montant non admissible. Par suite, la directrice générale de FranceAgriMer était fondée à appliquer à l’UCA la pénalité contestée, qui est justifiée tant dans son principe que dans son montant. Le moyen tiré de ce qu’aucune sanction n’était encourue doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l’UCA  » Les Vergers de Blue Whale  » n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions attaquées en tant qu’elles appliquent une réfaction de 260 208,89 euros et en tant qu’elles fixent une pénalité de 203 272,64 euros. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale  » est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l’union de coopératives agricoles  » Les Vergers de Blue Whale  » et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

COOPERATIVE AGRICOLE ET ASSOCIE COOPERATEUR : LES COMPTES ENTRE LES PARTIES

L’EARL des Fougères a adhéré le 13 octobre 2000 à la société coopérative agricole Coopagri, aux droits de laquelle est venue la société Triskalia.

Par acte du 16 avril 2012, l’EARL s’est engagée à apurer le solde débiteur de son compte courant d’adhérente, arrêté au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros, en cédant à la société Triskalia la créance qu’elle détenait sur la coopérative laitière Colarena, à due concurrence de 200 euros par mois à compter de ses apports de lait d’avril 2012 puis de 600 euros par mois à compter d’avril 2013.

Prétendant que le solde débiteur arrêté au 30 novembre 2011 n’avait pas été entièrement apuré en dépit de la cession de créance et que la poursuite des relations avec l’EARL des Fougères, transformée en GAEC S&C Filatre (le GAEC), avait engendré de nouveaux impayés en dépit d’une mise en demeure du 22 juin 2017, la société Triskalia l’a, par acte du 2 mai 2018, fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Vannes.

Estimant que l’action en paiement de la créance cédée ne pouvait être dirigée contre le GAEC qui ne garantissait pas la solvabilité du débiteur cédé, le premier juge a, par jugement du 16 décembre 2019 :

déclaré irrecevable l’action en paiement de la société Triskalia à l’encontre du GAEC et portant sur la créance cédée au titre de l’acte du 16 avril 2012,

condamné le GAEC à payer à la société Triskalia la somme de 1 240,64 euros au titre du solde débiteur du compte courant d’adhérent hors cession de créance,

dit que cette somme est augmentée des intérêts contractuels au taux de 9,60 % l’an à compter du 1er mars 2018,

sursis à l’exécution des poursuites et autorisé le débiteur à se libérer de sa dette au terme d’un délai de 24 mois,

dit que, pour l’intégralité de cette période, les sommes dues produiront intérêts au taux légal non majoré,

rappelé que la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier pendant ce délai,

dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens seront supportés par moitié par la société Triskalia et le GAEC,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Triskalia a relevé appel de cette décision par déclaration du 3 février 2020.

Le 20 mai 2020, l’EARL Ferme de Nonguais (l’EARL) est intervenue à l’instance d’appel, en déclarant se trouver aux droits du GAEC.

Le 24 mai 2022, la société coopérative agricole Eureden (la société Eureden) est quant à elle intervenue à l’instance d’appel, en déclarant se trouver aux droits de la société Triskalia par suite d’une opération de fusion à effet au 1er janvier 2020, sans toutefois former elle-même de demandes et sans que l’EARL ne conclut contre la société Eureden.

Par arrêt du 27 janvier 2023, la cour a :

ordonné la réouverture des débats, avec révocation de l’ordonnance de clôture,

invité la société Eureden et l’EARL à tirer les conséquences, dans leurs prétentions respectives, de la perte de personnalité morale de la société Triskalia,

fixé la date de la nouvelle ordonnance de clôture à la conférence du 23 février 2023,

dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du jeudi 2 mars 2023.

Faisant valoir que la créance de l’EARL sur la société Colarena n’avait été cédée qu’à concurrence des sommes dues par cette dernière et que, du fait de ce que le GAEC avait cessé de lui livrer sa production laitière, elle serait en droit d’agir contre l’EARL en règlement du solde du compte arrêté le 30 novembre 2011 quand bien même celle-ci ne garantirait pas la solvabilité du débiteur cédé, la société Eureden a alors demandé à la cour de :

infirmer le jugement attaqué,

condamner l’EARL à lui payer la somme de 14 689,32 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % l’an depuis le 1er mars 2018 sur le principal de 12 999 euros,

débouter l’EARL de toutes ses demandes,

condamner l’EARL au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ayant formé appel incident pour soutenir que la totalité de la créance, en ce inclus sa fraction née de la poursuite des relations postérieurement au 30 novembre 2011, serait prescrite, l’EARL a quant à elle demandé à la cour de :

déclarer irrecevable l’action en paiement de la société Eureden à son encontre,

en conséquence, débouter la société Eureden de ses demandes,

à titre subsidiaire, accorder un moratoire de 24 mois et, à défaut, un échelonnement de sa dette sur 24 mois,

en tout état de cause, débouter la société Eureden de ses demandes,

condamner la société Eureden à lui régler une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée, ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Eureden le 27 janvier 2023 et pour l’EARL le 24 février 2023, l’ordonnance de clôture prononcée le 23 février 2023 ayant été révoquée et une nouvelle l’ordonnance de clôture ayant été rendue à l’audience du 2 mars 2023, avant l’ouverture des débats.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur le solde du compte précontentieux

Par acte dénommé ‘autorisation de règlement cession de créance’ en date du 16 avril 2012, l’EARL des Fougères, sociétaire de la coopérative Triskalia, s’est engagée à désintéresser cette dernière de sa créance par le versement d’acomptes de 200 euros par mois à compter d’avril 2012 puis de 600 euros par mois à compter d’avril 2013 jusqu’à parfait paiement, et, pour se faire, a autorisé la société Colarena, à laquelle elle fournissait sa production de lait, à verser directement les sommes mensuelles de 200 euros à compter d’avril 2012 puis de 600 euros à compter d’avril 2013, et ‘a cédé et transporté à Triskalia, à concurrence des sommes qui lui sont dues, la créance qu’elle détient sur Colarena à concurrence de la somme mensuelle de 200 euros à compter de ses apports de lait d’avril 2012 puis de 600 euros à compter de ses apports d’ avril 2013 et ce jusqu’à parfait paiement’.

Cette créance, arrêtée au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros, a été affecté à un compte courant de sociétaire ‘précontentieux’ dont le solde restait, au 31 janvier 2018, débiteur de la somme de 13 355,09 euros, dont 11 980,97 euros en principal.

L’acte du 16 avril 2012 ne peut s’analyser en une délégation de paiement, et moins encore en une simple indication de paiement, puisqu’il emporte explicitement cession de la créance d’apports de lait détenue par l’EARL sur la société Colarena, avec subrogation de la société cessionnaire dans les droits et actions dérivant de cette créance ‘dont Triskalia disposera à compter de ce jour comme d’un droit lui appartenant en toute propriété’.

Il résulte toutefois des termes exprès et non équivoques de l’acte que cette cession portait certes sur les créances d’apports futurs de lait, mais n’était réalisée qu’à concurrence des sommes dues par la société Colarena à l’EARL.

Il s’en évince que, quand bien même l’EARL cédante ne s’était pas engagée à garantir à la coopérative cessionnaire la solvabilité de la débitrice cédée, la société Triskalia, qui n’a acquis la créance de l’EARL à la société Colarena qu’à due concurrence des sommes dues par cette dernière au regard des apports de lait effectivement réalisés, conserve la qualité pour agir en paiement du solde débiteur du compte précontentieux dont les modalités d’apurement convenues n’ont été honorées ni par des versements directs de l’EARL, ni par des règlements de paye de lait de la société Colarena, qui a cessé ses paiements en 2016 du fait qu’elle n’était plus livrée en lait, et non en raison d’une prétendue insolvabilité au demeurant non démontrée.

C’est donc à tort que le premier juge a, au seul motif de l’absence de clause de garantie de solvabilité du débiteur cédé, déclaré l’action exercée par la société Triskalia contre l’EARL en paiement de la créance cédée irrecevable.

L’EARL soutient par ailleurs que l’action de la société Eureden serait aussi irrecevable comme prescrite, plus de cinq ans s’étant écoulés entre l’acte du 16 avril 2012 et l’assignation du 2 mai 2018, et les règlements opérés par la société Colarena jusqu’en 2016 ne pouvant être regardés comme une reconnaissance du droit du créancier par le débiteur interruptive de prescription puisqu’ils émanent d’un tiers.

La société Eureden fait cependant à juste titre observer qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.

Il en résulte que, les modalités d’apurement de la dette convenues par l’acte du 16 avril 2012 ayant été honorées jusque courant 2016, l’assignation du 2 mai 2018 a bien été délivrée avant l’expiration du délai de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.

Au surplus, le créancier se trouvait dans l’impossibilité d’agir tant que l’échéancier de remboursement de la dette contractuellement convenu était respecté par les règlements du débiteur cédé, de sorte que, conformément à l’article 2234 du code civil, le délai de prescription n’a pu courir avant 2016.

L’action de la société Eureden est donc en tous points recevable.

D’autre part, si, comme le relève l’EARL, l’acte du 16 avril 2012 n’arrête pas le montant de la créance dont il échelonnait le paiement, celle-ci a été isolée dans un compte spécial ‘précontentieux’ et arrêtée au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros.

Or, l’adhésion à la coopérative agricole emporte, pour le sociétaire, engagement de se conformer à ses statuts et à son règlement intérieur, impliquant notamment l’acceptation des modalités de fonctionnement des comptes courants d’associés dénommés ‘comptes coopérateurs’ et l’établissement de relevés de compte adressés mensuellement à chaque sociétaire pour notification des sommes dues par lui à la coopérative , sur lesquels figurent au débit et au crédit les opérations réalisées pour chaque activité pendant une période déterminée entre la coopérative et le sociétaire.

Il ressort également de l’article 7-9 des statuts qu’en cas de non-paiement d’un solde débiteur à la date d’exigibilité figurant sur l’un quelconque des relevés de compte mensuels adressés à l’associé coopérateur , il serait appliqué des intérêts de retard mensuels sur les sommes dues en principal, à un taux plein de 0,8 % par mois (soit 9,6 % par an) se substituant au taux minoré à l’issue d’une période de deux mois débutant à compter du premier jour du mois suivant celui où tout débit en principal est comptabilisé.

À cet égard, la société Triskalia produit les relevés du compte de l’EARL sur lequel a été affecté la créance arrêtée au 30 novembre 2011 à 26 646,43 euros, faisant apparaître les intérêts statutaires facturés périodiquement à l’EARL ainsi que les règlements effectués par la société Colarena.

Ces relevés n’ont jamais été contestés par l’EARL, laquelle ne suggère à présent qu’en termes généraux et non étayés par une offre de preuves que les comptes de la coopérative seraient confus et imprécis.

Il convient par conséquent, après réformation du jugement attaqué, de condamner l’EARL à payer à la société Eureden, au titre de du solde du compte précontentieux, la somme de 13 355,09 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 11 980,97 euros à compter du 1er mars 2018.

Sur le solde du compte d’activités générales

La société Eureden soutient par ailleurs que le compte d’activités générales de l’EARL présentait, du fait de la poursuite des relations du sociétaire avec la coopérative , un solde débiteur de 1 240,64 euros arrêté au 31 janvier 2018.

Au titre de son appel incident, l’EARL soutient que l’action en paiement de cette créance serait prescrite, celle-ci ne s’étant plus approvisionnée auprès de la société Triskalia ‘de longue date’.

Il ressort cependant du compte d’activité générale produit et des factures incluses dans la production de cette pièce n° 7 qu’une prestation de conseil ‘Agro Planiterre’ a été facturée le 30 juin 2015 pour un montant de 862,80 euros TTC exigible le 28 juillet 2015, qu’une prestation de déclaration PAC a été facturée le 31 juillet 2015 pour un montant de 120 euros TTC exigible le 25 août 2015, et qu’une prestation de laboratoire a été facturée le 31 août 2015 pour un montant de 139,20 euros TTC exigible le 25 septembre 2015, si bien que, compte tenu des intérêts statutaires de retard et de la déduction d’un avoir, le compte était débiteur d’une somme de 1 240,64 euros, dont 1 018,03 euros en principal, au 31 janvier 2018.

Il s’en évince que le délai de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, courant à compter de la date d’exigibilité de ces factures, n’était pas expiré au jour de l’assignation du 2 mai 2018.

L’action en paiement du solde de ce compte est donc recevable.

Dès lors, l’EARL, qui n’a jamais contesté les relevés de ce compte et était, comme précédemment souligné, statutairement tenue de s’acquitter du solde débiteur de celui-ci, sera condamnée au paiement de la somme de 1 240,64 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 1 018,03 euros à compter du 1er mars 2018.

Sur le délai de grâce

Il n’y a pas matière à accorder un délai de grâce à l’EARL, laquelle a déjà bénéficié des larges délais de la procédure pour s’acquitter d’une dette à présent ancienne.

Le jugement attaqué sera donc également réformé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société Eureden l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’EARL, qui succombe, supportera seule les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Vannes, sauf en ce qu’il a condamné le GAEC S & C Filatre au paiement de la somme de 1 240,64 euros au titre du solde débiteur du compte d’activités générales ;

Déclare l’action en paiement du solde du compte précontentieux recevable ;

Condamne à ce titre l’EARL Ferme de Nonguais à payer à la société Eureden la somme de 13 355,09 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 11 980,97 euros à compter du 1er mars 2018 ;

Déclare l’action en paiement du solde du compte d’activités générales recevable ;

Condamne à ce titre l’EARL Ferme de Nonguais à payer à la société Eureden la somme de 1 240,64 euros, avec intérêts au taux de 9,60 % sur le principal de 1 018,03 euros à compter du 1er mars 2018 ;

Condamne l’EARL Ferme de Nonguais à payer à la société Eureden la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’EARL Ferme de Nonguais aux dépens de première instance et d’appel ;

Cour d’appel Rennes 2e chambre du 12 Mai 2023
RG : 20/00811

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