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Associé Coopérateur démissionnaire : Motivation de la lettre de démission et ce, afin de permettre au conseil d’administration d’appréhender la situation

La société coopérative agricole ‘Uniré’ dont le siège social est à [Localité 3], a une activité de collecte de raisins et vinification et une activité de collecte et commercialisation de pommes de terre.

M. [E], adhérent à la SCA Uniré depuis le 7 mai 1983, a exercé son activité à compter du 1er avril 1996 sous la forme d’une EARL dénommée EARL L’Albatros.

Le 25 février 2011, l’EARL L’Albatros a informé la SCA Uniré de son retrait de l’activité maraîchère, tout en demandant le remboursement des parts sociales concernant la production de pommes de terre.

Il lui a été répondu par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 avril 2011 qu’il ne pouvait se désengager ‘dès cette campagne’, précisant ‘Vous n’êtes pas sans ignorer les statuts de la coopérative et particulièrement l’article 8 ‘Obligations des associés coopérateurs’.

Puis, le 1er août 2011, la SCA Uniré l’a informé que son retrait ne pourrait être effectif avant le 1er août 2014, lui rappelant et reproduisant in extenso les dispositions de l’article 11 et de l’article 8 paragraphes 4, 5, 6 et 7 des statuts.

Le courrier se terminait de la façon suivante : ‘Avant de se prononcer sur l’éventuelle mise en oeuvre de la participation aux frais fixes et des sanctions respectivement prévues aux paragraphes 6 et 7 de l’article 8 des statuts et retranscrits ci-dessus, le conseil d’administration vous met en demeure, par les présentes, de fournir des explications sur les manquements constatés à vos obligations d’associé coopérateur, mentionnés ci-avant.

A défaut de réponse dans un délai de 30 jours à compter de la réception des présentes, ou en cas d’explications fournies dans ce délai et estimées insuffisantes ou impropres à justifier les manquements constatés, le conseil d’administration se réunira pour statuer sur les sommes qui seront éventuellement mises à votre charge en application des dispositions évoquées ci-dessus.’

Le 29 août 2011, M. [E] a répondu que la SCA connaissait ‘entièrement les raisons de son désengagement de l’activité maraîchère précisant : ‘puisque c’est vous qui l’avez provoqué.’

Le conseil d’administration a, le 21 septembre 2011, prononcé à l’unanimité l’exclusion de L’EARL L’Albatros de la coopérative.

Enfin, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 octobre 2011, la SCA Uniré a notifié à M. [E] la décision d’exclusion dans les termes suivants :

‘Monsieur,

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du ler Août 2011 (avis de réception du 3 Août), nous vous avons mis en demeure de fournir des explications relatives aux manquements constatés au titre de vos obligations d’associé coopérateur.

Par lettre en date du 29 Août 2011, vous n’apportez aucune explication relative à votre désengagement de l’activité.

Le conseil d’administration, réuni le 21 Septembre 2011, a statué sur les conséquences qu’il y avait lieu de mettre en oeuvre à la suite de votre désengagement.

A cet effet et conformément aux paragraphes 6 et 7 de l’article 8 des statuts, dont le texte a été reproduit dans notre lettre du 1er Août 2011, le conseil d’administration a décidé qu’il serait mis à votre charge une participation aux frais fixes dont le montant serait déterminé d’après les comptes de l’exercice clos le 31 Juillet 2011.

Nous vous informerons prochainement du montant de cette participation.

Par ailleurs, le conseil d’administration a décidé à l’unanimité de vous exclure de la coopérative avec effet immédiat, c’est-à-dire à compter de l’exercice ouvert le 1er août 2011.

En tant que de besoin, nous vous rappelons qu’en tant qu’associé coopérateur vous étiez tenu de respecter l’intégralité des dispositions statutaires de la coopérative, ces statuts étant à la disposition de tous les adhérents pour consultation à la coopérative.

L’article 8 des statuts stipule que :

‘1. L’adhésion à la coopérative entraîne, pour l’associé coopérateur :

a) l’engagement de livrer ‘la totalité des produits de son exploitation, tels qu’ils sont définis à l’article 3 ci-dessus, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins familiaux’. En aucun cas, un associé coopérateur ne peut procéder à la vente directe en acquit, CRD et laissez-passer au départ de sa propriété.

Comme nous l’indiquions dans notre lettre du 1er août 2011, c’est l’infraction répétée à ces dispositions qui motive l’exclusion dont vous faites l’objet.’

Suivant mise en demeure du 2 mars 2012, la SCA Uniré a demandé à l’EARL L’Albatros le paiement de la somme de 31.959,74 euros au titre de la participation aux frais fixes puis l’a assignée ainsi que M. [E] en paiement de cette somme devant le tribunal de grande instance de La Rochelle.

Par jugement du 23 avril 2014, le tribunal de grande instance de La Rochelle a :

– mis hors de cause M. [E] ;

– annulé la décision du conseil d’administration de la SCA Uniré en date du 21 septembre 2011 prononçant l’exclusion de l’EARL L’Albatros ;

– validé la demande de retrait formée par l’EARL L’Albatros ;

– débouté la SCA Uniré de ses demandes ;

– condamné la SCA Uniré à payer à l’EARL L’Albatros la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCA Uniré a relevé appel de cette décision, et par arrêt du 30 octobre 2015, la cour d’appel de Poitiers a confirmé le jugement en ce qu’il a mis hors de cause M. [E], l’a infirmé pour le surplus, a dit bien fondé le refus du conseil d’administration d’accepter le retrait de l’EARL L’Albatros, condamné l’EARL L’Albatros à payer à la SCA Uniré la somme de 31.959,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2012, débouté l’EARL L’Albatros de sa demande d’annulation de la décision d’exclusion du 21 septembre 2011, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné l’EARL L’Albatros aux dépens.

Sur pourvoi de M. [E] et de L’EARL l’Albatros, la cour de cassation a, par arrêt du 17 janvier 2018, cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers, condamné la société Uniré aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Poitiers, autrement composée.

La cour de cassation a considéré que, pour dire bien fondé le refus de la coopérative d’accepter le retrait de l’EARL, en retenant que celle-ci devait justifier d’un motif valable, c’est-à-dire, selon l’article 11 des statuts, d’un cas de force majeure, alors qu’aux termes de l’article 11 des statuts, le motif valable de retrait invoqué par l’associé coopérateur se distingue du cas de force majeure, la cour d’appel avait méconnu son obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.

Elle a par ailleurs estimé que, pour rejeter la demande d’annulation de la décision d’exclusion litigieuse, la cour d’appel avait retenu que la coopérative a entendu sanctionner la récidive de son sociétaire, et énoncé que constitue un manquement continu contrevenant de manière répétée aux obligations de l’EARL, le fait pour celle-ci de ne pas avoir livré sa récolte à la coopérative au cours de la campagne 2011, et qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la récidive reprochée à l’EARL, elle avait privé sa décision de base légale.

La cour d’appel de Poitiers, saisie sur renvoi de cassation par déclaration de saisine du 8 mars 2018, a, par arrêt du 8 janvier 2019 :

– révoqué l’ordonnance de clôture en date du 11/10/2018, et prononcé la clôture à la date du 08/11/2018,

– débouté la SCA Uniré de sa demande tendant à voir prononcer l’irrecevabilité des conclusions de M. [X] [E] et de l’EARL l’Albatros,

– dit irrecevables comme nouvelles les demandes formées par M. [X] [E] et de L’EARL l’Albatros, de : ‘A titre infiniment subsidiaire, s’il devait être fait droit aux demandes de la SCA Uniré, constaté que celle-ci a manifestement commis un abus de droit, En conséquence, la condamner à payer à l’EARL l’Albatros la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts’, confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a

condamné la SCA Uniré à payer à l’EARL l’Albatros la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, et, statuant à nouveau, a dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres frais de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, et enfin condamné la SCA Uniré aux dépens d’appel.

La SCA Uniré a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision, et, par arrêt du 9 septembre 2021, rectifié le 2 décembre 2021, la cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers au motif de la violation par la cour de l’article 1037-1 du code de procédure civile en ce qu’elle avait rejeté la demande de la coopérative de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 6 août 2018 par M. [E] et l’EARL, ainsi que leurs conclusions postérieures.

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux, laquelle a été saisie par déclaration de saisine de la SCA Uniré le 24 novembre 2021.

Par conclusions notifiées par RPVA le 11 mai 2022, la SCA Uniré demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 23 avril 2014 par le tribunal de grande instance de La Rochelle ;

– la juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

– dire et juger bien fondé le refus, par la société coopérative agricole Uniré, du retrait de l’EARL l’Albatros ;

– dire et juger bien fondée l’exclusion de l’EARL L’Albatros prononcée par la société coopérative agricole Uniré ;

– condamner en conséquence in solidum M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros à lui verser la somme de 31.959,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2012 ;

– dire et juger que les intérêts échus seront capitalisés en application et dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamner in solidum M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros à lui verser la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros à supporter les dépens.

La SCA Uniré fait valoir que :

– l’engagement coopératif à durée déterminée lie l’associé coopérateur jusqu’à son terme, sous réserve de deux hypothèses exclusivement, l’existence d’un cas de force majeure ou l’existence d’un motif valable tel qu’apprécié par le conseil d’administration, qu’en l’espèce, nulle situation présentant les caractéristiques cumulatives – extériorité, irrésistibilité et imprévisibilité – de la force majeure ne peut être alléguée par l’EARL L’Albatros pour justifier son retrait,

– l’EARL n’établit pas à l’appui de sa demande de retrait l’existence d’un motif valable que le conseil d’administration de la coopérative, à titre exceptionnel, aurait dû accepter et qu’il aurait fautivement rejeté, étant précisé que l’article 11 des statuts ne lui fait pas l’obligation d’accepter en ce cas la démission, contrairement à l’hypothèse d’un cas de force majeure,

– les conditions de retrait d’un associé coopérateur résultent également de l’article 11 des modèles de statuts obligatoires des sociétés coopératives agricoles d’origine réglementaire auxquels il est conforme, y compris encore

l’article 11 de la dernière version du modèle de statuts résultant de l’arrêté du ministre de l’agriculture du 20 février 2020 portant homologation des modèles de statuts des sociétés coopératives agricoles, et ce, en application de l’article R 522-4 du code rural,

– l’obligation d’apport, en l’occurrence total, de la production des associés coopérateurs à la coopérative de collecte-vente dont ils sont membres constitue l’une des obligations les plus fondamentales auxquelles ils soient soumis,

– dès lors qu’une violation de l’obligation d’apport total imposée par l’article 8 des statuts est établie sans l’excuse justifiée de la force majeure, l’article 12 autorise l’exclusion pour ‘des raisons graves’ tel, au premier chef, le défaut d’apport, aucune condition de récidive n’étant requise par l’article 12,

– que même si la cour devait considérer que l’exclusion prononcée était exclusivement fondée sur l’article 8 paragraphe 7 point d) des statuts et non sur l’article 12, elle n’en jugerait pas moins l’exclusion justifiée, car le comportement de l’associé coopérateur en l’espèce relève bien de la ‘récidive’,

– la notion de récidive évoquée par l’article 8 paragraphe 7 point d) des statuts de la coopérative ne peut se rapporter à l’hypothèse de manquements intervenus à l’échelle de plusieurs exercices, puisque cette situation est expressément distinguée de la récidive par l’article 8 paragraphe 7 point d),

– aucun texte ni aucune jurisprudence n’obligeait la coopérative à détailler, dans le procès-verbal ou la notification d’exclusion, le caractère répété de la violation alléguée de l’obligation d’apport,

– la condition potestative n’étant une cause de nullité que lorsqu’elle est potestative de la part de celui qui s’oblige, et non de part de celui envers qui l’obligation est contractée, l’article 11 des statuts ne saurait donc être annulé,

-la procédure d’exclusion, qui n’est pas soumise à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme est régulière, a respecté l’article 8 paragraphe 8 des statuts, et l’EARL L’Albatros a incontestablement disposé de la possibilité de faire valoir ses explications à l’encontre des griefs qui lui avaient été notifiés,

– une même campagne donne lieu à plusieurs arrachages, c’est pour cette raison que la violation de l’obligation d’apport a été répétée pour la campagne 2010/2011 et c’est en cela que la condition de récidive, à la supposer requise, doit être jugée remplie,

– l’exclusion est valable même si l’on considère que l’exclusion n’était en rien fondée sur l’article 12 des statuts (lequel vise pourtant spécifiquement et précisément l’exclusion en cas de violation de l’obligation d’apport), mais exclusivement fondée sur l’article 8 paragraphe 7 point d) des statuts de la coopérative qui n’est, lui, pas d’origine réglementaire, et selon lequel l’exclusion est permise ‘soit en cas de récidive au cours de la période d’engagement, soit lorsque l’intéressé a manqué à ses engagements pendant plusieurs exercices consécutifs’.

Par conclusions notifiées par RPVA en date du 18 mai 2022, M. [X] [E] et l’EARL L’ Albatros demandent à la cour de : 

– dire et juger nulles et de nul effet les dispositions statutaires de la société SCA Uniré et en particulier son article 11 relatif au retrait des associés ;

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a mis hors cause M. [X] [E], a dit et jugé valable et bien fondée la demande de retrait de la société SCEA L’Albatros et annulé la décision d’exclusion de cette dernière en date du 21.09.2011 ;

– débouter la SCA Uniré de toutes ses demandes, fins et moyens et l’y dire mal fondée ;

– condamner la société SCA Uniré à payer à la société SCEA L’Albatros la somme de 10.000 euros au titre et en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.

M. [E] et l’EARL L’Albatros soutiennent que :

– la clause de l’article 11, qui organise les possibilités contractuelles de retrait, et qui sont donc impulsives du consentement au pacte social, est objectivement et totalement potestative en ce sens que le juste motif (motif valable) n’est aucunement décrit, et laissé à la seule et discrétionnaire appréciation du conseil d’administration de la société cocontractante,

– la SCA Uniré ne justifie pas avoir régulièrement convoqué l’EARL L’Albatros ni son gérant à l’assemblée générale extraordinaire en date du 29.01.2010, ni lui avoir signifié les nouveaux statuts issus de cette assemblée,

– les causes du retrait sont connues, explicitées dans une lettre en date du 29.08.2011, et ces faits et cette motivation ‘ le pacte social d’une société coopérative contenant et comprenant un affectio societatis renforcé – sont une cause légitime de retrait,

– la décision de rejet de la demande de retrait n’a jamais été faite explicitement,

– il n’est produit aucune pièce (ni d’ailleurs soutenu aucune faute) sur le comportement de l’EARL L’Albatros à l’égard de ses obligations d’approvisionnement exclusif pendant les dix-huit années de son adhésion, et la faute fondant cette exclusion, constituée par le caractère répété du défaut d’apport de la récolte n’est pas démontrée, alors que la société SCA Uniré a elle-même fondé la gravité de la faute fondant sa décision d’exclusion par son caractère répété, qu’elle ne peut d’ailleurs pas soutenir puisqu’elle ne dispose que d’une faute unique, à la supposer établie.

Le dossier a été fixé à l’audience du 12 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS :

En premier lieu, il n’est pas contesté que le litige ne concerne que L’EARL l’Albatros, seule adhérente de la coopérative, et non M. [E], lequel a en conséquence été mis hors de cause à juste titre par le premier juge.

– Sur l’exclusion :

Le refus de retrait notifié le 22 avril 2011 par la SCA Uniré rappelle à L’EARL l’Albatros les dispositions de l’article 8 des statuts et l’impossibilité pour l’entreprise de se désengager de la campagne.

La mise en demeure du 1er août 2011 reproduit in extenso les dispositions de l’article 11 (relatif à la faculté de retrait des associés coopérateurs) et de l’article 8 paragraphes 4, 5, 6 et 7 des statuts.

L’article 8 des statuts, expressément visé dans ce courrier, rappelle notamment les obligations de l’associé coopérateur, la durée de son engagement, la possibilité pour le conseil d’administration de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs, ainsi que les motifs d’exclusion, listés au paragraphe 7 d.

Plus précisément, l’article 7d mentionne :

‘En cas d’inexécution totale ou partielle de ses engagements par un associé coopérateur, le conseil d’administration pourra, en outre, décider de lui appliquer une ou plusieurs des sanctions suivantes : …

d) l’exclusion de la société, sans préjudice du paiement de la participation aux frais et des sommes compensatrices du dommage subi et de toutes pénalités s’y ajoutant, soit en cas de récidive au cours de la période d’engagement, soit lorsque l’intéressé a manqué à ses engagements pendant plusieurs exercices consécutifs.

D’autre part, en cas de récidive au cours de la période d’engagement, les pénalités ci-dessous pourront être doublées, sans préjudice de l’exclusion ;…’

L’article 8.8 précise : ‘Avant de se prononcer sur la participation aux frais fixes et sur les sanctions respectivement prévues aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus, le conseil d’administration devra, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mettre en demeure l’intéressé de fournir des explications.’

A la suite de la demande d’explication du 1er août 2011, le conseil d’administration qui s’est réuni le 21 septembre 2011 a prononcé l’exclusion de L’EARL L’Albatros au motif de l’absence d’apport à la coopérative de sa récolte de pommes de terre 2011.

La notification de la décision d’exclusion effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2011 se réfère exclusivement à l’article 8 des statuts et à ‘l’infraction répétée à ces dispositions’qui motive l’exclusion prononcée, de sorte que c’est à tort que la SCA Uniré fait valoir, pour justifier sa décision, les dispositions de l’article 12 des statuts.

Par ailleurs, l’article 8 des statuts ne prévoit la possibilité d’exclure un associé coopérateur qu’en cas de récidive au cours de la période d’engagement, ou lorsque l’intéressé a manqué à ses engagements pendant plusieurs exercices consécutifs.

La notion de période d’engagement fait référence à la durée de l’engagement de l’associé coopérateur telle qu’elle est fixée à l’article 8.4 et 8.5, soit une durée de vingt-cinq exercices consécutifs, renouvelable par tacite reconduction par périodes de cinq ans.

L’exercice visé par ce même texte correspond à la période annuelle séparant deux comptes de résultat, comme le mentionne expressément la lettre du 19 octobre 2011 qui précise que l’exclusion est prononcée à effet immédiat ‘c’est-à-dire à compter de l’exercice ouvert le 1er août 2011″.

Aux termes de l’article 8 des statuts, l’exclusion ne peut en conséquence être prononcée qu’en cas de récidive entre deux exercices et non pas, comme l’a fait le conseil d’administration en raison des manquements constatés au cours d’un même exercice, le fait que les livraisons interviennent en plusieurs fois au cours du même exercice n’ayant pas pour effet de rendre possible l’exclusion pour des manquements commis au cours de la même campagne, les dispositions de l’article 8 étant très claires à cet égard.

Il en résulte que c’est à juste titre que le premier juge a annulé la décision du conseil d’administration de la SCA Uniré en date du 21 septembre 2011 prononçant l’exclusion de L’EARL l’Albatros, et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

– Sur le retrait :

L’article 11 des statuts de la coopérative prévoit que l’associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de sa période d’engagement, sauf cas de force majeure, ou sauf autorisation de démissionner donnée par le conseil d’administration ‘en cas de motif valable’ et ‘à titre exceptionnel’.

Contrairement à ce que soutiennent M. [E] et L’EARL l’Albatros, cette clause n’est pas nulle en ce qu’elle laisse au conseil d’administration la seule et discrétionnaire appréciation du motif valable invoqué à l’appui d’une démission d’un associé coopérateur, alors que celui-ci dispose de la possibilité de contester judiciairement la décision prise par le conseil d’administration, les juges exerçant leur contrôle non seulement sur les conditions de forme, mais aussi sur la valeur du motif invoqué par l’associé coopérateur et des raisons du refus opposé par le conseil d’administration.

En l’espèce, L’EARL l’Albatros n’a invoqué la force majeure, ni dans sa lettre de démission, ni dans son courrier explicatif du 29 août 2011. Ce même courrier n’évoque aucun motif, se contentant d’indiquer ‘Vous connaissé (sic) entièrement les raisons de mon désengagement de l’activité maraîchère puisque c’est vous qui l’avait (re-sic) provoqué’.

Dès lors que la force majeure n’était pas invoquée par l’associé coopérateur, il incombait au conseil d’administration de se prononcer sur l’existence d’un motif valable tel qu’énoncé au dit article 11.

Le procès verbal du conseil d’administration du 8 mars 2011 au cours duquel il a été décidé de s’opposer à la démission de L’EARL l’Albatros ne fait mention d’aucune délibération quant au motif du retrait.

Si L’EARL l’Albatros n’a pas, dans sa lettre du 25 février 2011, indiqué le motif de son retrait, l’article 11 des statuts n’exigeant pas une telle précision ab initio, le refus de retrait décidé le 8 mars 2011 par le conseil d’administration est intervenu sans qu’ait été demandé à L’EARL de donner les raisons de sa démission, de sorte que le conseil d’administration n’a pas été en mesure de statuer régulièrement sur l’existence d’un motif valable tel que prévu par l’article 11-2.

Par ailleurs, le courrier de la SCA du 22 avril 2011 ne contient aucune notification de la décision du conseil d’administration du 8 mars 2011 ayant refusé le retrait, mais rappelle seulement à L’EARL l’Albatros les dispositions de l’article 8 des statuts et son impossibilité de se désengager.

Le procès verbal du conseil d’administration du 8 mars 2011 ne contenant aucune motivation au refus de retrait, la SCA soutient en vain que la décision de refus de retrait du 22 avril 2011 était incontestablement justifiée par l’absence complète de motivation de la demande de retrait présentée par l’EARL. Il lui appartenait d’interroger son associée avant de se prononcer sur l’existence ou non d’un motif valable.

Ce n’est que dans sa mise en demeure du 1er août 2011 que la SCA Uniré a sollicité les explications de son associée, provoquant la réponse de L’EARL du 29 août 2011.

Pour justifier sa demande de retrait, l’EARL L’Albatros verse aux débats une attestation émanant d’un associé coopérateur démissionnaire, M. [V], qui fait état d’une diminution dramatique de son bénéfice (5.000 euros de moins en un an avec le même tonnage), et évoque la pression morale et les conditions de stress au moment des arrachages de pommes de terre.

L’attestation de M. [I] produite par L’EARL l’Albatros mentionne pour sa part ses difficultés à faire admettre l’intérêt d’apporter des solutions plus naturelles, en diminuant les intrants phytosanitaires. Il précise souhaiter ‘que la coopérative de l’Ile aille dans ce sens afin de présenter au public des productions plus saines avec moins de résidus’.

La SCA Uniré ne combat pas utilement les affirmations contenues dans ces attestations, les éléments décrits ayant, selon L’EARL l’Albatros, provoqué une perte de confiance justifiant le retrait, mais se contente d’en contester les termes. Dès lors qu’elle n’a pas statué sur le motif valable invoqué par L’EARL l’Alabtros, et qu’elle ne produit aux débats aucune pièce de nature à contredire les allégations contenues dans les attestations versées aux débats, il y a lieu de considérer que la demande de retrait de L’EARL l’ Albatros était fondée sur la perte de confiance à l’égard de la coopérative, ce qui constitue un motif valable, ce d’autant qu’il n’est pas démontré par la coopérative que le départ de son associé coopérateur a porté un quelconque préjudice à son bon fonctionnement.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a validé la demande de retrait formée par L’EARL l’Albatros, et par conséquent en toutes ses dispositions.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la SCA Uniré.

Il est équitable d’allouer à L’EARL l’Albatros la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que la SCA Uniré sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SCA Uniré à payer à L’EARL l’Albatros la somme de 5.000 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Cour d’appel, Bordeaux, Chambre commerciale, 10 Octobre 2022 – n° 21/06453

BAIL RURAL ET CONTINUATION AU PROFIT DU CONJOINT même si la qualité de conjoint est peu avant le décès du fermier en titre

En application de l’article L. 411-34, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, peu important qu’il n’ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 16 Novembre 2022 – n° 21-18.527

Rappel des dispositions de l’article L 411-34 du code rural

Article L411-34

en vigueur depuis le 15 octobre 2014

Modifié par LOI n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 – art. 5

En cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d’un pacte civil de solidarité ou à l’un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Les ayants droit du preneur ont également la faculté de demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du décès de leur auteur.

Le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d’un pacte civil de solidarité ou d’ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa.

Si la fin de l’année culturale est postérieure au décès de neuf mois au moins, la résiliation peut, au choix des ayants droit, prendre effet soit à la fin de l’année culturale en cours, soit à la fin de l’année culturale suivante. Dans le cas contraire, la résiliation ne prendra effet qu’à la fin de l’année culturale suivante.

Décret n° 2022-1247 du 22 septembre 2022 relatif aux mesures de publicité et d’information de la décision de suspension de l’instruction d’une demande d’autorisation d’exploiter en cas d’agrandissement excessif ou de concentration excessive

NOR : AGRT2222201D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/9/22/AGRT2222201D/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/9/22/2022-1247/jo/texte
JORF n°0221 du 23 septembre 2022
Texte n° 16

Ordonnance du 29 juillet 2022 portant développement des outils de gestion des risques climatiques en agriculture

  • Article 1
    Le chapitre Ier du titre VI du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
    1° Il est créé une section 1 intitulée : « Le fonds national de gestion des risques en agriculture » comprenant les articles L. 361-1 et L. 361-2 ;
    2° Il est créé une section 2 intitulée : « Mutualisation des risques sanitaires et environnementaux » comprenant l’article L. 361-3 ;
    3° Il est créé une section 3 intitulée : « Assurance récolte et solidarité nationale » comprenant les articles L. 361-4 A à L. 361-4-7 ;
    4° L’article L. 361-1 A devient l’article L. 361-4 A ;
    5° Le quatrième alinéa de l’article L. 361-4 est supprimé ;
    6° Les articles L. 361-4-1 et L. 361-4-2 deviennent respectivement les articles L. 361-4-2 et L. 361-4-6 ;
    7° L’article L. 361-4-1 est ainsi rétabli :
    « Art. L. 361-4-1.-I.-Les entreprises d’assurance qui commercialisent des produits d’assurance contre les risques climatiques en agriculture bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 respectent les conditions suivantes :
    « 1° Elles sont agréées au sens de l’article L. 321-1 du code des assurances ou, selon le cas, des articles L. 321-7, L. 362-1 ou L. 362-2 du même code ;
    « 2° Elles respectent un cahier des charges, adopté dans des conditions déterminées par décret, fixant notamment un barème de prix pour chaque production, ainsi que les mesures et les pratiques de prévention mises en œuvre par les exploitants agricoles pour réduire leur exposition aux aléas climatiques qui peuvent être prises en compte par les entreprises d’assurance dans le calcul de la prime d’assurance ;
    « 3° Elles adhèrent, sauf en l’absence de constitution de celui-ci, au groupement mentionné à l’article L. 442-1-1 du code des assurances ;
    « 4° Elles respectent les conditions d’exercice des missions des interlocuteurs agréés mentionnés à l’article L. 361-4-2 du présent code.
    « II.-Toute entreprise d’assurance qui commercialise des contrats bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 est tenue de proposer à l’exploitant agricole qui en fait la demande un contrat d’assurance couvrant les pertes de récolte ou de culture résultant d’aléas climatiques conforme au cahier des charges prévu au 2° du I, à des conditions raisonnables précisées par le décret mentionné au même 2°. » ;
    8° Après l’article L. 361-4-2, sont insérés trois articles ainsi rédigés :
    « Art. L. 361-4-3.-I.-Les entreprises d’assurance qui commercialisent en France des produits d’assurance contre les risques climatiques en agriculture bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 constituent le réseau d’interlocuteurs agréés mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 361-4-2. Elles exercent les missions de ce réseau pour le compte de l’Etat, dans les conditions fixées par cet alinéa ainsi que par le présent article.
    « II.-Lorsqu’un exploitant agricole a conclu avec une entreprise d’assurance un contrat d’assurance bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4, cette entreprise est chargée de l’indemnisation de cet exploitant fondée sur la solidarité nationale prévue à l’article L. 361-4-2, pour les pertes de récoltes ou de cultures couvertes par ce contrat.
    « Dans les secteurs de production agricole où le développement de l’assurance contre les risques climatiques est suffisant, lorsque l’exploitant agricole a souscrit un ou plusieurs contrats d’assurance bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 pour une partie de ses récoltes ou cultures, il désigne, par secteur de production, une entreprise d’assurance, parmi celles avec lesquelles il a souscrit un tel contrat dans ce secteur ou, à défaut, dans un autre secteur, chargée d’exercer les missions d’interlocuteur agréé au titre des pertes de récoltes ou de cultures non couvertes par des contrats d’assurance. Lorsque l’évaluation de ces pertes de récoltes ou de cultures est fondée sur des indices, l’exploitant agricole choisit une entreprise d’assurance habilitée à utiliser de tels indices, parmi celles avec lesquelles il a contracté dans ce secteur ou, à défaut, dans tout autre secteur et, s’il n’a contracté avec aucune entreprise habilitée, l’entreprise habilitée de son choix parmi les autres membres du réseau.
    « Dans ces mêmes secteurs de production agricole où le développement de l’assurance contre les risques climatiques est suffisant, lorsque l’exploitant agricole n’a souscrit aucun contrat d’assurance bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 pour tout ou partie de ses récoltes ou cultures, il choisit parmi les membres du réseau celui qui assure les missions d’interlocuteur agréé. Lorsque l’évaluation des pertes de récoltes ou de cultures est fondée sur des indices, l’exploitant agricole choisit une entreprise d’assurance habilitée à utiliser de tels indices.
    « Dans les secteurs de production agricole où le développement de l’assurance contre les risques climatiques est insuffisant, l’exploitant agricole perçoit auprès de l’Etat l’indemnisation fondée sur la solidarité nationale prévue à l’article L. 361-4-2 pour les pertes de récoltes ou de cultures non couvertes par un contrat d’assurance qu’il subit dans ces secteurs. Toutefois, pour l’indemnisation de ces mêmes pertes de récoltes ou de cultures, l’exploitant agricole qui a souscrit des contrats d’assurance bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 pour d’autres récoltes ou cultures désigne, par secteur de production, parmi les entreprises avec lesquelles il a conclu un tel contrat dans ce secteur ou, à défaut, dans un autre secteur, et qui justifient de capacités techniques définies par décret, celle qui exerce les missions d’interlocuteur agréé.
    « L’exploitant agricole, qui y est tenu en application des règles prévues au présent II, désigne un interlocuteur agréé chaque année. A défaut, il ne peut prétendre au bénéfice de l’indemnisation prévue à l’article L. 361-4-2.
    « III.-Les charges engendrées pour les entreprises d’assurance par l’exercice des missions prévues au présent article font l’objet d’une compensation financière de la part de l’Etat, calculée de manière à éviter toute surcompensation. L’entreprise d’assurance tient à disposition de l’Etat tous les éléments nécessaires afin de permettre d’attester ces charges.
    « Les entreprises d’assurance bénéficient, afin d’assurer le versement de l’indemnisation prévue à l’article L. 361-4-2, d’une avance versée par l’Etat, financée par la troisième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture.
    « IV.-Un décret fixe les conditions d’application du présent article. Il dresse notamment, pour l’application du II, la liste des secteurs de production où le développement de l’assurance contre les risques climatiques est insuffisant, apprécié au regard de la diffusion des produits d’assurance ou des capacités techniques des entreprises d’assurance à offrir de tels produits dans ce secteur. Il peut également prévoir, pour l’application du dernier alinéa du même II, les critères permettant de substituer à la désignation annuelle de l’interlocuteur agréé une procédure de tacite reconduction.
    « Art. L. 361-4-4.-L’exploitant agricole dont les récoltes ou les cultures ne sont pas, en tout ou partie, couvertes par un contrat bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 et qui relève, en application des règles prévues à l’article L. 361-4-3, du réseau d’interlocuteurs agréés, communique chaque année au membre du réseau qu’il a désigné et, s’il y a lieu, à l’Etat, des informations dont la liste est fixée par décret, relatives aux surfaces ou aux productions concernées.
    « Art. L. 361-4-5.-Les entreprises d’assurance qui commercialisent des contrats bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 transmettent chaque année à l’Etat les données dont la liste est fixée par décret, nécessaires à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la politique publique de la gestion des risques climatiques en agriculture et du développement de l’assurance contre ces risques.
    « Ce décret précise la nature de ces données, leur durée de conservation, les conditions de leur transmission par les entreprises d’assurance et de mise en œuvre de leur traitement, ainsi que les modalités de diffusion de ces données auprès de tiers.
    « Les entreprises d’assurance mentionnées au premier alinéa transmettent également, chaque année, les données qu’elles détiennent relatives à la sinistralité, à un tiers indépendant mandaté à leurs frais pour transmettre ces données, avec un degré d’anonymisation et d’agrégation suffisant, d’une part, au groupement mentionné à l’article L. 442-1-1 du code des assurances, et d’autre part, à l’Etat.
    « Le tiers indépendant est astreint au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont il a connaissance à raison de ses fonctions. » ;
    9° Il est créé une section 4 intitulée : « Calamités agricoles » comprenant l’article L. 361-5 ;
    10° Il est créé une section 5 intitulée : « Dispositions communes aux sections 3 et 4 » comprenant les articles L. 361-6 et L. 361-7 ;
    11° Il est créé une section 6 intitulée : « Comité national de la gestion des risques en agriculture » comprenant l’article L. 361-8 ;
    12° Au huitième alinéa de l’article L. 361-8, les mots : « prévu par la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture » sont remplacés par les mots : « mentionné à l’article L. 442-1-1 du code des assurances » ;
    13° L’article L. 361-9 devient l’article L. 361-4-7 ;
    14° a) Au troisième alinéa de l’article L. 361-4 et au premier alinéa de l’article L. 361-4-2 dans sa version issue de la présente ordonnance, la référence à l’article L. 361-9 est remplacée par la référence à l’article L. 361-4-7 ;
    b) Aux articles L. 361-4-7, L. 361-5, L. 361-6, L. 361-7, L. 361-8 et L. 411-24, chaque référence à l’article L. 361-4-1 est remplacée par la référence à l’article L. 361-4-2 ;
    c) Au quatorzième alinéa de l’article L. 361-8, la référence à l’article L. 361-4 est remplacée par la référence au 2° de l’article L. 361-4-1.
  • Article 2
    A l’article 19 de la loi du 2 mars 2022 susvisée, chaque référence à l’article L. 361-4-1 est remplacée par la référence à l’article L. 361-4-2.
  • Article 3
    Le code des assurances est ainsi modifié :
    1° Après l’article L. 431-11, il est inséré un article L. 431-11-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 431-11-1.-La caisse centrale de réassurance peut concourir à l’élaboration, à la mise en œuvre, au contrôle et à l’évaluation de la politique publique de la gestion des risques climatiques en agriculture et du développement de l’assurance contre ces risques. » ;
    2° Après l’article L. 442-1, sont insérés cinq articles ainsi rédigés :
    « Art. L. 442-1-1.-Un groupement peut être constitué par les entreprises d’assurance remplissant les conditions prévues aux 1°, 2° et 4° du I de l’article L. 361-4-1 du code rural et de la pêche maritime afin :
    « 1° D’exercer, au sens du premier alinéa du I de l’article L. 310-1-1 du présent code, une activité de réassurance au profit de ses membres pour une part, dont les bornes sont fixées par décret dans la limite maximale de 90 %, de risques couverts par des garanties bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime et représentative des risques du portefeuille de ces derniers ;
    « 2° De fixer les conditions d’harmonisation des procédures d’évaluation et d’indemnisation des sinistres par les assureurs, dans la mesure strictement nécessaire à une réassurance conjointe des risques mentionnés à l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime et dans le respect des conditions prévues à l’article L. 361-4-2.
    « Pour l’exercice de l’activité de réassurance prévue au 1°, un traité de réassurance précise notamment la nature et l’étendue des risques cédés, les conditions de cession des risques et la responsabilité de chaque membre vis-à-vis des risques réassurés par le groupement. Il fixe également les modalités de détermination des primes versées par les assureurs en contrepartie des risques cédés couverts par des garanties bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime.
    « Le groupement peut conclure, si le traité de réassurance le prévoit et dans les conditions qu’il fixe, un ou plusieurs contrats de couverture de ses risques auprès d’une entreprise de réassurance.
    « Art. L. 442-1-2.-I.-Le groupement mentionné à l’article L. 442-1-1 est créé par une convention qui précise notamment son organisation, son fonctionnement et les modalités d’exercice de ses missions ainsi que les modalités de sa dissolution et contient des stipulations aux termes desquelles :
    « 1° Les membres du groupement sont tenus de céder au groupement une part, fixée par le décret mentionné au 1° de l’article L. 442-1-1, du risque associé à chacun de leurs contrats bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime ;
    « 2° Les membres du groupement sont tenus des dettes de celui-ci sur leur patrimoine propre. La convention peut prévoir à cet égard des stipulations spécifiques pour les nouveaux adhérents ainsi que pour les membres sortant du groupement ;
    « 3° L’exclusion d’un membre peut être prononcée, après application d’une clause de résolution amiable des différends et à l’issue d’une procédure contradictoire, par les instances de gouvernance du groupement, en cas de non-respect grave ou répété des obligations résultant de la convention.
    « II.-Pour la constitution du groupement, les entreprises d’assurance qui participent à l’élaboration de la convention mentionnée au I sont celles qui commercialisent, à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2022-1075 du 29 juillet 2022 portant développement des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, des contrats bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime.
    « III.-La convention de constitution du groupement est agréée par l’autorité administrative dans des conditions fixées par décret, après consultation publique des personnes ou entités manifestant un intérêt pour le marché des risques climatiques en agriculture et n’ayant pas participé à l’élaboration de la convention ainsi qu’après avis de l’Autorité de la concurrence.
    « Toute modification substantielle de la convention ainsi que la dissolution du groupement sont approuvées dans les mêmes conditions.
    « Art. L. 442-1-3.-A l’issue d’une période ne pouvant être inférieure à dix-huit mois après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2022-1075 du 29 juillet 2022 portant développement des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, en l’absence de convention agréée selon les modalités prévues au III de l’article L. 442-1-2 et si la diffusion des contrats d’assurance bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime n’est pas considérée comme satisfaisante par l’autorité administrative, celle-ci peut, en vue de la constitution du groupement prévu à l’article L. 442-1-1, publier un avis d’appel à manifestation d’intérêt dans un journal spécialisé du secteur de l’assurance ainsi qu’au Journal officiel de l’Union européenne. Un arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie établit la liste des entreprises d’assurance ayant manifesté leur intérêt et qui sont appelées à participer à l’élaboration de la convention constitutive à partir d’une date fixée par le même arrêté.
    « La convention alors conclue est agréée dans les mêmes conditions que celles prévues au III de l’article L. 442-1-2, sans qu’il soit toutefois besoin de procéder dans ce cas à une consultation publique.
    « En l’absence d’accord entre les entreprises d’assurance sur la convention constitutive du groupement ou à défaut d’agrément de cette convention, le groupement peut être créé par décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence.
    « Art. L. 442-1-4.-I.-Toute entreprise d’assurance qui commercialise des produits d’assurance contre les risques climatiques en agriculture bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime et qui respecte les conditions prévues aux 1°, 2° et 4° du I de l’article L. 361-4-1 du même code est membre du groupement mentionné à l’article L. 442-1-1 du présent code.
    « Lorsqu’une entreprise d’assurance ne détient plus dans son portefeuille de contrats d’assurance en cours de validité contre les risques climatiques en agriculture bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime, elle se retire du groupement dans les conditions prévues par la convention mentionnée à l’article L 442-1-2 du présent code.
    « II.-Les entreprises de réassurance ou leur représentant et la Caisse centrale de réassurance peuvent prendre part à la gouvernance ou aux instances consultatives et délibératives du groupement.
    « Art. L. 442-1-5.-Le groupement remet chaque année à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution un document qui :
    « 1° Retrace sa comptabilité ;
    « 2° Evalue les provisions techniques conformément aux règles applicables aux entreprises d’assurance. »
  • Article 4
    I.-La présente ordonnance ne s’applique pas en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, non plus qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon.
    II.-Le titre VII du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
    1° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 371-13 est remplacée par les dispositions suivantes :
    « Les 1° et 2° de l’article L. 361-2, l’article L. 361-4 A, les articles L. 361-4-1 à L. 361-6 et la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 361-8 ne sont pas applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, non plus qu’à Mayotte. » ;
    2° Le 3° de l’article L. 372-3 est remplacé par les dispositions suivantes :
    « 3° Les 1° et 2° de l’article L. 361-2, l’article L. 361-4 A, les articles L. 361-4-1 à L. 361-6 et la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 361-8. » ;
    3° Le 4° de l’article L. 373-3 est remplacé par les dispositions suivantes :
    « 4° Les 1° et 2° de l’article L. 361-2 et l’article L. 361-4 A ; »
    4° Le 5° de l’article L. 374-3 est remplacé par les dispositions suivantes :
    « 5° Les 1° et 2° de l’article L. 361-2 et l’article L. 361-4 A ; ».
    III.-Au I de l’article 13 de la loi du 2 mars 2022 susvisée, après les mots : « à Saint-Barthélemy », sont insérés les mots : «, à Saint-Martin ».
  • Article 5
    La présente ordonnance entre en vigueur à la date et selon les modalités prévues à l’article 17 de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 susvisée.
    Pour les pertes de récoltes et de cultures qui résultent d’un aléa climatique intervenu dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, le vingt-et-unième alinéa de l’article 1er n’est pas applicable.
  • Article 6
    La Première ministre, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le ministre de l’intérieur et des outre-mer et le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait le 29 juillet 2022.

Impôts locaux et coopératives agricoles

CE, 3e et 8e ch., 10 mars 2022, n° 438828,

SCA laitière Les Fruitières de Savoie

CE, 3e et 8e ch., 10 mars 2022, n° 449226, SCA Cave de l’Ormarine : JCP N 2022, act. 393

Le 6° de l’article 1382 du CGI exonère de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les bâtiments qui servent aux exploitations rurales.

Le Conseil d’État a jugé que n’entrent pas dans le champ de cette exonération les bâtiments qu’une société coopérative agricole (SCA) décide de louer ou de mettre à la disposition d’une personne tierce, quand bien même les opérations réalisées au sein de ces bâtiments le seraient à partir des seuls produits issus de cultures ou d’élevages des membres de la SCA. La SCA Les Fruitières de Savoie mettait ses locaux à la disposition d’une fromagerie afin qu’elle réalise, pour son compte, une activité de transformation du lait et la SCA Cave de l’Ormarine donnait à location plusieurs bâtiments à une société afin que cette dernière exerce une activité d’embouteillage et de commercialisation de vins. Dans les 2 cas, elles ne pouvaient donc bénéficier de l’exonération de TFPB.

Organisation de Producteurs et Question préjudicielle du CE à la CJUE : Conformité au principe de fonctionnement démocratique et à l’obligation pour un membre d’une organisation de producteurs de ne pas appartenir à une autre organisation de producteurs prévus par les articles 152 et 153 du règlement du 17 décembre 2013, dès lors qu’un syndicat agricole est susceptible de représenter des planteurs qui sont potentiellement membres d’autres organisations de producteurs ?

Pour s’assurer du respect du principe prévu par le c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n°1308/2013, selon lequel les producteurs membres d’une organisation de producteurs doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière :

– y a-t-il lieu, pour apprécier l’indépendance des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ‘

– suffit-il, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix, ou convient-il d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation ?

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Saint-Louis Sucre jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur les questions énoncées à l’article 1er.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Saint-Louis Sucre, au Premier ministre, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, à la SICA des betteraviers d’Etrepagny et au greffier de la Cour de justice de l’Union européenne.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février, 9 juillet 2020 et le 8 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Saint-Louis Sucre demande au Conseil d’Etat :

1°) à titre principal, d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 20 décembre 2019 portant reconnaissance de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Etrepagny en qualité d’organisation de producteurs dans le secteur du sucre pour la betterave sucrière ;

2°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne sur le fondement de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne portant sur les points suivants :

– la présence directe ou indirecte au capital social d’une organisation de producteurs d’un syndicat agricole, tel que la Confédération Générale des planteurs de Betteraves (CGB), ou d’entités affiliées à un tel syndicat, telles que la CGB Eure ou la CGB Ile-de-France, est-elle conforme au principe de fonctionnement démocratique et à l’obligation pour un membre d’une organisation de producteurs de ne pas appartenir à une autre organisation de producteurs prévus par les articles 152 et 153 du règlement du 17 décembre 2013, dès lors qu’un syndicat agricole est susceptible de représenter des planteurs qui sont potentiellement membres d’autres organisations de producteurs ‘

– dans l’affirmative, quelles sont les conditions encadrant la participation d’un syndicat agricole ou des organisations affiliées à celui-ci au fonctionnement d’une organisation de producteurs afin de garantir le respect des principes de fonctionnement démocratique et de non appartenance d’une organisation de producteurs à une autre organisation de producteurs ‘

– les accords, décisions ou pratiques conclus ou mis en œuvre au sein d’une organisation de producteurs dont est membre un syndicat agricole ou une entité affiliée à un tel syndicat telles que celles mentionnées plus haut et qui pourraient être qualifiés d’anticoncurrentiels au regard de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne peuvent-ils échapper à la prohibition prévue par cet article, en particulier au regard de la dérogation prévue au 1 bis de l’article 152 du règlement, dès lors que ce syndicat agricole a pour mission de représenter les intérêts de la profession, y compris ceux des planteurs qui ne sont pas membres de cette organisation de producteurs ainsi que des planteurs qui sont potentiellement membres d’autres organisations de producteurs ‘

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– le décret n° 2019-1163 du 8 novembre 2019 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d’Etat,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel – Rameix – Gury – Maître, avocat de la société Saint-Louis Sucre et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Etrepagny ;

Considérant ce qui suit :

1. L’arrêté du 20 décembre 2019 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation porte reconnaissance de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Etrépagny en qualité d’organisation de producteurs dans le secteur du sucre pour la betterave sucrière. La société Saint-Louis Sucre en demande l’annulation pour excès de pouvoir.

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

2. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article D. 553-4 du code rural et de la pêche maritime :  » Le dossier de demande de reconnaissance d’une organisation de producteurs comprend : 1° Les statuts de l’organisation, ainsi que son procès-verbal d’approbation. 2° Une note précisant : (…) c) La répartition du capital, lorsqu’il existe, des droits de vote entre les différents membres de l’organisation de producteurs (…) « . D’autre part, aux termes de l’article D. 611-4 du code rural et de la pêche maritime :  » La commission technique spécialisée du Conseil supérieur de l’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, dite  » Commission nationale technique  » émet des avis sur l’octroi, le maintien et le retrait de la reconnaissance en qualité de groupements de producteurs des organismes prévus à l’article L. 551-1 (…) « . Il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis à la commission nationale technique comprenait, outre les statuts de la SICA des betteraviers d’Etrépagny, une fiche de synthèse précisant la répartition de son capital et des droits de vote entre ses différents membres, dont les syndicats Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) Eure et CGB Ile-de-France et la société Naples Investissement, et satisfaisait ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, aux exigences de l’article D. 553-4 du code rural et de la pêche maritime, lequel n’imposait pas que fut en outre précisée la répartition du capital, le cas échéant, de chacun des membres en cause.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la SICA des betteraviers d’Etrépagny a modifié son règlement intérieur, le 11 décembre 2019, pour tenir compte des observations qui lui avaient été adressées au cours de la procédure d’instruction de sa demande de reconnaissance, en formalisant, conformément à ces observations, à l’article 2, les conditions d’évolution des volumes engagés dans l’organisation de producteurs par ses membres et à l’article 18 une clause de confidentialité et de déontologie pour le directeur et les membres non producteurs de l’organisation de production. Par suite et en tout état de cause, la société requérante ne saurait soutenir que l’arrêté attaqué aurait été irrégulièrement adopté faute de prise en compte de ces observations.

4. En troisième lieu, aux termes du II de l’article D. 611-5 du code rural et de la pêche maritime :  » Lorsqu’elle est réunie pour émettre des avis prévus aux a et b de l’article D. 611-4, la commission nationale technique comprend : 1° Au titre du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire : (…) b) Parmi les membres mentionnés au 1° du I de l’article D. 611-1, le représentant du ministre chargé de la concurrence (…) « . Le premier alinéa de l’article D. 611-7 du même code prévoit que :  » La Commission nationale technique élabore un règlement intérieur définissant les modalités de son fonctionnement (…) « . L’article 6 de ce règlement intérieur dispose que, conformément à l’article R. 133-10 du code des relations entre le public et l’administration :  » Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la Commission nationale technique sont présents ou représentés (…) « . Il résulte de ces dispositions qu’elles n’imposent pas la présence aux réunions de la CNT de chacun de ses membres mais se bornent à fixer une règle de quorum. Par suite, alors qu’il n’est pas même soutenu que le quorum n’aurait pas été atteint lors de la séance de la CNT du 10 décembre 2019, le moyen tiré par la société requérante de ce que l’avis adopté lors de cette séance serait entaché d’irrégularité au motif que le représentant du ministre chargé de la concurrence n’y a pas participé ne peut qu’être écarté.

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

5. Aux termes du 1 de l’article 152 du règlement (UE) n°1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles :  » Les Etats membres peuvent, sur demande, reconnaître les organisations de producteurs qui : / a) se composent de producteurs dans un secteur précis énuméré à l’article 1er, paragraphe 2, et, conformément à l’article 153, paragraphe 2, point c), sont contrôlées par ceux-ci ; / b) sont constituées à l’initiative des producteurs et exercent au moins l’une des activités suivantes : i) transformation conjointe; ii) distribution conjointe, notamment via des plateformes de vente conjointes ou un transport conjoint ; iii) emballage, étiquetage ou promotion conjoints; iv) organisation conjointe du contrôle de la qualité ; v) utilisation conjointe des équipements ou des installations de stockage; vi) gestion conjointe des déchets directement liés à la production; vii) acquisition conjointe des intrants ; viii) toute autre activité conjointe de service visant l’un des objectifs énumérés au point c) du présent paragraphe ; / c) poursuivent un but précis pouvant inclure au moins l’un des objectifs suivants : i) assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en termes de qualité et quantité ; ii) concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de leurs membres, y compris via une commercialisation directe ; iii) optimiser les coûts de production et les retours sur les investissements réalisés pour satisfaire aux normes environnementales et de bien-être des animaux, et stabiliser les prix à la production ; (…) v) promouvoir et fournir l’assistance technique nécessaire à la mise en œuvre de pratiques culturales et de techniques de production respectueuses de l’environnement (…) « .

6. Aux termes du 1 bis du même article 152 :  » Par dérogation à l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une organisation de producteurs reconnue en vertu du paragraphe 1 du présent article peut planifier la production, optimiser les coûts de production, mettre sur le marché et négocier des contrats concernant l’offre de produits agricoles, au nom de ses membres, pour tout ou partie de leur production totale. / Les activités visées au premier alinéa peuvent avoir lieu : a) dès lors que l’une ou plusieurs des activités visées au paragraphe 1, point b) i) à vii), du présent article est véritablement exercée, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; (…) / d) dès lors que les producteurs concernés ne sont membres d’aucune autre organisation de producteurs en ce qui concerne les produits couverts par les activités visées au premier alinéa ; e) dès lors que le produit agricole n’est pas concerné par une obligation de livraison découlant de l’affiliation de l’agriculteur à une coopérative qui n’est pas elle-même membre de l’organisation de producteurs concernée (…) « .

7. En premier lieu, d’une part, le c) du 1 de l’article 154 du règlement (UE) n° 1308/2013 exige, pour que soit reconnue une organisation de producteurs, qu’elle  » offre des garanties suffisantes quant à l’exécution correcte de ses activités tant du point de vue de l’efficacité, de la mise à disposition effective de moyens d’assistance humains, matériels et techniques à ses membres, et s’il y a lieu, de la concentration de l’offre « . L’article 155 du même règlement prévoit toutefois que les Etats membres peuvent autoriser une organisation de producteurs reconnue  » à externaliser n’importe quelle activité autre que la production (…) à condition qu’elle reste responsable de l’exécution de l’activité externalisée « . D’autre part, l’article D. 551-55 du code rural et de la pêche maritime dispose que, dans le secteur du sucre,  » l’organisation de producteurs dispose de moyens en personnel correspondant au moins à un demi-équivalent temps plein « .

8. Il ressort des pièces du dossier que la SICA des betteraviers d’Etrépagny a conclu avec la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) une convention d’externalisation d’activités par laquelle la CGB s’engage à mettre à disposition de la SICA  » au minimum un demi-équivalent temps plein « . Il s’ensuit que les exigences minimales posées par l’article D. 551-55 n’ont pas été méconnues. Il ne ressort en outre des pièces du dossier ni que l’externalisation prévue se ferait dans des conditions ne permettant pas à l’organisation de producteurs de conserver le contrôle de l’activité externalisée, ni que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la SICA disposait de moyens suffisants pour exécuter correctement ses activités. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées du c) du 1 de l’article 154 du règlement (UE) n° 1308/2013 doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la société requérante soutient qu’à supposer même que les conditions de reconnaissance d’une organisation de producteurs soient satisfaites, permettant d’appliquer les dispositions du 1 bis de l’article 152 du règlement (UE) n° 1308/2013, citées au point 6 ci-dessus, l’arrêté de reconnaissance attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions prohibant les pratiques anti-concurrentielles figurant aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, au motif, d’une part, que la présence au sein de la SICA de membres non producteurs tels que la CGB Eure, la CGB Ile-de-France et la société Naples Investissement créerait un risque d’entente et d’échange illicite d’informations au-delà du périmètre de l’organisation de producteurs et au motif, d’autre part, que la seule exemption à la règle prévue par les statuts de la SICA imposant à des adhérents de lui apporter la totalité de leur production étant prévue en faveur des volumes déjà engagés auprès d’une coopérative sucrière, cette règle conduit à favoriser ces coopératives, au détriment de sociétés telles qu’elle-même. Toutefois, d’une part, l’article 18 du règlement intérieur de la SICA limite l’information des membres non producteurs quant aux conditions de vente et de paiement décidées par l’organisation de producteurs et leur impose une clause de confidentialité. D’autre part, l’exemption critiquée étant explicitement prévue par le e) du 1 bis de l’article 152 du règlement, cette exemption ne saurait être regardée comme méconnaissant, en tant que telle, les dispositions prohibant les pratiques anti-concurrentielles invoquées par la société requérante, à qui il appartiendrait, si elle s’estimait victime d’un comportement prohibé de la part de l’organisation de producteurs, d’invoquer la méconnaissance de ces dispositions, à raison de ce comportement, devant la juridiction compétente. Il suit de là que le moyen soulevé ne peut qu’être écarté.

10. Mais, en troisième lieu, tandis que les dispositions du 1 bis de l’article 152 du règlement (UE) n° 1308/2013 subordonnent les activités qu’une organisation de producteurs peut effectuer en dérogation à l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à la condition, entre autres, que  » les producteurs concernés ne [soient] membres d’aucune autre organisation de producteurs en ce qui concerne les produits couverts par les activités visées (…) « , l’article 153 du même règlement dispose que :  » 1. Les statuts d’une organisation de producteurs exigent en particulier de ses membres de : (…) b) n’être membres que d’une seule organisation de producteurs pour un produit donné de l’exploitation (…) « . La société requérante soutient que l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de ces dernières dispositions, dès lors que la CGB Eure, la CGB Ile-de-France et la société Naples Investissement, qui ne sont pas des producteurs, sont membres à la fois de la SICA d’Etrépagny et de la SICA Roye-Déshydratation, également reconnue comme organisation de producteurs.

11. La réponse à ce moyen dépend de la question de savoir si la règle énoncée par le b) du 1 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013 imposant aux membres d’une organisation de producteurs de n’être membres que d’une seule organisation de producteurs pour un produit donné de l’exploitation, doit être interprétée comme valant uniquement pour les membres producteurs ou bien comme valant pour la généralité des membres d’une organisation, y compris les membres non producteurs. Cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’Etat et présente, compte tenu du rapprochement des dispositions du 1 bis de l’article 152 et de l’article 153 du règlement, une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne.

12. Enfin, en quatrième lieu, le c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013 prévoit que les statuts d’une organisation de producteurs comportent des dispositions concernant  » les règles permettant aux producteurs membres d’une organisation de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière (…) « . Dans son arrêt Royaume d’Espagne c/ Commission européenne du 6 mars 2012 (aff. T-230/10), le tribunal de l’Union européenne a jugé, d’une part, que le principe du contrôle d’une organisation de producteurs par ses membres impose que ces derniers en maîtrisent les décisions et, d’autre part que, lors du contrôle par les Etats membres du fonctionnement démocratique d’une organisation de producteurs, il ne saurait être fait abstraction de l’identité des personnes physiques ou morales qui détiennent le capital des membres de cette organisation, afin de vérifier que le nombre apparent de membres de l’organisation soit représentatif du nombre de membres de l’organisation réellement indépendants.

13. La société requérante soutient, à l’appui de son recours, que l’arrêté attaqué ne pouvait reconnaître à la SICA des betteraviers d’Etrepagny la qualité d’organisation de producteurs dès lors que, compte tenu du contrôle qu’y exerce directement ou indirectement le syndicat Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), cette SICA ne satisfait pas à l’exigence que les membres producteurs d’une organisation de producteurs contrôlent, de façon démocratique, leur organisation et les décisions qu’elle prend.

14. Elle fait valoir, à cet égard, que la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB) détient la quasi-totalité du capital de la société Naples Investissement, qui détient pour sa part 8,7 % du capital social de la SICA d’Etrépagny, et que cette Confédération contrôle aussi, de fait, les syndicats CGB Eure et CGB Ile-de-France, qui détiennent respectivement 15,1 % et 7,6 % du capital social de la SICA d’Etrépagny, dans la mesure où ces syndicats sont affiliés à la CGB, que leurs statuts prévoient qu’ils ont  » pour objet d’étudier et de traiter dans [leur] circonscription, conformément aux articles L. 2131-1 et L. 2132-5 du code du travail, ainsi qu’aux directives de la CGB, tous les problèmes concernant l’organisation et la défense économique des producteurs de betteraves (…) « , tandis que les statuts de la CGB prévoient qu’elle a pour objet notamment  » d’unir les syndicats betteraviers membres et de leur transmettre pour exécution les directives de son conseil d’administration « . La société requérante déduit de ces éléments que, nonobstant les dispositions des statuts de l’organisation de producteurs d’Etrépagny limitant à 10% la part de voix de chaque membre, le contrôle exercé par la CGB sur ces trois entités méconnaît à la fois le principe de fonctionnement démocratique de l’organisation de producteurs et le principe de contrôle de celle-ci par ses membres producteurs.

15. La société requérante fait aussi valoir que la méconnaissance de ces principes découle également de ce que, parmi les treize administrateurs de la SICA énumérés par les statuts de celle-ci, outre les trois entités citées au point 14, six sont des producteurs, membres de la CGB, qui y exercent des responsabilités importantes. Elle ajoute que cette méconnaissance est aggravée par la circonstance que le directeur de l’organisation de producteurs d’Etrépagny et une partie des moyens de celle-ci sont mis à sa disposition par la CGB.

16. La réponse à la contestation soulevée sur ce point par la société requérante dépend de la question de savoir si, pour s’assurer du respect du principe énoncé au c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013, selon lequel les producteurs membres d’une organisation de producteurs doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière, il y a lieu, pour apprécier l’indépendance de chacun des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération.

17. La réponse à cette contestation dépend aussi de la question de savoir s’il suffit, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation de producteurs par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix ou s’il convient d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation de producteurs.

18. Ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’Etat et présentent une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne.

19. Il s’ensuit qu’il y a lieu de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne, en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les questions énoncées aux points 11, 16 et 17 ci-dessus et de surseoir à statuer sur la requête de la société Saint-Louis Sucre.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Les questions suivantes, relatives à l’interprétation du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sont renvoyées à la Cour de justice de l’Union européenne :

1°) La règle énoncée par le b) du 1 de l’article 153 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013, selon laquelle les statuts d’une organisation de producteurs exigent de ses membres de  » n’être membres que d’une seule organisation de producteurs pour un produit donné de l’exploitation « , doit-elle être interprétée comme valant uniquement pour les membres producteurs ‘

2°) Pour s’assurer du respect du principe prévu par le c) du 2 de l’article 153 du règlement (UE) n°1308/2013, selon lequel les producteurs membres d’une organisation de producteurs doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière :

– y a-t-il lieu, pour apprécier l’indépendance des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ‘

– suffit-il, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix, ou convient-il d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation ‘

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Saint-Louis Sucre jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur les questions énoncées à l’article 1er.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Saint-Louis Sucre, au Premier ministre, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, à la SICA des betteraviers d’Etrepagny et au greffier de la Cour de justice de l’Union européenne.

Conseil d’État 3e et 8e chambres réunies 10 Mars 2022 Numéro de requête : 439178

La modification de destination des récoltes cultivées sur une parcelle louée ne constitue pas un motif de résiliation du bail

Sénat, Réponse ministérielle n°23166, 6 janvier 2022

Le Gouvernement précise que la modification de destination des récoltes cultivées sur une parcelle louée ne peut, à elle seule, être un motif de résiliation du bail.

❔La question

Le Gouvernement a été interrogé sur la résiliation du bail rural, et plus particulièrement sur la possibilité pour une commune de résilier le bail rural conclu au profit d’un agriculteur qui, au lieu de consacrer sa production à l’alimentation humaine ou animale comme ce qu’il faisait en début de bail, la consacre désormais entièrement à la méthanisation.

💡 La réponse

Les conditions de résiliation d’un bail rural sont régies par les dispositions du code rural et de la pêche maritime (CRPM) relatives au statut du fermage. Les parties au contrat ne peuvent organiser par avance la résiliation du bail soumis à ce statut, en raison du caractère d’ordre public de ce dernier. Pour autant elles disposent de la faculté, en cours de bail, de s’entendre pour mettre fin au contrat.

L’article L. 411-31 du CRPM et l’article 1766 du code civil, auquel renvoie l’article L. 411-27, alinéa 1er du CRPM, définissent l’essentiel des conditions de résiliation pour faute du preneur. Soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, la résiliation est encourue lorsque les agissements du preneur sont « de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds » (article L. 411-32, I, 2°), lorsqu’il y a péril pour l’exploitation du fonds et pour le fonds lui-même. À cet égard la jurisprudence tient compte de l’évolution des conditions de production agricole, notamment des mesures destinées à protéger l’environnement. En outre, lesdits manquements motivant une résiliation comprennent les agissements qui sont susceptibles de compromettre la bonne exploitation du fonds dans l’avenir.

Sur le fondement de l’article 1766 du code civil, la jurisprudence ne reconnaît pas que le changement d’activité, dans le cas présent la modification de la destination des récoltes, puisse fonder une demande de résiliation si ce changement ne remet pas en question la bonne exploitation du fonds. Le fait que le preneur consacre désormais la totalité de la production céréalière issue du terrain loué à la méthanisation et non plus à l’alimentation animale et humaine ne constitue pas un motif suffisant de résiliation, si le bailleur ne démontre pas par ailleurs une remise en cause de la bonne exploitation du fonds. Enfin, la résiliation du bail pour faute du preneur n’intervient pas de plein droit et doit être demandée en justice. La demande est recevable jusqu’à la fin du bail.

Plus généralement, le Gouvernement est attaché à ce que soit mise en œuvre une méthanisation agricole permettant de maintenir un équilibre entre les destinations alimentaires et énergétiques pour les cultures sur l’ensemble du territoire national. À cet effet, l’article D. 543-292 du code de l’environnement dispose que les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total des intrants par année civile.

Entreprise agricole > Baux rurauxDate : 10 janvier 2022La rédactionSource :

Loi du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires

Une loi pour favoriser l’installation des agriculteurs et le renouvellement des générations agricoles.

Elle instaure une nouvelle procédure de contrôle des cessions de parts et actions de sociétés sur le marché du foncier agricole.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044553572

« DITES LE NOUS » : LE DROIT A L’ERREUR

En réponse à une question d’un député, le ministère de l’Agriculture revient sur les différentes mesures destinées à alléger les démarches administratives des agriculteurs et indique que le droit à l’erreur est désormais inscrit à l’article 59 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la PAC.

La question

L’attention du ministre de l’Agriculture a de nouveau été attirée sur l’augmentation des normes dans le secteur agricole, l’excès de normes françaises qui s’ajoutent à celles imposées par l’Europe étant présenté comme l’une des causes du mal-être des agriculteurs.

Les formalités n’existent plus sous la version papier mais par voie numérique. La crise des vocations est importante, les rendements sont moins favorables du fait des règles environnementales appliquées en France.

Alors que l’épidémie actuelle montre à quel point la souveraineté alimentaire est une première nécessité, il est demandé au Gouvernement de se prononcer sur la question de l’amélioration du quotidien des agriculteurs.

💡 La réponse

Le ministère de l’Agriculture rappelle que le Gouvernement s’est engagé depuis 2017 en faveur de la simplification des démarches administratives, un engagement suivi à l’occasion de chaque comité interministériel de la transformation publique.

Dans le secteur agricole, cet engagement se traduit d’abord par la déclinaison des mesures du comité interministériel de la transformation publique : mise en œuvre du « Dites-le-nous une fois » afin de réduire le nombre de pièces justificatives à fournir pour une demande, dématérialisation des démarches et procédures administratives en lien avec les services territoriaux, travail en lien avec les organismes de service, dont les chambres d’agriculture, afin de renforcer l’accompagnement des agriculteurs sur le terrain.

Par ailleurs, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation participe activement aux dispositifs dérogatoires de France Expérimentations par lesquels des porteurs de projet peuvent demander des simplifications administratives, dans le but de mener à bien des projets innovants.

Enfin, au niveau national, la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance a introduit la notion de droit à l’erreur dans un objectif visant à renforcer le lien de confiance entre l’administration et le citoyen pour tenir compte des risques encourus par des demandeurs de bonne foi qui méconnaîtraient involontairement et à titre exceptionnel la réglementation en vigueur.

À ce titre, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a porté ce sujet dans le cadre des négociations de la politique agricole commune et le droit à l’erreur est désormais inscrit à l’article 59 du règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la PAC

(Voir aussi Agridroit, Infos, 3 novembre 2021).

CONTRAT DE VENTE ET LOI EGALIM 2 POUR LES AGRICULTEURS

Tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite et est régi, dans le respect des articles 1365 et 1366 du code civil, par le présent article.

  • La Loi Egalim 2 rend obligatoire la conclusion de contrats écrits pluriannuels lors de la vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur.

Ces contrats, d’une durée minimum de trois ans, devront stipuler une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole entrant dans la composition de la denrée alimentaire.

Les clauses de modification du prix en fonction des prix pratiqués par la concurrence sont quant à elles interdites.

Par ailleurs, en cas de calamité agricole ou d’aléa sanitaire exceptionnel, aucune pénalité ne pourra être imposée au producteur qui ne respecterait pas les volumes prévus au contrat.

  • La part du prix correspondant au coût des matières premières est rendu non-négociable entre les fournisseurs et les distributeurs.

Les fournisseurs pourront présenter dans leurs CGV la part pour chacune des matières premières agricoles ou la part agrégée de celles-ci entrant dans la composition des denrées alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, sous la forme d’un pourcentage du volume de ladite part et d’un pourcentage du tarif du fournisseur. L’acheteur pourra, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour vérifier l’exactitude du pourcentage indiqué dans les CGV.

Les contrats entre fournisseurs et distributeurs devront également contenir une clause de révision automatique des prix en fonction de l’évolution du coût des matières premières ainsi qu’une clause générale de renégociation des prix, activable en fonction de l’évolution des coûts de l’énergie, du transport ou des emballages.

Loi du 18 octobre 2021 n°244

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