Catégorie : Bail rural – Bail à ferme Page 4 of 6

Convention d’entr’aide et jouissance exclusive

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 7 février 2019), par acte du 1 mars 2012, M. F. a pris à bail des immeubles agricoles appartenant à M. et Mme C..

2. Par déclaration du 25 juillet 2016, il a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d’un bail supplémentaire sur un terrain supportant un hangar de stockage qu’il occupe.

3. M. et Mme C. s’y étant opposés, Mme R., leur fille, a été appelée à l’instance en intervention forcée et a soutenu qu’elle était titulaire d’un bail à ferme sur la parcelle litigieuse depuis le 26 février 2012, expliquant le dépôt de matériels appartenant à M. F. par une convention d’entraide qu’elle avait conclue avec lui.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts C. font grief à l’arrêt de reconnaître un bail rural à M. F. sur le terrain et le hangar, d’en ordonner la libération et de les condamner à des dommages-intérêts, alors « que le bail rural suppose l’existence d’un libre accord d’un bailleur et d’un preneur sur le principe d’une location à titre exclusif ; qu’en l’espèce, les époux C. et Mme R. établissaient que, dès le 26 février 2012, la parcelle et le hangar litigieux étaient occupés par cette dernière pour les besoins de son exploitation, en vertu d’un bail rural écrit consenti par ses parents ; qu’en se bornant à retenir, pour dire que M. F. bénéficiait d’un bail rural, que ce dernier occupait, depuis son arrivée en mars 2012, la parcelle litigieuse, sans s’interroger sur la circonstance pourtant déterminante que cette occupation n’était pas exclusive, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime :

5. Selon ce texte, toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole est régie par le statut du fermage.

6. Pour accueillir les demandes de M. F., l’arrêt relève que le bail notarié consenti à celui-ci, à l’occasion de la reprise de l’exploitation et du cheptel de M. et Mme C., ne vise pas la parcelle en cause, sans pour autant l’exclure, et retient que rien n’empêche la reconnaissance d’un bail verbal distinct sur ce terrain.

7. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que le même immeuble avait été précédemment donné à bail à Mme R., également exploitante agricole, et que celle-ci avait conclu une convention d’entr’aide avec son voisin, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’exclusivité de la jouissance dont se prévalait M. F., n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE , DU 9 JUILLET 2020

Le cessionnaire d’un bail doit, se consacrer immédiatement à l’exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente.

Il résulte de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime que le cessionnaire du bail doit, comme tout repreneur, se consacrer immédiatement à l’exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente.

Selon l’article 500 du code de procédure civile, a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution.

Viole ces textes, en statuant par des motifs impropres à justifier l’abstention d’exploiter du preneur postérieure à la date de l’arrêt autorisant la cession à son profit, la cour d’appel qui, pour rejeter une demande de résiliation, retient que le bailleur ne peut pas utilement reprocher au cessionnaire de ne pas s’être personnellement consacré à l’exploitation des parcelles louées dès la date de cet arrêt, dès lors qu’un pourvoi a été formé et que, même si celui-ci n’a aucun effet suspensif, la cession définitive n’est intervenue que lorsque la Cour de cassation a validé cette cession.

Arrêt n°925 du 3 décembre 2020 (19-23.990) – Cour de cassation – Troisième chambre civile
-ECLI:FR:CCAS:2020:C300925


 

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX ET RESPECT DE LA PROCEDURE

Selon l’article 455 du code de procédure civile :

Tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

Pour dire que les demandes de Mme Le B. étaient recevables sans tentative préalable de conciliation en première instance, l’arrêt retient que l’intervention volontaire de M. L. a été admise par le tribunal paritaire et qu’il s’en déduit que celle-ci se rattachait aux prétentions des parties originaires par un lien suffisant, de sorte qu’il est devenu une partie au procès, revendiquant le maintien du bail rural à son profit, à l’encontre de laquelle Mme Le B. pouvait présenter des demandes reconventionnelles.

En retenant que M. L. avait élevé une prétention à son profit, tout en confirmant le chef de dispositif du jugement constatant que M. L., intervenant volontaire, n’avait formé aucune demande, la cour d’appel, qui s’est contredite, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Cour de cassation, 3e chambre civile, 19 Novembre 2020 – n° 19-20.980

RESILIATION D’UN BAIL RURAL et EXPLOITATION

Vu les articles L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime et 500 du code de procédure civile :

Le cessionnaire du bail doit, comme tout repreneur, se consacrer immédiatement à l’exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente.

Pour rejeter la demande de résiliation formée par le groupement bailleur, l’arrêt retient que celui-ci ne peut pas utilement reprocher au preneur de ne pas s’être personnellement consacré à l’exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l’arrêt autorisant la cession du bail à son profit, dès lors qu’un pourvoi avait été formé à l’encontre de cette décision et que, même si celui-ci n’avait aucun effet suspensif, la cession définitive n’est intervenue que le 8 octobre 2015, lorsque la Cour de cassation a validé la cession.

En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier l’abstention d’exploiter du preneur postérieure au 30 avril 2014, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 3 Décembre 2020 – n° 19-23.990

BAIL RURAL et RESILIATION pour usage contractuellement différent et utilisation de méthodes culturales

Cass. 3e civ., 6 févr. 2020, n° 18-25.460

– Le preneur s’expose à la résiliation s’il emploie la chose à un autre usage que celui auquel elle a été contractuellement destinée de sorte que même dans un bail ordinaire, une clause prévoyant des méthodes de culture respectueuses de l’environnement n’est pas contraire à l’ordre public statutaire.

– L’application de méthodes conventionnelles sur des parcelles vouées à la production biologique peut caractériser les agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds justifiant la résiliation pour faute du preneur.

– Cette décision très novatrice révèle que la liberté économique traditionnellement reconnue au fermier peut être limitée par certaines clauses du bail lui imposant un mode de production.

Droit rural n° 483, Mai 2020, comm. 89

BAIL RURAL et article L. 324-11 du code rural et de la pêche maritime et QPC

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. A l’occasion du pourvoi qu’ils ont formé contre l’arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d’appel de Rouen, par mémoire distinct et motivé, M. et Mme C. et l’EARL ont demandé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L’article L. 324-11 du code rural et de la pêche maritime tel qu’il a existé entre la loi n 93-934 du 22 juillet 1993 et l’ordonnance n 2006-870 du 13 juillet 2006 est-il contraire au principe d’égalité tel qu’issu de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et consacré par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel pour exclure sans raison, s’agissant de l’exploitation agricole à responsabilité limitée, les garanties instituées par l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime tel qu’issu de la loi du 30 décembre 1988, et notamment la garantie tenant à la nécessité d’une mise en demeure préalablement à l’exercice par le bailleur d’un action en résiliation en cas de manquement du preneur à son obligation d’exploitation effective et permanente ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. L’article L. 324-11 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoyait, au cas où le preneur ne continuait pas à se consacrer à l’exploitation du bien loué ou lorsque tous les membres de la société ne participaient pas à la mise en valeur des biens, que le bailleur était dispensé d’adresser au preneur une mise en demeure avant de solliciter la résiliation du bail dans l’hypothèse où les terres étaient mises à disposition d’une EARL, a été abrogé par l’ordonnance du 13 juillet 2006, qui a modifié l’article L. 411-31 du même code, selon lequel notamment le bail rural peut être résilié pour toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l’article L. 411-37 de ce code, relatif à la mise à disposition par le preneur au profit d’une société agricole des terres prises à bail.

6. M. et Mme F. ont sollicité la résiliation du bail pour infraction aux dispositions de l’article L. 411-37 par requête du 26 juillet 2016.

7. L’article L. 324-11 du code rural et de la pêche maritime n’était donc plus en vigueur lorsque l’action a été introduite, de sorte que la condition d’applicabilité au litige au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 n’est pas remplie.

8. En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Cour de cassation 3e chambre civile 19 Mars 2020Numéro de pourvoi : 19-22.396 Numéro d’arrêt : 350 Publié

BAIL RURAL ET RESILIATION

Question écrite sans réponse n° 15318, 16 avril 2020 – Résiliation unilatérale du bail rural cédé par le copreneur ayant cessé son activité. – M. Jean-Marie Janssens – Ministère de la Justice et des Libertés.

Question écrite n° 15318

Ministère de la Justice et des Libertés

Résiliation unilatérale du bail rural cédé par le copreneur ayant cessé son activité.

Question de M. Jean-Marie Janssens

Sénateur –

M. Jean-Marie Janssens attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur une faille juridique en matière de cession de bail rural intervenant lors de la cessation d’activité de l’un des copreneurs. En effet, si le caractère personnel du bail rural prohibe en principe sa cession, il existe des exceptions. L’une d’elles est aménagée par l’article L. 411-35, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que « lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur [peut] demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s’y opposer qu’en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande ». Cependant, il n’est pas prévu la possibilité, pour le copreneur qui poursuit le bail à son nom, d’y mettre fin. Ainsi, quand bien même le fermier aurait atteint l’âge de la retraite, ce qui lui permettrait en principe de résilier unilatéralement le bail à durée déterminée, le propriétaire se voit permettre d’exiger que le contrat continue au nom du cosignataire ayant cessé son activité, et ce jusqu’à ce que ce dernier atteigne l’âge de la retraite. Cette carence permet alors au propriétaire de négocier, dans des conditions qui lui sont très favorables, son consentement à une résiliation mutuelle du bail. Aussi, il souhaite connaître les moyens qu’elle envisage pour remédier à cette situation. Publication au JO : Sénat du 16 avril 2020 Source : Sénat

BAIL A FERME ET VENTE DES TERRES : CONDITIONS DE VENTE ET PREEMPTION

Vu l’article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu’il résulte de ce texte qu’une information loyale du preneur exige que le notaire mentionne, dans la notification valant offre de vente qu’il lui adresse, les éléments le mettant en mesure d’exercer utilement son droit de préemption, dont le délai d’exercice ne court que du jour d’une notification complète et exacte ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 22 novembre 2018), que, par acte du 25 avril 2008, Mme C. a consenti un bail à ferme à M. D. sur plusieurs parcelles ; que, par acte du 18 mai 2016, elle les a vendues à M. et Mme G. ; qu’un avenant du 2 juin 2016 en a modifié le prix ; que, par lettre reçue le 23 septembre 2016, le notaire a notifié au preneur l’intention de vendre de la bailleresse aux conditions de la promesse initiale ; que, par déclaration du 3 novembre 2016, M. D. a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de la notification et fixation de la valeur vénale des biens ; que M. et Mme G. sont intervenus à l’instance ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes, l’arrêt retient que l’absence de notification de l’avenant prévoyant un prix plus élevé ne caractérise pas une information déloyale et que M. D. n’a pas exercé son droit de préemption dans le délai de deux mois imparti à peine de forclusion ;

Qu’en statuant ainsi alors qu’il résultait de ses propres constatations que les conditions de la vente conclue par la bailleresse n’était pas les mêmes que celles qui avaient été notifiées au preneur par le notaire instrumentaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 Mars 2020 – n° 19-10.925

Bail rural et reprise des terres: Une reprise de la jouissance des parcelles louées dans des circonstances n’ayant pas suscité de réaction, sans explication sérieuse sur les raisons de le départ des lieux du fermier ne saurait légitimer la restitution, selon la Cour de Cassation

Vu l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l’article 1134, devenu 1103, du code civil :

Il résulte du premier de ces textes, que toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L. 411-2, que cette disposition est d’ordre public et que la preuve de l’existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens.

Selon le second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi.

Pour rejeter la demande, l’arrêt retient que M. et Mme D. ont repris la jouissance des parcelles louées aux consorts R. dans des circonstances qui n’ont pas suscité de réaction, que les preneurs ne donnent aucune explication sérieuse sur les raisons de leur départ des lieux et qu’ils n’avaient pas sollicité devant le tribunal paritaire des baux ruraux et la cour d’appel de Toulouse la restitution des parcelles.

En statuant ainsi, alors, d’une part, qu’elle avait relevé que les consorts R. avaient adressé, le 31 décembre 2015, aux consorts B. une lettre de protestation, d’autre part, que les consorts R. avaient sollicité dès leurs conclusions devant le tribunal paritaire des baux ruraux l’expulsion de tous occupants des parcelles, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une renonciation non équivoque des consorts R. à se prévaloir du bail rural dont ils étaient titulaires, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute les consorts R. de leur demande en restitution des parcelles C 402 et C 404 en leur qualité de fermier et de leur demande d’expulsion des occupants des dites parcelles, l’arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ;

Cour de cassation, 3e chambre civile, 26 Mars 2020 – n° 19-12.811

Toute cession de bail rural est interdite

La Cour de Cassation vient de rappeler,

Vu l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que la faculté de céder le bail dans le cercle familial est réservée au preneur de bonne foi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai,13 septembre 2018), que, par acte du 24 septembre 1997, Paul D. et son épouse, décédée depuis, ont consenti à M. H. un bail à ferme sur plusieurs parcelles ; que, par acte du 20 mars 2014, M. D., agissant en qualité de nu-propriétaire et de curateur de Paul D., a donné congé à M. H. pour cause d’âge de la retraite et, subsidiairement, pour reprise par le petit-fils du bailleur ; qu’il est devenu plein propriétaire des terres au décès de Paul D. survenu le 1 novembre 2014 ; que M. H. a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé et autorisation de céder le bail à sa fille ;

Attendu que, pour accueillir ses demandes, l’arrêt retient que le preneur a mis les terres à la disposition d’une Earl sans en informer le bailleur en temps utile et a procédé à un échange en jouissance des parcelles louées sans solliciter l’agrément de leur propriétaire, mais que ces manquements ne sont pas suffisamment graves pour justifier un refus d’autorisation de cession du bail ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’autorisation de céder ne peut être accordée qu’au preneur qui s’est acquitté de toutes les obligations légales ou conventionnelles résultant de son bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties,

Cour de cassation, 3e chambre civile, 6 Février 2020 – n° 18-24.425

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