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L’article 1353 du code civil dispose qu’il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve, celui qui se prétend libéré devant réciproquement justifier du paiement.

A R R Ê T

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [F] [S] est inscrit comme entrepreneur individuel pour une activité de travaux de terrassement courants et travaux préparatoires qu’il exploite [Adresse 1] (64).

Il est par ailleurs le gérant de l’Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée DE LA DIGUE (ci-après EARL DE LA DIGUE), immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Pau depuis le 17 mars 1992, ayant pour activité la culture de céréales (à l’exception du riz), de légumineuses et de graines oléagineuses et dont le siège social se trouve également [Adresse 1] (64).

Suite à la facture établie par Monsieur [H] [I] le 20 août 2018 à la suite de travaux d’épandage réalisés pour plusieurs agriculteurs à la demande de la société coopérative LUR BERRI et faisant mention pour Monsieur [S] de 12 650 kg de solution azotée sur 23 ha 85, la société coopérative agricole LUR BERRI, sise à [Adresse 4] (64), a émis une facture n° 27177 en date du 18 septembre 2018 d’un montant de 4 503,06 euros établie au nom de Monsieur [F] [S] pour ces travaux d’épandage de solution azotée 30.

Monsieur [F] [S] ne s’étant pas acquitté de cette somme, elle a établi plusieurs factures d’intérêts de retard pour lesquelles elle n’a reçu aucun règlement.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 janvier 2019, elle a tout aussi vainement adressé une mise en demeure d’avoir à payer les sommes réclamées, à Monsieur [F] [S] qui n’a pas retiré le pli recommandé.

Le courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 26 mars 2019 à Monsieur [F] [S] par la société de recouvrement mandatée par la société coopérative LUR BERRI, n’a pas non plus été suivi d’effet.

Par requête en date du 22 mai 2019, la société coopérative LUR BERRI a saisi le tribunal d’instance de Pau aux fins d’obtenir une ordonnance portant injonction de payer à l’encontre de Monsieur [F] [S], mais par ordonnance en date du 27 août 2019, cette requête a été rejetée aux motifs de l’absence de bon de commande signé et d’autres éléments de preuve.

Elle a déposé une nouvelle requête auprès de la même juridiction le 26 mars 2020 qui a également été rejetée le 30 juin 2020 au motif qu’un débat contradictoire était nécessaire et qu’il appartenait à la société LUR BERRI de saisir la juridiction du fond.

Par exploit du 29 septembre 2020, la société coopérative LUR BERRI a fait assigner Monsieur [F] [S] devant le tribunal judiciaire de Pau, sur le fondement des articles 1103, 1193, 1104, 1231-1 et 1231-6 du code civil, aux fins de le voir condamner à lui verser :

– la somme de 4 503,06 euros assortie des intérêts aux taux légaux et contractuels de 9,5 % de retard à compter du 18 janvier 2019,

– la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1231-1 du code civil,

– la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais de requête et d’huissier de justice,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement réputé contradictoire en date du 27 avril 2021, le tribunal judiciaire de Pau a :

– condamné Monsieur [F] [S] à payer à la société coopérative LUR BERRI la somme de 4 503,06 euros assortie des intérêts légaux à compter du 18 janvier 2019,

– condamné Monsieur [F] [S] à payer à la société coopérative LUR BERRI la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– condamné Monsieur [F] [S] à payer à la société coopérative LUR BERRI la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [F] [S] aux entiers dépens.

Par déclaration du 15 juin 2021, Monsieur [F] [S] a interjeté appel de cette décision, la critiquant dans l’ensemble de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 06 octobre 2022, Monsieur [F] [S], appelant, demande à la cour, sur le fondement des articles 1101 et suivants du code civil et des articles 1241 et suivants du même code, de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Pau, en ce compris les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

– débouter la société LUR BERRI de l’ensemble de ses demandes.

Y ajoutant :

– condamner la société LUR BERRI à verser à Monsieur [F] [S] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses écritures en date du 09 décembre 2021, la société coopérative LUR BERRI, demande à la cour, sur le fondement des articles 1101, 1313 et 1342-2 du code civil, de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pau rendu le 27 avril 2021,

– débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes,

– le condamner à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 janvier 2023.

MOTIFS

L’article 1353 du code civil dispose qu’il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve, celui qui se prétend libéré devant réciproquement justifier du paiement.

Monsieur [F] [S] soutient que le véritable débiteur de la société coopérative est l’EARL DE LA DIGUE qui, comme d’autres agriculteurs, passe commande d’azote auprès de la société coopérative LUR BERRI, laquelle mandate Monsieur [H] [I] qui procède aux épandages sur les parcelles concernées et notamment celles exploitées par l’EARL DE LA DIGUE, et émet ensuite des factures directement auprès de la société coopérative LUR BERRI, à charge pour cette dernière d’établir sa facturation à l’ordre des agriculteurs concernés ; Monsieur [F] [S] explique que l’EARL DE LA DIGUE livre par ailleurs des céréales à la société coopérative LUR BERRI et que les règlements s’effectuent entre elles par compensation.

Il explique que depuis plusieurs années, la société coopérative LUR BERRI commet l’erreur d’émettre ses factures au nom de Monsieur [F] [S] aux lieu et place de l’EARL DE LA DIGUE et que pour rectifier cette erreur, elle émet un avoir et refacture la prestation à l’EARL DE LA DIGUE.

En réponse la société coopérative LUR BERRI dément l’existence d’une erreur de facturation en soulignant que Monsieur [F] [S] ne l’a pas prévenue de cette difficulté et qu’il ne conteste pas que la prestation d’épandage d’azote a bien été réalisée.

En l’espèce, il est établi par l’extrait K BIS versé aux débats que l’EARL DE LA DIGUE est immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Pau depuis le 17 mars 1992 et qu’elle a pour activité la culture de céréales, de légumineuses et de graines oléagineuses comme cela ressort de l’extrait du répertoire SIREN la concernant.

Il est par ailleurs établi que si le gérant de cette société est Monsieur [F] [S], lui-même exploite une entreprise individuelle de terrassement comme cela ressort de l’extrait du répertoire SIREN le concernant mais qu’il n’exerce pas l’activité d’agriculteur à titre personnel.

Il s’ensuit que les travaux d’épandage de solution azotée objets de la facture n° 27177 émise le 18 septembre 2018 par la société coopérative, concerne l’EARL DE LA DIGUE et non pas Monsieur [F] [S].

Monsieur [F] [S] qui n’avait pas constitué avocat en première instance, avait adressé le 11 novembre 2020, un courrier à la société d’huissiers de justice qui lui avait délivré l’assignation, en expliquant cette situation et en indiquant que les factures qui lui étaient réclamées ne le concernaient pas mais concernaient l’EARL DE LA DIGUE.

La société coopérative LUR BERRI sera dès lors déboutée de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de Monsieur [F] [S].

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions, en ce compris les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

La société coopérative LUR BERRI, perdante, supportera les dépens de première instance et d’appel et sera tenue de verser à Monsieur [F] [S] une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce compris les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la société coopérative LUR BERRI de ses demandes dirigées à l’encontre de Monsieur [F] [S],

Condamne la société coopérative LUR BERRI à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société coopérative LUR BERRI de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société coopérative LUR BERRI aux dépens de première instance et d’appel.

Cour d’appel, Pau, 1re chambre, 11 Avril 2023 – n° 21/01990 Infirmation Répertoire Général : 21/01990

AUTORISATION D’EXPLOITER DU CONTROLE DES STRUCTURES : Biens détenus par un parent ou allié, depuis neuf ans au moins .

RESUME

Cette condition, doit s’apprécier en prenant en compte le fait que le bien a été détenu sur cette période, éventuellement, par plusieurs parents ou alliés successifs, dans la limite du troisième degré de parenté ou d’alliance.

L’établissement agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme de la Queue a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler les décisions n° 08170103 du 7 novembre 2017 et n° 08170103-bis du 14 novembre 2017 par lesquelles le préfet de la région Grand Est a rejeté sa demande d’autorisation d’exploiter une surface de 22 hectares, 27 ares située sur les communes de Verrières et Sy, ainsi que la décision du 3 avril 2018 rejetant son recours gracieux, d’enjoindre l’autorité administrative à l’autoriser à exploiter cette surface agricole et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801242 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a annulé les décisions attaquées et mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à l’EARL Ferme de la Queue en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 16 mars 2020, sous le n° 20NC00678, le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) E… RJL, représenté par Me Liégeois, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2020, en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’EARL Ferme de la Queue ;

3°) de mettre à la charge de l’EARL Ferme de la Queue le versement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

  • contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, l’autorité administrative avait bien tenu compte de la présence d’un associé exploitant et d’un salarié à temps plein pour le calcul du seuil d’agrandissement excessif ;
  • contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, l’épouse du gérant de l’EARL Ferme de la Queue ne peut être considérée comme une  » alliée  » ou un  » parent  » ;
  • c’est donc à tort que le tribunal a considéré que la demande d’autorisation d’exploiter de l’EARL Ferme de la Queue relevait du premier rang de priorité alors qu’elle devait être classé au troisième rang de priorité.

Par un mémoire enregistré le 4 août 2020, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’en rapporte à sa requête d’appel enregistrée sous le n° 20NC00825.

La requête a été communiquée à l’EARL Ferme de la Queue qui n’a pas produit de mémoire en défense dans cette instance.

II. Par une requête enregistrée le 26 mars 2020, sous le n° 20NC00825, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2020, en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’EARL Ferme de la Queue.

Il soutient que :

  • si, comme l’a retenu le tribunal, la superficie que l’EARL Ferme de la Queue projetait d’exploiter n’excédait pas le seuil d’agrandissement excessif, fixé à 492 hectares compte tenu des deux unités de travail en équivalent temps plein, en revanche, la surface qu’il était envisagée de mettre en valeur n’était pas détenue par un allié depuis neuf ans au moins lorsque le gérant l’EARL Ferme de la Queue a reçu les parcelles en location de la part de son épouse ;
  • c’est donc à tort que les premiers juges ont estimé que l’EARL Ferme de la Queue pouvait bénéficier du premier rang de priorité.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2020, le GAEC E… RJL, représenté par Me Liégeois, conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens, que sa requête n° 20NC00678.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2020, l’EARL Ferme de la Queue, représentée par la SCP Ledoux, Ferri, Riou-Jacques, Touchon, Mayolet, conclut au rejet de la requête du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre n’est pas fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

  • le code rural et de la pêche maritime ;
  • le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;
  • le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne ;
  • le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

  • le rapport de Mme Picque, première conseillère,
  • et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

  1. Le 23 octobre 1999, M. A… E… a consenti à M. B… E… un bail rural, dont le terme était fixé au 31 décembre 2017, portant sur deux parcelles d’une surface totale de 22 hectares et 74 ares, situées sur les communes de Sy et de Verrières (08390), cadastrées pour la première, section ZD n° 2 lieu-dit Ecogne devenue n° 16 et n° 18, et pour la seconde, section A n° 146. Devenue propriétaire de ces parcelles en 2016, Mme F… D… a donné congé à M. B… E… pour reprise du bail par son époux, M. G… D…, gérant de l’EARL Ferme de la Queue. Le 17 juillet 2017, l’EARL Ferme de la Queue, représentée par son gérant, a demandé l’autorisation d’exploiter les parcelles en cause. Par deux décisions des 7 et 14 novembre 2017, le préfet de la région Grand Est a rejeté cette demande. Le recours gracieux de l’EARL Ferme de la Queue a été rejeté le 3 avril 2018. Par deux appels croisés, qu’il y a lieu de joindre, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation et le GAEC E… RJL, preneur en place, relève appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de
    Châlons-en-Champagne a annulé ces décisions.

Sur la légalité des décisions des 7 et 14 novembre 2017 et de celle du 3 avril 2018 portant rejet du recours gracieux :

  1. Aux termes du II de l’article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Champagne-Ardenne :  » 1° Sont classées au premier rang de priorité les opérations non hiérarchisées entre elles et ci-après énumérées, relatives à des biens destinés : (…) e) à l’accroissement de la superficie de l’exploitation du demandeur lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : – les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens de l’alinéa précédent, depuis neuf ans au moins ; (…) « . Cette dernière condition, qui ne vise pas expressément la personne qui détient les terres à la date de la décision préfectorale, doit s’apprécier en prenant en compte le fait que le bien a été détenu sur cette période, éventuellement, par plusieurs parents ou alliés successifs, dans la limite du troisième degré de parenté ou d’alliance.
  2. Il ressort des pièces du dossier que Mme F… D…, épouse de M. G… D…, gérant de l’EARL Ferme de la Queue, est propriétaire des parcelles en litige depuis 2016 après les avoir reçues par donation de ses parents. Alliée de son époux au sens des dispositions citées au point 2, elle lui a donné ces terres en location. Il n’est par ailleurs pas contesté que les beaux-parents de M. D…, qui sont ses alliés au premier degré, détenaient les biens en cause depuis plus de neuf ans. Par conséquent, l’opération d’agrandissement envisagée par l’EARL Ferme de la Queue relève du premier rang de priorité et le préfet de la région Grand Est a inexactement appliqué les dispositions citées au point 2 en rejetant sa demande d’autorisation d’exploiter au motif qu’elle relevait d’un rang de priorité inférieur.
  3. Il résulte de ce qui précède que le GAEC E… RJL et le ministre de l’agriculture et de l’alimentation ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 7 et 14 novembre 2017 par lesquelles le préfet de la région Grand Est a rejeté la demande d’autorisation d’exploiter une surface de 22 hectares, 27 ares située sur les communes de Verrières et Sy présentée par l’EARL Ferme de la Queue et la décision du 3 avril 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur les frais d’instance :

  1. Par voie de conséquence, les conclusions du GAEC E… RJL présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’EARL Ferme de la Queue et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes du GAEC E… RJL et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation sont rejetées.

Article 2 : L’Etat versera à l’EARL Ferme de la Queue une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC E… RJL, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l’EARL Ferme de la Queue.
Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est.
Délibéré après l’audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

  • Mme Ghisu-Deparis, présidente,
  • M. Denizot, premier conseiller,
  • Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

CAA de NANCY – 4ème chambre
  • N° 20NC00678
  • Inédit au recueil Lebon

Conditions d’existence de la servitude discontinue par destination du père de famille

07/02/2023

Les juges du fond apprécient souverainement si une clause d’un acte de division constitue une stipulation contraire au maintien d’une servitude discontinue par destination du père de famille. Telle est la solution posée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 18 janvier 2023.

C’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la destination du père de famille ne vaut titre à l’égard des servitudes discontinues, en présence de signes apparents de la servitude lors de la division d’un fonds, que si l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

En l’espèce, ayant constaté que l’acte d’échange prévoyait expressément l’absence de servitude sur les parcelles issues de la division d’une ancienne parcelle, la cour d’appel en a souverainement déduit que cette stipulation ne constituait pas une simple clause de style et était contraire au maintien d’une servitude de passage par destination du père de famille, juge la Cour de cassation (V. déjà Cass. 3e civ., 6 sept. 2018, n°  17-21.527).

Par ailleurs, dans cette décision, la Cour de cassation précise que les conditions d’existence d’une servitude par destination du père de famille doivent s’apprécier au jour de la division des fonds concernés.

Source

Cass. 3e civ., 18 janv. 2023, n° 22-10.019, FS-B

Pour aller plus loin

JCl. Notarial Formulaire, Synthèse 1200

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SAFER – Demandes d’autorisation préalable à la prise de contrôle des sociétés possédant du foncier agricole – Veille

Droit rural n° 2, Février 2023, alerte 26

Demandes d’autorisation préalable à la prise de contrôle des sociétés possédant du foncier agricole

D. n° 2022-1715, 28 déc. 2022 : JO 30 déc. 2022

Le décret du 28 décembre 2022 porte encadrement des conventions conclues par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural en vue de leur instruction des demandes d’autorisation préalable à la prise de contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole

Il précise les conditions dans lesquelles les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent, par voie de convention et pour l’instruction des demandes d’autorisation préalable à la prise de contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, obtenir des données issues du registre parcellaire graphique et du casier viticole.

Le décret est pris pour l’application de l’article L. 141-1-2 du Code rural et de la pêche maritime dans sa version issue de la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.

Entrée en vigueur : 31 décembre 2022.

Mots clés : SAFER. – Instruction des demandes d’autorisation préalable. – Prise de contrôle des sociétés possédant du foncier agricole.

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Droit de l’Union européenne – Dossier spécial réforme de la PAC – Veille

Droit rural n° 2, Février 2023, alerte 25

Dossier spécial réforme de la PAC

Le numéro de mars 2023 de la revue de droit rural comportera un dossier spécial sur la réforme 2023-2027 de la PAC. Elle est entrée en application le 1er janvier 2023 pour une durée de 5 ans, après l’approbation par la Commission en décembre 2022 du dernier projet national de plan stratégique. Le nouveau cadre juridique sera examiné à la lumière du bilan de la réforme précédente, du plan stratégique national de la France et des défis à relever en matière de verdissement, d’organisation commune des marchés et de relations contractuelles. La réforme appelle en outre une mise à niveau sans précédent des données.

Ce dossier sera composé des études suivantes :

  • la PAC 23-27 : quelles ambitions ? par Yves Petit (professeur à l’université de Lorraine, faculté de droit de Nancy, IRENEE) ;
  • Écologisation de la PAC : nouvelle illustration de la politique des petits pas par Claude Blumann (professeur émérite, université Paris-Panthéon-Assas) ;
  • le PSN de la France, une « trajectoire » vers un hypothétique développement durable de l’agriculture, par Daniel Gadbin, professeur émérite, université de Rennes (CEDRE-IODE, UMR 6262 CNRS) ;
  • révision du règlement de l’Organisation Commune des Marchés : quelles avancées pour la souveraineté alimentaire européenne ? par Frédéric Courleux (agronome et économiste, ingénieur en chef des ponts, des eaux et forêts, assistant parlementaire au Parlement européen, membre de la société française d’économie rurale) ;
  • la PAC 2023-2027 : un nouvel équilibre dans les relations contractuelles au sein de la filière agroalimentaire par Irene Canfora (professeur de droit rural à l’université de Bari, Italie)… ;
  • données agricoles et nouveau modèle de mise en œuvre de la PAC : quelle transition numérique ? par Raphaèle-Jeanne Aubin-Brouté, MCF Droit privé, université de Poitiers, CECOJI (UR 21665).

Mots clés : Droit de l’Union européenne. – Dossier spécial. – Réforme de la PAC.

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Chemin d’exploitation – autorisation de tous les riverains – Chemin de randonnée

Par acte authentique du 4 novembre 2020, M. [J] [E] a fait l’acquisition d’une propriété rurale dénommée « [27] » sise commune [Localité 34] lieudits [….

Un chemin , classé au Plan Départemental des Itinéraires de Promenade et de Randonnée (PDIPR) par délibération du Conseil Général du 03 avril 2006, traverse la propriété dit de « [Localité 38] à [Localité 28] », jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26].

Par courrier du 21 juin 2021, M. [J] [E] avisait le Maire de la commune de [Localité 1] qu’à défaut pour lui de justifier de la propriété du chemin litigieux dans un délai de deux mois il reprendrait ses droits et clôturerait le chemin afin de jouir paisiblement de sa propriété.

Sans réponse de la commune, M. [E] posait deux barrières de chaque côté de sa propriété devant le château afin de faire obstacle au passage sur le chemin jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26].

Par exploit d’huissier du 29 novembre 2021, la commune de [Localité 1] a saisi 1e juge des référés du tribunal judiciaire de Privas pour voir constater sur le fondement des articles 835 du code de procédure civile et L.161-1 et suivants du code de la voirie routière que le chemin de « Sausses à [Localité 28] » inscrit au PDIPR, utilisé par les habitants de la commune et les randonneurs depuis des temps immémoriaux, est un chemin rural lui appartenant et d’ordonner à M. [J] [E] d’enlever tous obstacles, dont la suppression des portes installées sur ledit chemin dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard et condamner le défendeur a lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 14 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas a :

– au principal, renvoyé les parties à se pourvoir comme elles en aviseront mais dès à présent ;

– condamné Monsieur [J] [E] à procéder au retrait des deux portails faisant obstacle au passage sur le chemin de randonnée dit de « [Localité 38] à [Localité 28] », portion du GR de la haute Cévennes d’Ardèche, jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26] devant le château de Gallimard ;

– dit que cette mesure sera assortie d’une astreinte de 150 euros par jour de retard, pendant trois mois, passé le délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance ;

– condamné M. [J] [E] à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [J] [E] de sa demande en paiement an titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [J] [E] aux dépens.

Par déclaration du 29 avril 2022, M. [J] [E] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

*

Par ordonnance de référé du 08 juillet 2022, le Premier Président de la cour d’appel de Nîmes a débouté M. [E] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Privas en date du 14 avril 2022,

*

Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [J] [E], appelant, demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et des articles 544 et suivants du code civil, de :

– juger son appel recevable et bien fondé,

– ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture et déclare recevables les nouvelles pièces et conclusions produites aux débats ;

– juger que le chemin jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26] devant le château de Gallimard n’est pas un chemin rural ;

– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Privas du 14 avril 2022 en toutes ses dispositions ;

– condamner la commune de [Localité 1] à payer à M. [J] [E] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et dire que, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, Me [N] [G] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Au soutien de son appel, M. [J] [E] rappelle que si les dispositions légales ainsi que les jurisprudences qui en découlent créent une présomption de chemins ruraux, il est possible de remettre en cause cette présomption.

Il conteste à cet effet l’existence d’un chemin rural relevant pour sa part un état de friches et produit diverses pièces permettant d’écarter cette qualification ainsi que l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Il affirme que le cadastre napoléonien n’établit nullement l’existence d’un chemin rural passant devant sa propriété et ajoute qu’un échange avec les archives départementales de [Localité 32] permet d’écarter toute corrélation entre le trait jaune figurant au plan, qui signale en réalité la limite cadastrale, et l’existence d’un chemin rural.

Il s’appuie enfin sur le rapport de l’assemblée plénière du 14 avril 2022 de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture qui se réfère expressément à l’existence d’une allée privative qui longe le château.

Il rappelle pour finir l’historique de cette situation exposant qu’une première demande de création de chemin rural a été formulée en 1930 par un groupe de 15 riverains et n’a pu aboutir ce que confirme l’attestation de M. [P] qui évoque l’existence d’un chemin passant derrière la propriété et non devant.

*

La Commune de [Localité 1], en sa qualité d’intimée, par conclusions en date du 4 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles L.161-1 et suivant du code de la voirie routière et de l’article 835 du code de procédure civile, de :

– la recevoir en ses conclusions et l’y déclarer bien fondée ;

– débouter M. [J] [E] de toutes demandes plus amples ou contraires ;

– confirmer l’ordonnance RG n° 21/00338 du 14 avril 2022 en toutes ses dispositions ;

– Y ajoutant, condamner M. [J] [E] à lui verser la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

La Commune de [Localité 1] rappelle, à titre principal, que le juge des référés dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier l’existence d’un trouble manifestement illicite et pour ordonner la mesure de remise en état qui lui paraît s’imposer pour le faire cesser. En l’espèce, il indique que le trouble étant manifestement illicite, le juge a, à bon droit, prescrit une mesure de remise en état du chemin rural puisque les portes installées de part et d’autre des bâtiments entravent le passage sur ce sentier, d’autant plus que le chemin rural était emprunté par le public.

A titre subsidiaire, elle soutient l’absence de contestation sérieuse dans la mesure où la commune rapporte parfaitement la preuve de sa propriété sur le chemin rural arguant qu’une voie affectée à l’usage du public, est présumée, sauf preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle est située la voie. Elle indique s’être comportée comme le propriétaire véritable de cette voie ouverte à l’usage du public depuis des temps immémoriaux et en avoir également assuré l’entretien régulier. Elle précise qu’il existe une présomption d’affectation à l’usage du public si l’utilisation du chemin comme voie de passage est avérée ou s’il bénéficie d’actes réitérés, donc réguliers, de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale. Elle ajoute que l’appelant ne présente strictement aucune preuve qui lui permettrait de justifier être propriétaire du chemin litigieux.

Elle souligne que la question de la propriété du chemin n’intéresse pas les débats dans la mesure où le juge des référés peut même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, l’existence même d’une contestation sérieuse étant donc indifférente à la solution du litige.

Elle soutient qu’aucune violation de la loi n’est à retenir en l’espèce étant donné que, dans la mesure où l’appelant n’est pas propriétaire du chemin situé devant son château, il n’est pas porté atteinte à son prétendu droit de propriété sur ledit chemin .

De plus, elle met en exergue la nature rurale du chemin litigieux puisque celui-ci n’a pas de numéro parcellaire, M. [E] n’a pas de titre de propriété portant sur ce chemin , son titre de propriété mentionne le chemin de randonnée traversant son bien, le rapport du CRIDON souligne qu’il s’agit d’un chemin rural affecté à l’usage du public depuis des temps immémoriaux et est classé en tant que chemin de randonnée depuis 2005.

En tout état de cause, elle considère que le fait de clôturer ou obstruer un chemin appartenant au domaine privé d’une commune constitue un trouble manifestement illicite auquel il faut mettre un terme.

*

La clôture de la procédure est intervenue le 10 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 17 octobre 2022.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, l’ordonnance de clôture du 10 octobre 2022 a été révoquée, la clôture de la procédure fixée au 14 novembre 2022 et l’affaire renvoyée à l’audience du 21 novembre 2022, pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 9 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il y a lieu de préciser que la cour ne statuera pas sur « les dire et juger » figurant au dispositif des conclusions de l’appelant dans la mesure où ces mentions ne constituent pas des prétentions saisissant la cour.

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le premier juge, reprenant diverses attestations produites par la commune confirmant l’utilisation régulière d’un chemin de randonnée, ainsi que la demande générale de renseignements datée du 25 août 2020 annexée à l’acte de vente du 4 novembre 2020 précisant que le bien est traversé par un chemin de grande randonnée GR de la haute Cévennes d’Ardèche, outre les délibérations de la commission permanente du Conseil Général de [Localité 32] des 18 novembre 2005 et 3 avril 2006 qui portent inscription de ce chemin rural au plan départemental des itinéraires de promenade et randonnée sur le canton de [Localité 1] et dans le circuit des hameaux, a retenu que le chemin jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26] est présumé rural, conformément à l’article L 161-2 du code rural.

Le juge des référés a relevé ensuite que l’obstacle mis en place par M. [E] créé une entrave à la libre-circulation des particuliers puisque le chemin n’est plus affecté à l’usage du public ni ouvert à la circulation générale et constitue donc un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

M. [E] conteste en appel cette décision estimant que la présomption de chemin rural doit être écartée, la nature privative de ce passage étant rapportée.

La commune soutient, pour sa part, que le chemin litigieux bénéficie de la présomption posée par l’article L 161-3 du code rural et invoque un trouble manifestement illicite en raison de l’obstruction du passage par l’appelant.

A titre liminaire, il est rappelé que le juge des référés ne dispose pas du pouvoir de statuer sur le fond du droit. Il s’ensuit qu’il ne peut se prononcer sur la qualification juridique du chemin sur laquelle s’opposent les parties.

Néanmoins, le juge des référés peut prendre des dispositions conservatoires ou des mesures de remise en état, si l’une des conditions prévues par l’article 835 du code de procédure civile susvisé est remplie.

Ainsi, même en présence de contestations sérieuses ayant trait notamment à la qualification privative ou non du chemin litigieux, dès lors qu’il est démontré un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite qu’il importe de faire cesser, le juge des référés peut ordonner la remise en état pour faire cesser ce trouble.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». L’illicéité résulte de la méconnaissance d’une norme juridique obligatoire dont l’origine est délictuelle ou contractuelle.

En application des articles L 161-1 à L 161-3 du code rural, les chemins ruraux sont des chemins appartenant aux communes affectés à l’usage du public qui n’ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. L’affectation à l’usage du public est présumée, notamment par l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voierie de l’autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l’inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. Enfin, tout chemin affecté à l’usage du public est présumé, jusqu’à preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé.

Pour prétendre au bénéfice de cette présomption, la commune intimée a versé aux débats une délibération du 18 novembre 2005 aux termes de laquelle le conseil municipal de [Localité 1] accepte l’inscription au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée du «  chemin rural de [Localité 38] à [Localité 28] ».

Elle produit également la délibération de la commission départementale du conseil général de [Localité 32] du 3 avril 2006 procédant à l’inscription du chemin traversant la propriété dit de « [Localité 38] à [Localité 28] », jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26], au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) tout en précisant qu’il s’agit d’un chemin communal. Cette inscription en chemin de randonnée est reprise dans une attestation de la direction des territoires du département de [Localité 32] confirmant que le chemin présumé rural, conformément à l’article L 161-3 du code rural, jouxte les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26] sur la commune de [Localité 1].

Sont également produits un plan de situation annexé au permis de construire sollicité par l’appelant, le plan cadastral actuel et le cadastre napoléonien qui mettent en évidence l’existence d’un chemin bien délimité passant entre deux portes et devant le château de Gallimard sans que celui-ci ne porte de référence cadastrale et dont l’assiette n’est pas comprise dans les parcelles cadastrées [Cadastre 23] et [Cadastre 26] appartenant à M. [E].

L’acte de vente du 4 novembre 2020 (page 21) précise par ailleurs dans la partie « Urbanisme- Enonciation des documents obtenus » que le bien est traversé par un chemin de grande randonnée GR de la Haute Cévenne d’Ardèche, précision faite que « l’acquéreur déclare vouloir faire son affaire personnelle de ces éléments ».

Sont ajoutées enfin plusieurs attestations confirmant l’existence d’un chemin de randonnée partant du [Localité 1] allant vers le col de Moucharzse passant par les deux portes devant le bâtiment « [27] », sans la présence d’obstacle de quelque nature que ce soit. Il est attesté d’une utilisation régulière depuis plus de 20 ans.

Ces éléments établissent de façon concordante et non équivoque que depuis au moins 2006, le chemin litigieux était utilisé de façon continue comme sentier de randonnée et ils constituent la preuve de son utilisation comme voie de passage ouverte au public.

Il s’ensuit que ce chemin est en conséquence présumé appartenir à la commune de [Localité 1], en application de la présomption édictée aux articles L 161-1à L 161-3 du code rural.

En appel, M. [E] se prétend propriétaire du chemin litigieux contestant de ce fait la présomption posée par l’article L 161-3 du code rural par la production des pièces suivantes:

– un échange avec les archives départementales de [Localité 32] confirmant l’absence de corrélation entre le trait jaune marquant la limite cadastrale du lieudit et l’existence d’un chemin rural ;

– le rapport de la séance plénière du 14 avril 2022 de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture indiquant que « l’accès dans la dernière clôture se faisait par un portail extérieur dont les vantaux ont aujourd’hui disparu, puis par une allée privative qui longe la maison menant jusqu’à la porte principale cintrée et surmontée de deux blasons désormais illisibles » ;

– une photo de l’état des lieux datée du 4 novembre 2020 laissant apparaître, non pas un chemin , mais un état de friches excluant de ce fait tout entretien par la commune de [Localité 1] ;

– l’attestation de M. [P], habitant de la commune, confirmant l’absence de chemin rural devant la propriété ;

– courriers émanant du Préfet de [Localité 32] et du Ministre de l’Agriculture (pièces 18, 19 et 20) démontrant l’absence de chemin rural.

En l’état de ces éléments, M. [E] échoue à rapporter la preuve de la propriété du chemin .

En effet, les courriers émanant du Préfet de [Localité 32] et du Ministre de l’Agriculture datés de 1930 ne sont pas inconciliables avec la présomption posée par l’article L 121-3 du code rural en présence d’une voie de passage ouverte au public depuis près de 20 ans. Par ailleurs, si les documents produits se réfèrent à la demande présentée par une association de 15 propriétaires de créer un chemin d’ exploitation pour accéder à leurs parcelles en présence de « sentiers muletiers impraticables aux voitures », il n’est nullement spécifié qu’il s’agisse de sentiers privatifs.

Par ailleurs, le rapport de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture n’a quant à lui aucune valeur juridique s’agissant de simples données historiques et ne peut établir la nature privative du chemin , étant précisé que cette commission n’était nullement saisie de cette question.

Le titre de propriété ne permet pas davantage de rapporter la preuve que le chemin fasse partie de la propriété de M. [E], faute de références cadastrales, et les plans communiqués démontrant que l’assiette du chemin ne fait nullement partie des parcelles cadastrées [Cadastre 23] et [Cadastre 26] dont il est propriétaire.

De même, la présence d’un trait jaune, qui marque la limite cadastrale, n’exclut nullement l’existence d’un chemin rural et conforte au contraire le constat de ce que la voie litigieuse ne se situe pas sur la propriété de M. [E].

Enfin, les témoignages produits, et notamment ceux émanant de Mme [X] et Mme [D], ne mettent nullement en évidence le caractère privatif du chemin puisqu’il ait fait référence à une rencontre entre l’agent immobilier, M. [E], et le maire de la commune dans l’objectif de proposer la modification du tracé du chemin « [Localité 38] à [Localité 28] » et de privatiser la propriété acquise. Quant aux autres témoignages, ils reconnaissent l’existence d’un chemin passant devant le château mais considéraient qu’il s’agissait d’une propriété privée sans qu’aucun élément objectif ne vienne confirmer cette constatation subjective.

L’attestation de M. [P] est quant à elle insuffisante à renverser la présomption posée par l’article L 121-3 du code rural, le témoin rapportant des propos tenus par un de ses ascendants selon lequel le chemin passait derrière le château sans qu’il puisse attester directement de la configuration des lieux allégués. Par ailleurs, il évoque l’ autorisation donnée avec sa mère pour un chemin passant sur leur parcelle, propriété privée, afin de désenclaver le château justifiant la nature privative de cette voie. Cette déclaration peu circonstanciée n’est nullement confirmée par un élément objectif et rien ne permet de vérifier qu’il s’agisse du même chemin .

Pour finir, l’état de friche du chemin et le défaut d’entretien de la commune sont indifférents puisqu’il est établi l’utilisation du chemin comme voie de passage ouverte au public, l’article L 161-2 du code rural imposant, pour justifier de la présomption, la preuve d’un des éléments alternatifs, l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou des actes réitérés de surveillance ou de voierie de l’autorité municipale.

Dès lors, en interdisant l’accès par l’apposition de portails en bois comme cela résulte du procès-verbal du 27 août 2021 faisant obstacle à la libre-circulation, M. [E] a causé un trouble manifestement illicite qu’il importe de faire cesser sans qu’il soit nécessaire de rechercher la nature de l’accès litigieux, qui relève de la compétence du juge du fond.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a ordonné à Monsieur [J] [E] de procéder au retrait des deux portails faisant obstacle au passage sur le chemin de randonnée dit de « [Localité 38] à [Localité 28] », portion du GR de la haute Cévennes d’Ardèche, jouxtant les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 26] devant le château de Gallimard, et ce, sous astreinte.

Les dépens et les frais irrépétibles ont été exactement réglés par le premier juge.

En cause d’appel, il convient d’accorder à la commune de [Localité 1], contrainte d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Monsieur [J] [E], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et ne saurait bénéficier d’une somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référés et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance rendue le 14 avril 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [E] de la demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. [J] [E] à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [J] [E] aux dépens d’appel.

Cour d’appel, Nîmes, 2e chambre, section B, 9 Janvier 2023 – n° 22/01535

Décret n° 2022-1515 du 2 décembre 2022 relatif à la procédure de délivrance de l’autorisation préalable à la prise de contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole

Publics concernés : sociétés détenant ou exploitant des biens immobiliers à vocation ou usage agricole, Etat, sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, notaires.

Objet : procédure, autorisation préalable, foncier agricole, seuil d’agrandissement significatif.

Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication soit le 3 décembre 2022.

Notice : le décret précise les conditions dans lesquelles le préfet de région arrête le seuil d’agrandissement significatif à partir duquel les mouvements de parts sociales des sociétés possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole conduisent à une prise de contrôle soumise à autorisation préalable.

Il précise également les modalités d’instruction des demandes par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural et le préfet de département. Il précise en outre les modalités de transmission des informations relatives à la cession entre le notaire, le cédant ou cessionnaire de parts ou actions de société et la société d’aménagement foncier et d’établissement rural.

Enfin, le décret fixe la date de réalisation des opérations à partir de laquelle l’article 1er de la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021) s’applique.

Références : le décret est pris pour l’application des articles L. 141-1, L. 333-2, L. 333-3 et L. 333-5 du code rural et de la pêche maritime), dans leur version issue de la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021) portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. Le code rural modifié par le décret peut être consulté dans la version issue de cette modification sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).

source LEGIFRANCE

La non-exécution d’une décision de justice ne constitue pas un manquement à une obligation contractuelle et ne peut donc pas justifier une résolution sur le fondement de l’article 1184 du code civil.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Vignobles des Mouchottes, qui a pour objet l’exploitation d’un domaine viticole situé dans les Hautes Côtes de Beaune, est associée coopérateur de la société coopérative La Cave des Hautes Côtes.

Un contentieux apparaît entre elles, la SAS Vignobles des Mouchottes reprochant à la coopérative un déséquilibre dans les conditions financières de leurs relations et une pénalité de 310 960 euros prononcée par cette dernière à son encontre le 24 avril 2019, et soutenant que ces éléments sont à l’origine des difficultés financières ayant donné lieu à l’ouverture à son profit d’une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Dijon du 21 mai 2019.

De son côté, la SCA La Cave des Hautes Côtes reproche aux Vignobles des Mouchottes d’avoir retenu sur la récolte 2018 une partie de cette dernière en invoquant le droit de réserve figurant à l’article 8 de ses statuts, lequel prévoit que l’associé coopérateur ‘s’engage à livrer la totalité des produits viticoles de son exploitation tels qu’ils sont définis à l’article 3 ci-dessus réserve faite des quantités nécessaires aux besoins familiaux et de l’exploitation,’ les parties s’opposant sur le sens à donner à cette clause.

C’est dans ces conditions que la SCA La Cave des Hautes Côtes assigne en référés la SAS Vignobles des Mouchottes devant le président du tribunal de grande instance de Dijon au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de :

– voir ordonner à la SAS Vignobles des Mouchottes d’avoir à lui livrer lors des prochaines vendanges la totalité des récoltes de son exploitation soit 73 ha 33 a 20 ca,

– dire que la livraison ordonnée s’effectuera sous astreinte,

– faire interdiction à la SAS Vignobles des Mouchottes de vendre, de céder ou de disposer de quelque manière que ce soit de la propriété des produits viticoles issus de son exploitation au titre de la récole 2018 et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– voir assortir l’interdiction sus ordonnée d’une pénalité de 5 euros par kilo non livré et/ou de 700 euros par hectolitre non livré à la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– condamner la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SAS Vignobles des Mouchottes aux entiers dépens ainsi qu’aux frais de constat en date du 31 août 2018 de la SCP M. L. A. huissiers de justice à Beaune.

Par ordonnance en date du 7 septembre 2018, le Président du tribunal de grande instance de Dijon :

– ordonne à la SAS Vignobles des Mouchottes de livrer à la SCA La Cave des Hautes Côtes lors des vendanges 2018 la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 73 ha 33 a 20 ca,

– fait interdiction à la SAS Vignobles des Mouchottes de vendre, céder ou disposer de quelque manière les produits viticoles issus de son exploitation au titre des vendanges 2018 et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes, ce sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée,

– condamne la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Cette décision étant revêtue de l’exécution provisoire, la SAS Vignobles des Mouchottes livre à la coopérative, lors des vendanges 2018, les produits qu’elle comptait se réserver.

Toutefois, par arrêt du 21 février 2019, la cour d’appel de Dijon :

– confirme l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré la demande recevable, dit n’y avoir lieu à nullité de l’assignation, retenu la compétence du juge des référés, et en ce qu’elle a rejeté la demande de la SCA La Cave des Hautes Côtes tendant à la mise à la charge de la société Vignobles des Mouchottes des frais de constat d’huissier,

– l’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

– rejette les demandes formées par la SCA La Cave des Hautes Côtes à l’encontre de la société Vignobles des Mouchottes,

– rappelle que cette décision infirmative constitue un titre suffisant pour obtenir la restitution des produits litigieux,

– rejette la demande de la société Vignobles des Mouchottes tendant à voir cette restitution ordonnée sous astreinte,

– déclare irrecevable la demande de la société Vignobles des Mouchottes tendant à ce que les restitutions soient opérées sous le contrôle d’un expert et d’un huissier, aux frais avancés de la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– condamne la SCA La Cave des Hautes Côtes à payer à la société Vignobles des Mouchottes la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la SCA La Cave des Hautes Côtes aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SAS Vignobles des Mouchottes fait alors signifier le 29 mars 2019 à La Cave des Hautes Côtes un commandement aux fins de saisie appréhension.

Par assignation du 5 avril 2019, la SCA saisit le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dijon d’une demande d’annulation de ce commandement aux motifs d’une part qu’il n’est pas justifié par la SAS d’un droit réel sur les biens visés, et d’autre part d’une absence de titre exécutoire.

Une tentative d’appréhension des produits litigieux en date du 2 mai 2019 échoue, la SCA opposant d’une part le fait que le juge de l’exécution n’a pas encore statué, et d’autre part que les marchandises ne sont plus sous forme de raisins mais sous forme de vin incorporé avec d’autres apports des adhérents de la Cave, ce qui rend la restitution impossible.

Parallèlement, la SCA La Cave des Hautes Côtes forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Dijon.

*

Par acte d’huissier du 27 mars 2019, la SCA La Cave des Hautes Côtes assigne la SAS Vignobles des Mouchottes devant le tribunal de grande instance de Dijon selon la procédure à jour fixe, aux fins de voir juger que cette dernière est tenue d’une obligation d’exclusivité, d’obtenir qu’elle soit condamnée à exécuter cette obligation, de voir constater que la SAS Vignobles des Mouchottes a résilié des baux ruraux pour une surface de 4,343 ha au sein de son exploitation, et de la voir condamner à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

D’autre part, le 24 avril 2019, la SCA La Cave des Hautes Côtes notifie à la SAS Vignobles des Mouchottes une décision prise le même jour d’application à son encontre d’une pénalité de 310 960,60 euros avec mise en demeure de régler cette somme avant le 31 mai 2019 pour des faits de mutations de surface.

Enfin, lors d’une assemblée générale extraordinaire du 6 juin 2019, la SCA La Cave des Hautes Côtes décide de modifier l’article 8 de ses statuts relativement au droit de réserve.

*

Sur autorisation du président, la SAS Vignobles des Mouchottes, Maître Rémy B. es qualité d’administrateur judiciaire de la SAS Vignobles des Mouchottes et la SCP Véronique T. es qualité de mandataire judiciaire de cette même société assignent la SCA La Cave des Hautes Côtes par assignation à jour fixe délivrée le 27 juin 2019 devant le tribunal de grande instance de Dijon aux fins de voir le tribunal, statuant par jugement exécutoire par provision :

– constater que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019 constitue un titre suffisant de restitution à la société Vignobles des Mouchottes de la part de récoltes 2018 qu’elle s’était réservée sur le fondement de l’article 8 des statuts de La Cave des Hautes Côtes,

– constater, au besoin juger que La Cave des Hautes Côtes a refusé à ce jour d’exécuter l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019, au préjudice de la société Vignobles des Mouchottes,

– constater que La Cave des Hautes Côtes a convoqué une assemblée générale extraordinaire pour le 6 juin 2019 aux fins de supprimer, pour les nouvelles adhésions, le droit de réserve prévue à l’article 8 des statuts, reconnaissant de facto le bien fondé de ce droit invoqué par la société Vignobles des Mouchottes,

– constater que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019 a, en outre, jugé sérieusement contestable la demande de La Cave des Hautes Côtes à rencontre de la société Vignobles des Mouchottes concernant la part de récoltes 2018 mutée au profit de l’Earl Geantet Pansiot,

– constater que La Cave des Hautes Côtes a notifié abusivement une pénalité financière de 310 960,60 euros le 24 avril 2019, avec mise en demeure de payer avant le 31 mai 2019, en méconnaissance des termes de l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019,

– constater que La Cave des Hautes Côtes a procédé à la modification de l’article 8 des statuts relatif au droit de réserve, en violant le droit à l’information complète des associés coopérateurs et en tentant de tromper la société Vignobles des Mouchottes sur l’ordre du jour de l’assemblée générale du 6 juin 2019,

– constater que les prix des récoltes décidés par le conseil d’administration de La Cave des Hautes Côtes restent abusivement bas, la fixation d’une rémunération des apports aussi basse étant constitutive d’une faute à l’encontre des associés coopérateurs en vertu de l’ordonnance du 24 avril 2019,

– prononcer la résiliation judiciaire de l’engagement coopératif entre la société Vignobles des Mouchottes et La Cave des Hautes Côtes aux torts de cette dernière avec toutes conséquences de droit,

– débouter la société coopérative La Cave des Hautes Côtes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société coopérative La Cave des Hautes Côtes à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

La SCA La Cave des Hautes Côtes demande pour sa part au tribunal, au visa des dispositions des articles 788 et suivants du code de procédure civile, 1184 ancien du code civil, de :

– constater l’inapplicabilité de la loi Egalim du 30 octobre 2018 et de l’ordonnance n° 2019 362 du 24 avril 2019,

– dire que les fautes invoquées par la société Vignobles des Mouchottes à son encontre ne sont pas établies et ne peuvent fonder une demande de résiliation judiciaire du contrat de coopération qui les lie,

– débouter la société Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner à la société Vignobles des Mouchottes de lui livrer lors des vendanges 2019 la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 68 ha 98 a 9 ca,

– faire interdiction à la société Vignobles des Mouchottes de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits viticoles issus de son exploitation au titre des vendanges 2019 et non livrés à la société coopérative, ce, sous astreinte provisoire de 10 000 euros par infraction constatée,

– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Dijon :

– Déboute la SAS Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes,

– Dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de la SCA La Cave des Hautes Côtes relatives à la livraison des récoltes et à la demande d’interdiction,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

– Déboute les parties de toutes leurs autres prétentions plus amples ou contraires,

– Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

– que compte-tenu de sa date de conclusion, le contrat dont la résiliation est demandée reste régi par la loi ancienne, l’ordonnance du 10 février 2016 ne lui étant pas applicable,

– que l’inexécution d’une décision de justice, fût-elle avérée, ne peut pas constituer un manquement contractuel au sens de l’article 1184 du code civil en sa version applicable,

– que la soumission à l’assemblée générale d’une résolution tendant à la modification des statuts au surplus applicable qu’aux nouveaux adhérents et donc sans conséquence pour la société requérante ne peut pas constituer une faute contractuelle,

– qu’au vu des pièces produites, le grief tiré des conditions de convocation à cette assemblée générale n’est pas avéré,

– qu’il ne peut pas plus être tiré de cette proposition de modification des statuts par suppression de la clause de réserve figurant à l’article 8 la déduction du bien-fondé des prétentions de la Sas Vignobles des Mouchottes,

– que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon qui a uniquement statué sur le caractère sérieux des contestations élevées en référé par la Sas Vignobles de Mouchottes ne peut pas démontrer le caractère infondé de la sanction financière prise à l’encontre de cette dernière à raison de la mutation de certaines des parcelles initialement exploitées par ses soins,

– qu’il n’est pas plus démontré que la mise en oeuvre de cette sanction serait abusive dès lors que le juge-commissaire est saisi de la contestation élevée par la Sas Vignobles des Mouchottes suite à l’inscription de cette créance au passif de la procédure de sauvegarde et qu’il n’a pas encore statué,

– que le grief tiré de la fixation par la coopérative d’une rémunération abusivement basse du prix des apports est fondé sur les dispositions de la loi Egalim et de l’ordonnance du 24 avril 2019, lesquelles ne sont pas applicables à un litige né antérieurement à leur entrée en vigueur, et qu’au surplus, la société Vignobles des Mouchottes, qui impute ses difficultés financières au prix fixé par la coopérative, n’en rapporte pas la preuve alors que la SCA les attribue à une faiblesse de rendement de l’exploitation.

* * * * *

La SAS Vignobles des Mouchottes et Maître Rémy B. agissant es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Vignobles des Mouchottes font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 14 novembre 2019.

Il convient de relever que, dans le cadre de l’instance au fond engagée le 27 mars 2019 par la SCA La Cave des Hautes Côtes, le tribunal de grande instance de Dijon a notamment débouté la SAS Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes, l’a condamnée à livrer à la SCA la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 68 ha 98 a 9 ca, lui a fait interdiction de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits de son exploitation au titre des vendanges 2019 et non livrées à la SCA sous astreinte, et a fixé au passif de la procédure de sauvegarde une créance chirographaire de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SCA.

Cette dernière a été déboutée de sa demande de fixation d’une créance de dommages intérêts, et les parties ont été déboutées de toutes leurs autres demandes.

Ce jugement, qui était assorti de l’exécution provisoire, a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Dijon du 11 février 2021.

Par conclusions 4 déposées le 10 septembre 2021, la SAS Vignobles des Mouchottes et la Selarl MJRS es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Vignobles des Mouchottes demandent à la cour d’appel de :

‘Vu notamment l’article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Dijon en date du 21 février 2019,

Vu l’ordre du jour extraordinaire de l’assemblée générale de La Cave des Hautes Côtes du 6 juin 2019,

Vu les voies d’exécution vaines réalisées par la société Vignobles des Mouchottes,

Vu la décision de pénalité de 310 960 euros en date du 24 avril 2019 à payer avant le 31 mai 2019 sur le fondement de l’article 18,

Vu les textes et jurisprudences cités,

Recevant la SAS Vignobles des Mouchottes en son appel,

– L’y déclarer bien fondée.

Avant dire droit,

– Surseoir à statuer dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour de céans le 11 février 2021,

A défaut de sursis à statuer,

– Prononcer la résiliation judiciaire de l’engagement coopératif entre la SAS Vignobles des Mouchottes et la SCA La Cave des Hautes Côtes aux torts de La Cave des Hautes Côtes, avec toutes conséquences de droit,

– Débouter la SCA La Cave des Hautes Côtes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner la SCA La Cave des Hautes Côtes à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– La condamner aux dépens.’

Au soutien de la demande de sursis à statuer, elle expose qu’elle a inscrit un pourvoi contre l’arrêt de la cour du 11 février 2021 qui suit la position de la SCA, et que si l’arrêt est cassé et que, sur renvoi, le jugement est infirmé, cette décision aura une incidence sur le présent litige puisqu’elle pourrait caractériser une faute supplémentaire imputable à la SCA ; que contrairement à ce que la SCA soutient, cette exception de procédure relève de la compétence de la juridiction et non pas du conseiller chargé de la mise en état dès lors qu’elle est facultative et suppose une examen du fond de l’affaire.

Elle ajoute que la SCA soutient que le pourvoi ne sera pas examiné faute d’exécution de l’arrêt, mais qu’elle ne justifie pas avoir demandé un retrait du rôle ; qu’au surplus les vins sont sous statut ‘négoce’ dans la mesure où elle n’avait pas la possibilité réglementaire de vinification sur son site, ce qui lui a imposé de les transférer à La Chablisienne (dont Les Vignobles des Mouchottes sont filiale à 100 %) pour éviter que les quantités soient perdues ;

que ce statut fait que le transfert de propriété ne peut plus se faire par une livraison au sens du droit coopératif mais par un contrat de vente ; que la Cave des Hautes Côtes le sait bien puisqu’elle a proposé une acquisition similaire pour d’autres vins placés sous ce statut de négoce, et que le cabinet AJRS, son administrateur judiciaire, a multiplié les démarches suite à l’arrêt du 11 février 2021 pour proposer la cession des vins dans le cadre réglementaire en demandant la valorisation proposée par La Cave des Hautes Côtes ; que cependant celle-ci n’a fait aucune proposition car en réalité elle n’est pas capable de proposer un autre prix qu’un prix abusivement bas.

Elle soutient que le refus de restituer la part réservée sur la récolte 2018 constitue une faute.

Elle précise que la procédure de contestation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon du commandement de saisie appréhension engagée le 5 avril 2019 est toujours pendante.

Elle ajoute qu’elle a délivré une sommation interpellative le 3 mai 2019 à la SCA pour lui rappeler le caractère exécutoire de l’arrêt du 21 février 2019 nonobstant le pourvoi ; que certes les décisions ultérieures ont donné gain de cause à la SCA, mais que toutefois, dans son arrêt du 4 mai 2021, la cour de céans a précisé : ‘Il en résulte que si, en application de l’arrêt infirmatif du 21 février 2019, et tant qu’il n’avait pas été statué sur le fond, la société Vignobles des Mouchottes était certes en droit de réclamer la restitution des vins obtenus par transformation des raisins issus de la récolte 2018 qu’elle avait livrés en exécution de l’ordonnance de référé infirmée, ce droit à restitution a ensuite été mis à néant par l’effet du jugement rendu au fond le 7 octobre 2019 et de l’arrêt confirmatif du 11 février 2021, qui, dès lors qu’ils consacrent l’obligation de livraison totale à la charge de la société Vignobles des Mouchottes, y compris au titre de la récolte 2018, impliquent nécessairement que cette dernière n’est pas légitime à revendiquer les produits objets de la saisie-appréhension litigieuse.’

Elle estime qu’à tort le tribunal a retenu que l’obligation de restitution découlant de l’arrêt du 21 février 2019 n’était pas une obligation contractuelle ; qu’en effet, la demande formée initialement par la SCA de livrer l’intégralité des récoltes 2018 avait un fondement contractuel et exigeait l’application des statuts avec interprétation de l’article 8, et que pour sa part, elle demandait à bénéficier de la réserve prévue au même article ; que c’est donc en application du contrat que la restitution était exigée, et que l’arrêt de la cour constituait le titre exécutoire de cette obligation.

Elle ajoute que le refus de restitution a perduré pendant 8 mois, et que pour rendre cette restitution impossible, la SCA s’est dépêchée de faire procéder à la vinification de la réserve et de l’incorporer aux autres apports des adhérents si l’on en croit ses affirmations, puisqu’elle n’a jamais produit aucune preuve sur ce point ; que le refus de restitution et les démarches pour rendre la restitution impossible constituent un manquement aux obligations contractuelles et viole le principe de loyauté et de bonne foi inhérent à toute convention.

Elle expose ensuite que la SCA a convoqué l’assemblée générale pour statuer sur ses comptes, et a mis à l’ordre du jour extraordinaire le point suivant : ‘Modification de l’article 8 : obligations des associés’, sans plus de détail ; que ce n’est qu’en exécution d’une ordonnance du juge-commissaire du 24 mai 2019 qui lui enjoignait de communiquer les documents prévus qu’elle a découvert qu’il était prévu un ajout à l’article 8 sur la connexité des créances, mais sans suppression du droit de réserve ; que le 5 juin 2019, veille de l’assemblée, son administrateur a reçu d’autres documents dont une ‘mise à jour des statuts’ qui révélait cette fois la suppression pure et simple de la clause de réserve, et un projet de procès-verbal mentionnant en termes généraux l’acceptation des modifications de l’article 8.

Elle soutient que la SCA a ainsi tenté de modifier les statuts de manière détournée en supprimant le fondement statutaire qu’elle utilise, ce qui est abusif et surtout contraire à son règlement intérieur ; qu’en effet, l’article 22 du Règlement Intérieur Technique est ainsi rédigé : « Chapitre VI

Reprises de vins par les coopérateurs

Article 22

Le Conseil d’administration décide périodiquement, en fonction des possibilités de la Coopérative et sans compromettre ses intérêts, quelles quantités et quelles sortes de produits peuvent être retirées par chaque sociétaire pour ses besoins personnels ainsi que les conditions de ces retraits.

En aucun cas, ceux-ci ne pourront être supérieurs aux 80 % des apports de l’adhérent » ; que les fondateurs avaient donc bien prévu la possibilité pour les exploitations adhérentes d’avoir un fonctionnement indépendant de la coopérative, et que cette possibilité a d’ailleurs été utilisée lors de l’exercice 2017 par le président de la coopérative lui même.

Elle reconnaît que cette modification ne concerne que les nouveaux adhérents, mais ajoute : ‘compte-tenu de l’attitude de La Cave des Hautes Côtes, il est fort probable qu’elle adopte une interprétation contraire et souhaite faire application de la modification aux anciens adhérents’ Elle en déduit que cette modification est susceptible de lui causer un grief, ne serait-ce que l’ouverture d’une nouvelle source de contentieux.

Elle soutient que la faute est constituée par le fait que la SCA La Cave des Hautes Côtes essaye de faire supprimer la clause qu’elle viole par fausse interprétation ; que ce n’est pas la simple demande de modification qui est fautive, c’est son objectif ; que ce qui est également fautif, c’est la rétention d’information et sa tardiveté avérée puisque la SCA n’a communiqué les documents que sur injonction du juge et tardivement sur un support partiellement lisible.

Concernant la mutation des parcelles et la pénalité de 310 960 euros qui lui a été infligée, elle expose que chaque adhérent a le droit de muter une partie de sa surface d’exploitation à un tiers qui prend l’engagement de souscrire à la coopérative ; que les statuts prévoient alors en leur article 18 l’obligation de cet adhérent qui est de dénoncer la mutation dans le délai de 3 mois à compter du transfert, la coopérative pouvant soit accepter le cessionnaire, soit refuser cette mutation, mais dans ce cas le cédant ne peut pas être sanctionné.

Elle soutient qu’elle a fait valoir la mutation d’une surface résiduelle de son exploitation d’environ 4 hectares au profit d’un tiers, l’Earl Geantet-Pansiot à compter du 1er avril 2018 et qu’elle a valablement dénoncé le 7 juin 2018 cette mutation en produisant l’engagement ferme de l’Earl de souscrire aux parts sociales de la coopérative par courrier du 1er avril 2018 ; que la SCA a refusé cette mutation en considérant qu’elle était toujours tenue alors qu’elle lui a préalablement proposé cette mutation à son profit ce qu’elle a refusé, et quelle a respecté les règles du droit rural, ayant obtenu le consentement exprès et préalable de tous les bailleurs de la société concernés.

Elle ajoute qu’elle a eu la surprise de recevoir le 24 avril 2019 une pénalité décidée par la SCA pour défaut d’apport de cette quantité mutée pour un montant de 310 960 euros ; que cette pénalité prise avant même une décision définitive sur le fond révèle la volonté d’asphyxier une société déjà exsangue ; qu’elle l’a immédiatement contestée mais qu’elle a pour effet d’inscrire directement une créance à son passif.

Elle reproche au tribunal d’avoir considéré que, tant que le juge-commissaire qui est saisi de la contestation de la créance n’a pas statué, cette pénalité ne pouvait pas être considérée comme fautive alors que le juge-commissaire a sursis à statuer compte-tenu de la saisine de la cour, et en déduit qu’il faut donc que la cour statue sur la validité de la mutation, et en conséquence sur le caractère abusif de la pénalité.

S’agissant des prix pratiqués par La Cave des Hautes Côtes, elle expose que depuis plusieurs années elle rencontre des difficultés économiques chroniques que révèle l’ampleur de ses pertes malgré un chiffre d’affaires en hausse ; que son chiffre d’affaires dépend exclusivement des prix décidés par la coopérative, et que l’excédent brut d’exploitation est trop insuffisant pour qu’elle puisse honorer ses échéances courantes ; qu’elle a dû solliciter des apports de trésorerie extérieurs de plus en plus importants qui viennent grever lourdement son compte-courant au passif ; que peu importe que ses comptes ne soient pas publiés ainsi que la SCA le soutient au demeurant faussement.

Elle affirme que le caractère anormalement bas des prix fixés par la coopérative est établi par une simple comparaison avec les prix de production selon le prix arrêté par le Préfet dans le cadre de la détermination du montant des fermages viticoles et avec ceux figurant aux cours officiels du BIVB et ajoute que pour prévenir les dérives auxquelles certaines sociétés coopératives se livraient à l’encontre des sociétaires, la loi est intervenue, en l’espèce la loi EGALIM du 30 octobre 2018 sur l’ ‘équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous’ ; qu’en application de l’article 11 de cette loi, le président de la République a été habilité à légiférer par ordonnance, et que l’ordonnance relative à la coopération agricole n° 2019-362 publiée le 24 avril 2019 a décidé : ‘ V – Engage la responsabilité de la coopérative le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse au regard des indicateurs prévus aux articles L 631-24, L 631-24-1, L 631-24-3 et L 632-2-1 ou de tout autre indicateur public disponible’.

Elle ajoute qu’au surplus, la réforme du droit des obligations du 10 février 2016 a introduit l’article 1195 du code civil ; que ces textes montrent bien que la pratique de bas prix par les coopératives est largement stigmatisée ; que depuis juillet 2017, elle ne cesse d’appeler une prise de conscience des dirigeants de la coopérative, en vain, et qu’une ordonnance de mandat ad hoc a été rendue afin de pouvoir obtenir un cadre amiable de discussion avec les dirigeants de la coopérative concernant sa situation économique et le sort des associés coopérateurs, mais que ces dirigeants ont pris la responsabilité de ne pas y donner de suite.

Elle affirme qu’elle est soumise à un risque important en cas de faillite de la coopérative puisque l’article 55 des statuts prévoit une responsabilité financière des associés à deux fois le montant du capital social et qu’elle est l’un des associés les plus importants.

Elle souligne que le tribunal a relevé que ses comptes 2018 n’étaient pas justifiés et qu’elle ne contredisait pas l’assertion de la coopérative selon laquelle les difficultés rencontrées étaient liées à une faiblesse de rendement de l’exploitation alors que ses comptes 2018 n’ont pas pu être établis suite à des dysfonctionnements imputables à la coopérative, mais que ses comptes précédents sont suffisamment édifiants ; qu’il est faux de dire que ses pertes sont imputables à un défaut de rendement alors que, dans un courrier du 18 décembre 2018, le Cabinet Aucap explique ses difficultés par les prix d’achat décidés par la coopérative bien éloignés des références des arrêtés préfectoraux utilisés pour le calcul du fermage.

Elle affirme que la pratique de prix abusivement bas constitue une violation de l’essence même du contrat coopératif, et que la SCA n’a jamais donné la moindre explication quant à la fixation de ses prix.

Par conclusions n° 5 déposées le 13 septembre 2021, la SCA La Cave des Hautes Côtes demande à la cour de :

‘ Vu les articles, L 521-1-1, L 521-3, L 521-3-1, L524-1, R 522-3, R522-4, R522-5 et R524-15 du code rural, l’article 1184 ancien du code civil.

– Déclarer irrecevable et en tout état de cause infondée la demande de sursis à statuer,

– Déclarer l’appel interjeté par la SAS Vignobles des Mouchottes et son administrateur judiciaire infondé,

– En conséquence confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dijon en date du 4 novembre 2019 (RG 19/01843) en ce qu’il a : (‘),

– Débouter la SAS Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes,

– Y ajoutant, condamner la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– A défaut de condamnation, fixer la même somme au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la SAS Vignobles des Mouchottes à titre de créance chirographaire au profit de la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– Condamner la SAS Vignobles des Mouchottes aux dépens ou ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.’

La SCA La Cave des Hautes Côtes expose que la SCA La Chablisienne est présidente et associée unique de la SAS Les Vignobles des Mouchottes, et que depuis 2017 elle l’utilise pour se livrer à une véritable guérilla judiciaire à son encontre avec la volonté de lui nuire coûte que coûte ; que la société Les Vignobles des Mouchottes détient 59 388 de ses parts sociales, que la totalité de ses produits représente 20 % de sa collecte totale, et sont les plus qualitatifs de ceux qu’elle vinifie et commercialise.

Elle soutient que la demande de sursis à statuer est irrecevable car elle constitue une exception de procédure au regard de l’article 73 du code de procédure civile et est soumise au régime des exceptions de procédure prévues par l’article 74 du code de procédure civile ; que seul le conseiller chargé de la mise en état est compétent jusqu’à son dessaisissement pour statuer ; que contrairement à ce que soutient l’appelante, il n’y a pas deux régimes, la jurisprudence de la cour de cassation ne distinguant pas selon que le sursis est impératif ou facultatif ; qu’elle est également irrecevable pour défaut de qualité car les articles 108 à 111 du code de procédure civile qui régissent les exceptions dilatoires présentent notamment les demandes de sursis à statuer comme des moyens de défense du défendeur alors que la société Les Vignobles des Mouchottes est appelante.

Elle ajoute qu’elle n’invoque pas l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 11 février 2021 pour former une demande contre la société Les Vignobles des Mouchottes, et qu’elle ne fait que s’opposer à la demande de résiliation judiciaire formée par elle ; que cette demande manque par ailleurs de sérieux puisque l’appelante n’établit pas en quoi, même en cas de cassation, un arrêt de renvoi pourrait caractériser une faute contractuelle de sa part, a fortiori une faute grave, et pourrait influer sur la présente instance ou entrer en contradiction avec l’arrêt à intervenir puisque les deux instances n’ont pas le même objet, et le pourvoi porte non pas sur les obligations de la coopérative, mais sur ceux de ses associés coopérateurs ; qu’au surplus il faudrait que la cour de cassation ait à se prononcer sur le pourvoi ce qui suppose que la SAS exécute l’arrêt du 11 février 2021, ce qu’elle n’a toujours pas fait.

Elle soutient que les arguments invoqués dans ses dernières écritures concernant le statut de négoce sont inopérants et prouvent au surplus sa mauvaise foi ; que l’appelante et La Chablisienne se sont organisées pour agir en fraude de ses droits ; que la Chablisienne a acheté les produits de l’exploitation de la société Vignobles des Mouchottes par 6 contrats du 13 septembre 2019, et qu’elle peut donc parfaitement résilier amiablement ces ventes.

Concernant la demande de résiliation judiciaire, elle rappelle qu’en application de l’article 1184 du code civil en sa version applicable, seule une violation grave d’une obligation contractuelle déterminante peut fonder la résiliation d’un contrat synallagmatique.

Elle expose qu’il existe des spécificités du contrat de coopération agricole ; qu’il faut distinguer l’aspect institutionnel de l’aspect contractuel, et que le droit qui régit les sociétés coopératives agricoles et le contrat de coopération entre un associé coopérateur et la coopérative dont il est membre est un droit d’exception qui prime les règles de droit commun ; que le droit des contrats ne s’applique que dans le silence de la réglementation particulière.

S’agissant de la nature juridique spécifique du contrat de coopération, elle expose que l’associé coopérateur a une double qualité ; qu’il résulte de l’article L 521-1-1 du code rural que la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative à laquelle il adhère est régie par les principes et règles spécifiques du titre II du livre cinquième du code rural et de la loi de 1947 susvisée ; que cette relation entre les parties repose sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionnée à l’article L 521-3 du code rural en ce que l’adhérent est un apporteur de capital qui a l’obligation de souscrire ou d’acquérir des parts du capital social ce qui lui confère la qualité d’associé de la société coopérative ; que l’adhérent est également un apporteur d’activité, un coopérateur dès lors que son adhésion emporte de plein droit en application des articles L 521-3 et R 522-3 du code rural l’engagement d’utiliser les services de la coopérative pour les opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire eu égard à son objet social ; que ce sont les statuts adoptés par l’assemblée générale qui, en leur article 8, fixent les modalités et la durée de l’engagement contractuel de l’associé coopérateur de livrer les produits de son exploitation à la coopérative s’agissant des sociétés coopératives de type 1 qui, comme la SCA La Cave des Hautes Côtes, ont pour objet la collecte, la vinification, le conditionnement, la commercialisation des vin ; que le coopérateur, tenu par une obligation d’apport, qui est une obligation de résultat, ne peut, sauf cas de force majeure dûment établie, se retirer de la coopérative avant l’expiration de sa période d’engagement conformément à l’article R522-4 du code rural.

Concernant le périmètre de la résiliation du contrat de coopération, elle expose que l’application au contrat de coopération de l’article 1184 du code civil nécessite d’opérer une distinction entre l’aspect institutionnel et l’aspect contractuel ; qu’en effet il ne faut pas confondre les obligations de l’associé résultant du statut social, autrement dit de la relation sociétaire, avec les obligations contractuelles du coopérateur résultant de l’engagement d’activité par lequel il s’oblige à utiliser les services de la coopérative et à lui apporter les produits de son exploitation ; que ce n’est que si la coopérative méconnaît ses engagements contractuels particuliers à l’égard de ses adhérents pris en leur qualité de coopérateur que peut jouer la résiliation du contrat de coopération sur la base de l’article 1184 ancien du code civil ; que le recours au droit commun et l’application de l’article 1184 ancien du code civil ne sont pas possibles lorsqu’un coopérateur se plaint du mauvais fonctionnement de la coopérative, d’une divergence de vues sur la gestion de la coopérative, de la rémunération de ses apports voire d’une méconnaissance de ses droits d’associé ;

que ces types de fautes relèvent du droit des sociétés, trouvent leurs sanctions dans les actions en nullité des décisions irrégulières des organes sociaux et dans l’exercice des prérogatives politiques découlant des parts sociales dès lors que les associés participent également à l’organisation et au fonctionnement de la société qu’ils contrôlent en prenant part aux délibérations et aux votes lors des assemblées générales.

Elle soutient qu’en l’espèce, la SAS Vignobles des Mouchottes qui a la charge de la preuve ne démontre pas que la SCA La Cave des Hautes Côtes aurait commis des manquements contractuels graves à son encontre.

Elle expose que la SAS Vignobles des Mouchottes tente de caractériser une faute contractuelle par un ‘soi disant refus d’exécution’ de l’arrêt rendu en référé le 21 février 2021 par la cour de Dijon, alors que l’article 8 des statuts définit les obligations des associés coopérateurs à l’égard de la coopérative dont leur obligation d’apport total des produits de leur exploitation, et que cet article ne prévoit aucune obligation contractuelle de restitution par la coopérative des apports de ses associés coopérateurs ce qui serait contraire à son objet défini à l’article 3 des statuts ; que l’obligation contractuelle de la coopérative dans le cadre de l’engagement coopératif consiste à rémunérer les apports de ses associés coopérateurs ce qu’elle fait scrupuleusement.

Elle ajoute que l’inexécution d’une décision de justice ne peut constituer un manquement contractuel et donc aboutir à la résiliation judiciaire d’un contrat ; qu’au surplus, elle a entièrement exécuté l’arrêt de référé susvisé ainsi qu’elle en justifie ; qu’enfin, par un jugement au fond en date du 07 octobre 2019 qui a l’autorité de la chose jugée au principal, le tribunal de grande instance de Dijon a retenu que la notion de réserve des besoins de l’exploitation ‘exclu(ait) de fait les besoins économiques de l’exploitation agricole’ et a condamné la SAS Vignoble des Mouchottes à exécuter son engagement d’apport total à l’égard de la coopérative ; que le tribunal a assorti sa décision de l’exécution provisoire que Madame la Première Présidente de la cour d’appel de Dijon a refusé d’arrêter, et que la cour, par un arrêt en date du 11 février 2021, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant à dit que l’obligation de livraison de la totalité des récoltes de son exploitation mise à la charge de la société Vignobles des Mouchottes s’applique aux vendanges 2018, 2019 ainsi qu’aux vendanges effectuées ou à effectuer postérieurement, tant que durera le contrat de coopération liant les parties, que l’interdiction faite sous astreinte à la société Vignobles des Mouchottes de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits issus de son exploitation et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes s’applique, outre aux vendanges 2019, aux vendanges 2018 ainsi qu’aux vendanges effectuées ou à effectuer postérieurement, tant que durera le contrat de coopération liant les parties.

Elle en déduit que l’arrêt rendu en référé le 21 février 2019 est en conséquence privé de tout fondement juridique par l’effet du jugement rendu au fond le 7 octobre 2019 et par l’effet de l’arrêt confirmatif du 11 février 2021 qui ont l’autorité de la chose jugée au principal.

Elle ajoute que les motifs de l’arrêt rendu le 4 mai 2021 par la cour de céans que cite la SAS Vignobles des Mouchottes n’ont pas l’autorité de la chose jugée et ne lui sont d’aucun secours puisque la cour relève que le droit de restitution a été mis à néant par les décisions rendues au fond ; que le moyen est d’autant plus vain qu’en 2018 la SAS Vignobles des Mouchottes a livré à la coopérative, sans aucune réserve et sans demander l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance rendue le 7 septembre 2018 par Monsieur le Président du tribunal de grande instance, tous les produits issus de son exploitation, sauf ceux issus d’une surface de 4,343 ha dont elle avait résilié les baux, et que La Cave des Hautes Côtes a réglé scrupuleusement et à bonne date lesdits apports.

Sur la ‘soi disant tentative de modification des statuts’, elle soutient que les faits tels qu’exposés par la SAS Vignobles des Mouchottes sont grossièrement mensongers ; qu’en outre son argumentation juridique est vaine dès lors que les fautes dont elle allègue ne relèvent pas des obligations contractuelles de la SCA La Cave des Hautes Côtes à l’égard des coopérateurs mais de l’aspect institutionnel des statuts puisque c’est l’assemblée générale extraordinaire des associés coopérateurs qui a le pouvoir de modifier les statuts de la société coopérative en application de l’article R524-15 du code rural et 43 des statuts ; que pour n’éluder aucun débat, elle relève que les insinuations de la SAS Vignobles des Mouchottes selon laquelle ‘il est fort probable’ que la Cave des Hautes Côtes ‘souhaite faire application de la modification statutaire aux anciens adhérents’ ne permet pas à la cour de constater une faute de nature contractuelle, grave et avérée de sorte que la demande de résiliation du contrat coopératif ne peut pas prospérer ; qu’au surplus, contrairement à ce qu’elle affirme, la SAS Vignobles des Mouchottes avait la faculté de prendre connaissance d’un dossier complet d’information 15 jours au moins avant l’assemblée générale des associés coopérateurs de la SCA La Cave des Hautes Côtes du 6 juin 2019 ainsi que cela résulte d’un constat d’huissier de justice dressé le 21 mai 2019 par Maître H. ; que c’est enfin en vain que la SAS Vignobles des Mouchottes se prévaut d’un règlement intérieur, ce qui a déjà été relevé par le tribunal par son jugement en date du 7 octobre 2019 et par la cour d’appel.

Concernant la question de la mutation de parcelles et de la pénalité de 310 960 euros, elle souligne que les décisions du conseil d’administration d’une société coopérative dont celle d’appliquer les pénalités statutaires à un associé coopérateur défaillant, relèvent de son pouvoir de gestion au regard de l’article L524-1 du code rural et 29 des statuts et non des obligations contractuelles de la coopérative à l’égard du coopérateur.

Elle ajoute qu’elle a découvert que la SAS Vignobles des Mouchottes, alors que son obligation d’apport total portait sur une exploitation d’une surface de 73 ha 33 a 20 ca engagés, l’a amputée de parcelles d’une surface de 4,343 ha par le biais d’un acte des 25 et 26 juillet 2018 de résiliation conventionnelle et sans contrepartie des baux ruraux y afférents ; que par cet acte, la SAS Vignobles des Mouchottes a volontairement rendu impossible l’exécution forcée de son obligation d’apport des récoltes issues des-dites parcelles ; que c’est pourquoi, au titre du non apport des récoltes des-dites parcelles, elle a mis en ‘uvre à son encontre la procédure d’application des sanctions pécuniaires prévues par l’article 8-8 des modèles de statuts.

Elle ajoute qu’elle a déclaré sa créance et que la SAS Vignobles des Mouchottes a élevé une contestation ; que le 25 janvier 2021, le juge commissaire a rendu une ordonnance par laquelle il a à la fois considéré que deux instances étaient en cours et a sursis à statuer ‘jusqu’à ce qu’une décision définitive passée en force de chose jugée soit rendue sur l’interprétation de l’article 8 des statuts de la SCA La Cave des Hautes Côtes, et sur la résiliation judiciaire du contrat conclu avec la SAS Vignobles des Mouchottes.’

Elle relève que si, aux motifs de ses conclusions, la SAS Vignobles des Mouchottes fait valoir qu’ ‘Il est donc nécessaire, dans le cadre du présent litige, de se prononcer sur la validité démontrée de la mutation, et en conséquence du caractère abusif de la pénalité'(…) ‘justifiant de plus fort la résolution du contrat’, pour autant aucune prétention à cette fin n’est reprise au dispositif des conclusions des appelantes ; que la cour, qui ne peut pas statuer sur une prétention dont elle n’est pas saisie ; qu’il s’en déduit que dès lors qu’aucune décision n’aura été rendue, l’application des sanctions pécuniaires prévues par l’article 8 des statuts, par le conseil d’administration de la SCA La Cave des Hautes Côtes ne pourra pas être considérée comme fautive.

S’agissant des prix pratiqués par la coopérative, elle relève que la société Vignobles des Hautes Côtes, tout en indiquant qu’il ne s’agit pas de demander l’application de la loi Egalim et de l’ordonnance du 24 avril 2019, fonde toute son argumentation ‘sur les prix abusivement bas’ ; qu’au surplus, le Conseil d’État, par un arrêt n°430261 du 24 février 2021, a décidé que les dispositions du b) du 3° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 sont annulées en tant qu’elles créent un V à l’article L 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu’enfin la loi Egalim vise les ‘contrats de vente de produits agricoles’ alors que le contrat coopératif n’est pas un contrat de vente dont la nature est incompatible avec les spécificités des sociétés coopératives agricoles ainsi que l’a rappelé maintes fois la cour de cassation.

Elle ajoute que le moyen de la SAS Vignobles des Mouchottes tiré du caractère fautif de la pratique de prix abusivement bas est inopérant puisque les délibérations du conseil d’administration et de l’assemblée générale des associés ne relèvent pas du droit des obligations, la détermination de la rémunération des associés coopérateurs étant liée à l’aspect institutionnel de la société coopérative ; que la société coopérative agricole, si elle est chargée de commercialiser les apports de ses associés coopérateurs, n’est pas tenue de leur garantir un prix et que l’associé coopérateur doit souffrir les aléas de la commercialisation des produits ; qu’un associé coopérateur ne saurait justifier sa demande de résiliation en alléguant de la mauvaise gestion de la société dès lors que de tels faits, à les supposer avérés, seraient constitutifs d’un préjudice collectif et non pas personnel de sorte qu’ils ne pourraient ouvrir

que l’action sociale et l’exercice des droits politiques de l’associé en assemblée générale, et qu’en cas de succès de l’action ut singuli les dommages et intérêts seraient alloués non pas à l’associé mais à la société et entreraient dans l’actif social.

Elle soutient qu’en outre la SAS Vignobles des Mouchottes ne démontre pas que les difficultés économiques dont elle se plaint seraient imputables à la SCA La Cave des Hautes Côtes ; que ses comptes depuis l’exercice 2017 ne sont jamais déposés dans le délai légal, et qu’elle affirme sans le démontrer que ses pertes antérieures seraient dues aux rémunérations que lui aurait versées La Cave des Hautes Côtes alors qu’en réalité, si la SAS Vignobles des Mouchottes a enregistré dans le passé des résultats déficitaires, ils tiennent à une mauvaise gestion et à la faiblesse du rendement de son exploitation, inférieur de 30 % à la moyenne de celui des associés coopérateurs de la SCA La Cave des Hautes Côtes.

Elle ajoute que le montant des valorisations est expliqué aux associés lors des assemblées générales annuelles d’approbation des comptes et tous les éléments comptables sont à la disposition des associés coopérateurs quinze jours au moins avant l’assemblée générale ; qu’enfin les administrateurs sont en premier lieu des adhérents, et qu’ils n’ont donc aucune raison de prendre des décisions qui les pénaliseraient en tant qu’adhérent.

La Selarl MJ & Associés es qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Vignobles des Mouchottes n’ayant pas constitué avocat, les appelants lui signifient la déclaration d’appel et leurs conclusions par acte d’huissier du 19 février 2020 délivré à personne habilitée.

La SCA La Cave des Hautes Côtes lui signifie ses conclusions par acte d’huissier du 19 mai 2020.

L’ordonnance de clôture est rendue le 14 septembre 2021.

MOTIVATION

– Sur la demande de sursis à statuer

La demande de sursis à statuer fondée sur l’opportunité d’attendre l’arrivée d’un événement pour une bonne administration de la Justice constitue un incident d’instance, lequel peut être soulevé devant la cour d’appel qui est compétente pour statuer.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la SCA La Cave des Hautes Côtes, les dispositions des articles 108 à 111 du code de procédure civile consacrées aux exceptions dilatoires ne présentent nullement les demandes de sursis à statuer comme constituant des moyens de défense réservés au seul défendeur.

Il s’en déduit que la SAS Vignobles des Mouchottes est recevable à présenter une demande de sursis à statuer.

Toutefois, il ressort expressément des explications de la SAS Vignobles des Mouchottes que l’arrêt de la cour de cassation attendu suite au pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Dijon le 11 février 2021 n’est pas en soi susceptible d’apporter un élément nécessaire à la solution du présent litige, mais uniquement de donner lieu à une décision de la cour d’appel éventuellement saisie du renvoi contraire à celle cassée, et de caractériser une autre faute que celle qu’elle invoque dans l’actuelle procédure.

Il s’en déduit que la demande de sursis à statuer n’est pas justifiée.

– Sur la demande de résiliation judiciaire de l’engagement coopératif

La SAS Vignobles des Hautes Côtes fondent sa demande de résiliation de son engagement coopératif sur les dispositions de l’article 1184 du code civil en sa version applicable aux faits.

Aux termes de ce texte, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Pour que la résolution d’un contrat puisse être prononcée, il appartient à la partie qui la demande d’établir la preuve d’un ou de plusieurs manquements de son adversaire à ses obligations contractuelles, manquements qui par ailleurs doivent être d’une gravité suffisante pur justifier une telle décision.

Il s’en déduit que les actes reprochés par le demandeur à la résolution qui ne constituent pas un manquement à une obligation contractuelle ne peuvent fonder une décision de résolution du contrat.

La SAS Vignobles des Mouchottes reproche en premier lieu à la SCA La Cave des Hautes Côtes de ne pas lui avoir restitué les produits issus des vendanges 2018 qu’elle comptait se réserver suite à l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019 ayant infirmé l’ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Dijon du 7 septembre 2018 lui ordonnant de livrer ces produits.

Il est incontestable que cet arrêt infirmatif constituait un titre exécutoire qui permettait à la SAS Vignobles des Mouchottes de réclamer immédiatement la restitution de ces produits.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la SCA La Cave des Hautes Côtes, le fait que dans le cadre de la procédure au fond le tribunal judiciaire de Dijon le 7 octobre 2019 a consacré l’obligation de livraison totale à la charge de la SAS Vignobles des Hautes Côtes y compris au titre de la récolte 2018 et que la cour d’appel de Dijon a, par arrêt du 11 février 2021, confirmé cette décision, est sans incidence sur le droit à restitution que la SAS Vignobles des Mouchottes tirait de l’arrêt rendu en référé le 21 février 2019, droit qui n’a été anéanti que par les décisions au fond intervenues ultérieurement.

Cependant la non-exécution d’une décision de justice ne constitue pas un manquement à une obligation contractuelle, et ne peut donc pas justifier une résolution sur le fondement de l’article 1184 du code civil.

La SAS Vignobles des Mouchottes reproche ensuite à la SCA La Cave des Hautes Côtes d’avoir ‘tenté’ de modifier l’article 8 de ses statuts dans l’intention d’appliquer la nouvelle version aux anciens adhérents et au surplus en procédant à une rétention d’information, de lui avoir appliqué une pénalité de 310 960 euros pour mutation de parcelles, et de pratiquer des prix abusivement bas.

Il n’est pas contesté par le SAS Vignobles des Mouchottes que ses relations avec la SCA La Cave des Hautes Côtes sont régies par un contrat de coopération, lequel relève des dispositions spécifiques aux sociétés coopératives agricoles prévues aux articles L 521-1 et suivants du code rural et de la pêche.

Il ressort de ces textes que l’associé coopérateur a une double qualité. En effet, il résulte de l’article L 521-1-1 de ce code que la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative à laquelle il adhère est régie par les principes et règles spécifiques du titre II du livre cinquième du code rural et de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, cette relation entre les parties reposant sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionnée à l’article L 521-3 du code rural. Ainsi, l’adhérent est un apporteur de capital qui a l’obligation de souscrire ou d’acquérir des parts du capital social ce qui lui confère la qualité d’associé de la société coopérative. Il est également un apporteur d’activité, un coopérateur, dès lors que son adhésion emporte de plein droit en application des articles L 521-3 et R 522-3 du code rural l’engagement d’utiliser les services de la coopérative pour les opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire eu égard à son objet social.

Il s’en déduit qu’il faut distinguer les droits et obligations de l’associé vis à vis de la coopérative résultant du statut social, autrement dit de la relation sociétaire, des obligations contractuelles du coopérateur résultant de l’engagement d’activité par lequel il s’oblige à utiliser les services de ladite coopérative et à lui apporter les produits de son exploitation, cette dernière ayant pour sa part les obligations de lui fournir ces services et de rémunérer ses apports en application des tarifs déterminés conformément aux statuts, c’est-à-dire par une délibération de l’assemblée générale des associés.

Ce n’est que si la coopérative méconnaît ses engagements contractuels particuliers à l’égard de ses adhérents pris en leur qualité de coopérateur que peut intervenir une résolution du contrat de coopération sur la base de l’article 1184 ancien du code civil, alors que le recours au droit commun du contrat n’est pas possible lorsqu’un coopérateur se plaint du mauvais fonctionnement de la coopérative, d’une divergence de vues sur sa gestion, de la rémunération de ses apports voire d’une méconnaissance de ses droits d’associé.

Ces fautes relèvent du droit des sociétés, et trouvent leurs sanctions dans les actions en nullité des décisions irrégulières des organes sociaux et dans l’exercice des prérogatives politiques découlant des parts sociales dès lors que les associés participent également à l’organisation et au fonctionnement de la société qu’ils contrôlent en prenant part aux délibérations et aux votes lors des assemblées générales.

Il en résulte que la décision de modification de l’article 8 des statuts décidée lors d’une assemblée générale de la coopérative du 6 juin 2019, à supposer avérées les irrégularités qui auraient été commises concernant l’information préalable des associés, ne peut pas constituer un manquement de la SCA à ses obligations contractuelles.

Il sera au surplus relevé sur ce point que la société Vignobles des Mouchottes reproche à la coopérative une intention d’appliquer aux anciens adhérents cette modification et d’avoir eu ainsi un objectif fautif, se livrant ainsi à un procès d’intention.

Concernant la décision du conseil d’administration de la coopérative d’appliquer une pénalité de 310 960 euros aux Vignobles des Hautes Côtes en lui reprochant d’avoir réduit sa surface d’exploitation de 4,343 hectares, il n’est pas contesté par l’appelante qu’une telle décision s’inscrit dans le pouvoir de gestion du-dit conseil d’administration prévu par l’article L 524-1 du code rural et de la pêche, et de l’article 29 des statuts de la coopérative.

Cette décision relève des relations statutaires entre la SCA et la SAS Vignobles des Mouchottes et, à la supposer irrégulière ou mal fondée, elle ne constitue en tout état de cause pas un manquement aux obligations contractuelles de la coopérative.

Enfin, il est établi que la fixation des modalités de paiement du prix des apports de produits relève de la compétence de ‘l’organe chargé de l’administration de la société’ coopérative par application des dispositions de l’article L 521-3-1 du code rural et de la pêche, c’est-à-dire qu’elles sont décidées en assemblée générale annuelle. Il s’en déduit que les contestations pouvant être émises à l’encontre de ces décisions relèvent du droit des sociétés et des éventuelles actions en annulation des délibérations qu’un associé peut engager.

Par contre, à supposer même qu’une faute ait été commise lors de la détermination du prix des apports, elle ne peut pas constituer un manquement aux obligations contractuelles de la coopérative dans ses rapports avec chacun des associés, la coopérative étant dans ce cadre tenue d’appliquer le tarif tel que décidé en assemblée générale.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la SAS Vignobles de Mouchottes et la Selarl MJRS es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de ladite SAS échouent à démontrer l’existence de manquements contractuels de la SCA La Cave des Hautes Côtes justifiant le prononcé à ses torts de la résolution du contrat liant les parties. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Pour le surplus, la SCA La Cave des Hautes Côtes ne reprend pas devant la cour ses prétentions concernant les vendanges 2019, concluant à la confirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande de sursis à statuer présentée par la SAS Vignobles des Mouchottes,

Déboute la SAS Vignobles des Mouchottes de sa demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Dijon du 4 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS Vignobles des Mouchottes aux dépens de la procédure d’appel,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Vignobles des Mouchottes à verser à la SCA La Cave des Hautes Côtes 4 000 euros pour ses frais liés à la procédure d’appel,

Déboute la SAS Vignobles des Mouchottes de sa demande de ce chef.

Cour d’appel Dijon 2e chambre civile 2 Décembre 2021 Répertoire Général : 19/01735

LOI EGALIM 2 ET L’OBLIGATION D’UN CONTRAT ECRIT POUR CERTAINS PRODUITS AGRICOLES

Le décret n° 2022-1668 du 26 décembre 2022 fixant les produits et les catégories de produits agricoles pour lesquels le contrat de vente ou l’accord-cadre peut ne pas être conclu sous forme écrite a été publié au Journal officiel de la République française le 28 décembre.

Entrant en vigueur dès le lendemain de sa publication, ce décret vient compléter l’article 1er de la loi Egalim 2, impliquant l’obligation de contractualisation entre les producteurs et leurs premiers acheteurs.

En octobre 2021, il était déjà question d’absence de contractualisation pour les les grossistes et les marchés aux bestiaux.

Pour les produits cités dans ce décret, la contractualisation peut se formaliser sans écrit.  » En créant un nouvel article R. 631-6-1, le texte ainsi publié fixe la liste des produits agricoles ou catégories de produits agricoles pour lesquels le contrat de vente conclu entre le producteur du produit et son premier acheteur ou l’accord-cadre conclu entre le producteur et l’organisation de producteurs dont il est membre ou l’association d’organisations de producteurs reconnue à laquelle appartient l’organisation de producteurs dont il est membre peut ne pas être conclu sous forme écrite « , est-il écrit.

Les catégories de produits exemptés

  • céréales,
  • riz,
  • sucre,
  • fourrages séchés,
  • semences,
  • huile d’olive et olives de table,
  • lin et chanvre,
  • fruits et légumes,
  • produits transformés à base de fruits et légumes,
  • bananes,
  • certains vins,
  • plantes vivantes et produits de la floriculture,
  • alcool éthylique d’origine agricole,
  • produits de l’apiculture,
  • et d’autres produits comme les légumes à cosse secs, écossés, même décortiqués ou cassés, ou les pommes de terre à l’état frais ou réfrigéré, ou encore certains piments.

Toute la liste est disponible dans le décret.

Seuil de chiffre d’affaires

Par ailleurs, le décret n° 2022-1669 du 26 décembre 2022 vient fixer les seuils de chiffre d’affaires annuel en dessous desquels les dispositions de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime ne sont pas applicables.

Ainsi, tout producteur de produits agricoles réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 000 euros pour un produit agricole considéré n’est pas soumis à l’obligation de conclure un contrat écrit prévue à l’article L. 631-24 susmentionné pour la vente de ce produit.

https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=W8WsfNOlOI6RDy-wPtZgPworz4bA_SsHE6FfuE_F-5I

Associé Coopérateur démissionnaire : Motivation de la lettre de démission et ce, afin de permettre au conseil d’administration d’appréhender la situation

La société coopérative agricole ‘Uniré’ dont le siège social est à [Localité 3], a une activité de collecte de raisins et vinification et une activité de collecte et commercialisation de pommes de terre.

M. [E], adhérent à la SCA Uniré depuis le 7 mai 1983, a exercé son activité à compter du 1er avril 1996 sous la forme d’une EARL dénommée EARL L’Albatros.

Le 25 février 2011, l’EARL L’Albatros a informé la SCA Uniré de son retrait de l’activité maraîchère, tout en demandant le remboursement des parts sociales concernant la production de pommes de terre.

Il lui a été répondu par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 avril 2011 qu’il ne pouvait se désengager ‘dès cette campagne’, précisant ‘Vous n’êtes pas sans ignorer les statuts de la coopérative et particulièrement l’article 8 ‘Obligations des associés coopérateurs’.

Puis, le 1er août 2011, la SCA Uniré l’a informé que son retrait ne pourrait être effectif avant le 1er août 2014, lui rappelant et reproduisant in extenso les dispositions de l’article 11 et de l’article 8 paragraphes 4, 5, 6 et 7 des statuts.

Le courrier se terminait de la façon suivante : ‘Avant de se prononcer sur l’éventuelle mise en oeuvre de la participation aux frais fixes et des sanctions respectivement prévues aux paragraphes 6 et 7 de l’article 8 des statuts et retranscrits ci-dessus, le conseil d’administration vous met en demeure, par les présentes, de fournir des explications sur les manquements constatés à vos obligations d’associé coopérateur, mentionnés ci-avant.

A défaut de réponse dans un délai de 30 jours à compter de la réception des présentes, ou en cas d’explications fournies dans ce délai et estimées insuffisantes ou impropres à justifier les manquements constatés, le conseil d’administration se réunira pour statuer sur les sommes qui seront éventuellement mises à votre charge en application des dispositions évoquées ci-dessus.’

Le 29 août 2011, M. [E] a répondu que la SCA connaissait ‘entièrement les raisons de son désengagement de l’activité maraîchère précisant : ‘puisque c’est vous qui l’avez provoqué.’

Le conseil d’administration a, le 21 septembre 2011, prononcé à l’unanimité l’exclusion de L’EARL L’Albatros de la coopérative.

Enfin, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 octobre 2011, la SCA Uniré a notifié à M. [E] la décision d’exclusion dans les termes suivants :

‘Monsieur,

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du ler Août 2011 (avis de réception du 3 Août), nous vous avons mis en demeure de fournir des explications relatives aux manquements constatés au titre de vos obligations d’associé coopérateur.

Par lettre en date du 29 Août 2011, vous n’apportez aucune explication relative à votre désengagement de l’activité.

Le conseil d’administration, réuni le 21 Septembre 2011, a statué sur les conséquences qu’il y avait lieu de mettre en oeuvre à la suite de votre désengagement.

A cet effet et conformément aux paragraphes 6 et 7 de l’article 8 des statuts, dont le texte a été reproduit dans notre lettre du 1er Août 2011, le conseil d’administration a décidé qu’il serait mis à votre charge une participation aux frais fixes dont le montant serait déterminé d’après les comptes de l’exercice clos le 31 Juillet 2011.

Nous vous informerons prochainement du montant de cette participation.

Par ailleurs, le conseil d’administration a décidé à l’unanimité de vous exclure de la coopérative avec effet immédiat, c’est-à-dire à compter de l’exercice ouvert le 1er août 2011.

En tant que de besoin, nous vous rappelons qu’en tant qu’associé coopérateur vous étiez tenu de respecter l’intégralité des dispositions statutaires de la coopérative, ces statuts étant à la disposition de tous les adhérents pour consultation à la coopérative.

L’article 8 des statuts stipule que :

‘1. L’adhésion à la coopérative entraîne, pour l’associé coopérateur :

a) l’engagement de livrer ‘la totalité des produits de son exploitation, tels qu’ils sont définis à l’article 3 ci-dessus, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins familiaux’. En aucun cas, un associé coopérateur ne peut procéder à la vente directe en acquit, CRD et laissez-passer au départ de sa propriété.

Comme nous l’indiquions dans notre lettre du 1er août 2011, c’est l’infraction répétée à ces dispositions qui motive l’exclusion dont vous faites l’objet.’

Suivant mise en demeure du 2 mars 2012, la SCA Uniré a demandé à l’EARL L’Albatros le paiement de la somme de 31.959,74 euros au titre de la participation aux frais fixes puis l’a assignée ainsi que M. [E] en paiement de cette somme devant le tribunal de grande instance de La Rochelle.

Par jugement du 23 avril 2014, le tribunal de grande instance de La Rochelle a :

– mis hors de cause M. [E] ;

– annulé la décision du conseil d’administration de la SCA Uniré en date du 21 septembre 2011 prononçant l’exclusion de l’EARL L’Albatros ;

– validé la demande de retrait formée par l’EARL L’Albatros ;

– débouté la SCA Uniré de ses demandes ;

– condamné la SCA Uniré à payer à l’EARL L’Albatros la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCA Uniré a relevé appel de cette décision, et par arrêt du 30 octobre 2015, la cour d’appel de Poitiers a confirmé le jugement en ce qu’il a mis hors de cause M. [E], l’a infirmé pour le surplus, a dit bien fondé le refus du conseil d’administration d’accepter le retrait de l’EARL L’Albatros, condamné l’EARL L’Albatros à payer à la SCA Uniré la somme de 31.959,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2012, débouté l’EARL L’Albatros de sa demande d’annulation de la décision d’exclusion du 21 septembre 2011, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné l’EARL L’Albatros aux dépens.

Sur pourvoi de M. [E] et de L’EARL l’Albatros, la cour de cassation a, par arrêt du 17 janvier 2018, cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers, condamné la société Uniré aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Poitiers, autrement composée.

La cour de cassation a considéré que, pour dire bien fondé le refus de la coopérative d’accepter le retrait de l’EARL, en retenant que celle-ci devait justifier d’un motif valable, c’est-à-dire, selon l’article 11 des statuts, d’un cas de force majeure, alors qu’aux termes de l’article 11 des statuts, le motif valable de retrait invoqué par l’associé coopérateur se distingue du cas de force majeure, la cour d’appel avait méconnu son obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.

Elle a par ailleurs estimé que, pour rejeter la demande d’annulation de la décision d’exclusion litigieuse, la cour d’appel avait retenu que la coopérative a entendu sanctionner la récidive de son sociétaire, et énoncé que constitue un manquement continu contrevenant de manière répétée aux obligations de l’EARL, le fait pour celle-ci de ne pas avoir livré sa récolte à la coopérative au cours de la campagne 2011, et qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la récidive reprochée à l’EARL, elle avait privé sa décision de base légale.

La cour d’appel de Poitiers, saisie sur renvoi de cassation par déclaration de saisine du 8 mars 2018, a, par arrêt du 8 janvier 2019 :

– révoqué l’ordonnance de clôture en date du 11/10/2018, et prononcé la clôture à la date du 08/11/2018,

– débouté la SCA Uniré de sa demande tendant à voir prononcer l’irrecevabilité des conclusions de M. [X] [E] et de l’EARL l’Albatros,

– dit irrecevables comme nouvelles les demandes formées par M. [X] [E] et de L’EARL l’Albatros, de : ‘A titre infiniment subsidiaire, s’il devait être fait droit aux demandes de la SCA Uniré, constaté que celle-ci a manifestement commis un abus de droit, En conséquence, la condamner à payer à l’EARL l’Albatros la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts’, confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a

condamné la SCA Uniré à payer à l’EARL l’Albatros la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, et, statuant à nouveau, a dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres frais de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, et enfin condamné la SCA Uniré aux dépens d’appel.

La SCA Uniré a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision, et, par arrêt du 9 septembre 2021, rectifié le 2 décembre 2021, la cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers au motif de la violation par la cour de l’article 1037-1 du code de procédure civile en ce qu’elle avait rejeté la demande de la coopérative de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 6 août 2018 par M. [E] et l’EARL, ainsi que leurs conclusions postérieures.

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux, laquelle a été saisie par déclaration de saisine de la SCA Uniré le 24 novembre 2021.

Par conclusions notifiées par RPVA le 11 mai 2022, la SCA Uniré demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 23 avril 2014 par le tribunal de grande instance de La Rochelle ;

– la juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

– dire et juger bien fondé le refus, par la société coopérative agricole Uniré, du retrait de l’EARL l’Albatros ;

– dire et juger bien fondée l’exclusion de l’EARL L’Albatros prononcée par la société coopérative agricole Uniré ;

– condamner en conséquence in solidum M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros à lui verser la somme de 31.959,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2012 ;

– dire et juger que les intérêts échus seront capitalisés en application et dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamner in solidum M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros à lui verser la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros à supporter les dépens.

La SCA Uniré fait valoir que :

– l’engagement coopératif à durée déterminée lie l’associé coopérateur jusqu’à son terme, sous réserve de deux hypothèses exclusivement, l’existence d’un cas de force majeure ou l’existence d’un motif valable tel qu’apprécié par le conseil d’administration, qu’en l’espèce, nulle situation présentant les caractéristiques cumulatives – extériorité, irrésistibilité et imprévisibilité – de la force majeure ne peut être alléguée par l’EARL L’Albatros pour justifier son retrait,

– l’EARL n’établit pas à l’appui de sa demande de retrait l’existence d’un motif valable que le conseil d’administration de la coopérative, à titre exceptionnel, aurait dû accepter et qu’il aurait fautivement rejeté, étant précisé que l’article 11 des statuts ne lui fait pas l’obligation d’accepter en ce cas la démission, contrairement à l’hypothèse d’un cas de force majeure,

– les conditions de retrait d’un associé coopérateur résultent également de l’article 11 des modèles de statuts obligatoires des sociétés coopératives agricoles d’origine réglementaire auxquels il est conforme, y compris encore

l’article 11 de la dernière version du modèle de statuts résultant de l’arrêté du ministre de l’agriculture du 20 février 2020 portant homologation des modèles de statuts des sociétés coopératives agricoles, et ce, en application de l’article R 522-4 du code rural,

– l’obligation d’apport, en l’occurrence total, de la production des associés coopérateurs à la coopérative de collecte-vente dont ils sont membres constitue l’une des obligations les plus fondamentales auxquelles ils soient soumis,

– dès lors qu’une violation de l’obligation d’apport total imposée par l’article 8 des statuts est établie sans l’excuse justifiée de la force majeure, l’article 12 autorise l’exclusion pour ‘des raisons graves’ tel, au premier chef, le défaut d’apport, aucune condition de récidive n’étant requise par l’article 12,

– que même si la cour devait considérer que l’exclusion prononcée était exclusivement fondée sur l’article 8 paragraphe 7 point d) des statuts et non sur l’article 12, elle n’en jugerait pas moins l’exclusion justifiée, car le comportement de l’associé coopérateur en l’espèce relève bien de la ‘récidive’,

– la notion de récidive évoquée par l’article 8 paragraphe 7 point d) des statuts de la coopérative ne peut se rapporter à l’hypothèse de manquements intervenus à l’échelle de plusieurs exercices, puisque cette situation est expressément distinguée de la récidive par l’article 8 paragraphe 7 point d),

– aucun texte ni aucune jurisprudence n’obligeait la coopérative à détailler, dans le procès-verbal ou la notification d’exclusion, le caractère répété de la violation alléguée de l’obligation d’apport,

– la condition potestative n’étant une cause de nullité que lorsqu’elle est potestative de la part de celui qui s’oblige, et non de part de celui envers qui l’obligation est contractée, l’article 11 des statuts ne saurait donc être annulé,

-la procédure d’exclusion, qui n’est pas soumise à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme est régulière, a respecté l’article 8 paragraphe 8 des statuts, et l’EARL L’Albatros a incontestablement disposé de la possibilité de faire valoir ses explications à l’encontre des griefs qui lui avaient été notifiés,

– une même campagne donne lieu à plusieurs arrachages, c’est pour cette raison que la violation de l’obligation d’apport a été répétée pour la campagne 2010/2011 et c’est en cela que la condition de récidive, à la supposer requise, doit être jugée remplie,

– l’exclusion est valable même si l’on considère que l’exclusion n’était en rien fondée sur l’article 12 des statuts (lequel vise pourtant spécifiquement et précisément l’exclusion en cas de violation de l’obligation d’apport), mais exclusivement fondée sur l’article 8 paragraphe 7 point d) des statuts de la coopérative qui n’est, lui, pas d’origine réglementaire, et selon lequel l’exclusion est permise ‘soit en cas de récidive au cours de la période d’engagement, soit lorsque l’intéressé a manqué à ses engagements pendant plusieurs exercices consécutifs’.

Par conclusions notifiées par RPVA en date du 18 mai 2022, M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros demandent à la cour de : 

– dire et juger nulles et de nul effet les dispositions statutaires de la société SCA Uniré et en particulier son article 11 relatif au retrait des associés ;

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a mis hors cause M. [X] [E], a dit et jugé valable et bien fondée la demande de retrait de la société SCEA L’Albatros et annulé la décision d’exclusion de cette dernière en date du 21.09.2011 ;

– débouter la SCA Uniré de toutes ses demandes, fins et moyens et l’y dire mal fondée ;

– condamner la société SCA Uniré à payer à la société SCEA L’Albatros la somme de 10.000 euros au titre et en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.

M. [E] et l’EARL L’Albatros soutiennent que :

– la clause de l’article 11, qui organise les possibilités contractuelles de retrait, et qui sont donc impulsives du consentement au pacte social, est objectivement et totalement potestative en ce sens que le juste motif (motif valable) n’est aucunement décrit, et laissé à la seule et discrétionnaire appréciation du conseil d’administration de la société cocontractante,

– la SCA Uniré ne justifie pas avoir régulièrement convoqué l’EARL L’Albatros ni son gérant à l’assemblée générale extraordinaire en date du 29.01.2010, ni lui avoir signifié les nouveaux statuts issus de cette assemblée,

– les causes du retrait sont connues, explicitées dans une lettre en date du 29.08.2011, et ces faits et cette motivation ‘ le pacte social d’une société coopérative contenant et comprenant un affectio societatis renforcé – sont une cause légitime de retrait,

– la décision de rejet de la demande de retrait n’a jamais été faite explicitement,

– il n’est produit aucune pièce (ni d’ailleurs soutenu aucune faute) sur le comportement de l’EARL L’Albatros à l’égard de ses obligations d’approvisionnement exclusif pendant les dix-huit années de son adhésion, et la faute fondant cette exclusion, constituée par le caractère répété du défaut d’apport de la récolte n’est pas démontrée, alors que la société SCA Uniré a elle-même fondé la gravité de la faute fondant sa décision d’exclusion par son caractère répété, qu’elle ne peut d’ailleurs pas soutenir puisqu’elle ne dispose que d’une faute unique, à la supposer établie.

Le dossier a été fixé à l’audience du 12 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS :

En premier lieu, il n’est pas contesté que le litige ne concerne que L’EARL l’Albatros, seule adhérente de la coopérative, et non M. [E], lequel a en conséquence été mis hors de cause à juste titre par le premier juge.

– Sur l’exclusion :

Le refus de retrait notifié le 22 avril 2011 par la SCA Uniré rappelle à L’EARL l’Albatros les dispositions de l’article 8 des statuts et l’impossibilité pour l’entreprise de se désengager de la campagne.

La mise en demeure du 1er août 2011 reproduit in extenso les dispositions de l’article 11 (relatif à la faculté de retrait des associés coopérateurs) et de l’article 8 paragraphes 4, 5, 6 et 7 des statuts.

L’article 8 des statuts, expressément visé dans ce courrier, rappelle notamment les obligations de l’associé coopérateur, la durée de son engagement, la possibilité pour le conseil d’administration de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs, ainsi que les motifs d’exclusion, listés au paragraphe 7 d.

Plus précisément, l’article 7d mentionne :

‘En cas d’inexécution totale ou partielle de ses engagements par un associé coopérateur, le conseil d’administration pourra, en outre, décider de lui appliquer une ou plusieurs des sanctions suivantes : …

d) l’exclusion de la société, sans préjudice du paiement de la participation aux frais et des sommes compensatrices du dommage subi et de toutes pénalités s’y ajoutant, soit en cas de récidive au cours de la période d’engagement, soit lorsque l’intéressé a manqué à ses engagements pendant plusieurs exercices consécutifs.

D’autre part, en cas de récidive au cours de la période d’engagement, les pénalités ci-dessous pourront être doublées, sans préjudice de l’exclusion ;…’

L’article 8.8 précise : ‘Avant de se prononcer sur la participation aux frais fixes et sur les sanctions respectivement prévues aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus, le conseil d’administration devra, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mettre en demeure l’intéressé de fournir des explications.’

A la suite de la demande d’explication du 1er août 2011, le conseil d’administration qui s’est réuni le 21 septembre 2011 a prononcé l’exclusion de L’EARL L’Albatros au motif de l’absence d’apport à la coopérative de sa récolte de pommes de terre 2011.

La notification de la décision d’exclusion effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2011 se réfère exclusivement à l’article 8 des statuts et à ‘l’infraction répétée à ces dispositions’qui motive l’exclusion prononcée, de sorte que c’est à tort que la SCA Uniré fait valoir, pour justifier sa décision, les dispositions de l’article 12 des statuts.

Par ailleurs, l’article 8 des statuts ne prévoit la possibilité d’exclure un associé coopérateur qu’en cas de récidive au cours de la période d’engagement, ou lorsque l’intéressé a manqué à ses engagements pendant plusieurs exercices consécutifs.

La notion de période d’engagement fait référence à la durée de l’engagement de l’associé coopérateur telle qu’elle est fixée à l’article 8.4 et 8.5, soit une durée de vingt-cinq exercices consécutifs, renouvelable par tacite reconduction par périodes de cinq ans.

L’exercice visé par ce même texte correspond à la période annuelle séparant deux comptes de résultat, comme le mentionne expressément la lettre du 19 octobre 2011 qui précise que l’exclusion est prononcée à effet immédiat ‘c’est-à-dire à compter de l’exercice ouvert le 1er août 2011″.

Aux termes de l’article 8 des statuts, l’exclusion ne peut en conséquence être prononcée qu’en cas de récidive entre deux exercices et non pas, comme l’a fait le conseil d’administration en raison des manquements constatés au cours d’un même exercice, le fait que les livraisons interviennent en plusieurs fois au cours du même exercice n’ayant pas pour effet de rendre possible l’exclusion pour des manquements commis au cours de la même campagne, les dispositions de l’article 8 étant très claires à cet égard.

Il en résulte que c’est à juste titre que le premier juge a annulé la décision du conseil d’administration de la SCA Uniré en date du 21 septembre 2011 prononçant l’exclusion de L’EARL l’Albatros, et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

– Sur le retrait :

L’article 11 des statuts de la coopérative prévoit que l’associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de sa période d’engagement, sauf cas de force majeure, ou sauf autorisation de démissionner donnée par le conseil d’administration ‘en cas de motif valable’ et ‘à titre exceptionnel’.

Contrairement à ce que soutiennent M. [E] et L’EARL l’Albatros, cette clause n’est pas nulle en ce qu’elle laisse au conseil d’administration la seule et discrétionnaire appréciation du motif valable invoqué à l’appui d’une démission d’un associé coopérateur, alors que celui-ci dispose de la possibilité de contester judiciairement la décision prise par le conseil d’administration, les juges exerçant leur contrôle non seulement sur les conditions de forme, mais aussi sur la valeur du motif invoqué par l’associé coopérateur et des raisons du refus opposé par le conseil d’administration.

En l’espèce, L’EARL l’Albatros n’a invoqué la force majeure, ni dans sa lettre de démission, ni dans son courrier explicatif du 29 août 2011. Ce même courrier n’évoque aucun motif, se contentant d’indiquer ‘Vous connaissé (sic) entièrement les raisons de mon désengagement de l’activité maraîchère puisque c’est vous qui l’avait (re-sic) provoqué’.

Dès lors que la force majeure n’était pas invoquée par l’associé coopérateur, il incombait au conseil d’administration de se prononcer sur l’existence d’un motif valable tel qu’énoncé au dit article 11.

Le procès verbal du conseil d’administration du 8 mars 2011 au cours duquel il a été décidé de s’opposer à la démission de L’EARL l’Albatros ne fait mention d’aucune délibération quant au motif du retrait.

Si L’EARL l’Albatros n’a pas, dans sa lettre du 25 février 2011, indiqué le motif de son retrait, l’article 11 des statuts n’exigeant pas une telle précision ab initio, le refus de retrait décidé le 8 mars 2011 par le conseil d’administration est intervenu sans qu’ait été demandé à L’EARL de donner les raisons de sa démission, de sorte que le conseil d’administration n’a pas été en mesure de statuer régulièrement sur l’existence d’un motif valable tel que prévu par l’article 11-2.

Par ailleurs, le courrier de la SCA du 22 avril 2011 ne contient aucune notification de la décision du conseil d’administration du 8 mars 2011 ayant refusé le retrait, mais rappelle seulement à L’EARL l’Albatros les dispositions de l’article 8 des statuts et son impossibilité de se désengager.

Le procès verbal du conseil d’administration du 8 mars 2011 ne contenant aucune motivation au refus de retrait, la SCA soutient en vain que la décision de refus de retrait du 22 avril 2011 était incontestablement justifiée par l’absence complète de motivation de la demande de retrait présentée par l’EARL. Il lui appartenait d’interroger son associée avant de se prononcer sur l’existence ou non d’un motif valable.

Ce n’est que dans sa mise en demeure du 1er août 2011 que la SCA Uniré a sollicité les explications de son associée, provoquant la réponse de L’EARL du 29 août 2011.

Pour justifier sa demande de retrait, l’EARL L’Albatros verse aux débats une attestation émanant d’un associé coopérateur démissionnaire, M. [V], qui fait état d’une diminution dramatique de son bénéfice (5.000 euros de moins en un an avec le même tonnage), et évoque la pression morale et les conditions de stress au moment des arrachages de pommes de terre.

L’attestation de M. [I] produite par L’EARL l’Albatros mentionne pour sa part ses difficultés à faire admettre l’intérêt d’apporter des solutions plus naturelles, en diminuant les intrants phytosanitaires. Il précise souhaiter ‘que la coopérative de l’Ile aille dans ce sens afin de présenter au public des productions plus saines avec moins de résidus’.

La SCA Uniré ne combat pas utilement les affirmations contenues dans ces attestations, les éléments décrits ayant, selon L’EARL l’Albatros, provoqué une perte de confiance justifiant le retrait, mais se contente d’en contester les termes. Dès lors qu’elle n’a pas statué sur le motif valable invoqué par L’EARL l’Alabtros, et qu’elle ne produit aux débats aucune pièce de nature à contredire les allégations contenues dans les attestations versées aux débats, il y a lieu de considérer que la demande de retrait de L’EARL l’ Albatros était fondée sur la perte de confiance à l’égard de la coopérative, ce qui constitue un motif valable, ce d’autant qu’il n’est pas démontré par la coopérative que le départ de son associé coopérateur a porté un quelconque préjudice à son bon fonctionnement.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a validé la demande de retrait formée par L’EARL l’Albatros, et par conséquent en toutes ses dispositions.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la SCA Uniré.

Il est équitable d’allouer à L’EARL l’Albatros la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que la SCA Uniré sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SCA Uniré à payer à L’EARL l’Albatros la somme de 5.000 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Cour d’appel, Bordeaux, Chambre commerciale, 10 Octobre 2022 – n° 21/06453

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