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Coopératives – La SCIC : un modèle d’avenir pour les coopératives agricoles ? – Etude par Bastien BRIGNON et Bernard HAWADIER

Document: Droit rural n° 488, Décembre 2020, étude 35

Droit rural n° 488, Décembre 2020, étude 35

La SCIC : un modèle d’avenir pour les coopératives agricoles ?

Etude par  Bastien  BRIGNON  maître de conférences HDR à Aix-Marseille universitémembre du centre de droit économique (UR 4224) et de l’institut de droit des affaires (IDA)directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés

et  Bernard  HAWADIER  avocat au Barreau de DraguignanCabinet « VINOLEX »

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La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) est une société hybride : véritable coopérative, elle est également une société commerciale. Possédant des caractéristiques propres, telles que la fiscalité des réserves impartageables, ou encore la possibilité de dépasser le seuil des 20 % d’approvisionnement extérieur maximal imposé aux coopératives, elle pourrait être une réponse, autre que la simple filialisation au moyen d’une société commerciale, aux difficultés que peuvent rencontrer les unions de caves viticoles en termes de gouvernance et de besoin de financement.

1. – Au chapitre des sociétés à statut spécial voire très spécial, il en est une qui mérite attention : la « SCIC », coopérative d’intérêt collectif. Il s’agit d’une société, à forme commerciale, régie par les articles 19 quinquies à 19 sexdecies A inclus de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. La SCIC est ainsi une société coopérative. Mais, elle est aussi une société à forme commerciale puisque selon l’article 19 quinquies précité les SCIC sont des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés à responsabilité limitée à capital variable. Elle se trouve dès lors régie tant par la loi de 1947 précitée que par le Code de commerce. D’où la question de sa nature juridique qui confine à l’hybridation, et surtout de son intérêt et de son utilité dans le secteur coopératif, en particulier celui des coopératives agricoles, et plus particulièrement encore au sein des unions de caves viticoles. En effet, nombre d’unions de caves ont d’ores et déjà fait le choix de la SCICNote 1 et ce, afin d’organiser des levées de fonds, sur le modèle d’un financement participatif, leur permettant ainsi de croître et d’acquérir également de nouvelles terres à cultiver, tout en préservant l’identité territoriale.

2. – Les unions de caves coopératives sont confrontées aujourd’hui à diverses problématiquesNote 2 : croître de manière à concurrencer efficacement les acteurs commerciaux du négoce de produits agricoles, et par voie de conséquence satisfaire aux exigences des projets d’investissement, de restructuration et de développement en répondant aux attentes légitimes des coopérateurs par rapport à leurs rémunérations, faire évoluer leur structure juridique au mieux des intérêts des coopérateurs et de leurs coopératives avec un maximum de proximité et d’intéressement, obligation de résoudre à court et moyen terme le problème lié au dépassement récurrent du seuil des 20 % d’approvisionnement extérieur maximal imposé aux coopératives, etc. De ces points de vue, la SCIC offre des opportunités et des perspectives intéressantes, pour les producteurs eux-mêmes mais pas seulement, si bien que la question se pose, pour nombre d’unions de caves viticoles, d’un passage en SCIC par la voie de la transformation (2) . Toutefois, en ce qu’elle applique à la fois les règles des coopératives et celles des sociétés commerciales, la SCIC peut apparaître comme paradoxale (1) .

1.  Le paradoxe de la SCIC

3. – La création de la SCIC s’inscrit dans l’évolution et le développement historique des sociétés coopératives. Elle est une variante originale et novatrice destinée à répondre à des besoins identifiés. La loi fondatrice du droit coopératif contemporain est celle du 10 septembre 1947. Elle a défini la coopérative de manière duale. Elle tend à supprimer des intermédiaires mais aussi vise à l’amélioration quantitative ou qualitative de la situation économique de ses membresNote 3. Il résulte de ce texte que la finalité de la coopérative est incompatible avec celle attribuée par la loi aux sociétés. Mais cette loi comportait des lacunes résultant du renoncement à un régime juridique autonome et donc du renvoi général au droit des sociétés.

4. – Plusieurs réformes sont intervenues. Celles de l’ordonnance du 26 septembre 1967, puis de la loi du 27 juin 1972 et celle de la loi du 13 juillet 1992 destinée à promouvoir le développement des outils financiers afin de renforcer les fonds propres des sociétés coopératives, pour ne citer qu’elles. La création de la SCIC est intervenue avec la loi du 17 juillet 2001 complétée ensuite pas le décret du 21 février 2002. David Hiez souligne qu’elle a été le fruit d’une lente évolution et le produit d’un contexte politique particulierNote 4. Dans sa thèse, Julie DurochNote 5 écrit que la SCIC est le résultat de la réflexion conjuguée des pouvoirs publics et du monde coopératif et associatif, sur fond d’engagements électoraux visant à créer un tiers secteur d’utilité sociale et écologique dans un contexte de tensions entre l’administration fiscale et les groupements à but non lucratifNote 6. Hélène Azarian pour sa part estime qu’elle se situe au confluent d’une double volonté celle du mouvement coopératif de lutter contre le faible développement des coopératives en suscitant la création d’une nouvelle forme juridique et la volonté des pouvoirs publics qui recherchaient un statut permettant à des activités payantes une utilité sociale d’échapper aux limites du statut associatif de la loi du 1er juillet 1901Note 7. La SCIC apparaît par conséquent comme une coopérative (A)  innovante (B) .

A. –  Une coopérative parmi d’autres

5. – L’identité coopérative est une notion autant idéologique que juridique. Selon nombre d’auteurs la coopération agricole est « fille de la misère et de la nécessité »Note 8. Claude Vienney écrit que « les coopératives ne sont pas des organisations quelconques mises à jour et identifiées par une forme et des règles qui fondent leur spécificité institutionnelle même lorsqu’elles se forment et fonctionnent ou lorsqu’elles sont utilisées dans des contextes apparemment différents »Note 9. Malgré la loi du 10 septembre 1947, certains auteurs vont jusqu’à affirmer qu’il n’y a pas de définition de la coopérative dans la loi françaiseNote 10.

6. – C’est l’alliance coopérative internationale (« ACI ») qui l’a définie en 1995 dans la déclaration de ManchesterNote 11 reprise par la recommandation n° 193 de l’OIT du 3 juin 2002Note 12 : « la société coopérative est un groupement autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs ».

7. – Selon David Hiez les principes coopératifs sont : la double qualité, l’exclusivisme, la porte ouverte, la démocratie, l’a-capitalisme, la formation et le fédéralismeNote 13. La loi de 1947 fait expressément référence à ces principes coopératifs dans son article 11 mais de manière incidente pour marquer les limites aux avantages qui peuvent être conférés aux porteurs de parts à avantages particuliers. Ce qui conduit le professeur David Hiez à s’interroger sur l’opposition éventuelle entre un ordre public coopératif résultant de la loi du 10 septembre 1947 et les principes coopératifs définis sur le plan international. Dans la filiation du travail d’Olivier FreyNote 14, Julie Duroch pour sa part recense quatre principesNote 15 : l’adhésion volontaire et ouverte à tous, la gouvernance démocratique, la participation économique de ses membres et la formation des membres de la coopération avec les autres coopérativesNote 16.

8. – Indépendamment du contenu de ces principes, il est intéressant de relever ici avec David Hiez que nous sommes face à un concept de droit souple dont la force juridique est aussi incertaine qu’aléatoire. Par ailleurs, les valeurs ainsi recensées vivent et trouvent leur force contraignante et fédératrice dans des coopératives qui prennent la forme de sociétés atypiques particulièrement dans le domaine agricole qui nous intéresse. C’est dans ce contexte que s’inscrit la SCIC.

9. – L’innovation principale de la SCIC est d’être une coopérative multi-sociétaire permettant la réalisation d’un projet économique commun entre des associés ayant des rôles différents (Salariés, usagers, producteurs, investisseurs, collectivités locales)Note 17. Les sociétés coopératives d’intérêt collectif ont un statut à part dans le monde coopératif. Leur spécificité résulte, d’une part, de l’abandon d’un certain nombre des valeurs que nous venons d’identifier, même si la force juridique de ces dernières reste sujette à caution, et, d’autre part, d’une définition légale sur la portée de laquelle il convient de s’interroger.

10. – Il est remarquable de constater que cette société ne fait pas l’objet de dispositions spécifiques. Les textes qui la régissent ont été directement intégrés dans la loi du 10 septembre 1947 aux articles 19 quinquies à 19 sexdecies A inclus. Dans ces conditions, quels sont les principes coopératifs que les textes relatifs à cette société prennent en compte ?

11. – D’abord, la SCIC s’éloigne du schéma de principe de toute coopérative qui repose sur les qualités d’associé et de collaborateur. La SCIC ferme les assemblées dans le cadre de collèges. Ainsi, le cercle coopératif s’élargit-il en laissant par ailleurs une relative liberté au fondateur puisque, si certains collèges sont imposés, d’autres peuvent être librement définis. C’est le multi-sociétariat. C’est aussi la fin de l’exclusivisme puisqu’il n’y a pas qu’une seule catégorie d’associés. Ensuite, la SCIC dispose d’une certaine liberté dans la rédaction de ses statuts lui permettant de s’éloigner du principe démocratique « un homme une voix »Note 18. Par ailleurs, le principe de gestion altruiste est maintenu dans la SCIC ; il se traduit par la notion d’impossibilité de partager les réserves. L’associé n’a pas le droit au partage des bénéfices. À son départ, il ne peut obtenir que le remboursement de son capital. Quant à la répartition des excédents, on parle ici de la notion de ristourne, elle est interdite dans les SCIC.

12. – Ce faisant, cette nouvelle forme de société s’intègre dans un monde identifié à partir de valeurs marquées par leur ambiguïté et un défaut de force juridique clairement affirmé. Pour autant, nul ne peut contester la puissance idéologique et politique du monde coopératif et la volonté de ses acteurs comme de l’État de préserver l’identité comme l’unité, précisément au regard de ses principes dont la préservation est confiée au Haut Conseil de la coopérative agricole (HCCA)Note 19. C’est au demeurant ce qui fait tout le paradoxe de ce monde bien particulier, notamment dans le domaine agricole, dans lequel les coopératives sont assorties d’un certain nombre de contraintes en particulier quant à leur forme juridique sui generis.

13. – La SCIC déroge donc à certains des principes coopératifs, tel que l’exclusivisme, compte tenu de son objet spécifique défini par la loi. Les SCIC ont en effet « pour objet la production ou la fourniture de bien et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale »Note 20. Ainsi, la constitution d’une SCIC, bénéficiant de son caractère dérogatoire, est-elle conditionnée à cette double référence à la fourniture de biens et services d’intérêt collectif ainsi qu’à leur utilité sociale. À l’origine elle était d’ailleurs soumise à l’agrément préfectoral qui a disparu avec la loi du 22 mars 2012.

14. – Que doit-on entendre par intérêt collectif et par utilité sociale ? L’intérêt collectif témoigne de l’abandon du seul intérêt des associés coopérateurs ayant cette double qualité et par voie de conséquence de l’exclusivisme marqué par la coopérative, bien qu’il ait été partiellement remis en cause par la possibilité de traiter 20 % des achats à l’extérieur de la coopérative. Il s’agit donc de rechercher un autre intérêt de nature collective dont la définition reste jusqu’à ce jour particulièrement évasive et susceptible d’être nourrie par des projets aussi divers que variés. Il en est de même de l’utilité socialeNote 21.

15. – Au demeurant, la loi et le décret sont particulièrement elliptiques à ce sujetNote 22. Quant à la jurisprudence, elle est inexistante, de telle sorte que pour un temps assez long le droit positif résultera de la pratique. Laquelle pratique sera sans doute inspirée par l’un des rares textes existant à savoir une circulaire du 18 avril 2002 qui renvoie elle-même à différents textes généraux en matière d’économie sociale et solidaire, qu’il s’agisse de la notion de service d’intérêt collectif ou du caractère d’utilité socialeNote 23. Cette coopérative à l’identité particulière se différencie par ailleurs des autres sociétés du monde coopératif et particulièrement des sociétés coopératives agricoles par sa forme juridique.

B. –  Une forme sociale innovante dans le monde de la coopération

16. – La forme juridique sociale d’une coopérative a des conséquences déterminantes sur son mode de fonctionnement. Toute l’originalité de la SCIC doit s’apprécier au regard du cadre général du droit de ces groupements originaux que sont les sociétés coopératives.

17. – Au sein de ce monde coopératif, les sociétés coopératives agricoles ont leurs spécificités. Celles-ci sont caractérisées par « l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité ». Les sociétés coopératives agricoles sont une catégorie spéciale de sociétés, à capital variable, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales, disposant de la personnalité morale et de la pleine capacité juridique (C. rur., art. L. 521-1). Elles constituent une véritable originalité dans le droit français.

18. – C’est le législateur qui, en 1972, a définitivement tranché, qualifiant ces sociétés de « ni civiles, ni commerciales ». La loi et les décrets organisent un statut complet qui se suffit pratiquement à lui-même selon Chantal ChomelNote 24. Elles se distinguent des sociétés commerciales à bien des égards, conformément à la jurisprudence de la CJUE : « Les coopératives ne sauraient en principe être considérées comme se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable à celles des sociétés commerciales »Note 25. Cette forme juridique sui generis conduit à l’établissement de statuts typesNote 26.

19. – L’objet des coopératives agricoles est défini par la loi et complété par l’article R. 521-1 du Code rural et de la pêche maritime. Cet objet est étroitement lié à l’activité agricole des exploitations membres de la coopérative. La coopérative est le prolongement de l’exploitation de ses membresNote 27. Il en est de même pour leurs unions.

20. – Les particularités de ce contexte et la volonté du législateur de répondre à ces différentes attentes constituent très certainement l’explication du paradoxe que constitue cette société d’une nouvelle forme totalement inédite dans le droit des coopératives comme dans celui des sociétés. Inspirées des attentes du tissu associatif, contraint par un régime juridique considéré comme étant restrictif, elles se nourrissent à la fois partiellement des valeurs coopératives définies dans la loi de 1947 et des outils juridiques mis à leur disposition par le statut des sociétés commerciales.

21. – La SCIC est donc en rupture totale avec le régime juridique des sociétés coopératives agricoles, ni civiles ni commerciales, puisqu’elle est expressément commerciale, et que les statuts sont ceux des sociétés commerciales de droit commun, avec la possibilité pour les associés de choisir l’une quelconque de ces formes, qu’il s’agisse de la SARL, de la SA ou encore de la SAS, la seule condition étant de choisir une société dont la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports.

22. – Malgré les limites de son objet, malgré l’objectif d’utilité sociale, le législateur définit bien la SCIC comme étant une société commerciale ; cependant, elle est aussi une société coopérative. Cette dualité déjà trouvée dans le monde coopératif a-t-elle des conséquences sur la nature juridique de cette société ? Si elle est une coopérative, elle ne l’est pas selon le schéma habituel puisqu’elle n’est pas constituée pour servir les intérêts de ses coopérateurs mais un intérêt collectif d’utilité sociale lui donnant ainsi vocation à servir des intérêts parfois divergents, et en tous les cas multiples que l’on retrouvera dans les différents collèges qui seront constitués pour permettre le fonctionnement de cette société. On le voit, le régime juridique de la SCIC est le produit d’une greffe coopérative et associative sur un arbre commercial, ce qui lui confère une nature spécifique sans pour autant en faire une société coopérative répondant aux canons habituels et de droit commun et encore moins à ceux des sociétés coopératives agricoles. Toutefois, force est de constater que la loi ne contient aucune interdiction pour une société coopérative agricole d’adopter cette forme juridique singulière, particulière, spécifique dès lors qu’elle inscrit son activité dans l’objet de la SCIC c’est-à-dire un intérêt collectif d’utilité sociale. Dans ces conditions, quid de la transformation d’une société coopérative agricole ou d’une union de coopératives en SCIC ?

2.  La société coopérative agricole transformée en SCIC

23. – En l’absence d’interdiction formelle et de contradictions entre l’activité agricole d’une coopérative et la poursuite d’un intérêt collectif d’utilité sociale parfaitement compatible avec les valeurs du monde agricole, voire celles de la coopération en général, la question se pose du choix d’une forme de société commerciale pure. Il s’agira de répondre à un certain nombre d’attentes et d’exigences qui résultent à la fois de l’extension du champ d’activité sous couvert de l’intérêt collectif d’utilité sociale, mais aussi de la recherche des outils les plus performants et les plus adaptés à la mise en œuvre d’une gouvernance en cohérence avec les exigences du développement d’une activité concurrentielle et complexe dans le cadre d’importantes unions de coopératives agricoles.

24. – Pour certains auteurs, il y aurait un paradoxe selon lequel la SCIC aurait une identité coopérative à la fois renforcée et dénaturéeNote 28. Nous souscrivons à cette analyse : cette dualité caractérise la SCIC ayant un objet imprégné d’une vocation agricole tenant à la nature des produits élaborés et distribués.

25. – Il faut d’abord voir les conséquences de l’abandon de certaines des valeurs comme l’exclusivisme ou l’a-capitalisme qui vont modifier significativement les caractéristiques de la SCIC (A) , avant d’étudier la transformation proprement dite (B) .

A. –  Les effets de l’abandon de certaines valeurs coopératives

26. – Le choix d’un intérêt collectif agricole d’utilité sociale comme étant l’objet même de la SCIC se traduit par l’abandon de certaines des valeurs qui sont pourtant traditionnellement au cœur de la coopérative agricole. Comme indiqué supra, la loi ne comporte pas d’interdiction. Même si l’agrément préalable du préfet pour constituer une SCIC ou pour transformer une coopérative en SCIC a disparu depuis 2012, les sociétés coopératives sont soumises au contrôle notamment du HCCA ; il apparaît nécessaire qu’une telle opération soit préalablement soumise aux autorités de contrôle. Il peut même être envisagé la consultation préalable de l’État à travers son préfet, anciennement titulaire du pouvoir d’autorisation, afin de recueillir en amont son avis, à l’instar d’un rescrit fiscal. Sous cette seule réserve qui nous apparaît de prudence plus que d’obligation, il convient donc d’envisager le cadre et les conséquences de chacune des deux modifications essentielles quant aux valeurs de la coopération à savoir, l’atteinte au principe de l’exclusivisme et à celui de l’a-capitalisme.

27. – L’exclusivisme coopératif est la contrepartie et le corollaire de la double qualité des coopérateurs. Le membre d’une coopérative en est l’associé en même temps que l’entrepreneur. La coopérative ne doit distribuer que les produits de ses associés dans la mesure où son objet est celui-ci. Avec la SCIC, l’objet n’est plus le même. Il est de poursuivre un objectif collectif d’intérêt social, de sorte que plus rien ne justifie la règle de l’exclusivisme. Ce principe doit être analysé de manière à déterminer quelle en est précisément la cause afin ensuite de s’assurer de ses conséquences.

28. – Quel est le fondement juridique de l’abandon de l’exclusivisme ? Selon l’article 3 de la loi du 10 septembre 1947, la coopérative ne doit rendre de service qu’à ses membres. Ce principe est également affirmé dans l’article 1er, paragraphe 4 du règlement (CE) n° 1435/2003 relatif au statut de la société coopérative européenne. L’exclusivisme est assimilable à la double qualitéNote 29. Considéré comme cardinal à l’origine, l’exclusivisme a été mis en cause par la loi ESS du 31 juillet 2014 qui en a assoupli la rigueur, admettant ainsi la possibilité de transactions limitées avec les tiers dans la proportion toutefois de 20 % du chiffre d’affaires. Il a fallu attendre le décret du 1er juin 2015 pour la mise en application effective de cette disposition afin de déterminer les conditions dans lesquelles les coopératives peuvent prévoir, dans leurs statuts, d’admettre des tiers non sociétaires à bénéficier de leurs activités. La sanction du dépassement de ce plafond est déterminée par ledit décret, lequel prévoit, dans ce cas, que « la coopérative régularise sa situation en ne dépassant plus le seuil au plus tard à la clôture de l’exercice social suivant celui du dépassement constaté ». S’agissant des coopératives agricoles, la même règle doit être respectée, sauf hypothèse particulière de la filialisation. Par conséquent, toute coopérative agricole qui se trouve dans l’obligation de traiter plus de 20 % de son chiffre d’affaires avec des tiers non associés doit dès lors avoir recours à la constitution de filiale. Il en est ainsi lorsque les apports de ses adhérents ne suffisent pas pour satisfaire aux besoins de la commercialisation qui a été mise en place.

29. – On le voit, malgré le tempérament apporté en 2014, cette règle de l’exclusivisme est le corollaire de l’un des principes fondateurs et cardinaux de la coopération et tout particulièrement de la coopération agricole. En tant que telle, la dérogation apportée par la solution de la transformation en SCIC ne peut donc être considérée comme licite, sauf à ce que, en raison de la transformation de son objet, la société coopérative puisse justifier d’un approvisionnement d’une autre nature et d’une autre géographie de producteurs.

30. – La possibilité pour une coopérative agricole transformée en SCIC de bénéficier ainsi d’un régime dans lequel elle ne sera plus soumise à l’exclusivisme est déterminée par la transformation de son objet. C’est l’unique condition, en même temps suffisante. Dès lors que la transformation n’est pas purement formelle, c’est-à-dire qu’elle ne se réduit pas à l’adoption de statuts d’une société commerciale, mais qu’elle correspond réellement à la mise en œuvre d’un projet, qui ne se limite plus à celui initial de la coopérative au sens classique du terme, mais qui est devenu celui d’une SCIC associant à la fois la poursuite d’un objectif intérêt collectif colorée d’utilité sociale, un approvisionnement non exclusif au-delà de 80 % ne devrait pas pouvoir être contesté.

31. – Quant à l’interdiction de pratiquer la ristourne, il s’agit certainement de l’un des points les plus sensibles sur lequel la SCIC marque une rupture avec les sociétés coopératives en général et les coopératives agricoles en particulier, sauf à observer qu’il ne s’agit peut-être au final et en réalité que d’une différence formelle tant la pratique est susceptible de s’organiser autrement ou de contourner ce type de contraintes ou de fictions juridiques.

32. – La ristourne constitue l’une des principales spécificités de la coopérative. La coopérative réalisant ces opérations pour le compte de chacun de ses coopérateurs, ce mécanisme a été imaginé de manière à ce que tous puissent bénéficier des excédents résultant en fin d’exercice sous la forme d’une sorte de trop-perçu de la coopérative à leur égard. Le vocabulaire juridique Cornu la définit comme « le reversement en fin d’année, à un coopérateur, de sa part sur les résultats positifs annuelle de la coopérative ». L’article 15 de la loi du 10 septembre 1947 dispose que « Nulle répartition ne peut être opérée entre les associés si ce n’est au prorata des opérations traitées avec chacun d’eux ou du travail fourni par lui ». Et Si les associés ne peuvent prétendre au versement d’intérêt au capital, ils ont droit en revanche à ce qui peut être considéré comme étant le produit de leur activité, la coopérative étant « leur chose ». David Hiez fait ressortir combien sa nature juridique est ambivalente et qu’elle peut, d’une certaine manière, aussi bien être comparée à une forme de distribution de dividendesNote 30. Le professeur Saint-Alary écrit qu’elle est le « trop payé » réservé aux coopérateursNote 31. Marc Hérail rejoint cette analyse en soulignant qu’elle résulte de la vocation de la coopérativeNote 32. L’administration fiscale les assimile d’ailleurs à la restitution d’un trop-perçu aux associés (CGI, art. 214-1, 1°).

33. – Elle se distingue du complément de prix auquel fait référence en même temps qu’à la ristourne l’article L. 521-3-1 du Code rural et de la pêche maritime qui considère que « la rémunération de l’associé coopérateur » consiste dans le « paiement du prix des apports de produits, des services ou des cessions d’approvisionnement, notamment les acomptes et, s’il y a lieu, les compléments de prix », et « les excédents annuels disponibles » (les ristournes). Cette distinction est néanmoins à l’origine de nombreux débats, certains considérant que les ristournes constituent une partie des prixNote 33. La notion de complément de prix n’est pas non plus sans poser de problème au regard de la détermination du prix tant la question se pose de savoir si, en présence de ce complément, le prix est ferme ou ne l’est pas.

34. – L’interdiction de la ristourne est le corollaire du multi-sociétariat. Dès lors que les associés ne sont pas exclusivement constitués par les producteurs et que l’activité de la coopérative n’est plus la chose de ces derniers, il est inévitable de distinguer clairement la question de la rémunération de celle du dividende et, par voie de conséquence, de sortir de cette ambiguïté que nous venons de décrire. Il y a là incontestablement une source de clarification. Le producteur ne peut plus être rémunéré que par le prix de son service et/ou de son produit. Il ne peut plus être question que de fixer un prix selon des critères qui ne relèvent pas d’un rapport de société à associé mais de société à producteur. D’un autre point de vue Julie Duroch explique très clairement qu’« à l’évidence, la mise en œuvre du mécanisme de la ristourne s’avère impossible dans une SCIC car les relations que celle-ci entretient avec ses associés ne sont pas fondées unanimement sur la réduction du prix ou l’amélioration de la qualité d’un produit service »Note 34.

35. – Dans une SCIC il y aura donc lieu de contractualiser la relation entre cette dernière et les producteurs (les coopérateurs de la coopérative classique) afin de définir de manière précise les modalités de détermination du prix. À cet égard il sera parfaitement envisageable d’imaginer la rédaction de clauses contenant un mécanisme de détermination au sens du Code civil de telle sorte que le prix contenant une partie fixe et une partie variable n’en sera pas moins définitivement fixé au regard de la loi. Force est donc de constater que l’abandon de la ristourne pourtant considéré comme emblématique de la coopérative ne se traduira pas par une remise en cause des modalités de rémunération des producteurs associés et anciens coopérateurs…

B. –  La transformation proprement dite

36. – C’est dans ces conditions que la question peut se poser pour une coopérative agricole, ou une union de coopératives, de se transformer en SCIC. D’un point de vue juridique, il s’agit d’une transformation, ce qui signifie qu’il n’y a ni dissolution de l’union ou de la coopérative ni création d’une SCIC, mais que l’union ou la coopérative perdure, avec une continuité de la personnalité morale par application de l’article 1844-3 du Code civil ; simplement change-t-elle de forme sociale pour adopter les statuts d’une SCIC sous forme de SAS, SA ou SARL, son capital social restant variable et son numéro RCS ne changeant pas. Ceci implique une décision unanime des associés en faveur de la transformation en SCIC aux termes d’une assemblée générale extraordinaire ; ceci implique éventuellement l’intervention d’un commissaire aux comptes en vertu de l’article L. 224-3 du Code de commerce, si du moins la forme choisie est une société par actions et qu’elle ne comportait pas de commissaire aux comptes.

37. – On rappellera en effet que selon l’article 19 quaterdecies de la loi du 10 septembre 1947 :« La décision régulièrement prise par toute société, quelle qu’en soit la forme, de modifier ses statuts pour les adapter aux dispositions du présent titre n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle.Lorsqu’une société prend une telle décision, ses parts ou actions sont converties en parts sociales. L’assemblée générale arrête la valeur des parts, dont le montant peut être supérieur à celui de la valeur nominale, détenues par les associés présents dans le capital lors de l’adoption du statut de SCIC.[…]L’écart de valorisation qui peut résulter de l’opération entre la valeur nominale des parts sociales annulées et la valeur déterminée lors de la modification des statuts peut être comptabilisé, pour tout ou partie, à l’actif du bilan de la société, dans les conditions fixées par un règlement de l’Autorité des normes comptables ».Si la forme choisie est la SAS, l’unanimité de l’article L. 227-3 du Code de commerce (texte applicable à toutes les sociétés, quelle que soit leur forme, qui se transforment en SAS), s’impose de manière cumulative avec l’article 19 quaterdecies précité.Dès lors, il pourrait être opportun d’organiser une consultation préalable au sein de la coopérative ou de l’union des coopératives afin d’anticiper les éventuelles oppositions à pareille transformation. En présence d’associés hostiles au projet, il serait alors préférable de devancer la difficulté et d’organiser le retrait ou l’annulation prévus par l’article 19 quaterdecies, alinéa 3. Ainsi, les associés des coopératives récalcitrants au projet de transformation, sortiraient avant la transformation et une fois la réduction de capital faite, serait votée à l’unanimité ladite transformation.

38. – Une dernière question peut être envisagée, celle de la valorisation de la société à l’occasion de sa transformation. Un commissaire à la transformation peut être amené à intervenir si la SCIC opte pour une forme de société par actions. Celui-ci devra nécessairement s’interroger sur le montant des capitaux propres et sur la valeur nette des actifs, et en particulier de la marque de la société. Une réévaluation (imposée par les règles comptables, dont le principe de sincérité) n’est donc pas à exclure à l’occasion de la transformation, ce qui pourrait constituer une opportunité très intéressante. En effet, en tant que coopérative, la SCIC ne peut pas avoir de valeur patrimoniale. Cependant, la forte valeur de certains actifs est incontestable, si bien que cette valorisation pourrait apparaître au moment de la transformation de l’union ou de la coopérative en SCIC.

39. – La SCIC ouvre des perspectives très intéressantes. Elle n’est pas sans contrainte. Mais elle présente des avantages indéniables en vue d’un développement différencié d’union de caves coopératives, tout en conservant un attachement fort aux valeurs coopératives traditionnelles qui peuvent être contractualisées dans les statuts en cas de choix de la forme de SAS de manière par ailleurs à ne pas sortir d’un système coopératif dont les fondements identitaires reviennent en vogue avec le développement des formes de l’économie sociale et solidaire.▪

L’essentiel à retenir :
• La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), tout en étant une véritable coopérative, est également une société à forme commerciale. • La SCIC dispose d’atouts indéniables : possibilité de dépasser le seuil des 20 % des tiers non sociétaires, réserves impartageables non fiscalisées, gouvernance démocratique avec des collèges et catégories d’associés, réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers, etc. • Elle préserve les valeurs de toute coopérative mais peut s’en extraire pour partie et ce, au service même des coopérateurs et des coopératives, des producteurs et des consommateurs. • Société a-capitalistique, la SCIC ne peut pratiquer la ristourne. • Dans le domaine vitivinicole, la SCIC répond aux besoins de financement. Inscrite dans une logique de développement local et durable, ancrée dans son territoire, la SCIC présente un intérêt collectif et un caractère d’utilité sociale. • La SCIC Valorise une marque, en préservant en même temps l’identité territoriale et l’authenticité des produits. • La SCIC : de forme privée, à caractère commercial, demeure d’utilité sociale et s’inscrit dans le courant de l’économie sociale et solidaire.

Note 1 Ardèche Vignobles, Rhonéa Vignobles, etc.

Note 2 R. Rangeard, Les mutations du modèle coopératif confronté au marché, G. Jazottes (dir.) : Th., université de Toulouse, 2019.

Note 3 D. Hiez, Société coopérative : Dalloz Action, 2018-2019, n° 021. 82.

Note 4 D. Hiez, préc., n° 022.51.

Note 5 J. Duroch, La société coopérative d’intérêt collectif à l’épreuve du statut de la coopération et du droit des sociétés, D. Gibirila (dir.) : Th., université de Toulouse, 2017.

Note 6 J. Duroch, thèse préc., p. 17, n° 10.

Note 7 , JCl. Société Traité, fasc. 170-90, 2019, n° 3, SCIC, par P. Le Vey et H. Azarian. – Adde JCl. Sociétés Formulaire, fasc. S-1230, Sociétés coopératives d’intérêt collectif, 2019, par H. Azarian.

Note 8 J. Defrouny, Pratiques coopératives et mutations sociales : L’Harmattan, coll. Logiques sociales, 1995, p. 16.

Note 9 C. Vienney, Socio économie des organisations coopératives : Paris, C.I.E.M., coll. Tiers secteur, 1980, p. 8.

Note 10 C. Chomel, Le cadre juridique et la gouvernance des coopératives agricoles dans les coopératives agricoles : Larcier, 2014.

Note 11 Déclaration internationale : www.ica.coop.

Note 12 Recommandation n° 193 : www.ilo.org.

Note 13 D. Hiez, préc., n° 021.91 et s.

Note 14 O. Frey, in Les coopératives agricoles : Larcier, 2015, p. 40 et 41.

Note 15 J. Duroch, thèse préc., p. 13.

Note 16 C. Chomel, La gouvernance des coopératives agricoles à la lumière des récentes modifications législatives : RD rur. 2017, étude 25.

Note 17 C. Chomel, préc., p. 70.

Note 18 C. Schmitt, Le principe « un homme, une voix » dans les sociétés coopératives, J.-P. Legros (dir.) : Th., université de Franche-Comté, 2015.

Note 19 www.hcca.coop

Note 20 L. 10 sept. 1947, art. 19 quinquies, al. 2.

Note 21 Préc., chap. 1, p. 33 et s.

Note 22 En ce sens : H. Azarian, préc.

Note 23 JCl. Sociétés, fasc. 170-90, n° 13 et s., par P. Le Vey et H. Azarian.

Note 24 C. Chomel, préc., p. 75.

Note 25 CJUE, 8 sept. 2011, aff. C-78/08.

Note 26 www.juricoop.coop.

Note 27 C. Chomel, préc., p. 81 et s.

Note 28 En ce sens : J. Duroch, thèse préc.

Note 29 L. Coûtant, L’évolution du droit coopératif de ses origines à 1950 : RID comp. 1954, 6, 3, p. 587-589. – D. Hiez, préc., n° 121-11.

Note 30 D. Hiez, préc., n° 334-13.

Note 31 R. Saint-Alary, Éléments distinctifs de la société coopérative : RTD com. 1952, p. 485.

Note 32 M. Hérail, Aspects contractuels : RD rur. 2011, dossier 9.

Note 33 M. Hérail, art. cit., n° 10.

Note 34 J. Duroch, thèse préc., n° 310.

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RESILIATION D’UN BAIL RURAL et EXPLOITATION

Vu les articles L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime et 500 du code de procédure civile :

Le cessionnaire du bail doit, comme tout repreneur, se consacrer immédiatement à l’exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente.

Pour rejeter la demande de résiliation formée par le groupement bailleur, l’arrêt retient que celui-ci ne peut pas utilement reprocher au preneur de ne pas s’être personnellement consacré à l’exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l’arrêt autorisant la cession du bail à son profit, dès lors qu’un pourvoi avait été formé à l’encontre de cette décision et que, même si celui-ci n’avait aucun effet suspensif, la cession définitive n’est intervenue que le 8 octobre 2015, lorsque la Cour de cassation a validé la cession.

En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier l’abstention d’exploiter du preneur postérieure au 30 avril 2014, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 3 Décembre 2020 – n° 19-23.990

PERSONNALITE MORALE D’UNE COOPERATIVE AGRICOLE

C’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que, si l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime attribue la personnalité morale aux sociétés coopératives agricoles, c’est à la condition qu’elles soient immatriculées au registre du commerce et des sociétés, et en a déduit qu’en l’absence d’immatriculation avant le 1 novembre 2002, la société coopérative agricole Technique et solidarité avait perdu la personnalité morale et était devenue, de ce fait, une société en participation.

Par ailleurs, ayant, à bon droit, retenu que la société coopérative agricole Technique et solidarité avait perdu la personnalité morale faute de s’être immatriculée avant le 1 novembre 2002 et qu’elle était ainsi devenue une société en participation à cette date, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle ne pouvait être liquidée selon les règles propres aux sociétés coopératives agricoles, peu important l’expiration du temps pour lequel elle avait été constituée.

Cour de cassation 1re chambre civile 6 Janvier 2021 Numéro de pourvoi : 19-11.949

Coopérative agricole et perte de la qualité d’associé coopérateur

La perte de la qualité d’associé coopérateur est soumise à un ensemble de règles statutaires précises et ne se perd pas par la cessation de livraison des récoltes. Faute d’avoir notifié son retrait conformément aux dispositions statutaires, M. G. avait toujours la qualité d’associé coopérateur lors de l’ouverture de la procédure collective de la coopérative, peu importe qu’il ait cessé tout apport.

La Cour de cassation confirme la force obligatoire des statuts en cas de perte volontaire de la qualité d’associé-coopérateur d’une coopérative agricole.

lexis nexis

– À défaut de s’être régulièrement retiré dans les formes et conditions statutaires, l’adhérent d’une coopérative ne saurait exciper, pour dénier sa qualité de coopérateur, avoir cessé d’utiliser dans les faits les services de la coopérative.

– Cette décision est une nouvelle illustration d’un principe déjà dégagé par la jurisprudence, selon lequel les relations entre une coopérative et ses membres sont exclusivement régies par les dispositions statutaires.

– Elle est un rappel salutaire au droit coopératif, à une époque où les coopérateurs ont de plus en plus tendance à vouloir prendre des libertés avec leur engagement coopératif.

LEXIS NEXIS

Cass. 1re civ., 25 mars 2020, n° 18-17.721, F-P+B : JurisData n° 2020-0076

Cass. 1re civ., 20 mai 2020, n° 18-18.138 à 18-18.141 : JurisData n° 2020-014576

RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE. – Responsabilité du fait des produits défectueux. – Mise en circulation du produit. – Lien de causalité

Cass. 1re civ., 21 oct. 2020, n° 19-18.689, P+B+R+I : JurisData n° 2020-016555 (CA Lyon, 11 avr. 2019, n° 17/06027). – Rejet

Après avoir retenu, à bon droit, que la mise en circulation du produit correspond à l’entrée dans le processus de commercialisation, l’arrêt relève que le produit, acquis par la victime en avril 2004, a été livré en juillet 2002 à la coopérative agricole par le demandeur, qui n’apporte aucun élément de preuve relatif à un stockage du produit de longue durée en son sein. La cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que le produit avait été mis en circulation par son producteur postérieurement au 22 mai 1998 et que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux était dès lors applicable.

Ayant fait ressortir que la société demanderesse se présentait comme le producteur sur l’étiquette du produit, la cour d’appel a pu en déduire qu’elle devait être assimilée au producteur.

Ayant estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans présumer l’existence d’un lien causal, que les éléments de preuve rapportés constituaient des indices graves, précis et concordants, la cour d’appel a pu en déduire qu’un tel lien était établi entre l’inhalation du produit et le dommage survenu.

Des constatations et énonciations, exemptes de dénaturation, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire qu’en raison d’un étiquetage ne respectant pas la réglementation applicable et d’une absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et était dès lors défectueux.

Des constatations et énonciations, ne procédant d’aucune dénaturation du rapport d’expertise et desquelles il résulte qu’elle ne s’est pas seulement fondée sur l’implication du produit dans la survenue des troubles ressentis par la victime, la cour d’appel a pu déduire l’existence d’un lien causal entre le défaut et le dommage subi par celui-ci.

L’arrêt relève que les réglementations sur le fondement desquelles l’existence d’un défaut a été retenue ainsi que la fiche toxicologique établie par l’INRS en 1997 établissent qu’en juillet 2002, la société demanderesse avait toute latitude pour connaître le défaut lié à l’étiquetage du produit et à l’absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux. De ces énonciations et constatations, la cour d’appel a déduit, à bon droit, sans avoir à procéder à un nouvel examen de la date de mise en circulation du produit, que la société ne pouvait bénéficier d’une exonération de responsabilité.

L’arrêt retient que la victime a inhalé des vapeurs de produit, après avoir introduit son visage dans la cuve, que si, comme l’invoquait la société demanderesse, elle ne portait pas de protection destinée à éviter un contact du produit sur le visage, en tout état de cause, une telle protection aurait été inefficace en cas d’inhalation, en l’absence d’appareil de protection respiratoire. La cour d’appel a pu en déduire que la faute de la victime, alléguée par la société demanderesse, était sans lien de causalité avec le dommage.

CHEMIN D’EXPLOITATION

Vu l’article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que, pour dire que le chemin litigieux ne constitue pas un chemin d’exploitation, l’arrêt retient que la propriété exclusive de M. et Mme D. sur le chemin traversant leur propriété est inconciliable avec la qualification de chemin d’exploitation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le droit d’usage d’un chemin d’exploitation n’est pas lié à la propriété du sol, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l’article 682 du code civil ;

Attendu que, pour dire que la parcelle des consorts B. n’est pas enclavée, l’arrêt retient que leur maison dispose d’une entrée qui donne directement sur la voie publique, que l’accès en voiture par l’arrière-cour n’a été admis qu’à titre de simple tolérance et n’est revendiqué que par souci de commodité ou de convenance personnelle ;

Qu’en statuant ainsi, sans s’expliquer, comme il le lui était demandé, sur l’insuffisance de l’issue sur la voie publique et la nécessité d’un accès en véhicule automobile eu égard à l’usage normal du fonds des consorts B. comprenant un atelier de menuiserie, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Servitude de passage et indemnité

Vu l’article 682 du code civil :

8. Selon ce texte, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.

9. Pour rejeter la demande d’indemnité des consorts D., propriétaires d’un des fonds servants, l’arrêt retient que l’assiette du passage est fixée par trente ans d’usage continu.

10. En statuant ainsi, alors que l’assiette de la servitude de passage avait été déterminée conformément aux prescriptions des articles 682 et 683 du code civil, la cour d’appel, qui était tenue en conséquence de fixer l’indemnité due aux consorts D., a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs critiqués par le second moyen de ce pourvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a dit qu’il n’existait pas de chemin d’exploitation sur les parcelles appartenant à M. et Mme D., aux consorts C., aux consorts D. et à M. M. et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts des consorts C., l’arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;

Cour de cassation 3e chambre civile 9 Juillet 2020 Numéro de pourvoi : 18-24.426 Numéro d’arrêt : 448

Inédit

DEMISSION D’UN ASSOCIE COOPERATEUR

Aux termes de l’article R. 522-2 du Code rural :

« La qualité d’associé coopérateur est établie par la souscription ou par l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociales de la coopérative. Toute société coopérative agricole doit avoir obligatoirement à son siège un fichier des associés coopérateurs sur lequel ces derniers sont inscrits par ordre chronologique d’adhésion et numéros d’inscription avec indication du capital souscrit’.

Il est cependant admis par la jurisprudence constante que la production du registre des adhésions ou fichier des coopérateurs ne constitue pas la seule preuve de la souscription de parts sociales permettant d’établir la qualité de coopérateur.

La preuve de cette qualité peut être rapportée par tous moyens, en effet, si la qualité d’associé coopérateur ne s’acquiert que par la souscription de parts sociales, la preuve de celle-ci peut être faite par d’autres moyens que la production du registre des adhésions, ainsi la force probante d’un document de mise à jour du capital peut être retenue.

Dans cet arrêt, un associé coopérateur la SARL…… produit en pièce n°12, sous forme de listing informatique, un extrait du compte comptable 1013100 de la SCA, ce document comporte une première colonne identifiant les sociétaires par leur nom et le numéro qui leur est attribué et une seconde colonne à l’entête de laquelle figure la mention ‘Capital Souscrit versé ‘ divisée en deux parties solde Débit / Crédit.

Ce document est extrait des documents comptables de la SCA liquidée il donne l’état du capital de celle-ci à la date de l’arrêté de compte.

Cependant cet élément peut être contredit par le coopérateur s’il fait la démonstration de ce qu’il a perdu cette qualité en signifiant son retrait de la coopérative dans les formes légales et statutaires requises et ce même si les comptes tenus par la SCA font encore apparaître la valeur de ses parts sociales.

La perte de la qualité d’associé coopérateur est définie par l’article R 523-5 du Code rural :

‘ La démission en fin de période d’engagement, l’exclusion, la radiation ou le retrait de l’associé coopérateur en cours d’engagement d’activité avec l’accord du conseil d’administration entraîne la perte de la qualité d’associé coopérateur’ .

Le remboursement des parts sociales qui doit en découler est régi par le même texte qui prévoit : ‘ Cette perte de qualité donne lieu à l’annulation de ses parts sociales, à défaut de transfert de celles-ci. Leur remboursement a lieu dans les conditions suivantes :

I° L ‘associé coopérateur a droit au remboursement de ses parts de capital social à leur valeur nominale. Toutefois, si les statuts le prévoient, il reçoit un montant déterminé par application du deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n°47-1 775 du 10 septembre 1 947 portant statut de la coopération, de l’article L. 523-1 ou des troisième et cinquième alinéas de l’article L. 523-7 ,

‘ 2° Le montant du remboursement est réduit dans l’hypothèse et selon les modalités visées à l’article L. 523-2-1 ,

3° Dans tous les cas, le remboursement est opéré sans préjudice des intérêts dus sur ces parts, des dividendes dus aux porteurs de ces parts et des ristournes qui peuvent revenir à l’intéressé ,

4° Le remboursement des parts annulées souscrites ou acquises dans le cadre de l’engagement prévu au a de l’article L. 521-3, doit être compensé par la constitution d’une réserve prélevée sur le résultat. La dotation a cette réserve est égale au montant de ces parts remboursées pendant l’exercice diminué, le cas échéant, des nouvelles parts souscrites pendant cette période ;

5° Le conseil se prononce sur le remboursement et fxe l’époque à laquelle le paiement de ces sommes pourra être fait, compte tenu des dispositions de l’article R.522-4 ,

6° Dans tous les cas, le délai de remboursement ne pourra dépasser la durée de cinq ans ;

7° Tout membre qui cesse de faire partie de la société à un titre quelconque reste tenu pendant cinq ans et pour sa part, telle qu ‘elle est déterminée par l’article R. 526-3, envers ses coassociés coopérateurs et en vers les tiers, de toutes les dettes sociales existantes au moment de sa sortie.’

Le Titre II des Statuts de la SCA intitulé ‘Associés Coopérateurs’ , résultant de la dernière modification faite par l’Assemblée Générale Extraordinaire du 16 août 2006, développe aux articles 6 à 11, les conditions d’admission et la durée de l’engagement, les obligations des associés coopérateurs , la retraite et les conséquences de la sortie.

La durée de l’engagement de l’associé coopérateur est prévue à l’article 7 en ces termes :

‘ (…) 4. La durée de l’engagement est fixée à 10 exercices consécutifs à compter de l’expiration de l’exercice en cours à la date à laquelle il a été pris.

5. A l’expiration de cette durée comme à l’expiration des reconductions ultérieures, l’engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de 5 ans si l’associé n’a pas notifié sa volonté de se retirer par lettre recommandée avec accusé de réception, trois mois au moins avant la fin du dernier exercice de la période d’engagement concernée. Les effets de cette dénonciation sont réglés par l’article 9. (…)’

Concernant le retrait d’un associé coopérateur à la fin de sa période d’engagement l’article 9 des statuts prévoit au point 3. :’ 3. La décision de retrait en fin de période d’engagement doit être notifiée, sous peine de forclusion, trois mois au moins avant la date d’expiration de cet engagement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président du conseil d’administration, qui en donne acte. ‘

L’article 11 des statuts règle les conséquences de la sortie d’un associé coopérateur en ces termes : ‘1. Tout membre qui cesse de faire partie de la coopérative à un titre quelconque reste tenu, pendant cinq ans et pour sa part telle qu’elle est déterminée par l’article 58, envers les autres membres et envers les tiers, de toutes les dettes sociales existant au moment de sa sortie.’

Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que la perte de la qualité d’associé coopérateur est soumise à un ensemble de règles précises liant tant le coopérateur que la coopérative .

Il est établi que M. Jacques R. a adhéré à la coopérative en qualité d’associé coopérateur à compter du 1er octobre 1988, il justifie en pièce 3 avoir demandé son retrait de la coopérative par lettre recommandée du 25 juin 1998, soit trois mois avant l’expiration de sa période décennale d’engagement, conformément aux articles 7 et 9 des statuts de la SCA.

Il est rapporté la preuve que la SCA a reçu ce courrier le 29 juin 1998, et a acté le non renouvellement de l’engagement de M.R. (pièce 4) .

Par courrier du 28 juin 2008, M.R. rappelant le non renouvellement de son contrat d’associé coopérateur à compter d’octobre 1998 et s’étonnant de n’avoir pas été remboursé de ses parts sociales, en sollicite à nouveau le remboursement (pièce 5) . LA SCA indiquant n’avoir pas retrouvé trace de la première demande de remboursement 1998, indique prendre en compte cette demande à la date du 2 juillet 2008 (pièce 6). Par courrier du 29 décembre 2008 M.R. est informé de ce que le conseil d’administration a décidé de surseoir au remboursement de ses parts pour une durée de 10 ans.(pièce 7)

Il résulte du procès verbal du conseil d’administration de la SCA en date du 7 février 2013 que la situation de M.R. a été évoqué en ces termes ‘Jacques R. parti en 1998 et qui a exigé le remboursement de son capital en 2008.’

Contrairement à ce que soutient le liquidateur, il ne ressort d’aucun des textes applicables reproduits supra que la qualité d’associé coopérateur ne se perd qu’à compter du remboursement de ses parts sociales, en effet le remboursement des parts n’est qu’une conséquence de la perte de la qualité d’associé coopérateur ce ci résultant clairement des dispositions de l’article R 523-5 du Code rural.

Si l’article 18 des statuts de la coopérative permet à celle-ci de surseoir au remboursement pendant une période de 10 ans , il sera relevé la contradiction de cette disposition avec les termes de l’article R523-5 reproduit supra ‘6° Dans tous les cas, le délai de remboursement ne pourra dépasser la durée de cinq ans ‘ et souligné que le remboursement est une conséquence perte de la qualité d’associé coopérateur et non une condition de celle-ci.

De même c’est vainement que le liquidateur de la SCA oppose à M.R. la démarche de déclaration de créance qu’il a faite à la procédure collective comme une reconnaissance de sa qualité de d’associé coopérateur, celle-ci n’étant que la concrétisation du souhait de M.R. de se voir rembourser de sommes qu’il estime lui être dues.

Il ressort de ce qui précède que M.R. a manifesté son retrait de la coopérative à l’issue de sa première période d’engagement de 10 ans et ce dans les formes et délais légaux et statutaires. La carence de la SCA face à la demande de remboursement des parts de M.R. ne saurait conférer ou maintenir à celui-ci une qualité qu’il a perdue en signifiant son retrait , lequel est établi à la date du 1er octobre 1998 , de sorte qu’il n’est resté tenu des dettes existantes au moment de sa sortie que pendant 5 ans c’est à dire jusqu’en octobre 2003 et ne peut être recherché pour la période postérieure.

En conséquence le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions , la SELARL B. ès-qualités sera déboutée de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de M.R..

Cour d’appel Poitiers 2e chambre civile 2 Juin 2020 Répertoire Général : 19/00748 Numéro d’arrêt : 218

Associé coopérateur – créance – liquidation de la coopérative agricole – déclaration de créance

Le débat porte sur la possibilité offerte à un coopérateur de déclarer sa créance au titre de ses parts sociales au passif de liquidation de la SCA dans laquelle il est associé.

Pour soutenir la recevabilité, et le bienfondé, de sa déclaration de créance, M. R. fait notamment valoir que le contrat coopératif est, dans les faits, résilié suite au jugement de liquidation de la société coopérative ; que dès lors que celle-ci ne remplit plus ses obligations à l’égard de ses associés, il y a lieu à remboursement du capital social détenu par ces derniers ; qu’en application de l’article 15 des statuts, les parts sociales sont la propriété de l’agriculteur coopérateur ; que selon l’article 18, les parts sociales donnent lieu à remboursement pendant la durée de la société coopérative même si elle a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ; qu’il est donc recevable et fondé à déclarer entre les mains du mandataire judiciaire le montant de son capital social, créance qu’il détient en sa qualité d’associé coopérateur et dont il est en droit d’obtenir le remboursement sauf à décider de purement et simplement annuler le capital social détenu par lui alors même que ce capital social constitue pour lui un actif et une créance.

Les SCA sont des sociétés de services organisées conformément aux principes coopératifs. Elles ne poursuivent pas un but lucratif et ont pour mission exclusive de favoriser le développement des exploitations de leurs adhérents, ce qui emportent l’obligation, en application de l’article L.521-3 du code rural, de ne faire d’opérations qu’avec leurs seuls associés coopérateurs, ce dont il résulte que tout adhérent en est à la fois associé et client, situation qui est de nature à générer des intérêts contradictoires.

Elles se caractérisent aussi par le fait que leur capital social est variable, chaque adhérent bénéficiant d’un droit de retrait qui a pour corollaire celui de demander le remboursement des parts sociales à la société. Cependant le remboursement des parts sociales, bien que de principe, se heurte dans certains cas à des obstacles tenant notamment à la nécessité de maintenir le capital social, qui constitue le gage des créanciers, à un niveau au moins égal au 3/4 du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution.

Il en résulte que si en principe les créanciers sont soumis à l’obligation de déclarer leur créance en cas d’ouverture de procédure collective, un sort différent doit être réservé aux coopérateurs qui, du fait de de leur double qualité, ne sont pas des créanciers ordinaires ni classiques. C’est ainsi que l’intimée oppose justement que si les qualités d’associé et de créancier de la même société ne sont pas incompatibles, encore faut-il que la créance dont l’associé veut obtenir remboursement soit étrangère à sa qualité d’associé ou de membre ; que tel n’est pas le cas des parts sociales qui représentent la contribution et le risque que l’associé accepte de courir du fait de son engagement au sein de la société et dont la valeur n’appartient pas au passif qu’elles ont au contraire vocation à apurer ; que c’est d’ailleurs pour cette raison que le capital social devient immédiatement exigible lorsqu’une procédure collective est ouverte, afin d’accroître le gage des créanciers.

Les coopérateurs ne sont donc pas tenus de déclarer leur créance tenant au montant de leurs parts sociales. Outre que leur imposer – ou leur offrir ‘ cette option serait de nature à amputer illicitement le capital social, l’intimée est fondée à faire valoir en outre que le sort de cette créance particulière est expressément prévu par les statuts de la SCA qui prévoient que le remboursement auquel les coopérateurs peuvent légitimement prétendre à ce titre sera mis en oeuvre après le remboursement des créanciers s’il subsiste un bonus boni de liquidation après paiement du passif social, et que le sort des coopérateurs se distingue enfin de celui des créanciers ordinaires en ce qu’ils restent indéfectiblement liés à la procédure du fait de leur qualité d’associés, qui les préserve de l’exclusion de la procédure collective qui sanctionne l’absence de déclaration de créance pour les créanciers ordinaires.

Il y a lieu en conséquence, M. R. ne disposant pas, au titre du remboursement de ses parts sociales, d’une créance soumise à la procédure de déclaration de créance, de confirmer l’ordonnance qui a rejeté la créance pour la somme de 12 800 euros.

Cour d’appel, Bordeaux, 4e chambre civile, 16 Juin 2020 – n° 19/00625

DECLARATION DE CREANCE DANS UNE COOPERATIVE AGRICOLE

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 22 novembre 2018), le GAEC des Trois Forêts a été mis en redressement judiciaire par un jugement du 18 août 2015, rectifié le 13 octobre suivant. M. L. a été désigné mandataire judiciaire. Par ordonnance du 24 août 2015, il a été remplacé par Mme D..

2. La société coopérative agricole et agro-alimentaire Agrial (la coopérative) a déclaré à la procédure une créance pour la somme globale de 47 196 euros, dont 22 525,34 euros d’intérêts, qui ont été contestés.

Enoncé du moyen

3. La coopérative Agrial fait grief à l’arrêt de rejeter sa créance à concurrence de 22 525,34 euros alors « que, lorsque le juge constate qu’une demande est bien fondée en son principe, notamment lorsqu’elle porte sur des intérêts, il a l’obligation, s’il éprouve une hésitation quant au quantum de la créance, de prescrire une mesure d’instruction sans pouvoir rejeter la demande à raison de son imprécision ou de son incertitude ; qu’en l’espèce, en rejetant la créance de la coopérative Agrial en faisant état de ce que les éléments produits ne permettaient pas d’en fixer le quantum, quand ils avaient constaté le bien-fondé en son principe de la créance d’intérêts que représentait la somme déclarée, l’arrêt a violé l’article 4 du code civil, ensemble l’article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l’article 146, alinéa 2, du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve. Ayant relevé que, malgré la demande de production de pièces qui lui avait été adressée, la coopérative n’avait pas indiqué, période par période, le montant du principal de sa créance sur lequel devaient être calculés les intérêts qu’elle réclamait, ni la durée pendant laquelle ce calcul devait être effectué, la cour d’appel a pu en déduire que, la coopérative n’ayant pas elle-même fourni les éléments nécessaires au calcul du montant de sa créance d’intérêts, celle-ci devait être rejetée.

La Cour de Cassation dans un arrêt de la Chambre commerciale économique et financière 1er Juillet 2020 Numéro de pourvoi : 19-11.623 Numéro d’arrêt : 356 Inédit rejette le moyen.

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