Une Cour d’appel rappelle la nécessité de rapporter la preuve par écrit des commandes et livraisons qu’elle facture, il demeure qu’elle est tenue, conformément à l’article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, de démontrer par tous moyens l’existence de l’obligation de paiement dont elle réclame l’exécution.

Or, elle se borne à produire ses statuts, son règlement intérieur, les factures de fourniture de semence et d’engrais, et les relevés du compte coopérateur de M. C. en laissant entendre que son adhérent ne les aurait contestés que tardivement, pour les besoins de la cause.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Si la société Triskalia ne produit ni bon de commande, ni bon de livraison des semences et engrais qu’elle prétend avoir fournis à M. C. et dont elle réclame le paiement, elle établit en revanche que celui-ci était bien son adhérent depuis l’absorption de la société Coopagri Bretagne, dont il était associé coopérateur.

Il ressort en effet des dispositions de l’article R. 522-2 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime que la qualité d’associé coopérateur s’acquiert par la souscription de parts sociales de la coopérative agricole prouvée par le registre des associés de la coopérative prévu par l’article R. 522 alinéa 3 de ce code, document obligatoire soumis au contrôle des autorités administratives.

Or, en l’espèce, le bulletin d’adhésion du 3 avril 2000 révèle que M. C. s’était vu attribuer un numéro d’associé coopérateur de la société Coopagri après avoir effectué un apport de 100 francs.

D’autre part, aux termes des dispositions de l’article L. 526-5 du même code, à la date d’effet de la fusion ou de la scission, les statuts des sociétés bénéficiaires des apports sont opposables aux associés coopérateurs et non coopérateurs de la coopérative ou de l’union qui disparaît.

Il s’en évince que les statuts et le règlement intérieur de la société Triskalia sont devenus opposables à M. C. qui est tenu des obligations qui en découlent, notamment, selon l’article 4 du règlement intérieur, relativement aux modalités de fonctionnement d’un compte appelé ‘compte coopérateur’ regroupant divers comptes d’activités, et à l’application d’intérêts de retard de 9,6 % par an prévu par l’article 7 des statuts.

La société Triskalia prétend qu’il existerait un usage agricole la dispensant d’administrer la preuve par écrit de la commande et de la livraison des fournitures laissées impayées, et que l’obligation de règlement de ces fournitures pesant sur son adhérent résulterait suffisamment de la passation de l’opération au débit de son compte coopérateur sans protestation, ni réserve de sa part.

Il est à cet égard exact que le règlement intérieur stipule qu’un relevé de compte est adressé mensuellement à chaque associé pour notification des sommes dues à la coopérative, et il est produit les factures et les relevés mensuels du compte d’activité générale de M. C. faisant apparaître des fournitures d’engrais Granuforce le 7 octobre 2011 et de semences de moutarde le 2 novembre suivant ainsi que leur passation au débit du compte coopérateur pour, respectivement, 7 239,43 euros et 315 euros les 31 octobre et 30 novembre 2011.

Cependant, M. C. expose avoir toujours contesté la commande et la livraison d’engrais Granuforce et, du fait de ce différend avec la coopérative, avait cessé de s’approvisionner auprès d’elle, se bornant à régler le 23 juillet 2014 une somme de 1 973,01 euros correspondant au solde de son compte coopérateur arrêté au 30 septembre 2011 (1 658,01 euros) et au prix des semences de moutarde livrées en novembre 2011.

À supposer même que l’usage dispenserait la coopérative d’administrer la preuve par écrit des commandes et livraisons qu’elle facture, il demeure qu’elle est tenue, conformément à l’article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, de démontrer par tous moyens l’existence de l’obligation de paiement dont elle réclame l’exécution.

Or, elle se borne à produire ses statuts, son règlement intérieur, les factures de fourniture de semence et d’engrais, et les relevés du compte coopérateur de M. C. en laissant entendre que son adhérent ne les aurait contestés que tardivement, pour les besoins de la cause.

Néanmoins, il sera observé que M. C. soutient avoir protesté dès 2012 à l’occasion de divers échanges téléphoniques, et il justifie avoir adressé un courrier de contestation à la coopérative dès le 20 mars 2013, avant même d’avoir été mis en demeure par la société Triskalia.

En outre, étant rappelé que la coopérative revendique elle-même un usage agricole dispensant d’écrits, ni les statuts, ni le règlement intérieur n’imposent aux adhérents des conditions particulières de forme ou de délai pour contester les relevés de compte.

Enfin, il n’est pas anodin d’observer que l’analyse des relevés du compte coopérateur révèle que, postérieurement aux opérations litigieuses d’octobre et de novembre 2011, plus aucune autre opération n’est entrée en compte, hormis la facturation d’intérêts débiteurs, ce qui donne force et crédit aux explications de M. C. selon lequel le refus de prise en compte de ses légitimes protestations l’a conduit à mettre un terme à ses relations avec la coopérative.

Il en résulte que la société Triskalia n’apporte pas la preuve suffisante de la fourniture de produit Granuforce et n’est donc pas fondée à en réclamer le paiement.

En revanche, il est constant que les opérations passées en compte avant le 30 septembre 2011 et dont le paiement était exigible dès le 25 octobre 2011, ainsi que la fourniture de semences de moutarde, passée en compte le 30 novembre 2011 et dont le paiement était exigible dès le 25 décembre 2011, n’ont été réglées que le 23 juillet 2014.

M. C. est donc tenu au paiement des intérêts de retard courant sur ces sommes au taux statutaire de 9,6 % l’an de leur date d’exigibilité jusqu’au paiement.

Partie principalement succombante, la société Triskalia supportera les entiers dépens.

Elle sera en coutre condamnée, au titre des frais irrépétibles d’appel de M. C., au paiement d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Quimper en ce qu’il a rejeté la totalité de la demande de la société Triskalia ;

Condamne M. C. à payer à la société Triskalia les intérêts de retard au taux de 9,6 %, du 25 octobre 2011 au 23 juillet 2014 sur la somme de 1 658,01 euros, et du 25 décembre 2011 au 23 juillet 2014 sur la somme de 312 euros ;

Déboute la société Triskalia du surplus de sa demande ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Condamne la société Triskalia à payer à M. C. une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société Triskalia aux dépens d’appel ;

Cour d’appel Rennes 2e chambre 5 Février 2021 Répertoire Général : 17/06007 Numéro d’arrêt : 84