L’Earl du Sous Bois a adhéré le 1er avril 1996 à la société coopérative agricole UKL Arrée dans les filières ‘volaille de chair’ et ‘lait-céréales-légumes-approvisionnements agro-fournitures-aliments’. Cet engagement était conclu pour trois exercices à compter de l’expiration de l’exercice en cours et renouvelable par tacite reconduction par périodes successives de trois ans.Toute dénonciation devait être adressée à l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois au moins avant la fin d’une période d’engagement.

Par courrier en date du 28 novembre 2012, l’Earl du Sous Bois a notifié à la coopérative sa démission de la filère ‘volailles’. En réponse, celle-ci lui a indiqué que l’engagement était en cours jusqu’au 31 décembre 2014 et qu’elle restait débitrice de la somme de 15 890,95 euros.

L’Earl du Sous bois n’ayant pas procédé au règlement de la somme réclamée, la société coopérative agricole UKL Arrée l’a assignée par acte d’huissier en date du 12 janvier 2016 devant le tribunal de grande instance de Lorient.

Par décision contradictoire du 15 février 2017, le tribunal a :

– déclaré recevable la demande formée par la société coopérative UKLArrée, – condamné l’Earl du Sous Bois à régler à la société coopérative UKL Arrée la somme de 15 890,95 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2015,

– débouté la société coopérative du surplus de ses demandes,

– débouté l’Earl du Sous Bois de l’ensemble de ses demandes,

– condamné l’Earl du Sous Bois au dépens.

L’Earl du Sous Bois a relevé appel de ce jugement par déclaration du 28 mars 2017.

Aux termes de ses dernières concclusions signifiées le 29 juin 2017, elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l’article 1134 du code civil,

Vu les dispositions des articles 1147 et suivants du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1154 du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1315 du code civil,

– dire et juger que les jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 15 février 2017 sera confirmé en ce que la société coopérative agricole UKL Arrée a été déboutée de sa demande en paiement d’une clause pénale et de sa demande de paiement d’une pénalité de 10 % de la valeur des quantités non livrées et réformer pour le surplus,

– dire et juger que les demandes de la société coopérative agricole UKL Arrée sont irrecevables et la condamner aux entiers dépens outre le paiement d’une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– subsidiairement, débouter la société coopérative agricole UKL Arrée de l’intégralité de ses demandes dès lors que la créance n’est nullement démontrée et condamner la société coopérative agricole UKL Arrée au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

– condamner la société coopérative agricole UKL Arrée au paiement d’une somme de 3 200 euros au titre du remboursement des parts sociales de l’Earl du Sous Bois,

– condamner la société coopérative agricole UKL Arrée au paiement d’une somme de 107,52 euros au titre du remboursement du compte courant de l’Earl du Sous Bois,

– condamner la société cooopérative agricole UKL Arrée au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de la résistance abusive,

– assortir les sommes de l’intérêt au taux légal à compter de la réclamation du 19 février 2016 et ordonner la capitalisation des intérêts selon la règle de l’anatocisme,

– débouter la coopérative agricole UKL Arrée de ses demandes.

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2019, la société coopérative agricole UKL Arrée et Maître Gérard B. mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la coopérative, demandent à la cour de :

– dire et juger que l’article 59 des statuts n’est pas applicable à une action en recouvrement contre l’éleveur,

– dire et juger qu’en tout état de cause la coopérative UKL Arrée justifie des démarches qu’elle a entreprises en vue de trouver une solution amiable au litige,

– dire et juger que l’action de la société coopérative agricole n’est pas prescrite,

– dire et juger que la coopérative UKL Arrée justifie précisément du quantum de sa créance,

– dire et juger que l’Earl du Sous Bois est forclose en sa demande de remboursement des parts sociales pour ne pas avoir sollicité son retrait dans les formes et délais idoines tels que prévus par les statuts et le code rural,

– dire et juger que les règles d’ordre public des coopératives agricoles interdisent le remboursement des parts sociales,

– dire et juger que la créance de l’Earl du Sous Bois au titre de son compte courant d’associé correspondant aux intérêts des parts sociales a été compensée avec sa dette au titre du solde débiteur de son compte ‘volailles’ selon les règles de la compensation légale,

– déclarer en conséquence, la coopérative agricole UKL Arrée recevable et bien fondée en ses demandes,

– déclarer l’Earl du Sous Bois irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Dès lors,

– débouter l’Earl du Sous Bois de son appel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Earl du Sous bois au paiement de la somme principale de 15 890, 95 euros, outre les intérêts légaux à compter du 10 juin 2015, sauf à préciser que cette condamnation

sera prononcée au profit de la Selas B. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société coopérative UKL Arrée,

réformant le jugement pour le surplus,

– condamner l’Earl du Sous Bois à payer à la Selas B. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société coopérative UKL Arrée, la somme de 2 838 euros au titre de la clause pénale, outre les intérêts légaux à compter et à titre subsidiaire au titre de son manque à gagner du fait de la rupture anticipée de l’engagement de l’Earl du Sous Bois,

en tout état de cause,

– condamner l’Earl du Sous Bois au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Earl du Sous Bois aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 mai 2020.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la fin de non- recevoir tirée de l’absence de conciliation préalable:

Se fondant sur l’article 59 des statuts de la société coopérative agricole UKL Arrée, l’Earl du Sous Bois prétend que l’action en recouvrement de créance engagée par celle-ci serait irrecevable du fait du non recours à une procédure de conciliation préalable obligatoire selon elle.

Mais il résulte de l’article 59 invoqué que ne sont soumises à un examen du conseil d’administration en vue d’un règlement à l’amiable que les contestations s’élevant à raison des affaires sociales, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la fin de non recevoir soulevée de ce chef.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

La société coopérative agricole UKL Arrée soutient que le compte ‘volailles’ de l’éleveur, arrêté et clôturé à la fin de l’année 2012, présentait un solde débiteur au titre des approvisionnements, avances et autres frais servis à l’Earl lors de la mise en oeuvre de la bande d’élevage n°0011.

Constatant que l’intégralité des créances alléguées résultaient de l’année 2010, l’Earl du Sous Bois conclut, de son côté, que l’action engagée le 12 janvier 2016 est irrecevable car atteinte par la prescription. Elle fait grief au tribunal d’avoir déclaré la demande de la société cooperative agricole UKL Arrée recevable en considérant que les flux financiers existant entre les parties étaient regroupés dans un compte courant et constituaient ainsi une opération unique et indivisible de sorte que le point de départ du délai quinquennal de prescription était la notification de sa démission entraînant la clôture du compte et rendant le solde exigible. L’Earl du Sous Bois conteste l’existence d’un compte courant en faisant valoir que les prestations mentionnées sur le relevé de compte relatif à la bande n°0011, sont individualisées et non diluées dans un compte courant. Elle considère donc que le tribunal aurait dû retenir la date figurant dans le livre de comptes pour chaque prestation et non la date de clôture d’un compte non individualisé dont le fonctionnement n’est pas démontré , pour calculer le délai de prescription.

La société coopérative agricole UKL Arrée soutient quant à elle que les parties étaient bien liées par une convention de compte courant puisque les factures et les approvisionnements n’étaient pas réglés au comptant mais inscrits au débit ou au crédit du compte courant de l’éleveur dans les livres de la coopérative. Elle fait valoir que l’adhésion à la coopérative emporte la création pour l’éleveur adhérent d’un compte courant dit compte ‘volaille’ sur lequel sont portées toutes les opérations au crédit ou au débit entre les parties . Elle se réfère au règlement intérieur qui prévoit que le règlement des apports est réglé soit par écriture passée au crédit du compte de l’éleveur lorsque celui-ci est débiteur soit par virement . Elle expose qu’à la fin de la bande, un récapitulatif est dressé qui intègre les acomptes versés à l’éleveur et il en résulte un solde créditeur ou débiteur. En fin d’exercice, le solde débiteur de l’éleveur est reporté sur l’exercice suivant. Elle en conclut que l’exigibilité des dettes et des créances est différée, chaque opération devenant alors un article de compte dégageant après compensation un compte débiteur ou créditeur.

Cependant, il convient de constater d’une part, que le règlement intérieur du groupe spécial volaille produit par l’intimée, prévoit dans son article 17 intitulé ‘règlement des apports’ que les apports des associés coopérateurs sont réglés ‘dans les quatre semaines, fin de semaine:

– par inscription au crédit du compte courant ouvert dans les livres de la coopérative en assurant la compensation de toutes créances, même non exigibles[…],

– à défaut de compte coopérateur , par virement bancaire ou chèque établi à l’ordre de l’intéressé’.

Il s’en déduit que si le fonctionnement du compte coopérateur est prévu comme celui d’un compte courant par compensation, tous les éleveurs ne disposent pas d’un compte coopérateur ouvert dans les livres de la coopérative. Contrairement à ce que soutient la société coopérative agricole UKL Arrée, l’adhésion à la coopérative n’entraîne pas automatiquement l’ouverture d’un compte coopérateur puisque le règlement intérieur prévoit le cas où l’adhérent n’a pas de compte coopérateur.

D’autre part, les créances portées sur la bande n°0011 sont effectivement individualisées du fait de la précision de la date mentionnée sur la bande en face de chaque opération mais sans que la compensation des opérations relative aux approvisionnements ne s’opère à chaque opération de livraison en parallèle. La bande n°0011 en elle même, qui apparaît de plus être un sous-compte, ni la production des notes de débits et des bordereaux d’apports ne démontrent l’existence d’une novation en compte courant entre les parties. De surcroît, au regard du montant peu élevé des factures, la somme réclamée par la société de coopérative agricole UKL Arrée apparaît constituée essentiellement d’acomptes versés par la coopérative. Ces créances d’acompte n’ont pu rester en compte courant. Il y a lieu de constater enfin que la société coopérative agricole UKL Arrée n’est pas en mesure de produire le solde du compte courant au moment de la rupture de contrat.

En conséquence, en l’absence de toute preuve de l’existence d’un compte courant entre les parties et au regard de la date des acomptes versés et des factures établies qui sont tous relatifs à des opérations effectuées en 2010, l’action engagée par la société coopérative agricole UKL Arrée est contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, atteinte par la prescription.

Sur le remboursement des parts sociales et du solde du compte courant d’associé:

Pour s’opposer au remboursement des parts sociales, la société coopérative agricole UKL Arrée fait valoir avec son liquidateur, que l’Earl du Sous Bois ne justifie pas de sa déclaration de créance à la liquidation ni du paiement des parts sociales. Elle soutient également que n’ayant pas obtenu l’accord du conseil d’administration de la coopérative sur son retard anticipé, notamment en ne respectant pas le délai prévu par les statuts, l’Earl du Sous Bois ne pourrait prétendre à ce remboursement. Elle ajoute que sa situation financière ne lui permet pas de faire face à ce remboursement.

Mais, l’Earl du Sous Bois justifie de sa déclaration de créance au passif de la société de coopérative agricole en produisant l’ordonnance du juge commissaire en date du 13 janvier 2020 constatant l’existence de l’instance en cours à propos de la créance de 3 200 euros et sollicitant une copie de la décision pour compléter l’état des créances. Elle justifie également du paiement des parts sociales par un extrait de son compte d’adhérent arrêté au 31 décembre 2011. Elle produit enfin un courrier en date du 26 février 2016 émanant de la société de coopérative agricole UKL Arrée en réponse à sa demande de remboursement de parts sociales pour la somme de 3 200 euros qui, s’il fait état de son impossibilité en raison de ses difficultés financières à procéder à ce remboursement conditionné selon elle à la reconstitution de ses fonds propres, ne remet pas en cause le paiement de ces parts ni le droit de l’Earl du Sous Bois à y prétendre.

En conséquence, il convient de constater l’inscription de la créance de 3 200 euros au passif de la société de coopération agricole UKL Arrée.

En l’état de la prescription de l’action en paiement engagée, il sera fait droit à la demande de remboursement de la somme de 107,62 euros correspondant au solde du compte courant d’associé.

Sur les autres demandes :

L’Earl du Sous bois ne caractérise pas l’abus commis par la société de coopérative agricole UKL Arrée dans l’exercice de son action en justice, qui en outre avait été favorablement accueillie en première instance, ni le préjudice qui en est résulté pour elle. Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.

La société de coopérative agricole UKL Arrée et la SELAS B. supporteront la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’Earl du Sous Bois l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte que la société coopérative agricole UKL Arrée sera condamnée à lui payer une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 février 2017 par le tribunal d’instance de Lorient,

Statuant à nouveau :

Rejette la fin de non recevoir tirée de l’absence de conciliation préalable,

Déclare la société coopérative agricole UKL Arrée en son action à l’encontre de ‘l’Earl du Sous Bois comme prescrite,

Constate l’inscription de la créance de 3 200 euros au passif de la société coopérative agricole UKL Arrée,

Condamne la société coopérative agricole UKL Arrée à rembourser à l’Earl du Sous Bois la somme de 107,62 euros au titre du solde de son compte courant d’associé,

Déboute l’Earl du Sous Bois de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la société coopérative agricole UKL Arrée et la SELAS B. à payer à l’Earl du Sous Bois la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société coopérative agricole et la SELAS B. aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Cour d’appel Rennes 2e chambre 2 Octobre 2020 Répertoire Général : 17/02292