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COOPERATIVE AGRICOLE ET CALCUL DES CINQ EXERCICES OU ANNEE D’APPORT : Une question récurrente

La société coopérative agricole (SCA) LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a pour objet d’effectuer, pour le compte de ses associés coopérateurs, les opérations de stockage, d’assemblage, de vieillissement, d’embouteillage et de commercialisation des récoltes.

Par contrat en date du 15 juin 2014, l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE a repris

l’exploitation viticole de Monsieur Edgar Pascaud de G., adhérent de la Coopérative depuis sa création, en 1964, ainsi que les parts sociales attachées à l’engagement de ce dernier.

Le transfert de ces parts a été approuvé par le conseil d’administration de la coopérative, en date du 24 juin 2014.

A chaque exercice, celle-ci a la possibilité de réserver la quantité de vin qu’elle souhaite auprès de chaque associé, lequel a l’obligation de lui en transférer la propriété en vue de sa commercialisation. En contre partie, elle verse une rémunération sur la base de douze acomptes, et d’un éventuel complément de prix liquidé après l’assemblée générale ayant statué sur les comptes de l’exercice suivant la récolte.

Arguant de négligences récurrentes dans le suivi de la vinification et le stockage de ses vins, l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 septembre 2019, notifié au président du directoire, de la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ, sa volonté de ne plus renouveler son engagement quinquennal, avec interdiction d’utiliser la marque « Château de Pampelonne », à compter du 1er janvier 2020. Elle a également refusé de livrer sa récolte 2019. Elle a confirmé cette décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 21 novembre 2019.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 novembre 2019, la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a notifié à l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE une mise en demeure de fournir sous huitaine, toutes explications sur sa décision de ne pas apporter.

Cette mise en demeure étant restée lettre morte, elle l’a convoquée devant son conseil de surveillance le 13 décembre 2019. Devant cette instance, l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE a maintenu sa position.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en date du 16 décembre 2019, la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a notifié à l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE, la décision du Conseil de Surveillance de retenir à son endroit le paiement d’une participation aux frais fixes, pour un montant total de 396133,61 euros TTC, en raison de son non apport. Elle était également informée, qu’en application des dispositions statutaires, cette créance serait compensée avec les sommes dues.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 janvier 2020, l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE a répondu, qu’elle n’avait pas manqué à ses engagements et qu’aucune participation aux frais fixes ne pouvait lui être imputée.

Lors de sa séance du 20 janvier 2020, le conseil de surveillance de la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a pris la décision d’engager toutes les poursuites judiciaires à l’endroit de l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE et de retenir à son endroit une indemnité de 237 529, 94 euros TTC, se décomposant comme suit :

– 73 659,62 euros HT au titre du stock de matières sèches spécifiquement réservé à la production du CHÂTEAU DE PAMPELONNE ;

– 113 492 euros HT au titre du montant des commissions dues aux divers agents et VRP sur la commercialisation de ses vins,

– 10 790 euros HT au titre du déclassement des vins rouges de la récolte 2018 de l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE, initialement prévus pour la commercialisation en 2020.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 3 février 2020, la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a notifié à l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE les indemnités susmentionnées.

Par ordonnance sur requête en date du 10 mars 2020, la société LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a été autorisée à procéder à la saisie-conservatoire sur 1 300 hectolitres de la récolte 2019, en vrac ou conditionnée en bouteilles de 75 cl, pour une somme de 442 000 euros. Cette ordonnance a été rétractée par jugement du 16 juin 2020, du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan qui a également :

– annulé la saisie conservatoire pratiquée le 12 mai 2020 par la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ, aux frais de cette dernière ;

– condamné la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ, à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive.

Par correspondance officielle, en date du 29 juin 2020, la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a notifié au conseil de l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE l’acte d’acquiescement audit jugement et le règlement des condamnations prononcées à son endroit.

En parallèle, la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a, par acte d’huissier en date du 11 juin 2020, assigné, l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, aux fins de l’entendre, au principal, condamner à lui verser la somme provisionnelle de 450 000 euros, assortie des intérêts de retard au taux légal, à compter de l’ordonnance à intervenir et de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 16 septembre 2020, ce magistrat a :

– condamné l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE à payer la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ la somme provisionnelle de 396 133,61 euros,

– ordonné une expertise,

– condamné l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE à payer à la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamné l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe le 29 octobre 2020, l’EARL CHATEAU DE PAMPELONNE a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 26 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et :

– statuant à nouveau :

‘ déboute la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

‘ condamne la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ aux entiers dépens de première instance ;

‘ condamne la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– y ajoutant :

‘ condamne la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ aux entiers dépens d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP C. G. ‘ M. D. G. sur son offre de droit ;

‘ condamne la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ au paiement de la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

Par dernières conclusions transmises le 26 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ sollicite de la cour qu’elle :

– la déclare recevable et bien fondé, en ses demandes,

– déboute l’EARL CHATEAU DE PAMPELONNE de l’ensemble de ses demandes,

fins et conclusions,

– confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– y ajoutant, condamne l’EARL CHATEAU DE PAMPELONNE à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, distraits au profit de Maître Eve M., sur son offre de droit.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 26 octobre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de provision

Attendu qu’aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable … le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence … peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ; qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond ; qu’enfin c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiales ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen ;

Attendu qu’aux termes de l’article 3 des statuts de la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ, les produits apportés par les associés coopérateurs au titre de l’engagement d’activité prévu au 1° du premier paragraphe de l’article 8 font l’objet d’un transfert de propriété au bénéfice de la coopérative ; (celle-ci) a pour objet de fournir à ses associés coopérateurs et pour l’usage exclusif de leurs exploitation les services ci-après énumérés nécessaires à ces exploitations :

– suivi de la vinification par l’oenologue de la coopérative,

– mise en bouteille,

– conseils ;

Que l’article 8 stipule que l’engagement d’activité de l’associé coopérateur est formalisé par la signature d’un bulletin d’engagement reprenant la nature, la durée et les modalités de cet engagement ; qu’il ajoute que la durée initiale de l’engagement est fixée à cinq exercices consécutifs à compter de l’expiration de l’exercice en cours à la date à laquelle il a été pris, incluant, le cas échéant, la période probatoire ; qu’il précise qu’à l’expiration de cette durée, comme à l’expiration des reconductions ultérieures, si l’associé n’a pas notifié sa volonté de se retirer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, trois mois au moins avant l’expiration du dernier exercice de la période d’engagement concernée, l’engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de cinq ans ; qu’il ajoute (6°) que, sauf cas de force majeure dûment établi, le conseil de surveillance pourra décider de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs ;

Attendu qu’il n’est pas constesté que, suite à l’agrément par le conseil d’administration de la société coopérative, le 24 juin 2014, de la cession des parts de M. Edgar Pascaud de G. à l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE, intervenue 9 jours auparavant, l’engagement d’activité de cette dernière, renouvelé par tacite reconduction depuis 1986, expirait le 31 décembre 2019 ; que, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 26 septembre 2019, cette dernière informait la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ de son intention d’exercer son droit de retrait à la fin de l’année civile en cours et excipait des fautes commises par son interlocutrice pour refuser de régler l’indemnité prévue à l’article 5 de la convention du 15 mai 2006 et (de lui) permettre d’effectuer des réservations puis de commercialiser les vins issus de (sa) récolte 2019 ; qu’elle explicitait dans ce courrier ainsi que dans un autre du 21 novembre 2019, les raisons de son refus à savoir les nombreux problèmes de suivi de (ses) vins depuis 2015 et notamment celui signalé en début d’année sur (ses) vins rouges dus au défaut de suivi analytique rigoureux … et à l’ouverture des jauges des cuves en violation de l’avis de l’oenologue de la coopérative ainsi que des problèmes de stockage … ayant entraîné le déclassement d’une partie du rouge de 2016 ;

Attendu que la créance dont se prévaut la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ pour solliciter l’allocation d’une provision, résulte de l’application des dispositions du § 6, précité, de l’article 8 de ses statuts ; qu’elle postule donc l’imputation d’une faute à l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE laquelle est bien fondée à répliquer en opposant à son contradicteur ses propres manquements à ses obligations contractuelles ; qu’au vu des éléments de l’espèce, l’exception d’inexécution ainsi soulevée s’analyse à l’évidence comme une contestation sérieuse que seul le juge du fond pourra trancher ; qu’il en va de même de la question de la validité de la lettre de retrait, adressée au président du directoire au lieu et place de la présidente du conseil de surveillance, sachant que, comme l’a justement relevé le premier juge, elle ne se résoudra qu’en termes de poursuite ou d’arrêt des engagements contractuels des parties et est insusceptible de caractériser la faute nécessaire à l’application des dispositions de l’article 8 § 6 des statuts ;

Attendu de surcroît qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence, d’interpréter les dispositions équivoques d’un contrat ni d’analyser la commune intention des parties pour les éclairer ;

Attendu qu’indépendamment du débat sus-évoqué relatif à l’exception d’inexécution opposée par l’appelante, les parties s’opposent sur le fait de savoir si l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE devait apporter sa récolte 2019 à la société coopérative à laquelle elle venait de signifier son retrait à effet au 31 décembre cette même année ; qu’alors qu’il serait logique que la récolte apportée au titre d’une année civile corresponde à celle de cette même année, suivant le cycle naturel, force est de constater que la pratique de la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ a consisté au cours des exercices 2015 à 2019 à effectuer ses réservations entre le 14 janvier et le 19 février de l’année suivante ; que cette pratique permet à l’appelante de considérer, selon un raisonnement non dénué de pertinence, qu’elle aurait satisfait à ses obligations contractuelles en apportant cinq récoltes au cours de son dernier engagement quinquennal à savoir :

– celle de 2014 en exécution de la réservation faite par la coopérative le 12 février 2015,

– celle de 2015, en exécution de la réservation faite 1er février 2016,

– celle de 2016, en exécution de la réservation faite le 19 février 2017,

– celle de 2017, en exécution de la réservation faite 15 janvier 2018,

– celle de 2018, en réponse à la réservation faite le 14 janvier 2019 ;

Que cette temporalité des apports et réservations donne un relief un peu dérogatoire, possiblement emprunt d’opportunité, aux dégustation et réservation de la récolte 2019, intervenues les 7 novembre et 13 décembre 2019, soit l’année de le production concernée ; qu’en outre, ainsi que le souligne l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE, la mise à disposition par un associé coopérateur de ses vins à quelques semaines de son retrait, est susceptible, sous réserve de l’interprétation du juge de fond, de heurter l’esprit des engagements réciproques des parties puisqu’elle le prive, malgré son départ, de toute indépendance économique et technique pendant au moins une année, dans un contexte potentiellement conflictuel ;

Attendu dès lors que l’exception d’inexécution opposée par l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE autant que l’équivoque des engagements des parties, en l’absence de dispositions statutaires claires et précises relatives à l’hypothèse du retrait et aux récoltes devant être apportées sur chaque exercice, constituent autant de contestations sérieuses du caractère fautif du refus de l’appelante d’apporter sa récolte 2019 et subséquemment de la créance de la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ ; que l’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné l’EARL CHATEAU DE PAMPELONNE à payer à la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ la somme provisionnelle de 396 133,61 euros ;

Sur la demande d’expertise

Attendu qu’aux termes de l’article de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que, pour que le motif de l’action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu’elle ait pour but d’établir une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l’échec ;

Attendu qu’il résulte des développements qui précèdent qu’un litige oppose d’ores et déjà les parties sur l’existence d’une créance de la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ à l’endroit de l’EARL CHATEAU DE PAMPELONNE ; que la première des précitées a donc un intérêt légitime à entendre ordonner une expertise judiciaire aux fins notamment d’investiguer sur le montant de l’indemnité de la participation aux frais fixes que pourrait devoir la seconde et fournir des éléments permettant de définir puis chiffrer les préjudices réciproques ; que l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande formulée de ce chef ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu qu’il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné l’EARL CHÂTEAU DE PAMPELONNE aux dépens et à payer à la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Attendu qu’il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties, qui succombe partiellement au litige, la charge des frais irrépétibles qu’elle a engagés en première instance et appel ; qu’il n’y a donc lieu à application des dispositions de l’article précité ;

Que la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ supportera les dépens de première instance et appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel ;

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné une expertise judiciaire et commis Madame Martine M. pour y procéder dans les termes de son dispositif ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision présentée par la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel ;

Condamne la SCA LES MAÎTRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ÎLE DE SAINT-TROPEZ aux dépens de première instance et appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Cour d’appel Aix-en-Provence 1re et 2e chambres réunies 16 Décembre 2021 Répertoire Général : 20/10453Numéro : 2021/712

MEDIATION DANS LES RELATIONS ENTRE UNE COOPERATIVE ET SA FILIALE – PROCEDURE DE REFERE et RECEVABILITE EN L’ABSENCE DE MEDIATION

Faits et procédure

….

4. Les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH font grief à l’arrêt de rejeter leur exception d’incompétence, alors « que selon l’article L. 521-1 du code rural, les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité et que selon l’article L. 521-5 du même code, ces sociétés et leurs unions relèvent de la compétence des juridictions civiles, ce dont il ressort que les sociétés coopératives ont un objet non commercial les faisant échapper à la compétence des tribunaux de commerce, même si elles accomplissent des actes tels que des achats pour revendre, réputés actes de commerce, dès lors que ceux-ci sont effectués au profit des agriculteurs coopérateurs ; qu’en décidant néanmoins, pour retenir la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Rennes, que les tribunaux de commerce étaient compétent pour trancher les contestations relatives aux actes de commerce, tels que définis à l’article 632 ancien du code de commerce, que les sociétés coopératives ou leurs unions peuvent accomplir avec des tiers, bien qu’il ait été constant que la coopérative, en sa qualité de société coopérative agricole, achetait, au profit de ses agriculteurs coopérateurs, leurs produits pour les revendre à la société Mix’buffet, par l’intermédiaire de la société Brocéliande-ALH, ce dont il résultait que le tribunal de commerce de Rennes n’était pas compétent pour statuer sur le litige qui l’opposait à la société Mix’buffet, la cour d’appel a violé les articles L. 521-1 et L. 521-5 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

5. Dès lors que la cour d’appel, saisie par l’effet dévolutif, était juridiction d’appel tant du tribunal de grande instance que du tribunal de commerce, les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH sont sans intérêt à reprocher à l’arrêt de confirmer la compétence du juge des référés de ce tribunal.

6. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH font grief à l’arrêt de rejeter leur demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formées à leur encontre par la société Mix’buffet, alors « que tout litige entre professionnels relatif à l’exécution d’un contrat ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge et à peine d’irrecevabilité, faire l’objet d’une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si le contrat prévoit un autre dispositif de médiation ou en cas de recours à l’arbitrage ; qu’en cas d’échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales, toute partie au litige peut saisir le président du tribunal compétent pour qu’il statue sur le litige en la forme des référés sur la base des recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles ; que cette exigence s’impose également dans le cadre d’une procédure de référé engagée en raison de l’urgence ; qu’en décidant néanmoins que la disposition prescrivant le recours à une médiation préalable ne prive pas le juge des référés du pouvoir de prendre toute mesure propre à faire cesser un trouble manifestement illicite si l’urgence justifie de passer outre le processus de procédure amiable, bien que l’urgence n’ait pas autorisé la société Mix’buffet à s’affranchir de l’obligation légale de soumettre le litige à la médiation du médiateur des relations commerciales agricoles, dès lors qu’il portait sur la vente de produits alimentaires, la cour d’appel a violé l’article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n 2019-738 du 17 juillet 2019, ensemble l’article 873 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. En cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, les dispositions de l’article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés.

9. C’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a retenu que ces dispositions ne privaient pas la société Mix’buffet de la faculté de saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La société Brocéliande-ALH fait grief à l’arrêt de lui ordonner sous astreinte de continuer à livrer à la société Mix’buffet, de juillet à octobre 2019, au prix accepté par celle-ci s’agissant de deux catégories de jambon, l’ensemble des produits actuellement commercialisés entre elles, et ce dans des volumes conformes au niveau des mêmes mois de l’année précédente, alors :

« 1/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH faisaient valoir qu’il ne résultait d’aucune pièce du dossier qu’elles auraient été le fournisseur exclusif de la société Mix’buffet en jambon ; qu’en affirmant néanmoins, pour retenir que les conditions de la rupture de la relation commerciale établie étaient constitutives d’un trouble manifestement illicite et de nature à causer un dommage imminent à la société Mix’buffet, qu’il n’était pas discuté que la société Cooperl arc Atlantique était son fournisseur exclusif en jambon, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions d’appel, en violation de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

2/ que le juge des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, imposer à l’auteur d’une rupture brutale de relations commerciales établies la poursuite de la relation commerciale en lui imposant un prix de vente de ses marchandises, si les parties n’étaient pas convenues, avant la rupture, de l’application d’un prix déterminé pendant une certaine durée ; qu’en imposant néanmoins, comme mesure conservatoire, la poursuite des relations commerciales en enjoignant à la société Brocéliande-ALH de céder ses marchandises aux prix unilatéralement fixés par la société Mix’buffet et que la société Brocéliande-ALH avait refusés lors des négociations, comme étant insuffisants, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs au regard de l’article 873 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-1 et L. 442-4 du code de commerce ;

3/ que le bordereau de pièces annexé aux conclusions d’appel des sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH mentionne, en pièce n 37, une “Attestation du Commissaire aux Comptes du 22 novembre 2019 relative aux marges brutes négatives réalisées sur la période de juillet à octobre 2019″ ; qu’en affirmant néanmoins, pour imposer à la société Brocéliande-ALH les prix de vente acceptés par la société Mix’buffet pendant les négociations tandis qu’elle les avait refusés, que les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH se bornant à produire des documents internes, il n’était pas démontré que ces prix auraient eu pour effet d’imposer au fournisseur une marge commerciale négative, la cour d’appel a dénaturé ce bordereau de pièces, en violation de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

4/ qu’en se se bornant à énoncer, pour imposer à la société Brocéliande-ALH les prix de ventes acceptés par la société Mix’buffet pendant les négociations tandis qu’elle les avait refusés, qu’il n’était pas démontré que ces prix auraient eu pour effet d’imposer au fournisseur une marge commerciale négative, dès lors que les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH se bornaient à produire des documents internes, sans rechercher, comme elle y été invitée, si cette marge brute négative était confirmée par l’attestation établie le 22 novembre 2019 par la société R. T. & associés – Actheos, commissaire aux comptes, laquelle avait procédé aux vérifications et rapprochements nécessaires au calcul de la perte de marge et du montant des pertes en résultant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 873 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-1 et L. 442-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

12. Après avoir constaté qu’une relation commerciale existait entre les parties depuis 2011, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu’aucun préavis de rupture n’avait été adressé à la société Mix’buffet et qu’une telle précipitation avait causé de graves problèmes d’approvisionnement à cette société qui avait été brusquement privée d’un fournisseur stratégique pendant une période de forte activité, ce dont elle a pu déduire que cette rupture était constitutive d’un trouble manifestement illicite.

13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision d’ordonner, afin de faire cesser le trouble constaté, le rétablissement de juillet à octobre 2019 des relations commerciales au prix majoré que la société Mix’buffet avait accepté lors des négociations ayant précédé la rupture, sans excéder ses pouvoirs ni être tenue de procéder à une recherche que la nécessité d’un tel rétablissement rendait inutile.

14. Le moyen, inopérant en ses première et troisième branches qui critiquent des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus.

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE,

DU 24 NOVEMBRE 2021 Arrêt n 725 FS-B Pourvoi n A 20-15.789

LES RELATIONS ENTRE LA COOPERATIVE ET L’ASSOCIE COOPERATEUR

Une cour d’appel rappelle les relations entre la coopérative agricole et son associé coopérateur

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Vignobles des Mouchottes, qui a pour objet l’exploitation d’un domaine viticole situé dans les Hautes Côtes de Beaune, est associée coopérateur de la société coopérative La Cave des Hautes Côtes.

Un contentieux apparaît entre elles, la SAS Vignobles des Mouchottes reprochant à la coopérative un déséquilibre dans les conditions financières de leurs relations et une pénalité de 310 960 euros prononcée par cette dernière à son encontre le 24 avril 2019, et soutenant que ces éléments sont à l’origine des difficultés financières ayant donné lieu à l’ouverture à son profit d’une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Dijon du 21 mai 2019.

De son côté, la SCA La Cave des Hautes Côtes reproche aux Vignobles des Mouchottes d’avoir retenu sur la récolte 2018 une partie de cette dernière en invoquant le droit de réserve figurant à l’article 8 de ses statuts, lequel prévoit que l’associé coopérateur ‘s’engage à livrer la totalité des produits viticoles de son exploitation tels qu’ils sont définis à l’article 3 ci-dessus réserve faite des quantités nécessaires aux besoins familiaux et de l’exploitation,’ les parties s’opposant sur le sens à donner à cette clause.

C’est dans ces conditions que la SCA La Cave des Hautes Côtes assigne en référés la SAS Vignobles des Mouchottes devant le président du tribunal de grande instance de Dijon au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de :

– voir ordonner à la SAS Vignobles des Mouchottes d’avoir à lui livrer lors des prochaines vendanges la totalité des récoltes de son exploitation soit 73 ha 33 a 20 ca,

– dire que la livraison ordonnée s’effectuera sous astreinte,

– faire interdiction à la SAS Vignobles des Mouchottes de vendre, de céder ou de disposer de quelque manière que ce soit de la propriété des produits viticoles issus de son exploitation au titre de la récole 2018 et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– voir assortir l’interdiction sus ordonnée d’une pénalité de 5 euros par kilo non livré et/ou de 700 euros par hectolitre non livré à la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– condamner la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SAS Vignobles des Mouchottes aux entiers dépens ainsi qu’aux frais de constat en date du 31 août 2018 de la SCP M. L. A. huissiers de justice à Beaune.

Par ordonnance en date du 7 septembre 2018, le Président du tribunal de grande instance de Dijon :

– ordonne à la SAS Vignobles des Mouchottes de livrer à la SCA La Cave des Hautes Côtes lors des vendanges 2018 la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 73 ha 33 a 20 ca,

– fait interdiction à la SAS Vignobles des Mouchottes de vendre, céder ou disposer de quelque manière les produits viticoles issus de son exploitation au titre des vendanges 2018 et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes, ce sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée,

– condamne la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Cette décision étant revêtue de l’exécution provisoire, la SAS Vignobles des Mouchottes livre à la coopérative, lors des vendanges 2018, les produits qu’elle comptait se réserver.

Toutefois, par arrêt du 21 février 2019, la cour d’appel de Dijon :

– confirme l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré la demande recevable, dit n’y avoir lieu à nullité de l’assignation, retenu la compétence du juge des référés, et en ce qu’elle a rejeté la demande de la SCA La Cave des Hautes Côtes tendant à la mise à la charge de la société Vignobles des Mouchottes des frais de constat d’huissier,

– l’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

– rejette les demandes formées par la SCA La Cave des Hautes Côtes à l’encontre de la société Vignobles des Mouchottes,

– rappelle que cette décision infirmative constitue un titre suffisant pour obtenir la restitution des produits litigieux,

– rejette la demande de la société Vignobles des Mouchottes tendant à voir cette restitution ordonnée sous astreinte,

– déclare irrecevable la demande de la société Vignobles des Mouchottes tendant à ce que les restitutions soient opérées sous le contrôle d’un expert et d’un huissier, aux frais avancés de la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– condamne la SCA La Cave des Hautes Côtes à payer à la société Vignobles des Mouchottes la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la SCA La Cave des Hautes Côtes aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SAS Vignobles des Mouchottes fait alors signifier le 29 mars 2019 à La Cave des Hautes Côtes un commandement aux fins de saisie appréhension.

Par assignation du 5 avril 2019, la SCA saisit le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dijon d’une demande d’annulation de ce commandement aux motifs d’une part qu’il n’est pas justifié par la SAS d’un droit réel sur les biens visés, et d’autre part d’une absence de titre exécutoire.

Une tentative d’appréhension des produits litigieux en date du 2 mai 2019 échoue, la SCA opposant d’une part le fait que le juge de l’exécution n’a pas encore statué, et d’autre part que les marchandises ne sont plus sous forme de raisins mais sous forme de vin incorporé avec d’autres apports des adhérents de la Cave, ce qui rend la restitution impossible.

Parallèlement, la SCA La Cave des Hautes Côtes forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Dijon.

*

Par acte d’huissier du 27 mars 2019, la SCA La Cave des Hautes Côtes assigne la SAS Vignobles des Mouchottes devant le tribunal de grande instance de Dijon selon la procédure à jour fixe, aux fins de voir juger que cette dernière est tenue d’une obligation d’exclusivité, d’obtenir qu’elle soit condamnée à exécuter cette obligation, de voir constater que la SAS Vignobles des Mouchottes a résilié des baux ruraux pour une surface de 4,343 ha au sein de son exploitation, et de la voir condamner à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

D’autre part, le 24 avril 2019, la SCA La Cave des Hautes Côtes notifie à la SAS Vignobles des Mouchottes une décision prise le même jour d’application à son encontre d’une pénalité de 310 960,60 euros avec mise en demeure de régler cette somme avant le 31 mai 2019 pour des faits de mutations de surface.

Enfin, lors d’une assemblée générale extraordinaire du 6 juin 2019, la SCA La Cave des Hautes Côtes décide de modifier l’article 8 de ses statuts relativement au droit de réserve.

*

Sur autorisation du président, la SAS Vignobles des Mouchottes, Maître Rémy B. es qualité d’administrateur judiciaire de la SAS Vignobles des Mouchottes et la SCP Véronique T. es qualité de mandataire judiciaire de cette même société assignent la SCA La Cave des Hautes Côtes par assignation à jour fixe délivrée le 27 juin 2019 devant le tribunal de grande instance de Dijon aux fins de voir le tribunal, statuant par jugement exécutoire par provision :

– constater que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019 constitue un titre suffisant de restitution à la société Vignobles des Mouchottes de la part de récoltes 2018 qu’elle s’était réservée sur le fondement de l’article 8 des statuts de La Cave des Hautes Côtes,

– constater, au besoin juger que La Cave des Hautes Côtes a refusé à ce jour d’exécuter l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019, au préjudice de la société Vignobles des Mouchottes,

– constater que La Cave des Hautes Côtes a convoqué une assemblée générale extraordinaire pour le 6 juin 2019 aux fins de supprimer, pour les nouvelles adhésions, le droit de réserve prévue à l’article 8 des statuts, reconnaissant de facto le bien fondé de ce droit invoqué par la société Vignobles des Mouchottes,

– constater que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019 a, en outre, jugé sérieusement contestable la demande de La Cave des Hautes Côtes à rencontre de la société Vignobles des Mouchottes concernant la part de récoltes 2018 mutée au profit de l’Earl Geantet Pansiot,

– constater que La Cave des Hautes Côtes a notifié abusivement une pénalité financière de 310 960,60 euros le 24 avril 2019, avec mise en demeure de payer avant le 31 mai 2019, en méconnaissance des termes de l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019,

– constater que La Cave des Hautes Côtes a procédé à la modification de l’article 8 des statuts relatif au droit de réserve, en violant le droit à l’information complète des associés coopérateurs et en tentant de tromper la société Vignobles des Mouchottes sur l’ordre du jour de l’assemblée générale du 6 juin 2019,

– constater que les prix des récoltes décidés par le conseil d’administration de La Cave des Hautes Côtes restent abusivement bas, la fixation d’une rémunération des apports aussi basse étant constitutive d’une faute à l’encontre des associés coopérateurs en vertu de l’ordonnance du 24 avril 2019,

– prononcer la résiliation judiciaire de l’engagement coopératif entre la société Vignobles des Mouchottes et La Cave des Hautes Côtes aux torts de cette dernière avec toutes conséquences de droit,

– débouter la société coopérative La Cave des Hautes Côtes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société coopérative La Cave des Hautes Côtes à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

La SCA La Cave des Hautes Côtes demande pour sa part au tribunal, au visa des dispositions des articles 788 et suivants du code de procédure civile, 1184 ancien du code civil, de :

– constater l’inapplicabilité de la loi Egalim du 30 octobre 2018 et de l’ordonnance n° 2019 362 du 24 avril 2019,

– dire que les fautes invoquées par la société Vignobles des Mouchottes à son encontre ne sont pas établies et ne peuvent fonder une demande de résiliation judiciaire du contrat de coopération qui les lie,

– débouter la société Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner à la société Vignobles des Mouchottes de lui livrer lors des vendanges 2019 la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 68 ha 98 a 9 ca,

– faire interdiction à la société Vignobles des Mouchottes de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits viticoles issus de son exploitation au titre des vendanges 2019 et non livrés à la société coopérative, ce, sous astreinte provisoire de 10 000 euros par infraction constatée,

– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Dijon :

– Déboute la SAS Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes,

– Dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de la SCA La Cave des Hautes Côtes relatives à la livraison des récoltes et à la demande d’interdiction,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

– Déboute les parties de toutes leurs autres prétentions plus amples ou contraires,

– Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

– que compte-tenu de sa date de conclusion, le contrat dont la résiliation est demandée reste régi par la loi ancienne, l’ordonnance du 10 février 2016 ne lui étant pas applicable,

– que l’inexécution d’une décision de justice, fût-elle avérée, ne peut pas constituer un manquement contractuel au sens de l’article 1184 du code civil en sa version applicable,

– que la soumission à l’assemblée générale d’une résolution tendant à la modification des statuts au surplus applicable qu’aux nouveaux adhérents et donc sans conséquence pour la société requérante ne peut pas constituer une faute contractuelle,

– qu’au vu des pièces produites, le grief tiré des conditions de convocation à cette assemblée générale n’est pas avéré,

– qu’il ne peut pas plus être tiré de cette proposition de modification des statuts par suppression de la clause de réserve figurant à l’article 8 la déduction du bien-fondé des prétentions de la Sas Vignobles des Mouchottes,

– que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon qui a uniquement statué sur le caractère sérieux des contestations élevées en référé par la Sas Vignobles de Mouchottes ne peut pas démontrer le caractère infondé de la sanction financière prise à l’encontre de cette dernière à raison de la mutation de certaines des parcelles initialement exploitées par ses soins,

– qu’il n’est pas plus démontré que la mise en oeuvre de cette sanction serait abusive dès lors que le juge-commissaire est saisi de la contestation élevée par la Sas Vignobles des Mouchottes suite à l’inscription de cette créance au passif de la procédure de sauvegarde et qu’il n’a pas encore statué,

– que le grief tiré de la fixation par la coopérative d’une rémunération abusivement basse du prix des apports est fondé sur les dispositions de la loi Egalim et de l’ordonnance du 24 avril 2019, lesquelles ne sont pas applicables à un litige né antérieurement à leur entrée en vigueur, et qu’au surplus, la société Vignobles des Mouchottes, qui impute ses difficultés financières au prix fixé par la coopérative, n’en rapporte pas la preuve alors que la SCA les attribue à une faiblesse de rendement de l’exploitation.

* * * * *

La SAS Vignobles des Mouchottes et Maître Rémy B. agissant es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Vignobles des Mouchottes font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 14 novembre 2019.

Il convient de relever que, dans le cadre de l’instance au fond engagée le 27 mars 2019 par la SCA La Cave des Hautes Côtes, le tribunal de grande instance de Dijon a notamment débouté la SAS Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes, l’a condamnée à livrer à la SCA la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 68 ha 98 a 9 ca, lui a fait interdiction de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits de son exploitation au titre des vendanges 2019 et non livrées à la SCA sous astreinte, et a fixé au passif de la procédure de sauvegarde une créance chirographaire de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SCA.

Cette dernière a été déboutée de sa demande de fixation d’une créance de dommages intérêts, et les parties ont été déboutées de toutes leurs autres demandes.

Ce jugement, qui était assorti de l’exécution provisoire, a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Dijon du 11 février 2021.

Par conclusions 4 déposées le 10 septembre 2021, la SAS Vignobles des Mouchottes et la Selarl MJRS es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Vignobles des Mouchottes demandent à la cour d’appel de :

‘Vu notamment l’article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Dijon en date du 21 février 2019,

Vu l’ordre du jour extraordinaire de l’assemblée générale de La Cave des Hautes Côtes du 6 juin 2019,

Vu les voies d’exécution vaines réalisées par la société Vignobles des Mouchottes,

Vu la décision de pénalité de 310 960 euros en date du 24 avril 2019 à payer avant le 31 mai 2019 sur le fondement de l’article 18,

Vu les textes et jurisprudences cités,

Recevant la SAS Vignobles des Mouchottes en son appel,

– L’y déclarer bien fondée.

Avant dire droit,

– Surseoir à statuer dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour de céans le 11 février 2021,

A défaut de sursis à statuer,

– Prononcer la résiliation judiciaire de l’engagement coopératif entre la SAS Vignobles des Mouchottes et la SCA La Cave des Hautes Côtes aux torts de La Cave des Hautes Côtes, avec toutes conséquences de droit,

– Débouter la SCA La Cave des Hautes Côtes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner la SCA La Cave des Hautes Côtes à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– La condamner aux dépens.’

Au soutien de la demande de sursis à statuer, elle expose qu’elle a inscrit un pourvoi contre l’arrêt de la cour du 11 février 2021 qui suit la position de la SCA, et que si l’arrêt est cassé et que, sur renvoi, le jugement est infirmé, cette décision aura une incidence sur le présent litige puisqu’elle pourrait caractériser une faute supplémentaire imputable à la SCA ; que contrairement à ce que la SCA soutient, cette exception de procédure relève de la compétence de la juridiction et non pas du conseiller chargé de la mise en état dès lors qu’elle est facultative et suppose une examen du fond de l’affaire.

Elle ajoute que la SCA soutient que le pourvoi ne sera pas examiné faute d’exécution de l’arrêt, mais qu’elle ne justifie pas avoir demandé un retrait du rôle ; qu’au surplus les vins sont sous statut ‘négoce’ dans la mesure où elle n’avait pas la possibilité réglementaire de vinification sur son site, ce qui lui a imposé de les transférer à La Chablisienne (dont Les Vignobles des Mouchottes sont filiale à 100 %) pour éviter que les quantités soient perdues ;

que ce statut fait que le transfert de propriété ne peut plus se faire par une livraison au sens du droit coopératif mais par un contrat de vente ; que la Cave des Hautes Côtes le sait bien puisqu’elle a proposé une acquisition similaire pour d’autres vins placés sous ce statut de négoce, et que le cabinet AJRS, son administrateur judiciaire, a multiplié les démarches suite à l’arrêt du 11 février 2021 pour proposer la cession des vins dans le cadre réglementaire en demandant la valorisation proposée par La Cave des Hautes Côtes ; que cependant celle-ci n’a fait aucune proposition car en réalité elle n’est pas capable de proposer un autre prix qu’un prix abusivement bas.

Elle soutient que le refus de restituer la part réservée sur la récolte 2018 constitue une faute.

Elle précise que la procédure de contestation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon du commandement de saisie appréhension engagée le 5 avril 2019 est toujours pendante.

Elle ajoute qu’elle a délivré une sommation interpellative le 3 mai 2019 à la SCA pour lui rappeler le caractère exécutoire de l’arrêt du 21 février 2019 nonobstant le pourvoi ; que certes les décisions ultérieures ont donné gain de cause à la SCA, mais que toutefois, dans son arrêt du 4 mai 2021, la cour de céans a précisé : ‘Il en résulte que si, en application de l’arrêt infirmatif du 21 février 2019, et tant qu’il n’avait pas été statué sur le fond, la société Vignobles des Mouchottes était certes en droit de réclamer la restitution des vins obtenus par transformation des raisins issus de la récolte 2018 qu’elle avait livrés en exécution de l’ordonnance de référé infirmée, ce droit à restitution a ensuite été mis à néant par l’effet du jugement rendu au fond le 7 octobre 2019 et de l’arrêt confirmatif du 11 février 2021, qui, dès lors qu’ils consacrent l’obligation de livraison totale à la charge de la société Vignobles des Mouchottes, y compris au titre de la récolte 2018, impliquent nécessairement que cette dernière n’est pas légitime à revendiquer les produits objets de la saisie-appréhension litigieuse.’

Elle estime qu’à tort le tribunal a retenu que l’obligation de restitution découlant de l’arrêt du 21 février 2019 n’était pas une obligation contractuelle ; qu’en effet, la demande formée initialement par la SCA de livrer l’intégralité des récoltes 2018 avait un fondement contractuel et exigeait l’application des statuts avec interprétation de l’article 8, et que pour sa part, elle demandait à bénéficier de la réserve prévue au même article ; que c’est donc en application du contrat que la restitution était exigée, et que l’arrêt de la cour constituait le titre exécutoire de cette obligation.

Elle ajoute que le refus de restitution a perduré pendant 8 mois, et que pour rendre cette restitution impossible, la SCA s’est dépêchée de faire procéder à la vinification de la réserve et de l’incorporer aux autres apports des adhérents si l’on en croit ses affirmations, puisqu’elle n’a jamais produit aucune preuve sur ce point ; que le refus de restitution et les démarches pour rendre la restitution impossible constituent un manquement aux obligations contractuelles et viole le principe de loyauté et de bonne foi inhérent à toute convention.

Elle expose ensuite que la SCA a convoqué l’assemblée générale pour statuer sur ses comptes, et a mis à l’ordre du jour extraordinaire le point suivant : ‘Modification de l’article 8 : obligations des associés’, sans plus de détail ; que ce n’est qu’en exécution d’une ordonnance du juge-commissaire du 24 mai 2019 qui lui enjoignait de communiquer les documents prévus qu’elle a découvert qu’il était prévu un ajout à l’article 8 sur la connexité des créances, mais sans suppression du droit de réserve ; que le 5 juin 2019, veille de l’assemblée, son administrateur a reçu d’autres documents dont une ‘mise à jour des statuts’ qui révélait cette fois la suppression pure et simple de la clause de réserve, et un projet de procès-verbal mentionnant en termes généraux l’acceptation des modifications de l’article 8.

Elle soutient que la SCA a ainsi tenté de modifier les statuts de manière détournée en supprimant le fondement statutaire qu’elle utilise, ce qui est abusif et surtout contraire à son règlement intérieur ; qu’en effet, l’article 22 du Règlement Intérieur Technique est ainsi rédigé : « Chapitre VI

Reprises de vins par les coopérateurs

Article 22

Le Conseil d’administration décide périodiquement, en fonction des possibilités de la Coopérative et sans compromettre ses intérêts, quelles quantités et quelles sortes de produits peuvent être retirées par chaque sociétaire pour ses besoins personnels ainsi que les conditions de ces retraits.

En aucun cas, ceux-ci ne pourront être supérieurs aux 80 % des apports de l’adhérent » ; que les fondateurs avaient donc bien prévu la possibilité pour les exploitations adhérentes d’avoir un fonctionnement indépendant de la coopérative, et que cette possibilité a d’ailleurs été utilisée lors de l’exercice 2017 par le président de la coopérative lui même.

Elle reconnaît que cette modification ne concerne que les nouveaux adhérents, mais ajoute : ‘compte-tenu de l’attitude de La Cave des Hautes Côtes, il est fort probable qu’elle adopte une interprétation contraire et souhaite faire application de la modification aux anciens adhérents’ Elle en déduit que cette modification est susceptible de lui causer un grief, ne serait-ce que l’ouverture d’une nouvelle source de contentieux.

Elle soutient que la faute est constituée par le fait que la SCA La Cave des Hautes Côtes essaye de faire supprimer la clause qu’elle viole par fausse interprétation ; que ce n’est pas la simple demande de modification qui est fautive, c’est son objectif ; que ce qui est également fautif, c’est la rétention d’information et sa tardiveté avérée puisque la SCA n’a communiqué les documents que sur injonction du juge et tardivement sur un support partiellement lisible.

Concernant la mutation des parcelles et la pénalité de 310 960 euros qui lui a été infligée, elle expose que chaque adhérent a le droit de muter une partie de sa surface d’exploitation à un tiers qui prend l’engagement de souscrire à la coopérative ; que les statuts prévoient alors en leur article 18 l’obligation de cet adhérent qui est de dénoncer la mutation dans le délai de 3 mois à compter du transfert, la coopérative pouvant soit accepter le cessionnaire, soit refuser cette mutation, mais dans ce cas le cédant ne peut pas être sanctionné.

Elle soutient qu’elle a fait valoir la mutation d’une surface résiduelle de son exploitation d’environ 4 hectares au profit d’un tiers, l’Earl Geantet-Pansiot à compter du 1er avril 2018 et qu’elle a valablement dénoncé le 7 juin 2018 cette mutation en produisant l’engagement ferme de l’Earl de souscrire aux parts sociales de la coopérative par courrier du 1er avril 2018 ; que la SCA a refusé cette mutation en considérant qu’elle était toujours tenue alors qu’elle lui a préalablement proposé cette mutation à son profit ce qu’elle a refusé, et quelle a respecté les règles du droit rural, ayant obtenu le consentement exprès et préalable de tous les bailleurs de la société concernés.

Elle ajoute qu’elle a eu la surprise de recevoir le 24 avril 2019 une pénalité décidée par la SCA pour défaut d’apport de cette quantité mutée pour un montant de 310 960 euros ; que cette pénalité prise avant même une décision définitive sur le fond révèle la volonté d’asphyxier une société déjà exsangue ; qu’elle l’a immédiatement contestée mais qu’elle a pour effet d’inscrire directement une créance à son passif.

Elle reproche au tribunal d’avoir considéré que, tant que le juge-commissaire qui est saisi de la contestation de la créance n’a pas statué, cette pénalité ne pouvait pas être considérée comme fautive alors que le juge-commissaire a sursis à statuer compte-tenu de la saisine de la cour, et en déduit qu’il faut donc que la cour statue sur la validité de la mutation, et en conséquence sur le caractère abusif de la pénalité.

S’agissant des prix pratiqués par La Cave des Hautes Côtes, elle expose que depuis plusieurs années elle rencontre des difficultés économiques chroniques que révèle l’ampleur de ses pertes malgré un chiffre d’affaires en hausse ; que son chiffre d’affaires dépend exclusivement des prix décidés par la coopérative, et que l’excédent brut d’exploitation est trop insuffisant pour qu’elle puisse honorer ses échéances courantes ; qu’elle a dû solliciter des apports de trésorerie extérieurs de plus en plus importants qui viennent grever lourdement son compte-courant au passif ; que peu importe que ses comptes ne soient pas publiés ainsi que la SCA le soutient au demeurant faussement.

Elle affirme que le caractère anormalement bas des prix fixés par la coopérative est établi par une simple comparaison avec les prix de production selon le prix arrêté par le Préfet dans le cadre de la détermination du montant des fermages viticoles et avec ceux figurant aux cours officiels du BIVB et ajoute que pour prévenir les dérives auxquelles certaines sociétés coopératives se livraient à l’encontre des sociétaires, la loi est intervenue, en l’espèce la loi EGALIM du 30 octobre 2018 sur l’ ‘équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous’ ; qu’en application de l’article 11 de cette loi, le président de la République a été habilité à légiférer par ordonnance, et que l’ordonnance relative à la coopération agricole n° 2019-362 publiée le 24 avril 2019 a décidé : ‘ V – Engage la responsabilité de la coopérative le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse au regard des indicateurs prévus aux articles L 631-24, L 631-24-1, L 631-24-3 et L 632-2-1 ou de tout autre indicateur public disponible’.

Elle ajoute qu’au surplus, la réforme du droit des obligations du 10 février 2016 a introduit l’article 1195 du code civil ; que ces textes montrent bien que la pratique de bas prix par les coopératives est largement stigmatisée ; que depuis juillet 2017, elle ne cesse d’appeler une prise de conscience des dirigeants de la coopérative, en vain, et qu’une ordonnance de mandat ad hoc a été rendue afin de pouvoir obtenir un cadre amiable de discussion avec les dirigeants de la coopérative concernant sa situation économique et le sort des associés coopérateurs, mais que ces dirigeants ont pris la responsabilité de ne pas y donner de suite.

Elle affirme qu’elle est soumise à un risque important en cas de faillite de la coopérative puisque l’article 55 des statuts prévoit une responsabilité financière des associés à deux fois le montant du capital social et qu’elle est l’un des associés les plus importants.

Elle souligne que le tribunal a relevé que ses comptes 2018 n’étaient pas justifiés et qu’elle ne contredisait pas l’assertion de la coopérative selon laquelle les difficultés rencontrées étaient liées à une faiblesse de rendement de l’exploitation alors que ses comptes 2018 n’ont pas pu être établis suite à des dysfonctionnements imputables à la coopérative, mais que ses comptes précédents sont suffisamment édifiants ; qu’il est faux de dire que ses pertes sont imputables à un défaut de rendement alors que, dans un courrier du 18 décembre 2018, le Cabinet Aucap explique ses difficultés par les prix d’achat décidés par la coopérative bien éloignés des références des arrêtés préfectoraux utilisés pour le calcul du fermage.

Elle affirme que la pratique de prix abusivement bas constitue une violation de l’essence même du contrat coopératif, et que la SCA n’a jamais donné la moindre explication quant à la fixation de ses prix.

Par conclusions n° 5 déposées le 13 septembre 2021, la SCA La Cave des Hautes Côtes demande à la cour de :

‘ Vu les articles, L 521-1-1, L 521-3, L 521-3-1, L524-1, R 522-3, R522-4, R522-5 et R524-15 du code rural, l’article 1184 ancien du code civil.

– Déclarer irrecevable et en tout état de cause infondée la demande de sursis à statuer,

– Déclarer l’appel interjeté par la SAS Vignobles des Mouchottes et son administrateur judiciaire infondé,

– En conséquence confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dijon en date du 4 novembre 2019 (RG 19/01843) en ce qu’il a : (‘),

– Débouter la SAS Vignobles des Mouchottes de toutes ses demandes,

– Y ajoutant, condamner la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– A défaut de condamnation, fixer la même somme au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la SAS Vignobles des Mouchottes à titre de créance chirographaire au profit de la SCA La Cave des Hautes Côtes,

– Condamner la SAS Vignobles des Mouchottes aux dépens ou ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.’

La SCA La Cave des Hautes Côtes expose que la SCA La Chablisienne est présidente et associée unique de la SAS Les Vignobles des Mouchottes, et que depuis 2017 elle l’utilise pour se livrer à une véritable guérilla judiciaire à son encontre avec la volonté de lui nuire coûte que coûte ; que la société Les Vignobles des Mouchottes détient 59 388 de ses parts sociales, que la totalité de ses produits représente 20 % de sa collecte totale, et sont les plus qualitatifs de ceux qu’elle vinifie et commercialise.

Elle soutient que la demande de sursis à statuer est irrecevable car elle constitue une exception de procédure au regard de l’article 73 du code de procédure civile et est soumise au régime des exceptions de procédure prévues par l’article 74 du code de procédure civile ; que seul le conseiller chargé de la mise en état est compétent jusqu’à son dessaisissement pour statuer ; que contrairement à ce que soutient l’appelante, il n’y a pas deux régimes, la jurisprudence de la cour de cassation ne distinguant pas selon que le sursis est impératif ou facultatif ; qu’elle est également irrecevable pour défaut de qualité car les articles 108 à 111 du code de procédure civile qui régissent les exceptions dilatoires présentent notamment les demandes de sursis à statuer comme des moyens de défense du défendeur alors que la société Les Vignobles des Mouchottes est appelante.

Elle ajoute qu’elle n’invoque pas l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 11 février 2021 pour former une demande contre la société Les Vignobles des Mouchottes, et qu’elle ne fait que s’opposer à la demande de résiliation judiciaire formée par elle ; que cette demande manque par ailleurs de sérieux puisque l’appelante n’établit pas en quoi, même en cas de cassation, un arrêt de renvoi pourrait caractériser une faute contractuelle de sa part, a fortiori une faute grave, et pourrait influer sur la présente instance ou entrer en contradiction avec l’arrêt à intervenir puisque les deux instances n’ont pas le même objet, et le pourvoi porte non pas sur les obligations de la coopérative, mais sur ceux de ses associés coopérateurs ; qu’au surplus il faudrait que la cour de cassation ait à se prononcer sur le pourvoi ce qui suppose que la SAS exécute l’arrêt du 11 février 2021, ce qu’elle n’a toujours pas fait.

Elle soutient que les arguments invoqués dans ses dernières écritures concernant le statut de négoce sont inopérants et prouvent au surplus sa mauvaise foi ; que l’appelante et La Chablisienne se sont organisées pour agir en fraude de ses droits ; que la Chablisienne a acheté les produits de l’exploitation de la société Vignobles des Mouchottes par 6 contrats du 13 septembre 2019, et qu’elle peut donc parfaitement résilier amiablement ces ventes.

Concernant la demande de résiliation judiciaire, elle rappelle qu’en application de l’article 1184 du code civil en sa version applicable, seule une violation grave d’une obligation contractuelle déterminante peut fonder la résiliation d’un contrat synallagmatique.

Elle expose qu’il existe des spécificités du contrat de coopération agricole ; qu’il faut distinguer l’aspect institutionnel de l’aspect contractuel, et que le droit qui régit les sociétés coopératives agricoles et le contrat de coopération entre un associé coopérateur et la coopérative dont il est membre est un droit d’exception qui prime les règles de droit commun ; que le droit des contrats ne s’applique que dans le silence de la réglementation particulière.

S’agissant de la nature juridique spécifique du contrat de coopération, elle expose que l’associé coopérateur a une double qualité ; qu’il résulte de l’article L 521-1-1 du code rural que la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative à laquelle il adhère est régie par les principes et règles spécifiques du titre II du livre cinquième du code rural et de la loi de 1947 susvisée ; que cette relation entre les parties repose sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionnée à l’article L 521-3 du code rural en ce que l’adhérent est un apporteur de capital qui a l’obligation de souscrire ou d’acquérir des parts du capital social ce qui lui confère la qualité d’associé de la société coopérative ; que l’adhérent est également un apporteur d’activité, un coopérateur dès lors que son adhésion emporte de plein droit en application des articles L 521-3 et R 522-3 du code rural l’engagement d’utiliser les services de la coopérative pour les opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire eu égard à son objet social ; que ce sont les statuts adoptés par l’assemblée générale qui, en leur article 8, fixent les modalités et la durée de l’engagement contractuel de l’associé coopérateur de livrer les produits de son exploitation à la coopérative s’agissant des sociétés coopératives de type 1 qui, comme la SCA La Cave des Hautes Côtes, ont pour objet la collecte, la vinification, le conditionnement, la commercialisation des vin ; que le coopérateur, tenu par une obligation d’apport, qui est une obligation de résultat, ne peut, sauf cas de force majeure dûment établie, se retirer de la coopérative avant l’expiration de sa période d’engagement conformément à l’article R522-4 du code rural.

Concernant le périmètre de la résiliation du contrat de coopération, elle expose que l’application au contrat de coopération de l’article 1184 du code civil nécessite d’opérer une distinction entre l’aspect institutionnel et l’aspect contractuel ; qu’en effet il ne faut pas confondre les obligations de l’associé résultant du statut social, autrement dit de la relation sociétaire, avec les obligations contractuelles du coopérateur résultant de l’engagement d’activité par lequel il s’oblige à utiliser les services de la coopérative et à lui apporter les produits de son exploitation ; que ce n’est que si la coopérative méconnaît ses engagements contractuels particuliers à l’égard de ses adhérents pris en leur qualité de coopérateur que peut jouer la résiliation du contrat de coopération sur la base de l’article 1184 ancien du code civil ; que le recours au droit commun et l’application de l’article 1184 ancien du code civil ne sont pas possibles lorsqu’un coopérateur se plaint du mauvais fonctionnement de la coopérative, d’une divergence de vues sur la gestion de la coopérative, de la rémunération de ses apports voire d’une méconnaissance de ses droits d’associé ;

que ces types de fautes relèvent du droit des sociétés, trouvent leurs sanctions dans les actions en nullité des décisions irrégulières des organes sociaux et dans l’exercice des prérogatives politiques découlant des parts sociales dès lors que les associés participent également à l’organisation et au fonctionnement de la société qu’ils contrôlent en prenant part aux délibérations et aux votes lors des assemblées générales.

Elle soutient qu’en l’espèce, la SAS Vignobles des Mouchottes qui a la charge de la preuve ne démontre pas que la SCA La Cave des Hautes Côtes aurait commis des manquements contractuels graves à son encontre.

Elle expose que la SAS Vignobles des Mouchottes tente de caractériser une faute contractuelle par un ‘soi disant refus d’exécution’ de l’arrêt rendu en référé le 21 février 2021 par la cour de Dijon, alors que l’article 8 des statuts définit les obligations des associés coopérateurs à l’égard de la coopérative dont leur obligation d’apport total des produits de leur exploitation, et que cet article ne prévoit aucune obligation contractuelle de restitution par la coopérative des apports de ses associés coopérateurs ce qui serait contraire à son objet défini à l’article 3 des statuts ; que l’obligation contractuelle de la coopérative dans le cadre de l’engagement coopératif consiste à rémunérer les apports de ses associés coopérateurs ce qu’elle fait scrupuleusement.

Elle ajoute que l’inexécution d’une décision de justice ne peut constituer un manquement contractuel et donc aboutir à la résiliation judiciaire d’un contrat ; qu’au surplus, elle a entièrement exécuté l’arrêt de référé susvisé ainsi qu’elle en justifie ; qu’enfin, par un jugement au fond en date du 07 octobre 2019 qui a l’autorité de la chose jugée au principal, le tribunal de grande instance de Dijon a retenu que la notion de réserve des besoins de l’exploitation ‘exclu(ait) de fait les besoins économiques de l’exploitation agricole’ et a condamné la SAS Vignoble des Mouchottes à exécuter son engagement d’apport total à l’égard de la coopérative ; que le tribunal a assorti sa décision de l’exécution provisoire que Madame la Première Présidente de la cour d’appel de Dijon a refusé d’arrêter, et que la cour, par un arrêt en date du 11 février 2021, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant à dit que l’obligation de livraison de la totalité des récoltes de son exploitation mise à la charge de la société Vignobles des Mouchottes s’applique aux vendanges 2018, 2019 ainsi qu’aux vendanges effectuées ou à effectuer postérieurement, tant que durera le contrat de coopération liant les parties, que l’interdiction faite sous astreinte à la société Vignobles des Mouchottes de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits issus de son exploitation et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes s’applique, outre aux vendanges 2019, aux vendanges 2018 ainsi qu’aux vendanges effectuées ou à effectuer postérieurement, tant que durera le contrat de coopération liant les parties.

Elle en déduit que l’arrêt rendu en référé le 21 février 2019 est en conséquence privé de tout fondement juridique par l’effet du jugement rendu au fond le 7 octobre 2019 et par l’effet de l’arrêt confirmatif du 11 février 2021 qui ont l’autorité de la chose jugée au principal.

Elle ajoute que les motifs de l’arrêt rendu le 4 mai 2021 par la cour de céans que cite la SAS Vignobles des Mouchottes n’ont pas l’autorité de la chose jugée et ne lui sont d’aucun secours puisque la cour relève que le droit de restitution a été mis à néant par les décisions rendues au fond ; que le moyen est d’autant plus vain qu’en 2018 la SAS Vignobles des Mouchottes a livré à la coopérative, sans aucune réserve et sans demander l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance rendue le 7 septembre 2018 par Monsieur le Président du tribunal de grande instance, tous les produits issus de son exploitation, sauf ceux issus d’une surface de 4,343 ha dont elle avait résilié les baux, et que La Cave des Hautes Côtes a réglé scrupuleusement et à bonne date lesdits apports.

Sur la ‘soi disant tentative de modification des statuts’, elle soutient que les faits tels qu’exposés par la SAS Vignobles des Mouchottes sont grossièrement mensongers ; qu’en outre son argumentation juridique est vaine dès lors que les fautes dont elle allègue ne relèvent pas des obligations contractuelles de la SCA La Cave des Hautes Côtes à l’égard des coopérateurs mais de l’aspect institutionnel des statuts puisque c’est l’assemblée générale extraordinaire des associés coopérateurs qui a le pouvoir de modifier les statuts de la société coopérative en application de l’article R524-15 du code rural et 43 des statuts ; que pour n’éluder aucun débat, elle relève que les insinuations de la SAS Vignobles des Mouchottes selon laquelle ‘il est fort probable’ que la Cave des Hautes Côtes ‘souhaite faire application de la modification statutaire aux anciens adhérents’ ne permet pas à la cour de constater une faute de nature contractuelle, grave et avérée de sorte que la demande de résiliation du contrat coopératif ne peut pas prospérer ; qu’au surplus, contrairement à ce qu’elle affirme, la SAS Vignobles des Mouchottes avait la faculté de prendre connaissance d’un dossier complet d’information 15 jours au moins avant l’assemblée générale des associés coopérateurs de la SCA La Cave des Hautes Côtes du 6 juin 2019 ainsi que cela résulte d’un constat d’huissier de justice dressé le 21 mai 2019 par Maître H. ; que c’est enfin en vain que la SAS Vignobles des Mouchottes se prévaut d’un règlement intérieur, ce qui a déjà été relevé par le tribunal par son jugement en date du 7 octobre 2019 et par la cour d’appel.

Concernant la question de la mutation de parcelles et de la pénalité de 310 960 euros, elle souligne que les décisions du conseil d’administration d’une société coopérative dont celle d’appliquer les pénalités statutaires à un associé coopérateur défaillant, relèvent de son pouvoir de gestion au regard de l’article L524-1 du code rural et 29 des statuts et non des obligations contractuelles de la coopérative à l’égard du coopérateur.

Elle ajoute qu’elle a découvert que la SAS Vignobles des Mouchottes, alors que son obligation d’apport total portait sur une exploitation d’une surface de 73 ha 33 a 20 ca engagés, l’a amputée de parcelles d’une surface de 4,343 ha par le biais d’un acte des 25 et 26 juillet 2018 de résiliation conventionnelle et sans contrepartie des baux ruraux y afférents ; que par cet acte, la SAS Vignobles des Mouchottes a volontairement rendu impossible l’exécution forcée de son obligation d’apport des récoltes issues des-dites parcelles ; que c’est pourquoi, au titre du non apport des récoltes des-dites parcelles, elle a mis en ‘uvre à son encontre la procédure d’application des sanctions pécuniaires prévues par l’article 8-8 des modèles de statuts.

Elle ajoute qu’elle a déclaré sa créance et que la SAS Vignobles des Mouchottes a élevé une contestation ; que le 25 janvier 2021, le juge commissaire a rendu une ordonnance par laquelle il a à la fois considéré que deux instances étaient en cours et a sursis à statuer ‘jusqu’à ce qu’une décision définitive passée en force de chose jugée soit rendue sur l’interprétation de l’article 8 des statuts de la SCA La Cave des Hautes Côtes, et sur la résiliation judiciaire du contrat conclu avec la SAS Vignobles des Mouchottes.’

Elle relève que si, aux motifs de ses conclusions, la SAS Vignobles des Mouchottes fait valoir qu’ ‘Il est donc nécessaire, dans le cadre du présent litige, de se prononcer sur la validité démontrée de la mutation, et en conséquence du caractère abusif de la pénalité'(…) ‘justifiant de plus fort la résolution du contrat’, pour autant aucune prétention à cette fin n’est reprise au dispositif des conclusions des appelantes ; que la cour, qui ne peut pas statuer sur une prétention dont elle n’est pas saisie ; qu’il s’en déduit que dès lors qu’aucune décision n’aura été rendue, l’application des sanctions pécuniaires prévues par l’article 8 des statuts, par le conseil d’administration de la SCA La Cave des Hautes Côtes ne pourra pas être considérée comme fautive.

S’agissant des prix pratiqués par la coopérative, elle relève que la société Vignobles des Hautes Côtes, tout en indiquant qu’il ne s’agit pas de demander l’application de la loi Egalim et de l’ordonnance du 24 avril 2019, fonde toute son argumentation ‘sur les prix abusivement bas’ ; qu’au surplus, le Conseil d’État, par un arrêt n°430261 du 24 février 2021, a décidé que les dispositions du b) du 3° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 sont annulées en tant qu’elles créent un V à l’article L 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu’enfin la loi Egalim vise les ‘contrats de vente de produits agricoles’ alors que le contrat coopératif n’est pas un contrat de vente dont la nature est incompatible avec les spécificités des sociétés coopératives agricoles ainsi que l’a rappelé maintes fois la cour de cassation.

Elle ajoute que le moyen de la SAS Vignobles des Mouchottes tiré du caractère fautif de la pratique de prix abusivement bas est inopérant puisque les délibérations du conseil d’administration et de l’assemblée générale des associés ne relèvent pas du droit des obligations, la détermination de la rémunération des associés coopérateurs étant liée à l’aspect institutionnel de la société coopérative ; que la société coopérative agricole, si elle est chargée de commercialiser les apports de ses associés coopérateurs, n’est pas tenue de leur garantir un prix et que l’associé coopérateur doit souffrir les aléas de la commercialisation des produits ; qu’un associé coopérateur ne saurait justifier sa demande de résiliation en alléguant de la mauvaise gestion de la société dès lors que de tels faits, à les supposer avérés, seraient constitutifs d’un préjudice collectif et non pas personnel de sorte qu’ils ne pourraient ouvrir

que l’action sociale et l’exercice des droits politiques de l’associé en assemblée générale, et qu’en cas de succès de l’action ut singuli les dommages et intérêts seraient alloués non pas à l’associé mais à la société et entreraient dans l’actif social.

Elle soutient qu’en outre la SAS Vignobles des Mouchottes ne démontre pas que les difficultés économiques dont elle se plaint seraient imputables à la SCA La Cave des Hautes Côtes ; que ses comptes depuis l’exercice 2017 ne sont jamais déposés dans le délai légal, et qu’elle affirme sans le démontrer que ses pertes antérieures seraient dues aux rémunérations que lui aurait versées La Cave des Hautes Côtes alors qu’en réalité, si la SAS Vignobles des Mouchottes a enregistré dans le passé des résultats déficitaires, ils tiennent à une mauvaise gestion et à la faiblesse du rendement de son exploitation, inférieur de 30 % à la moyenne de celui des associés coopérateurs de la SCA La Cave des Hautes Côtes.

Elle ajoute que le montant des valorisations est expliqué aux associés lors des assemblées générales annuelles d’approbation des comptes et tous les éléments comptables sont à la disposition des associés coopérateurs quinze jours au moins avant l’assemblée générale ; qu’enfin les administrateurs sont en premier lieu des adhérents, et qu’ils n’ont donc aucune raison de prendre des décisions qui les pénaliseraient en tant qu’adhérent.

La Selarl MJ & Associés es qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Vignobles des Mouchottes n’ayant pas constitué avocat, les appelants lui signifient la déclaration d’appel et leurs conclusions par acte d’huissier du 19 février 2020 délivré à personne habilitée.

La SCA La Cave des Hautes Côtes lui signifie ses conclusions par acte d’huissier du 19 mai 2020.

L’ordonnance de clôture est rendue le 14 septembre 2021.

MOTIVATION

……..

– Sur la demande de résiliation judiciaire de l’engagement coopératif

La SAS Vignobles des Hautes Côtes fondent sa demande de résiliation de son engagement coopératif sur les dispositions de l’article 1184 du code civil en sa version applicable aux faits.

Aux termes de ce texte, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Pour que la résolution d’un contrat puisse être prononcée, il appartient à la partie qui la demande d’établir la preuve d’un ou de plusieurs manquements de son adversaire à ses obligations contractuelles, manquements qui par ailleurs doivent être d’une gravité suffisante pur justifier une telle décision.

Il s’en déduit que les actes reprochés par le demandeur à la résolution qui ne constituent pas un manquement à une obligation contractuelle ne peuvent fonder une décision de résolution du contrat.

La SAS Vignobles des Mouchottes reproche en premier lieu à la SCA La Cave des Hautes Côtes de ne pas lui avoir restitué les produits issus des vendanges 2018 qu’elle comptait se réserver suite à l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 21 février 2019 ayant infirmé l’ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Dijon du 7 septembre 2018 lui ordonnant de livrer ces produits.

Il est incontestable que cet arrêt infirmatif constituait un titre exécutoire qui permettait à la SAS Vignobles des Mouchottes de réclamer immédiatement la restitution de ces produits.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la SCA La Cave des Hautes Côtes, le fait que dans le cadre de la procédure au fond le tribunal judiciaire de Dijon le 7 octobre 2019 a consacré l’obligation de livraison totale à la charge de la SAS Vignobles des Hautes Côtes y compris au titre de la récolte 2018 et que la cour d’appel de Dijon a, par arrêt du 11 février 2021, confirmé cette décision, est sans incidence sur le droit à restitution que la SAS Vignobles des Mouchottes tirait de l’arrêt rendu en référé le 21 février 2019, droit qui n’a été anéanti que par les décisions au fond intervenues ultérieurement.

Cependant la non-exécution d’une décision de justice ne constitue pas un manquement à une obligation contractuelle, et ne peut donc pas justifier une résolution sur le fondement de l’article 1184 du code civil.

La SAS Vignobles des Mouchottes reproche ensuite à la SCA La Cave des Hautes Côtes d’avoir ‘tenté’ de modifier l’article 8 de ses statuts dans l’intention d’appliquer la nouvelle version aux anciens adhérents et au surplus en procédant à une rétention d’information, de lui avoir appliqué une pénalité de 310 960 euros pour mutation de parcelles, et de pratiquer des prix abusivement bas.

Il n’est pas contesté par le SAS Vignobles des Mouchottes que ses relations avec la SCA La Cave des Hautes Côtes sont régies par un contrat de coopération, lequel relève des dispositions spécifiques aux sociétés coopératives agricoles prévues aux articles L 521-1 et suivants du code rural et de la pêche.

Il ressort de ces textes que l’associé coopérateur a une double qualité. En effet, il résulte de l’article L 521-1-1 de ce code que la relation entre l’associé coopérateur et la coopérative à laquelle il adhère est régie par les principes et règles spécifiques du titre II du livre cinquième du code rural et de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, cette relation entre les parties reposant sur le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé mentionnée à l’article L 521-3 du code rural. Ainsi, l’adhérent est un apporteur de capital qui a l’obligation de souscrire ou d’acquérir des parts du capital social ce qui lui confère la qualité d’associé de la société coopérative. Il est également un apporteur d’activité, un coopérateur, dès lors que son adhésion emporte de plein droit en application des articles L 521-3 et R 522-3 du code rural l’engagement d’utiliser les services de la coopérative pour les opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire eu égard à son objet social.

Il s’en déduit qu’il faut distinguer les droits et obligations de l’associé vis à vis de la coopérative résultant du statut social, autrement dit de la relation sociétaire, des obligations contractuelles du coopérateur résultant de l’engagement d’activité par lequel il s’oblige à utiliser les services de ladite coopérative et à lui apporter les produits de son exploitation, cette dernière ayant pour sa part les obligations de lui fournir ces services et de rémunérer ses apports en application des tarifs déterminés conformément aux statuts, c’est-à-dire par une délibération de l’assemblée générale des associés.

Ce n’est que si la coopérative méconnaît ses engagements contractuels particuliers à l’égard de ses adhérents pris en leur qualité de coopérateur que peut intervenir une résolution du contrat de coopération sur la base de l’article 1184 ancien du code civil, alors que le recours au droit commun du contrat n’est pas possible lorsqu’un coopérateur se plaint du mauvais fonctionnement de la coopérative, d’une divergence de vues sur sa gestion, de la rémunération de ses apports voire d’une méconnaissance de ses droits d’associé.

Ces fautes relèvent du droit des sociétés, et trouvent leurs sanctions dans les actions en nullité des décisions irrégulières des organes sociaux et dans l’exercice des prérogatives politiques découlant des parts sociales dès lors que les associés participent également à l’organisation et au fonctionnement de la société qu’ils contrôlent en prenant part aux délibérations et aux votes lors des assemblées générales.

Il en résulte que la décision de modification de l’article 8 des statuts décidée lors d’une assemblée générale de la coopérative du 6 juin 2019, à supposer avérées les irrégularités qui auraient été commises concernant l’information préalable des associés, ne peut pas constituer un manquement de la SCA à ses obligations contractuelles.

Il sera au surplus relevé sur ce point que la société Vignobles des Mouchottes reproche à la coopérative une intention d’appliquer aux anciens adhérents cette modification et d’avoir eu ainsi un objectif fautif, se livrant ainsi à un procès d’intention.

Concernant la décision du conseil d’administration de la coopérative d’appliquer une pénalité de 310 960 euros aux Vignobles des Hautes Côtes en lui reprochant d’avoir réduit sa surface d’exploitation de 4,343 hectares, il n’est pas contesté par l’appelante qu’une telle décision s’inscrit dans le pouvoir de gestion du-dit conseil d’administration prévu par l’article L 524-1 du code rural et de la pêche, et de l’article 29 des statuts de la coopérative.

Cette décision relève des relations statutaires entre la SCA et la SAS Vignobles des Mouchottes et, à la supposer irrégulière ou mal fondée, elle ne constitue en tout état de cause pas un manquement aux obligations contractuelles de la coopérative.

Enfin, il est établi que la fixation des modalités de paiement du prix des apports de produits relève de la compétence de ‘l’organe chargé de l’administration de la société’ coopérative par application des dispositions de l’article L 521-3-1 du code rural et de la pêche, c’est-à-dire qu’elles sont décidées en assemblée générale annuelle. Il s’en déduit que les contestations pouvant être émises à l’encontre de ces décisions relèvent du droit des sociétés et des éventuelles actions en annulation des délibérations qu’un associé peut engager.

Par contre, à supposer même qu’une faute ait été commise lors de la détermination du prix des apports, elle ne peut pas constituer un manquement aux obligations contractuelles de la coopérative dans ses rapports avec chacun des associés, la coopérative étant dans ce cadre tenue d’appliquer le tarif tel que décidé en assemblée générale.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la SAS Vignobles de Mouchottes et la Selarl MJRS es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de ladite SAS échouent à démontrer l’existence de manquements contractuels de la SCA La Cave des Hautes Côtes justifiant le prononcé à ses torts de la résolution du contrat liant les parties. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Pour le surplus, la SCA La Cave des Hautes Côtes ne reprend pas devant la cour ses prétentions concernant les vendanges 2019, concluant à la confirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande de sursis à statuer présentée par la SAS Vignobles des Mouchottes,

Déboute la SAS Vignobles des Mouchottes de sa demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Dijon du 4 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS Vignobles des Mouchottes aux dépens de la procédure d’appel,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Vignobles des Mouchottes à verser à la SCA La Cave des Hautes Côtes 4 000 euros pour ses frais liés à la procédure d’appel,

Cour d’appel, Dijon, 2e chambre civile, 2 Décembre 2021 – n° 19/01735

ARTICLE 8 des statuts des coopératives agricoles : DES SANCTIONS PECUNIAIRES

Réformation de l’application des sanctions pécuniaires devant une Cour d’Appel.

Aux termes de l’article 8, paragraphe 6, des statuts : « Sauf cas de force majeure dûment établie, le conseil d’administration pourra décider de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements, une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs associés coopérateurs. Cette participation correspond à la quote-part que représentent les quantités non livrées pour la couverture des charges suivantes constatées au cours de l’exercice du manquement :

Les charges correspondant à celles comptabilisées dans les comptes 61 et 62;

Les impôts et taxes (compte 63) ;

Les charges de personnel (compte 64) ;

Les autres charges de gestion courante (compte 65) ;

Les charges financières (compte 66) ;

Les charges exceptionnelles (compte 67) ;

Les dotations aux amortissements et aux provisions (compte 68) ;

Les participations des salariés aux résultats de l’entreprise (compte 69) ;

Les impôts sur les sociétés (compte 69). »

La participation aux frais fixes ainsi prévue à l’article 8, paragraphe 6, des statuts a vocation à réparer le préjudice subi par la société coopérative du fait du manquement du coopérateur à son obligation d’apport, lequel doit être calculé sur la durée de l’engagement restant à courir ; en l’occurrence, le conseil d’administration de la coopérative les vignerons de Saint Félix Saint-Jean, dans sa délibération du 8 octobre 2012, a décidé d’appliquer à M. et Mme M. les sanctions pécuniaires de l’article 8 des statuts pour manquement à leur obligation d’apport sur toute la période restant à courir jusqu’au terme de la période quinquennale en cours, au titre des exercices 2011/2012, 2012/2013 et 2013/2014, aucune disposition légale ou statutaire n’obligeant le conseil d’administration à mettre en ‘uvre la procédure de sanctions pour chaque exercice concerné par le manquement.

La quote-part des frais fixes pouvant être mis à la charge du coopérateur défaillant doit être calculée en prenant pour base la quantité de récolte non livrée, qui ne peut être fixée que par référence à la dernière récolte apportée à la cave, et le montant des charges fixes correspondant aux comptes de charges 61 à 69 constatés au cours de l’exercice effectivement concerné par le manquement.

Modifiant le calcul, qu’elle avait présenté en première instance, la coopérative les vignerons de Saint Félix Saint-Jean, aux droits de laquelle vient la coopérative Fonjoya, chiffre désormais son préjudice en se référant aux frais fixes de l’exercice 2011/2012 clôturé le 31 juillet 2012, dont les comptes ont été approuvés par l’assemblée générale ordinaire du 17 avril 2013, et qui correspond au premier exercice au cours duquel a été constaté le manquement de M. et Mme M. à leur obligation d’apport, ainsi qu’à la production de 1444,15 hl apportée à la cave par ces derniers au cours de l’exercice 2010/2011 (récolte 2010) par rapport à la production totale de l’ensemble des coopérateurs de 40 605,02 hl ; le montant des frais fixes, correspondant aux comptes de charges 61 à 68, ressort ainsi à 916 264,28 euros, soit un montant de frais à l’hectolitre de 22,56 euros rapporté à la production totale livrée à la cave en 2011 ; il en résulte que la quote-part des frais fixes mis à la charge de M. et Mme M. eu égard à la production livrée par eux à la cave en 2010 est égal à la somme de : 1444,15 hl x 22,56 euros = 32 580,02 euros.

Les appelants ne peuvent sérieusement remettre en cause le montant ainsi déterminé au prétexte que les charges de l’exercice comptable considéré ne sont pas justifiées, alors que les comptes annuels de la coopérative, publiés au registre du commerce et des sociétés, sont publics et qu’au surplus, la coopérative Fonjoya communique le compte de résultat détaillé de l’exercice clos le 31 juillet 2012 de nature à permettre de vérifier les comptes de charges 61 à 68 servant de base au calcul ; en revanche, ils sont fondés à prétendre que la quote-part des frais fixes doit être calculée année par année, par référence aux comptes de charges 61 à 69 du compte de résultat de l’exercice comptable du manquement ; si au cours des exercices 2012/2013 et 2013/2014, M. et Mme M. ont également été défaillants dans leur obligation d’apport, leur participation aux frais fixes, destinée à réparer le préjudice subi par la société coopérative, ne peut en effet être déterminée que par référence aux charges d’exploitation se rapportant à chacun des deux exercices considérés, sans pouvoir être calculé par rapport à celles exposées au cours de l’exercice clos le 31 juillet 2012.

Par ailleurs, l’article 8, paragraphes 7, des statuts dispose qu’en cas d’inexécution totale ou partielle de ses engagements par un associé coopérateur, le conseil d’administration pourra, en outre, décidé de lui appliquer une pénalité égale à 10 % de la valeur de la production non apportée; il en résulte également que la pénalité doit être calculée sur la base du nombre d’hectolitres de vin qu’auraient pu, normalement, produire les apports non livrés, que le volume de la production non apportée sera calculé par application du décret annuel de production fixant les règles de rendement à l’hectare ou tout document ou prescription autre qui serait susceptible de lui être substitué concernant respectivement les AOP (AOC) coteaux du Languedoc, IGP (VDP) ou IG (VDT) et relatif à la récolte non apportée et que la pénalité sera calculée au prix moyen des règlements effectués à ses associés coopérateurs par la coopérative pour les apports de l’exercice comptable qui précède l’exercice de réalisation du manquement.

Dans le cas présent, la coopérative Fonjoya présente un calcul de la pénalité de 10 % qui, prenant pour base la surface d’exploitation de M. et Mme M. lors de la campagne 2010 (19 ha 92a 38 ca) et les rendements à l’hectare autorisés en 2010 par le syndicat des producteurs de vins de pays d’oc, a déterminé le volume de la production non apportée par ces derniers, soit 1357,71 hl, et le prix de cette production par référence au prix moyen des règlements versés aux associés coopérateurs, soit 57 865,26 euros ; ce calcul n’est pas sérieusement critiqué, dès lors qu’il a été fait, en conformité des dispositions statutaires, par rapport à la surface du vignoble de M. et Mme M. en 2010, correspondant à la dernière récolte apportée à la cave, aux rendements à l’hectare autorisés en 2010 et aux règlements faits aux coopérateurs cette année-là, ce dont il se déduit une pénalité, appliquée aux exercices 2011/2012, 2012/2013 et 2013/2014 au cours desquels ces derniers ont manqué à leur obligation d’apport, égale à la somme de : 57 865,26 euros x 10% x 3 = 17 359,58 euros.

M. et Mme M. n’établissent pas en quoi cette pénalité serait manifestement excessive eu égard au préjudice subi par la société coopérative ainsi privée durant trois exercices successifs de leurs apports ; leur demande tendant à l’application de l’article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ne peut ainsi qu’être rejetée.

Ils sollicitent subsidiairement que la somme pouvant être mise à leur charge au titre des sanctions pécuniaires soit limitée à la somme de 22 839,22 euros au titre de la compensation de 15 % de la prime d’arrachage (sic), mais cette demande n’est pas explicitée dans leurs conclusions d’appel, ni même justifiée.

Il résulte de ce qui précède que la société Fonjoya est fondée à obtenir la condamnation in solidum de M. et Mme M. à lui payer la seule somme de 32 580,02 euros au titre de leur participation aux frais fixes prévue à l’article 8, paragraphes 6, des statuts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013, date de l’acte introductif d’instance, capitalisés selon l’article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ; le jugement entrepris doit dès lors être réformé mais seulement en ce qu’il a condamné les intéressés au paiement de la somme de 105 201,45 euros de ce chef.

Cour d’appel, Montpellier, Chambre commerciale, 19 Octobre 2021 – n° 18/03360 Décision Cour d’appel Montpellier Chambre commerciale 19 Octobre 2021 Répertoire Général : 18/03360

Coopérative agricole et Bulletin d’engagement d’adhésion et difficulté à établir la qualité d’associé coopérateur d’un GAEC

Dans le cadre de cette affaire, les appelantes excipent d’un bulletin d’adhésion au nom de MM. B. et L. à la coopérative de Broons en date du 14 mars 2008, cette coopérative ayant effectué un apport partiel de sa branche d’activité porcine en 2010 à la coopérative Prestor en transmettant les adhésions en cours ainsi que cela résulte d’un traité d’apport en date du 8 avril 2010.

Elles produisent également un relevé de capital social adressé à l’Earl du Bas Frémur le 13 juillet 2011 par la coopérative de Broons sur les mouvements de la période du mois de décembre 2010 et précisant par une note manuscrite que ‘la cotisation du 24/12/10 correspond à une avance coop de Broons soit 2275 euros’ et que ‘cette somme a été retenue sur la ‘ristourne’ 2010 qui était de 3196 euros’, ‘le disponible arrondi à 922 euros [ayant été ] capitalisé sur votre compte capital social’.

Il résulte du traité d’apport conclu entre la coopérative de Broons et la coopérative Prestor le 8 avril 2010 qu’un droit à ristourne est prévu au bénéfice des associés coopérateurs de la branche Porc de la coopérative apporteuse.

Enfin, les appelantes versent aux débats une attestation du commissaire aux comptes de la coopérative Prestor en date du 7 décembre 2015, certifiant que l’Earl du Bas Frémur détient 3 861 euros du capital social de la coopérative.

Mais ces éléments sont insuffisants à établir l’adhésion de l’Earl du Bas Frémur à la coopérative Prestor notamment la souscription volontaire ou l’acquisition de parts sociales de la coopérative susceptibles de lui faire acquérir le statut d’associé coopérateur. Le seul bulletin d’adhésion produit ne concerne pas en effet l’Earl du Bas Frémur mais celui régularisé le 14 mars 2008 par MM. B. et L. auprès de la coopérative de Broons en leur nom personnel et non en leur qualité de représentant légal de l’Earl ou pour le compte de celle-ci, étant observé que celle-ci était constituée depuis 1985. Le fait que le relevé de parts sociales régularisant l’apport de la coopérative de Broons à la coopérative Prestor soit adressé à l’Earl du Bas Frémur ne justifie pas davantage de l’adhésion de celle-ci à ces coopératives. Quant à l’attestation du commissaire aux comptes, à défaut de tout autre élément tel que notamment le registre des associés de la coopérative, elle ne suffit pas à démontrer l’adhésion de l’Earl du Bas Frémur à cette coopérative.

La qualité d’associé coopérateur du Gaec du Bas Frémur auprès de la coopérative Prestor n’est pas établie. Il n’y a donc pas lieu d’examiner les fins de non recevoir que celui-ci a soulevées.

Il s’ensuit que les sociétés Axiom et Evel Up échouent à démontrer des manquements du Gaec du Bas Frémur après la résiliation de la convention de sélection porcine, à l’origine des préjudices économiques qu’elles invoquent. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts.

Cour d’appel, Rennes, 2e chambre, 1 Octobre 2021 – n° 18/02835

Une Cour d’appel rappelle qu’après avoir produit bulletin d’engagement d’activité dûment signé par le coopérateur, la qualité d’associé coopérateur dans une coopérative agricole est rapportée : il peut donc lui être demandé de rembourser son compte courant associé débiteur, la preuve de la dette étant démontrée

Sur la recevabilité de l’appel

Au cas précis, l’intimé ne soulève pas d’irrecevabilité d’appel mais l’appelant développe son argumentation sur la recevabilité de l’appel du jugement du 29 mars 2018 alors qu’il n’est pas contesté que s’agissant d’un jugement ordonnant la réouverture des débats, le principe de l’unité d’appel posé par l’article 545 du code de procédure civile selon lequel : « Les autres jugements (ceux ne tranchant pas dans leur dispositif une partie du principal) ne peuvent être frappés d’appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi. » conduit à ce que l’appel du jugement du 29 mars 2018 doive être formé avec celui de l’appel du jugement du 12 septembre 2018.

La cour juge en conséquence l’appel des deux jugements susvisés recevable.

Sur le fond

Il résulte des dispositions de l’article 1315 du code civil, dans sa version applicable à la date du litige que « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Au cas d’espèce la société ARTERRIS entend voir juger que Monsieur P. est débiteur à son égard de sommes résultant du solde débiteur du compte courant qu’il a souscrit auprès de son entité, outre les intérêts de retard.

Pour ce faire, elle verse tout d’abord un bulletin d’adhésion et d’engagement en qualité d’associé coopérateur avec la SCA AUDECOOP signé le 25 juillet 2009 par Monsieur P.. Par ce document, l’adhérent autorise la SCA AUDECOOP à établir, en son nom et pour son compte, les décomptes de ses apports de produits agricoles et ce jusqu’à nouvel avis. S’ajoute à cette pièce, une convention de compte courant, signée le même jour par laquelle Monsieur P. assure avoir pris connaissance des statuts et du règlement intérieur et demande à la coopérative l’ouverture d’un compte courant, dit « Compte coopérateur ».

L’appelant apporte ensuite la justification de ce que, par traité de fusion en date du 18 décembre 2008, le Groupe Coopératif Occitan a absorbé plusieurs coopératives dont la SCA AUDECOOP. Un changement de dénomination de la structure est ensuite intervenu pour devenir la Société Coopérative Agricole ARTERRIS.

En tant que société absorbante, la société ARTERRIS a dès lors recueilli l’ensemble des droits et obligations de la sociéte AUDECOOP, et par voir de conséquence, tous les contrats et notamment la convention de compte courant qui liait initialement la société AUDECOOP à Monsieur P.;

Il résulte ensuite des relevés de compte courant au nom de Monsieur P. qu’à la date du 30 avril 2017, celui-ci présentait un solde débiteur de 45747.03 euros, et que, postérieurement, des apports étaient effectués pour amener le montant débiteur à 37873.14 euros arrêté au 20 Juin 2018.

De surcroît, les statuts et le règlement intérieur souscrits par Monsieur P. prévoyaient spécifiquement que le taux d’intérêt concernant les soldes débiteurs de compte courant serait déterminé en Conseil d’Administration. Plusieurs délibérations de Conseil d’Administration sont versées en procédure, dont celle du 11 janvier 2016 (dernière en date et qui confirme les précédentes) qui prévoit que le taux est celui du Livret A + 6.5 points.

Monsieur P. a, comme indiqué précédemment, valablement consenti à ce taux d’intérêt. Il en est donc redevable.

En conséquence, la cour considère, contrairement au premier juge, que la Société Coopérative Agricole ARTERRIS rapporte la preuve de la dette de Monsieur P. à son égard.

Il y a donc lieu de réformer les deux jugements entrepris et de faire droit à l’intégralité des demandes de la société appelante en fixant sa créance au titre du solde débiteur de compte courant de Monsieur P. à la somme de 37873.14 euros arrêtée au 20 juin 2018, outre les intérêts au taux légal du 20 juin 2018 au 24 septembre 2018 pour un montant de 88.69 euros.

Tenant la procédure collective en cours, cette somme sera mise au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur P..

Sur les demandes accessoires

La situation économique de Monsieur P. qui se trouve en état de liquidation judiciaire ne permet pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile malgré les frais engagés par la Coopérative pour la procédure et non compris dans les dépens.

Les dépens seront toutefois supportés par Monsieur P. qui succombe sur le principe de sa défense et se voit in fine condamnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe

Réforme les jugements déférés en toutes leurs dispositions

Statuant à nouveau sur le tout

Déclare l’appel formé par la Société Coopérative Agricole ARTERRIS contre les jugements des 29 mars 2018 et 12 septembre 2018 recevable,

Fixe à la somme de 37873.14 euros le montant de la créance de la Société Coopérative Agricole ARTERRIS au titre du solde débiteur du compte courant de Monsieur P. arrêtée au 20 juin 2018,

Fixe à la somme de 88.69 euros le montant de la créance de la Société Coopérative Agricole ARTERRIS auprès de Monsieur P. au titre des intérêts au taux légal du 20 juin 2018 au 24 septembre 2018,

Déboute la Société Coopérative Agricole ARTERRIS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Met les dépens de première instance et d’appel à la charge de la procédure collective de M. P..

Cour d’appel Montpellier 4e chambre civile 30 Juin 2021 Répertoire Général : 18/06272

Coopérative agricole et associé coopérateur sortant –

Sur la qualité d’associé

– il n’est pas associé coopérateur, faute pour la coopérative dernière de produire un engagement d’activité conformément à l’article 8-2 des statuts.

En outre, il reproche aux premiers juges d’avoir dénaturé l’article 18 des statuts en considérant qu’il était bien associé. Pour le requérant, eu égard à cet article, sa qualité d’associé de la coopérative ne valait que pour la période restant à courir sur l’engagement de l’ancien propriétaire, M. P.. Faute pour la coopérative d’établir la durée de l’engagement de celui-ci, Frédéric R. ne saurait être engagé au-delà d’une période de renouvellement de cinq ans, c’est à dire après 2009.

Il fait également valoir l’acceptation tacite de son retrait de la coopérative. Il explique avoir vinifié une partie de la production dès le début de son activité agricole puis avoir retiré ses vignes de la coopérative par le biais d’arrachage ou de retrait sans que cela n’entraîne une quelconque réaction de la coopérative.

En 2009, la coopérative a opposé un refus au fait qu’une partie des vignes affectées à la coopérative ait été arrachée mais elle s’est abstenue d’engager une quelconque procédure.

Sur la clause pénale, il soutient que les statuts contiennent plusieurs clauses pénales, que la clause pénale de l’article 8 n’est aucunement spécifique à l’activité vinicole, que l’article 8-7 contient également une clause pénale, que l’expert comptable mandaté par la coopérative pour le calcul des pénalités ne s’est pas fondé sur cet article mais sur un simple calcul du manque à gagner et qu’enfin la perception de l’indemnité est du ressort exclusif du conseil d’administration de la coopérative et nécessite un règlement intérieur clair sur les sanctions applicables.

Sur le calcul, il reproche à la coopérative d’avoir retenu un mauvais rendement. Pour les exercices écoulés 2012/2013, il explique avoir un rendement moyen en hectare d’environ douze hectolitres, loin des 18 hectolitres retenus par la coopérative.

Enfin, afin de procéder au calcul réel des productions, il sollicite une expertise judiciaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2018, la coopérative demande de débouter Frédéric R. de l’ensemble de ses demandes, de déclarer son appel incident recevable, de condamner Frédéric R. au paiement de la somme de 16 817,50 euros au titre des sanctions pécuniaires prévues par les articles 8-6 et 8-7 des statuts avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2012 qui seront capitalisés et de le condamner à la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir pour l’essentiel que :

Sur la qualité d’associé, Frédéric R. avait bien qualité d’associé, que cette qualité résulte de l’acquisition de parts sociales de la coopérative conformément à l’article R. 522-2 du code rural, que le viticulteur a acquis par deux actes de cession du 21 novembre 2003 700 parts sociales de la coopérative, que le simple fait d’acquérir des parts sociales vaut engagement d’activité, que la signature d’un bulletin d’engagement n’est pas obligatoire et qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que le viticulteur avait obligation de livrer la totalité des produits de son exploitation conformément à l’article 8 des statuts.

Sur l’article 18 des statuts reprenant l’article R. 522-5 du code rural, elle soutient que Frédéric R. ne démontre pas que les deux cessions de parts sociales du 21 novembre 2003 seraient adossées à une mutation en propriété de l’exploitation de l’ancien propriétaire M. P., que l’acte du 20 octobre 2003 ayant pour objet la cession des parcelles, quand bien même il constituerait une mutation de propriétaire, n’a jamais été dénoncé à la coopération.

En outre, son engagement d’apport n’avait pas pu prendre fin en 2009 dans la mesure où il n’avait pas notifié son retrait conformément à l’article 8-5 des statuts et qu’il n’avait pas davantage présenté de démission en cours de période d’engagement conformément à l’article 11-2 des statuts.

Sur le retrait tacite allégué par l’adversaire, la coopérative affirme que les arguments développés par Frédéric R. sont inopérants puisqu’il ne démontre pas une acceptation non équivoque de sa part .

Sur les sanctions, conformément à l’article R. 522-3 du code rural, seuls les statuts de la coopérative, à l’exclusion du règlement intérieur, peuvent fixer les sanctions applicables en cas d’inexécution par l’associé de son engagement d’activité.

Elle explique que la première sanction pécuniaire prévue par l’article 8 § 6 n’opère pas de distinction selon le type d’engagement d’activité, que seule la sanction complémentaire du paragraphe 7 opère une distinction, que M. Frédéric R. est viticulteur et relève de l’activité «’Production, écoulement et vente de produits agricoles’» et qu’en conséquence, les sanctions pécuniaires prévues par l’article 8§6 et 8§7 sont applicables.

Sur la période de calcul, la coopérative conteste le jugement en ce qu’il a limité le calcul des pénalités à 4 exercices. Elle affirme que les pénalités devaient être calculées sur la base du temps restant à courir, soit jusqu’à 2013 inclus pour 5 exercices, soit 2 832,20 euros X 5 = 14 161 euros pour la sanction de l’article 8§6 et 531,30 euros X 5 = 2 656,50 euros pour la sanction pécuniaire de l’article 8§7.

MOTIFS

Il convient en liminaire d’évoquer les quelques faits constants suivants :

Frédéric R. a acquis selon acte notarié du 20/10/2003 des consorts P.-G., notamment un ensemble de parcelles en nature de vignes et terres sises sur la commune de LATOUR DE FRANCE pour 10ha 25 ca 31 ca.

Frédéric R. a acquis la qualité d’associé coopérateur de la cave vinicole de la commune de LATOUR DE FRANCE en vertu des deux actes du 21/11/2003 signés des cessionnaires de parts sociales Jean P. (10 parts sociales correspondant à 10 hectos de cuverie) et Joseph P. (690 parts correspondant à 690 hectos de cuverie).

Il indiquait dans ses écritures de première instance, avoir apporté l’intégralité de ses récoltes des exercices 2004 à 2009, même s’il modifie son expression dans ses écritures d’appel pour indiquer avoir apporté une partie de ses récoltes des exercices 2004 à 2009.

Par un courrier du 30/07/2010, il faisait part à la cave de l’arrachage de 4 parcelles, provoquant des vérifications de la cave quant aux apports réalisés.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 26/08/2010, il était mis en demeure de fournir ses explications en se présentant devant le conseil d’administration du 13/09/2010, d’adresser les justificatifs de l’arrachage et de reprendre l’exécution de ses engagements.

Le 13/09/2010, le conseil d’administration se réunissait, entendait les explications de Frédéric R., se ralliait à celles-ci concernant l’arrachage de parcelles en considérant que l’arrachage n’était pas définitif et que l’associé n’avait pas exprimé sa volonté de ne pas apporter les raisins issus de ces parcelles lorsqu’elles seront replantées. En revanche, s’agissant du retrait des parcelles indiquées dans un courrier du 25/04/2019, le conseil constatant la volonté de Frédéric R. de ne pas revenir sur sa décision et le défaut d’apport de la récolte aux vendange 2009, refusait la démission et décidait d’appliquer les sanctions des articles 7-6 et 7-7 des statuts.

Par courrier recommandé du 10/10/2012, la coopérative, après délibération du conseil d’administration du 09/10/2012 l’informait de la mise en oeuvre des sanctions pécuniaires prévues au statut et le mettait en demeure de payer la somme de 13 454€.

C’est en l’absence de règlement de cette somme qu’elle saisissait le tribunal de grande instance de PERPIGNAN qui rendait la décision soumise à la Cour.

Sur la qualité d’associé

Selon l’article 4-3 des statuts, la qualité d’associé coopérateur est établie par la souscription ou par l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociale de la coopérative.

Cette qualité d’associé coopérateur n’est pas sérieusement contestée par Frédéric R. dont la Cour voit mal comment il aurait pu avoir alors livré l’intégralité de ses récoltes des exercices 2004 à 2009 selon version donnée en première instance, voire seulement une partie de ces mêmes récoltes selon version donnée à la Cour, se soumettant ainsi aux dispositions de l’article 8-1 des statuts selon lesquels l’adhésion à la coopérative entraîne pour les associés coopérateurs, notamment l’engagement de livrer la totalité des produits de son exploitation (engagement d’activité) et l’obligation de souscrire ou d’acquérir par voie de cession et dans ce dernier cas avec l’accord de la coopérative, le nombre de parts sociales correspondant aux engagements pris (engagement de souscription de parts sociales).

Il ne saurait se libérer de son obligation de livraison de l’intégralité de ses récoltes en mentionnant que l’acte sous seing privé du 21/11/2003 ne mentionne pas le chiffrage d’apport en hectolitre, l’engagement d’activité n’étant pas autonome de la qualité d’associé, cette affirmation étant en outre contredite par la mention d’équivalence d’un hectolitre par part sociale.

Sur la durée de l’engagement

Selon l’article 18 des statuts, paragraphe 1, l’associé coopérateur s’engage, en cas de mutation de propriété ou de jouissance d’une exploitation au titre de laquelle il a pris à l’égard de la coopérative les engagements prévus à l’article 8 ci-dessus, à transférer ses parts sociales d’activité au nouvel exploitant. Il doit faire offre de ces parts à ce dernier qui, s’il les accepte, sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3 ci après, sera substitué pour la période postérieure à l’acte de mutation, dans tous les droits et obligations du cédant vis-à-vis de la coopérative.

Frédéric R. assimile cession d’exploitation et cession de foncier.

C’est par acte notarié du 20/10/2013 que les consorts Claude G.Jean P. et Jospeh P. ont cédé à Frédéric R. divers parcelles de vignes dont 10 ha 25 a 31 ca sur la commune de LATOUR DE FRANCE.

La SCV soutient que Frédéric R. ne justifie par que les actes de transfert de parts sociales soient adossés à une cession d’exploitation au sens de l’article 18 et au sens de l’article R522-5 du code rural et le tribunal l’a suivi dans cette argumentation conduisant à écarter l’application des dispositions de l’article 18 des statuts précités.

C’est à juste titre que le premier juge a statué ainsi puisque si Frédéric R. justifie par l’acte notarié du 20/10/2013 avoir acquis un ensemble de parcelles de vignes et terres, certaines sur d’autres communes, il ne justifie pas avoir acquis des consorts P. une exploitation au sens de l’article 18 des statuts pris pour l’application des dispositions de l’article R522-5 du code rural et de la pêche maritime.

Il a acquis 700 parts sociales de la coopérative, entraînant l’obligation pour lui de livrer la totalité des produits de son exploitation faite des hectares acquis sur le territoire de la commune de LATOUR de FRANCE, constitutif de son engagement d’activité à hauteur d’un hectolitre d’apport par hectare.

S’il fait valoir son retrait progressif et son acceptation tacite par la cave, cet argument est inopérant puisque le litige ne porte que sur sa décision de retrait des 3ha 70a30ca évoqués dans la mise en demeure liquidant les sanctions pécuniaires à concurrence de 3363.50€ sur 4 exercices. Le retrait de cette superficie a été expressément refusé par la cave dans la délibération de son conseil d’administration du 13/09/2010, de telle sorte qu’aucune acceptation tacite ne peut être évoquée pour cette superficie, pas plus que n’est opérante la situation d’autres coopérateurs dont Frédéric R. ne justifie pas en quoi leur situation était identique.

Sur la clause pénale

De l’article R522-3 du code rural et de la pêche maritime, il résulte que les sanctions applicables en cas d’inexécution des engagements du coopérateurs sont fixées par les statuts.

Rien n’imposait donc à la coopérative de préciser dans un règlement intérieur les sanctions applicables. La référence que fait Frédéric R. à un extrait de procès-verbal d’un conseil d’administration du 21/06/2007 selon lequel ‘il faudrait édicter des règles claires applicables à tout le monde’ si le conseil d’administration décidait d’appliquer les sanctions prévues au statut ne se lit pas comme imposant un règlement intérieur mais est expliquée par le contexte d’une reprise en main de la cave par un nouveau président qui souhaitait éviter le laxisme précédent conduisant à une hémorragie des apports par des retraits de coopérateurs non sanctionnés.

Selon l’article 8-6 des statuts, le conseil d’administration peut décider de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs;

selon l’article 8-7 des statuts, le conseil d’administration pourra en outre décider d’appliquer une ou plusieurs des sanctions ensuite énumérées, étant observé que Frédéric R., viticulteur, relève du paragraphe ‘Production, écoulement et vente de produits agricoles et forestiers’ prévoyant une somme compensatrice au préjudice subi, calculée en fonction de la quote-part des frais généraux, amortissements, réserves et productions se rapportant aux qualités non livrées (qualités doit se lire quantités au sens de l’économie générale de la clause et de l’interprétation qu’en donnent les parties).

La coopérative conteste le caractère de clause pénale à la sanction de l’article 8-6 en considérant qu’elle définit une participation aux frais fixes de la coopérative. Le premier juge l’a suivie en cela.

Toutefois, cette clause définit d’avance et met à la charge du coopérateur défaillant dans ses obligations une indemnité calculée en référence à une participation à des frais qu’elle expose, qui n’a d’autre but que de forcer l’associé coopérateur à respecter l’exécution de ses engagements et revêt donc le caractère d’une clause pénale. Il en va de même de la sanction de l’article 8-7 dont le caractère de clause pénale n’est pas contesté.

Les dispositions de l’article 1152 ancien du code civil leur sont donc applicables.

Si les sanctions ont été sollicitées dans le cadre de la mise en demeure sur la base de quatre exercices, elles ont été réclamées dans l’assignation initiale et cette demande en est maintenue devant la Cour, sur la base de cinq exercices courant de 2009 à 2013.

Frédéric R. ne le conteste pas, ni dans le point de départ de 2009, exercice pour lequel il a commencé à ne plus effectuer les apports, ni dans la date de fin fixée à l’exercice 2013 correspondant à l’expiration d’une période quinquennale de reconduction tacite des engagements. Il opère d’ailleurs son propre calcul sur une base quinquennale.

Les clauses pénales ont été calculées par l’expert comptable de la coopérative sur la base d’éléments rapportés en annexes. Ces calculs sont critiqués dans leur détail par Frédéric R. dans une critique raisonnée sur la base d’éléments chiffrés réels qui conduisent la Cour à retenir les valeurs qu’il propose, non contredites utilement par la coopérative, soit :

3ha70 non apportés

Rendement moyen R. 12,48 hecto/hectare

Prix vente du rosé 48 € /hecto

Prix de vente Latour 108 € /hecto

Pénalités article 7-6

Quantité non livrée : 3.70×12.48 =46,17 hectolitres

Pénalités 46.17×31.74=1465,60 €

Pénalité article 7-7

LDF 108X16.17X5%=87,32€

Rosé 30x48x5%=72 €

Total 2 : 159,32 €

Total général : 1465,60+159,32=1624,92 €

Total quinquennal : 1624.92 x 5 = 8124.60€.

Frédéric R. au-delà de considérations générales sur la crise de la viticulture et sur le manque de rentabilité des apports à la coopérative ne fournit aucun élément aux débats de nature à considérer que la clause pénale ainsi recalculée présente un caractère manifestement excessif.

La demande d’expertise judiciaire, non formulée dans le dispositif des conclusions, est d’autant plus irrecevable que la Cour retient son calcul.

Si Frédéric R. formule dans le dispositif de ses écritures une demande de compensation de la clause pénale avec les 700 parts sociales détenues, il ne formule dans son dispositif aucune demande de fixation du prix de celle-ci et ne saisit pas valablement la cour d’une demande de fixation d’une créance certaine, liquide et exigible qui seule pourrait ouvrir droit à compensation.

Chaque partie succombant pour partie dans ses prétentions en cause d’appel, il sera fait masse des dépens qui seront supportés à raison de deux tiers par Frédéric R. et d’un tiers par la coopérative.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

Réforme le jugement en ce qu’il a condamné Frédéric R. à payer à la société coopérative les vignerons de LATOUR de FRANCE la somme de 12 328,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2012.

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne Frédéric R. à payer à la société coopérative les vignerons de LATOUR de FRANCE la somme de 8 124.60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2012.

Confirme le jugement pour le surplus

Dit que la Cour n’est pas valablement saisie d’une demande de fixation de la valeur des parts sociales détenues par Frédéric R. et le déboute de sa demande en compensation.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Cour d’appel Montpellier 4e chambre civile 10 Mars 2021
Répertoire Général : 18/01702

Coopérative agricole et non application de l’article 59 des statuts de la coopérative

L’Earl du Sous Bois a adhéré le 1er avril 1996 à la société coopérative agricole UKL Arrée dans les filières ‘volaille de chair’ et ‘lait-céréales-légumes-approvisionnements agro-fournitures-aliments’. Cet engagement était conclu pour trois exercices à compter de l’expiration de l’exercice en cours et renouvelable par tacite reconduction par périodes successives de trois ans.Toute dénonciation devait être adressée à l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois au moins avant la fin d’une période d’engagement.

Par courrier en date du 28 novembre 2012, l’Earl du Sous Bois a notifié à la coopérative sa démission de la filère ‘volailles’. En réponse, celle-ci lui a indiqué que l’engagement était en cours jusqu’au 31 décembre 2014 et qu’elle restait débitrice de la somme de 15 890,95 euros.

L’Earl du Sous bois n’ayant pas procédé au règlement de la somme réclamée, la société coopérative agricole UKL Arrée l’a assignée par acte d’huissier en date du 12 janvier 2016 devant le tribunal de grande instance de Lorient.

Par décision contradictoire du 15 février 2017, le tribunal a :

– déclaré recevable la demande formée par la société coopérative UKLArrée, – condamné l’Earl du Sous Bois à régler à la société coopérative UKL Arrée la somme de 15 890,95 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2015,

– débouté la société coopérative du surplus de ses demandes,

– débouté l’Earl du Sous Bois de l’ensemble de ses demandes,

– condamné l’Earl du Sous Bois au dépens.

L’Earl du Sous Bois a relevé appel de ce jugement par déclaration du 28 mars 2017.

Aux termes de ses dernières concclusions signifiées le 29 juin 2017, elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l’article 1134 du code civil,

Vu les dispositions des articles 1147 et suivants du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1154 du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1315 du code civil,

– dire et juger que les jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 15 février 2017 sera confirmé en ce que la société coopérative agricole UKL Arrée a été déboutée de sa demande en paiement d’une clause pénale et de sa demande de paiement d’une pénalité de 10 % de la valeur des quantités non livrées et réformer pour le surplus,

– dire et juger que les demandes de la société coopérative agricole UKL Arrée sont irrecevables et la condamner aux entiers dépens outre le paiement d’une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– subsidiairement, débouter la société coopérative agricole UKL Arrée de l’intégralité de ses demandes dès lors que la créance n’est nullement démontrée et condamner la société coopérative agricole UKL Arrée au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

– condamner la société coopérative agricole UKL Arrée au paiement d’une somme de 3 200 euros au titre du remboursement des parts sociales de l’Earl du Sous Bois,

– condamner la société coopérative agricole UKL Arrée au paiement d’une somme de 107,52 euros au titre du remboursement du compte courant de l’Earl du Sous Bois,

– condamner la société cooopérative agricole UKL Arrée au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de la résistance abusive,

– assortir les sommes de l’intérêt au taux légal à compter de la réclamation du 19 février 2016 et ordonner la capitalisation des intérêts selon la règle de l’anatocisme,

– débouter la coopérative agricole UKL Arrée de ses demandes.

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2019, la société coopérative agricole UKL Arrée et Maître Gérard B. mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la coopérative, demandent à la cour de :

– dire et juger que l’article 59 des statuts n’est pas applicable à une action en recouvrement contre l’éleveur,

– dire et juger qu’en tout état de cause la coopérative UKL Arrée justifie des démarches qu’elle a entreprises en vue de trouver une solution amiable au litige,

– dire et juger que l’action de la société coopérative agricole n’est pas prescrite,

– dire et juger que la coopérative UKL Arrée justifie précisément du quantum de sa créance,

– dire et juger que l’Earl du Sous Bois est forclose en sa demande de remboursement des parts sociales pour ne pas avoir sollicité son retrait dans les formes et délais idoines tels que prévus par les statuts et le code rural,

– dire et juger que les règles d’ordre public des coopératives agricoles interdisent le remboursement des parts sociales,

– dire et juger que la créance de l’Earl du Sous Bois au titre de son compte courant d’associé correspondant aux intérêts des parts sociales a été compensée avec sa dette au titre du solde débiteur de son compte ‘volailles’ selon les règles de la compensation légale,

– déclarer en conséquence, la coopérative agricole UKL Arrée recevable et bien fondée en ses demandes,

– déclarer l’Earl du Sous Bois irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Dès lors,

– débouter l’Earl du Sous Bois de son appel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Earl du Sous bois au paiement de la somme principale de 15 890, 95 euros, outre les intérêts légaux à compter du 10 juin 2015, sauf à préciser que cette condamnation

sera prononcée au profit de la Selas B. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société coopérative UKL Arrée,

réformant le jugement pour le surplus,

– condamner l’Earl du Sous Bois à payer à la Selas B. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société coopérative UKL Arrée, la somme de 2 838 euros au titre de la clause pénale, outre les intérêts légaux à compter et à titre subsidiaire au titre de son manque à gagner du fait de la rupture anticipée de l’engagement de l’Earl du Sous Bois,

en tout état de cause,

– condamner l’Earl du Sous Bois au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Earl du Sous Bois aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 mai 2020.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la fin de non- recevoir tirée de l’absence de conciliation préalable:

Se fondant sur l’article 59 des statuts de la société coopérative agricole UKL Arrée, l’Earl du Sous Bois prétend que l’action en recouvrement de créance engagée par celle-ci serait irrecevable du fait du non recours à une procédure de conciliation préalable obligatoire selon elle.

Mais il résulte de l’article 59 invoqué que ne sont soumises à un examen du conseil d’administration en vue d’un règlement à l’amiable que les contestations s’élevant à raison des affaires sociales, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la fin de non recevoir soulevée de ce chef.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

La société coopérative agricole UKL Arrée soutient que le compte ‘volailles’ de l’éleveur, arrêté et clôturé à la fin de l’année 2012, présentait un solde débiteur au titre des approvisionnements, avances et autres frais servis à l’Earl lors de la mise en oeuvre de la bande d’élevage n°0011.

Constatant que l’intégralité des créances alléguées résultaient de l’année 2010, l’Earl du Sous Bois conclut, de son côté, que l’action engagée le 12 janvier 2016 est irrecevable car atteinte par la prescription. Elle fait grief au tribunal d’avoir déclaré la demande de la société cooperative agricole UKL Arrée recevable en considérant que les flux financiers existant entre les parties étaient regroupés dans un compte courant et constituaient ainsi une opération unique et indivisible de sorte que le point de départ du délai quinquennal de prescription était la notification de sa démission entraînant la clôture du compte et rendant le solde exigible. L’Earl du Sous Bois conteste l’existence d’un compte courant en faisant valoir que les prestations mentionnées sur le relevé de compte relatif à la bande n°0011, sont individualisées et non diluées dans un compte courant. Elle considère donc que le tribunal aurait dû retenir la date figurant dans le livre de comptes pour chaque prestation et non la date de clôture d’un compte non individualisé dont le fonctionnement n’est pas démontré , pour calculer le délai de prescription.

La société coopérative agricole UKL Arrée soutient quant à elle que les parties étaient bien liées par une convention de compte courant puisque les factures et les approvisionnements n’étaient pas réglés au comptant mais inscrits au débit ou au crédit du compte courant de l’éleveur dans les livres de la coopérative. Elle fait valoir que l’adhésion à la coopérative emporte la création pour l’éleveur adhérent d’un compte courant dit compte ‘volaille’ sur lequel sont portées toutes les opérations au crédit ou au débit entre les parties . Elle se réfère au règlement intérieur qui prévoit que le règlement des apports est réglé soit par écriture passée au crédit du compte de l’éleveur lorsque celui-ci est débiteur soit par virement . Elle expose qu’à la fin de la bande, un récapitulatif est dressé qui intègre les acomptes versés à l’éleveur et il en résulte un solde créditeur ou débiteur. En fin d’exercice, le solde débiteur de l’éleveur est reporté sur l’exercice suivant. Elle en conclut que l’exigibilité des dettes et des créances est différée, chaque opération devenant alors un article de compte dégageant après compensation un compte débiteur ou créditeur.

Cependant, il convient de constater d’une part, que le règlement intérieur du groupe spécial volaille produit par l’intimée, prévoit dans son article 17 intitulé ‘règlement des apports’ que les apports des associés coopérateurs sont réglés ‘dans les quatre semaines, fin de semaine:

– par inscription au crédit du compte courant ouvert dans les livres de la coopérative en assurant la compensation de toutes créances, même non exigibles[…],

– à défaut de compte coopérateur , par virement bancaire ou chèque établi à l’ordre de l’intéressé’.

Il s’en déduit que si le fonctionnement du compte coopérateur est prévu comme celui d’un compte courant par compensation, tous les éleveurs ne disposent pas d’un compte coopérateur ouvert dans les livres de la coopérative. Contrairement à ce que soutient la société coopérative agricole UKL Arrée, l’adhésion à la coopérative n’entraîne pas automatiquement l’ouverture d’un compte coopérateur puisque le règlement intérieur prévoit le cas où l’adhérent n’a pas de compte coopérateur.

D’autre part, les créances portées sur la bande n°0011 sont effectivement individualisées du fait de la précision de la date mentionnée sur la bande en face de chaque opération mais sans que la compensation des opérations relative aux approvisionnements ne s’opère à chaque opération de livraison en parallèle. La bande n°0011 en elle même, qui apparaît de plus être un sous-compte, ni la production des notes de débits et des bordereaux d’apports ne démontrent l’existence d’une novation en compte courant entre les parties. De surcroît, au regard du montant peu élevé des factures, la somme réclamée par la société de coopérative agricole UKL Arrée apparaît constituée essentiellement d’acomptes versés par la coopérative. Ces créances d’acompte n’ont pu rester en compte courant. Il y a lieu de constater enfin que la société coopérative agricole UKL Arrée n’est pas en mesure de produire le solde du compte courant au moment de la rupture de contrat.

En conséquence, en l’absence de toute preuve de l’existence d’un compte courant entre les parties et au regard de la date des acomptes versés et des factures établies qui sont tous relatifs à des opérations effectuées en 2010, l’action engagée par la société coopérative agricole UKL Arrée est contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, atteinte par la prescription.

Sur le remboursement des parts sociales et du solde du compte courant d’associé:

Pour s’opposer au remboursement des parts sociales, la société coopérative agricole UKL Arrée fait valoir avec son liquidateur, que l’Earl du Sous Bois ne justifie pas de sa déclaration de créance à la liquidation ni du paiement des parts sociales. Elle soutient également que n’ayant pas obtenu l’accord du conseil d’administration de la coopérative sur son retard anticipé, notamment en ne respectant pas le délai prévu par les statuts, l’Earl du Sous Bois ne pourrait prétendre à ce remboursement. Elle ajoute que sa situation financière ne lui permet pas de faire face à ce remboursement.

Mais, l’Earl du Sous Bois justifie de sa déclaration de créance au passif de la société de coopérative agricole en produisant l’ordonnance du juge commissaire en date du 13 janvier 2020 constatant l’existence de l’instance en cours à propos de la créance de 3 200 euros et sollicitant une copie de la décision pour compléter l’état des créances. Elle justifie également du paiement des parts sociales par un extrait de son compte d’adhérent arrêté au 31 décembre 2011. Elle produit enfin un courrier en date du 26 février 2016 émanant de la société de coopérative agricole UKL Arrée en réponse à sa demande de remboursement de parts sociales pour la somme de 3 200 euros qui, s’il fait état de son impossibilité en raison de ses difficultés financières à procéder à ce remboursement conditionné selon elle à la reconstitution de ses fonds propres, ne remet pas en cause le paiement de ces parts ni le droit de l’Earl du Sous Bois à y prétendre.

En conséquence, il convient de constater l’inscription de la créance de 3 200 euros au passif de la société de coopération agricole UKL Arrée.

En l’état de la prescription de l’action en paiement engagée, il sera fait droit à la demande de remboursement de la somme de 107,62 euros correspondant au solde du compte courant d’associé.

Sur les autres demandes :

L’Earl du Sous bois ne caractérise pas l’abus commis par la société de coopérative agricole UKL Arrée dans l’exercice de son action en justice, qui en outre avait été favorablement accueillie en première instance, ni le préjudice qui en est résulté pour elle. Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.

La société de coopérative agricole UKL Arrée et la SELAS B. supporteront la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’Earl du Sous Bois l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte que la société coopérative agricole UKL Arrée sera condamnée à lui payer une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 février 2017 par le tribunal d’instance de Lorient,

Statuant à nouveau :

Rejette la fin de non recevoir tirée de l’absence de conciliation préalable,

Déclare la société coopérative agricole UKL Arrée en son action à l’encontre de ‘l’Earl du Sous Bois comme prescrite,

Constate l’inscription de la créance de 3 200 euros au passif de la société coopérative agricole UKL Arrée,

Condamne la société coopérative agricole UKL Arrée à rembourser à l’Earl du Sous Bois la somme de 107,62 euros au titre du solde de son compte courant d’associé,

Déboute l’Earl du Sous Bois de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la société coopérative agricole UKL Arrée et la SELAS B. à payer à l’Earl du Sous Bois la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société coopérative agricole et la SELAS B. aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Cour d’appel Rennes 2e chambre 2 Octobre 2020 Répertoire Général : 17/02292

LOI EGALIM et COOPERATIVES AGRICOLES

Circuits Culture, 26/02/2021 Prix abusivement bas : finalement pas d’action  possible contre les coopératives

Circuits Culture, 26/02/2021

Le Gouvernement n’avait pas la possibilité de créer une action en responsabilité contre les coopératives agricoles en cas de fixation d’une rémunération abusivement basse des apports des membres coopérateurs. C’est ce que vient de juger le Conseil d’État dans une décision rendue le 24 février 2021.

En application de l’article 11 de la loi EGalim du 30 octobre 2018, le Gouvernement avait pris une ordonnance pour refondre complètement le droit de la négociation commerciale dans le domaine agricole. Sur ce fondement, l’article 1er de l’ordonnance du 24 avril 2019 créait une nouvelle disposition dans le Code rural et de la pêche maritime, consistant à appliquer aux coopératives agricoles le recours en justice contre les prix abusivement bas. Cette procédure est prévue par le Code de commerce.

Pour être valable, une ordonnance doit strictement respecter la loi d’habilitation. Après analyse de celle-ci, le Conseil d’État juge qu’elle n’a pas « autorisé le Gouvernement à étendre l’application de ce dispositif de responsabilité aux sociétés coopératives ». Les juges annulent donc la disposition correspondante de l’ordonnance.

Contacté par Circuits Culture, Dominique Chargé, président de La Coopération agricole (anciennement Coop de France, auteur du recours) se dit satisfait d’avoir été entendu par le Conseil d’État : « J’ai mené un combat contre cette disposition car elle détourne la capacité de fonctionnement des coopératives, explique-t-il. L’idée, c’était de protéger le droit de la collectivité des coopératives et de respecter le processus de décision spécifique aux coopératives. Si vous soumettez les coopératives à une judiciarisation, la relation n’est plus du tout la même. »

Le Conseil d’État n’a cependant pas pris en compte ces arguments d’ordre quasi philosophique. Il s’est attelé à vérifier si l’ordonnance respectait la loi d’habilitation, ce qui n’était donc pas le cas ici.

Olivier HIELLE

Coopérative agricole et départ anticipé de l’associé coopérateur : Aucun motif valable

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 décembre 1997, M. Jean-Louis C. a conclu avec la Coopérative agricole des fermiers de l’Orléanais (la CAFO) un contrat de bonne fin d’enlèvement de production de volailles pour une durée de cinq années. Le 13 janvier 1998, M. Jean-Louis C. a adhéré à la CAFO en s’engageant à lui livrer toute sa production de volailles.

A la suite du départ à la retraite de son mari, Mme Danièle C. a adhéré en son nom propre à la CAFO, le 3 septembre 2008, pour une durée de cinq exercices à compter de l’expiration de l’exercice en cours, et s’est engagée à lui livrer toute sa production de volailles.

Par courrier du 15 septembre 2012, Mme C. a dénoncé le contrat signé avec la CAFO au motif qu’elle était en âge de prendre sa retraite, et que la CAFO avait une créance à son profit.

Le conseil d’administration de la CAFO a refusé la demande de retrait anticipé de Mme C., par décision du 15 novembre 2012, notifiée à l’intéressée, par courrier du 27 novembre 2012.

Par décision du 19 décembre 2012, le conseil d’administration de la CAFO a décidé d’appliquer à Mme C. les sanctions pécuniaires prévues par les statuts, en raison du non-respect par celle-ci de ses obligations. Cette décision était notifiée à l’intéressée par courrier du 7 janvier 2013, la CAFO rappelant à Mme C. que son engagement coopératif n’expirait qu’au 31 décembre 2013.

Par acte d’huissier de justice du 18 décembre 2015, Mme C. a fait assigner la CAFO devant le tribunal de grande instance de Blois, aux fins notamment de voir déclarer nulle et non avenue, et à tout le moins inopposable la décision de la CAFO rejetant sa démission, de constater la validité de sa démission, et de lui rembourser le solde de son compte courant.

Par jugement du 31 janvier 2019 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Blois a’:

– déclaré inopposable à Mme C. la décision non datée du conseil de surveillance de la CAFO rejetant sa démission’;

– constaté la validité de la démission de Mme C. en date du 15 septembre 2012′;

– condamné la CAFO à rembourser à Mme C. le solde de son compte courant, soit la somme de 7’195,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2011′;

– débouté la CAFO de ses demandes reconventionnelles de règlement de frais fixes et de pénalités formées à l’encontre de Mme C. au titre du prétendu non-respect de ses engagements coopératifs’;

– condamné la CAFO à payer à Mme C. la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile‘;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la CAFO’;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires’;

– condamné la CAFO aux dépens’;

– accordé à Maître Frédéric C., avocat, le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que’:

– la décision de rejet de la démission de Mme C. ne lui a pas été notifiée, car celle-ci a simplement reçu une lettre de la CAFO en date du 27 novembre 2012 l’informant de la teneur de la décision, non datée, que le conseil de surveillance aurait prise, de sorte que la CAFO n’a pas respecté les dispositions de l’article R.522-4 du code rural qui impliquent une délibération expresse du conseil et un procès-verbal de la réunion dudit conseil portés à la connaissance de l’intéressée’;

– la décision notifiée le 27 novembre 2012 n’est aucunement motivée, car il n’est pas précisé en quoi le retrait de Mme C. porte un préjudice au fonctionnement de la CAFO, et le procès-verbal de réunion du conseil d’administration du 15 novembre 2012 n’est également pas motivé, les membres du conseil s’étant contentés d’entériner les décisions du Président, ce qui constitue une violation de l’article 11-2-2° des statuts de la CAFO’: au surplus, la lettre informative du 27 novembre 2012 ne comporte aucune mention relative aux conditions de recours à l’encontre de la décision rendue, ce qui porte incontestablement atteinte aux droits de la défense’;

– les manquements contractuels de la CAFO à ses obligations, invoqués par Mme C. lors de sa démission, sont établis et justifient l’application des dispositions de l’article 1184 du code civil‘; par voie de conséquence, il y a lieu de débouter la CAFO de ses demandes reconventionnelles de règlement des frais fixes et de pénalités formées à l’encontre de Mme C. au titre du prétendu non-respect de ses engagements coopératifs, celle-ci ayant parfaitement respecté ses obligations contractuelles à l’égard de la CAFO.

Par déclaration du 20 mars 2019, la CAFO a interjeté appel de tous les chefs du jugement à l’exception de ceux la condamnant à rembourser à Mme C. le solde de son compte courant, et faisant application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 octobre 2019, la CAFO demande de’:

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel et ses demandes’;

– confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au versement de la somme de 7’195,34’€’;

– infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau’:

– constater qu’elle a réglé les sommes pour lesquelles elle a été condamnée par le jugement déféré’;

– constater que les motifs invoqués par Mme C. ne constituent en aucun cas ni un cas de force majeure, ni un cas de motif valable de retrait’;

– déclarer opposable à Mme C. la décision du conseil d’administration rejetant sa demande de départ anticipé’;

En conséquence,

– condamner Mme C. à lui payer les sommes suivantes’:

– concernant le règlement des frais fixes prévus à l’article 8 § 6 des statuts de la CAFO au titre du non-respect de ses engagements coopératifs’:

7’512,37’€ au titre du second semestre 2011′;

31’476,55’€ au titre de l’exercice 2012′;

20’416,53’€ au titre de l’exercice 2013′;

– concernant le règlement des pénalités prévues à l’article 8 § 7 des statuts au titre du non-respect de ses engagements coopératifs’:

16’154,89’€ au titre du second semestre 2011′;

25’897,29’€ au titre de l’exercice 2012′;

26’921,19’€ au titre de l’exercice 2013′;

– déclarer Mme C. irrecevable, en tous cas mal fondée, en toutes ses demandes, et l’en débouter’;

– condamner Mme C. à lui payer la somme de 5’000’€ en application de l’article 700 du code de procédure civile‘;

– condamner Mme C. aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Estelle G., en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 avril 2020, Mme C. demande de’:

À titre principal’:

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes’;

– débouter la CAFO de l’ensemble de ses demandes’;

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions’;

À titre subsidiaire’:

– dire les demandes reconventionnelles de la CAFO manifestement excessives’;

– les réduire à de plus justes proportions, en l’espèce un euro’;

En tout état de cause’:

– condamner la CAFO à lui verser une somme de 7’000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile‘;

– condamner la CAFO aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de Maître François V., avocat aux offres de droit.

Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la régularité de la décision de la CAFO du 15 novembre 2012 :

L’appelante soutient que la décision de refus du retrait a bien été notifiée à Mme C. par courrier recommandé du 27 novembre 2012 qui mentionne qu’elle pouvait faire l’objet d’un recours devant la plus prochaine assemblée’; que le procès-verbal de réunion du conseil d’administration de la CAFO du 15 novembre 2012 permet de constater que l’ensemble des conditions de formes ont été respectées pour prendre cette décision’; qu’aucune disposition n’exige que le procès-verbal de la réunion soit communiqué à la personne intéressée, mais il convient seulement de lui faire connaître la décision motivée’; que Mme C. ne s’est pas présentée au conseil d’administration du 19 décembre 2012, n’a pas répondu aux observations de la CAFO et n’a pas saisi l’assemblée générale comme il le lui était indiqué conformément à l’article 11 § 4 des statuts’; que le tribunal a méconnu et dénaturé les dispositions légales et statutaires et n’a pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations’; qu’en cas d’inopposabilité de la décision de refus de retrait, il y aurait lieu de considérer que l’absence de décision équivaut à un refus conformément à l’article 11 § 2, dernier alinéa des statuts.

L’intimée indique que la décision formelle du conseil d’administration rejetant sa demande de retrait ne lui a jamais été notifiée de telle sorte qu’elle en ignorait même la date’; qu’elle a simplement reçu une lettre de la CAFO en date du 27 novembre 2012 l’informant de la teneur de la décision de refus, non datée, que le conseil d’administration aurait prise’; que les dispositions de l’article R.522-4 du code rural impliquent donc à tout le moins une délibération expresse du conseil et un procès-verbal de la réunion dudit conseil, portés à sa connaissance, ce qui n’a pas été le cas’; que la CAFO ne justifie ni du nombre des administrateurs en exercice, ni de celui des administrateurs présents le jour où ladite délibération a été prise et ce, en contravention avec les dispositions de l’article 28 des statuts de la CAFO’; que la lettre d’information du 27 novembre 2012 n’est pas motivée en ce qu’elle n’indique pas les motifs pour lesquels sa demande de retrait ne serait pas valable, ni ceux justifiant que son départ porterait un préjudice au fonctionnement de la CAFO’; qu’au surplus, la lettre informative du 27 novembre 2012 ne porte aucune mention relative aux conditions de recours à l’encontre de la décision rendue, ce qui constitue une atteinte incontestable aux droits de la défense’; que l’invitation faite à Mme C., le 27 novembre 2012, à venir s’expliquer devant le conseil d’administration avant le 15 décembre 2012 pour la réunion du 19 décembre 2012 n’est qu’une supercherie, dès lors que la décision avait déjà été arrêtée le 15 novembre 2012.

Le bulletin d’adhésion à la coopérative, signé par Mme C. le 3 septembre 2008, mentionne que celle-ci avait pris connaissance des statuts et du règlement intérieur de la CAFO qu’elle s’engageait à respecter.

L’article 11-2 des statuts de la CAFO stipule, s’agissant d’une demande de retrait anticipée d’un coopérateur’:

«’1° En cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d’un associé coopérateur en cours de période d’engagement si le départ de celui-ci ne porte aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n’a pas pour effet, en l’absence de cession des parts sociales, d’entraîner la réduction du capital souscrit par les associés coopérateurs dans le cadre de leur engagement d’activité au-dessous des trois quarts du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution de la coopérative.

2° Le conseil apprécie les raisons invoquées à l’appui de la demande de démission en cours de période d’engagement et fait connaître à l’intéressé sa décision motivée, dans les trois mois de la date à laquelle la demande a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président du conseil d’administration. L’absence de réponse équivaut à décision de refus.

3° La décision du conseil peut faire l’objet d’un recours devant la plus prochaine assemblée générale sans préjudice d’une action éventuelle devant le tribunal de grande instance compétent.

4° L’associé coopérateur désirant exercer son droit de recours devant l’assemblée générale devra, à peine de forclusion, le notifier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au président du conseil d’administration dans les trois mois au plus suivant soit la décision dudit conseil, soit à l’expiration du délai de trois mois laissé à celui-ci pour statuer. Le conseil d’administration devra, en ce cas, porter le recours à l’ordre du jour de la plus prochaine assemblée générale convoquée postérieurement à la réception de la notification du recours’».

Le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la CAFO en date du 15 novembre 2012 mentionne, en son point n° 2, les retraits en cours d’engagement dont celui de Mme C. en ces termes’:

«’La Présidente soumet à la délibération du conseil d’administration les demandes de démission en cours de période d’engagement qui lui ont été notifiées par les 16 associés coopérateurs suivants’: […]

– Madame C. demeurant La Boulinière 45270 Fréville du Gâtinais, détenant 62 parts sociales d’activité, dont la date de ‘n d’engagement est fixée au 31 décembre 2013’;

[…]

La Présidente rappelle au conseil d’administration que l’article 11 des statuts stipule que la démission en cours d’engagement ne peut être admise par le conseil d’administration qu’à titre exceptionnel et en cas de motif valable, hors le cas de force majeure.

Aucun adhérent ne justifie d’un cas de force majeure, ni d’un motif valable de retrait anticipé dès lors que ne sont pas considérés comme des motifs valables’:

– La cessation volontaire d’activité’;

– L’âge d’un adhérent et sa décision personnelle de prendre sa retraite d’autant qu’il n’est pas rapporté la preuve de la cessation des exploitations et de l’absence de reprise par un membre de la famille ou un tiers dans le cadre d’une mutation d’exploitation’;

– Les difficultés financières rencontrées par la coopérative’;

– La maladie à moins qu’elle soit médicalement reconnue et attestée et qu’elle ne permette plus l’exercice de l’activité agricole.

Cependant suite à la réunion avec les éleveurs du 14 septembre dernier, il a été envisagé d’accepter le retrait anticipé des éleveurs qui ne souhaitent plus travailler avec la coopérative à compter du 1er janvier 2013 sans qu’il soit procédé à leur encontre à la procédure visée à l’article 8 § 8 sous réserve qu’ils acceptent d’abandonner la créance qu’ils détiennent sur la CAFO et qui a fait l’objet de la résolution prise par l’assemblée générale de la CAFO le 8 juin 2012 et qu’ils aient respecté leurs engagements coopératifs antérieurs.

[‘]

Or il apparaît que parmi les demandes de retraits anticipés, seuls 6 associés coopérateurs ont continué à travailler régulièrement avec la coopérative au cours des derniers exercices et ont accepté de signer la convention d’abandon qui leur a été proposé par la CAFO

[‘]

Après échanges de vues sur les 10 autres demandes de retrait anticipé, à savoir celles de Mesdames C. et [‘] la Présidente propose au Conseil de les refuser.

Cette résolution mise aux voix est adoptée à l’unanimité (6 voix).

Le Conseil charge la Présidente de leur transmettre cette décision de rejet.

De plus, ces 10 associés n’ont pas respecté leurs engagements au cours du ou des exercices précédents et ont suspendu en tout ou partie les mises en place, à savoir’:

[…]

– Madame C. pour ses trois bâtiments’:

o pour le 1er bâtiment à compter de la semaine 22 de l’année 2011,

o pour le 2e bâtiment de la semaine 12 de l’année 2011,

o pour le 3e bâtiment de la semaine 4 de l’année 2011.

[…]

Pour ces 10 associés coopérateurs, la présidente propose au Conseil d’administration de lancer la procédure prévue à l’article 8 § 8 des statuts visant à prononcer contre eux des sanctions pécuniaires (frais ‘xes et pénalités) en les mettant préalablement en demeure de fournir toutes explications sur les manquements constatés.

La notification aux 10 associés coopérateurs comportera, en outre, mise en demeure de respecter leurs engagements pour l’avenir.

Cette résolution mise aux voix est adoptée à l’unanimité (6 voix)’».

L’article 27-2 des statuts de la CAFO énonce’: «’le conseil d’administration doit, pour délibérer valablement réunir au moins la moitié de ses membres en exercices. Les délibérations sont prises à la majorité des membres présents’».

Le procès-verbal précité porte mention de la date de la réunion du conseil d’administration et des décisions prises, soit le 15 novembre 2012, les noms des membres présents soit six personnes permettant d’atteindre le quorum, et les noms des membres excusés, soit quatre personnes. Il est donc établi que le conseil pouvait valablement délibérer en présence de six membres sur les dix membres en exercice dont Mme C., coopératrice, ne pouvait d’ailleurs pas en ignorer leur nombre et leur identité. L’article 28-3 des statuts prévoit en outre que, même à l’égard des tiers, lesquels ignorent le nombre et l’identité des administrateurs de la CAFO, la justification du nombre d’administrateurs en exercice et de la qualité d’administrateur en exercice, résulte valablement «’de la simple énonciation, dans le procès-verbal de chaque délibération et dans les copies ou extraits qui en sont délivrés, des noms tant des administrateurs et des représentants des personnes morales administrateurs présents que des administrateurs absents’».

Il n’est donc pas établi que le procès-verbal du conseil d’administration de la CAFO du 15 novembre 2012 soit non-conforme aux statuts de la coopérative.

L’article 11-2 2° des statuts impose à la coopérative de faire connaître au coopérateur démissionnaire sa décision motivée dans le délai de trois mois à compter de sa demande mais non de notifier le procès-verbal du conseil d’administration. Le moyen de l’intimée tenant à la non-notification du procès-verbal du 15 novembre 2012 est donc inopérant.

Il convient dès lors de constater que les décisions relatives au retrait anticipé de Mme C. et à la mise en ‘uvre de la procédure pouvant conduire à des sanctions pécuniaires sont pleinement motivées aux termes du procès-verbal précité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 novembre 2012, la CAFO, en la personne de la présidente du conseil d’administration, a notifié à Mme C. la décision prise à la suite de sa demande de retrait anticipé formée le 15 septembre 2012 en ces termes’:

«’J’ai donc soumis votre demande de retrait anticipé au Conseil d’administration, qui l’a rejetée, considérant que vos motifs ne sont pas valables et que votre départ porterait un préjudice au fonctionnement de la C.A.F.O.

En effet, l’âge d’un associé coopérateur et sa décision personnelle de prendre sa retraite n’est pas un motif valable de retrait anticipé, d’autant que l’exploitation peut être reprise par un membre de la famille ou un tiers dans le cadre d’une mutation d’exploitation.

Par ailleurs, le Conseil d’administration a constaté le non-respect de vos engagements coopératifs et le défaut de mises en place totales sur vos trois bâtiments à compter de 2011 et plus précisément’:

– pour 1er bâtiment à compter de la semaine 22 de l’année 2011,

– pour le 2e bâtiment de la semaine 12 de l’année 2011,

– pour le 3e bâtiment de la semaine 4 de l’année 2011.

Nous sommes donc au regret de vous mettre en demeure d’avoir à fournir par écrit des explications sur les manquements constatés, avant le 15 décembre 2012.

En fonction de ces explications, le Conseil d’administration sera conduit à se prononcer sur la participation aux frais fixes et sur les sanctions qu’appelle l’inexécution de vos engagements en application des articles 8.6 et 8.7 des statuts.

Vous pouvez également demander à être entendue par le conseil d’administration, pour lui présenter vos explications de vive voix avant le 15 décembre 2012, étant précisé que le prochain Conseil se réunira le 19 décembre 2012.

Enfin, je vous invite à respecter votre engagement coopératif et à reprendre vos livraisons jusqu’au 31 décembre 2013, à défaut de quoi le Conseil sera également amené à délibérer à nouveau sur votre cas, et à se prononcer sur l’une des deux options suivantes’:

– soit vous poursuivre en justice en vue d’obtenir l’exécution forcée de vos engagements sous astreinte financière,

– soit vous exclure en prononçant à votre encontre les sanctions pécuniaires fixées par l’article 8 § 6 et 7 de nos statuts au titre de vos engagements restant à courir’».

Mme C. ne conteste pas avoir reçu ce courrier recommandé mais soutient, ainsi que le tribunal l’a retenu, qu’il ne présente pas de motivation du refus de retrait anticipé.

Cependant, il convient de constater que le courrier du 27 novembre 2012 a clairement indiqué à Mme C. que son âge et sa décision de prendre sa retraite personnelle ne pouvaient constituer un motif valable de retrait anticipé, et que l’exploitation pouvait être reprise par un membre de la famille ou un tiers.

Aux termes de l’article 11-2 des statuts de la CAFO, ce n’est que lorsque le motif de retrait anticipé est considéré comme valable, que le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d’un associé coopérateur en cours de période d’engagement «’si le départ de celui-ci ne porte aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative’». Il s’ensuit que lorsque le motif de retrait anticipé est considéré comme non valable, la coopérative n’a pas à apprécier l’existence d’un préjudice quant à son bon fonctionnement et à motiver sa décision sur ce point.

Le courrier recommandé du 27 novembre 2012 notifié à Mme C. comporte la reproduction des termes de l’article 11-2 3° sur la faculté d’exercer un recours devant la plus prochaine assemblée générale de la CAFO, de sorte que l’intimée est mal fondée à soutenir qu’elle n’était pas informée des voies de recours.

S’agissant des sanctions pécuniaires suite aux manquements de Mme C. constatés par la CAFO, il convient de relever que le conseil d’administration n’a nullement prononcé lesdites sanctions lors de sa délibération du 15 novembre 2012, mais a seulement décidé de mettre en ‘uvre la procédure pouvant aboutir à de telles sanctions et de notifier à Mme C. une mise en demeure de respecter ses engagements pour l’avenir.

Dès lors, l’invitation faite à Mme C., dans le courrier du 27 novembre 2012, d’avoir à faire valoir ses observations écrites sur les manquements constatés, et la notification de son droit à être entendue par le conseil d’administration, étaient de nature à permettre à Mme C. de s’expliquer dans le respect du principe du contradictoire avant qu’il ne soit décidé d’éventuelles sanctions. Dès lors, la procédure prévue à l’article 8 des statuts de la CAFO a été pleinement respectée.

Il résulte de ces éléments que la décision du conseil d’administration de la CAFO en date du 15 novembre 2012 et le courrier d’information du 27 novembre 2012 sont réguliers en la forme, et la décision de refus du retrait anticipé de Mme C. lui est pleinement opposable.

Sur l’existence d’un motif valable de retrait anticipé :

L’appelante considère que Mme C. ne disposait d’aucun motif valable de retrait anticipé de la coopérative’; que la situation de handicap de la fille trisomique de Mme C. n’a jamais été portée à la connaissance du conseil d’administration de la CAFO qui n’a pu le prendre en compte au titre des motifs de retrait anticipé’; qu’aucun associé coopérateur ne peut se retirer en cours d’engagement, et un retrait anticipé ne peut qu’être qu’exceptionnel en application de l’article 11 § 2 des statuts de la CAFO et de l’article R. 522-4 du code rural‘; qu’aux termes de la jurisprudence, ne sont pas considérés comme des motifs valables ni le départ à la retraite ni les difficultés financières d’une coopérative notamment celles ayant conduit la coopérative à différer les règlements aux associés coopérateurs’; qu’elle n’a jamais contesté l’existence d’une créance détenue par Mme C. à son égard’; que face à la crise du secteur avicole et aux impayés auxquels a elle dû faire face, elle n’a eu d’autre choix que d’imputer une partie de ses défauts de paiements sur l’ensemble des associés coopérateurs, à défaut de quoi elle aurait dû constater la cessation des paiements et solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire’; que Mme C. ne peut exciper de l’inexécution par la coopérative de ses obligations de paiement au titre de ses livraisons de volailles en décembre 2010, alors qu’elle a continué à apporter ses volailles durant le premier semestre 2011 et à s’approvisionner en gaz auprès de la coopérative jusqu’en février 2012′; qu’elle a cessé d’apporter sa production de volailles à compter de février 2011 alors qu’elle n’a officialisé une demande de retrait anticipé qu’en septembre 2012′; que la créance de Mme C. à l’égard de la CAFO représente 6’% de ses livraisons de 2010 et 1,8’% des livraisons au titre des trois derniers exercices, de sorte que les manquements prétendus, justifiés par des motifs économiques, ne sont pas suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat coopératif’; que la jurisprudence n’admet pas qu’un coopérateur puisse demander la résiliation des conventions le liant à une coopérative, en raison des fautes et des irrégularités commises par elle dans sa gestion, seule l’action sociale étant alors ouverte.

L’intimée indique qu’elle disposait de plusieurs motifs valables de démission’; qu’elle était motivée par l’absence de règlement du solde de son dernier enlèvement de volaille, et l’annonce par la CAFO de son incapacité à assurer le paiement des livraisons à venir dans les délais, et du redressement judiciaire en date du 4 février 2011 de la société G., filiale à 100’% de la CAFO’; qu’en accusant plusieurs retards dans les paiements, en modifiant les dispositions contractuelles notamment en supprimant les garanties liées à l’assurance-crédit et en ne respectant pas les conditions de forme dans la procédure de retrait, la CAFO n’a pas exécuté loyalement son contrat, ce qui caractérise un motif valable de retrait supplémentaire’; qu’il existait un motif d’application des dispositions de l’article 1184 du code civil‘; qu’elle a toujours indiqué aux administrateurs de la CAFO qu’elle assurait la production de volailles en partenariat avec la CAFO dans le seul but de financer un projet de chambre d’hôtes avec la création d’un poste de femme de chambre à destination de sa fille présentant un handicap lié à une trisomie 21′; qu’en outre, son âge, connu de l’ensemble des membres du bureau de la CAFO, l’a également incité à mettre un terme à son activité auprès de la coopérative, et compte tenu des incertitudes pesant sur la santé financière de celle-ci, aucun candidat à la reprise ne s’est fait connaître pour reprendre une exploitation agricole dépendante financièrement d’une coopérative au bord de la faillite et n’assurant plus ses paiements auprès de ses adhérents’; que la CAFO ne démontre pas l’existence d’un préjudice direct et certain.

L’article R.522-4 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable, dispose’:

«’Sauf en cas de force majeure dûment justifié et soumis à l’appréciation du conseil d’administration, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant l’expiration de sa période d’engagement.

Toutefois, en cas de motif valable, le conseil d’administration peut, à titre exceptionnel, accepter sa démission au cours de cette période si son départ ne doit porter aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et s’il n’a pas pour effet de réduire le capital au-dessous de la limite fixée à l’article R. 523-3, alinéas 3 et 4’».

L’article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose que «’la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement’».

Le 15 septembre 2012, Mme C. a écrit à la CAFO un courrier rédigé comme suit’:

«’Je venais par ce courrier dénoncer mon contrat sur mes 3 bâtiments contrat signé le 15/12/1997 au nom de Monsieur C. Jean-Louis

1 -Je suis en âge révolu pour prendre ma retraite à 63 ans

2 – La coopérative CAFO a une créance à mon endroit’».

Si ce courrier fait référence à l’adhésion de l’époux de Mme C., dont elle a pris la suite tant pour l’élevage de volailles qu’en qualité d’adhérente de la coopérative, seule la durée d’engagement au titre du contrat d’adhésion personnelle de Mme C. doit être appréciée.

En l’espèce, Mme C. ayant adhéré à la CAFO le 3 septembre 2008 pour une durée de cinq exercices à compter de l’expiration de l’exercice en cours, elle était engagée jusqu’au 31 décembre 2013. Son retrait anticipé nécessitait donc l’existence d’un cas de force majeure ou d’un motif valable.

Il n’est pas contesté que la CAFO est redevable d’une dette à l’égard de Mme C. d’un montant de 8’267,49 euros, réduit à 7’195,34 euros à la suite d’achats réalisés par cette dernière, cette créance ayant fait l’objet d’une condamnation de la CAFO au profit de Mme C., non contestée en cause d’appel.

La CAFO justifie avoir subi des difficultés financières engendrées par un client, la société G., dont les défauts de paiement étaient évalués à 1,6 millions d’euros au 31 décembre 2010 et qui a été placée en redressement judiciaire, cette situation ayant conduit la CAFO à différer temporairement les règlements aux associés coopérateurs. Le report de paiement des sommes dues à Mme C. comme aux autres coopérateurs ne constitue pas un cas de force majeure ni un juste motif de retrait, au regard des difficultés conjoncturelles de la filière avicole et de la nécessité pour la CAFO de trouver des solutions afin d’éviter de se trouver elle-même en redressement judiciaire.

Si la CAFO a utilisé les fonds de la réserve assurance crédit pour apurer les dettes nées des difficultés financières de la société G., cette utilisation a permis de contribuer aux pertes de l’exercice de l’année 2010 et de prévenir le risque de défaillance ultérieure. Il est justifié que cette décision résulte d’une résolution de l’assemblée générale des associés de la CAFO dont il n’est pas allégué que sa validité aurait été contestée. Il n’est donc pas établi de manquement de la coopérative à ce titre.

En outre, la CAFO justifie que la créance de Mme C. envers la CAFO, d’un montant de 8’267,49 euros, représente 6’% des sommes réglées à Mme C. en 2010, au titre de ses apports de volailles, et 1,8’% des sommes réglées au titre des trois derniers exercices. Le report temporaire de paiement de ladite somme, n’a pas empêché la CAFO de régler à Mme C. les autres livraisons de volailles postérieures à l’année 2010. Le report de paiement de la somme de 8’267,49 euros ne constitue donc pas un motif grave justifiant la résiliation du contrat coopératif, au regard de son faible impact sur la trésorerie de Mme C. et du fait que cette décision était justifiée par le souci légitime de préserver la situation financière de la coopérative dans l’intérêt commun des coopérateurs.

S’agissant de l’âge révolu pour l’admission à la retraite de Mme C., il n’était pas inconnu de celle-ci lorsqu’elle s’est engagée pour cinq années auprès de la CAFO, le 3 septembre 2008, de sorte qu’il ne peut constituer un cas de force majeure. Le départ à la retraite de Mme C. avant l’expiration de la période d’engagement procède d’un choix délibéré, dont il n’est pas établi qu’il coïncide avec la cessation de son exploitation, laquelle pouvait poursuivre avec un repreneur, afin de respecter l’engagement de livrer des volailles jusqu’au 31 décembre 2013. En conséquence, le fait d’atteindre l’âge révolu pour l’admission à la retraite ne peut constituer un motif valable de retrait anticipé de la coopérative.

Mme C. ne justifiant pas d’un motif valable de retrait anticipé de la coopérative, elle se trouve mal fondée à alléguer que son retrait ne causerait pas de préjudice à la CAFO, alors qu’elle s’était engagée à livrer sa production de volailles jusqu’au 31 décembre 2013.

Le conseil d’administration de la CAFO était fondé à ne pas faire droit à la demande de retrait anticipé de Mme C..

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré inopposable à Mme C. la décision non datée du conseil de surveillance de la CAFO rejetant sa démission et en ce qu’il a constaté la validité de la démission de Mme C. en date du 15 septembre 2012.

Sur la régularité de la décision de la CAFO du 19 décembre 2012 :

L’intimée soutient que la CAFO ne justifie ni du nombre des administrateurs en exercice, ni de celui des administrateurs présents le jour où ladite délibération a été prise et ce, en contravention avec les dispositions de l’article 28 des statuts, rendant impossible tout contrôle, par les juges, de la validité de la délibération’; que la décision du 19 décembre 2012 ne saurait être considérée comme remplissant les conditions de forme légalement et statutairement exigées, de telle sorte qu’elle est nulle et non avenue et, à tout le moins, elle lui est inopposable’; que les droits de la défense ont été gravement méconnus puisque l’invitation faite le 27 novembre 2012 à venir s’expliquer devant le conseil d’administration avant le 15 décembre 2012 pour la réunion du 19 décembre 2012 n’est qu’une supercherie, le conseil s’étant prononcé sur les sanctions pécuniaires lors de la réunion du 15 novembre 2012.

Le procès-verbal de délibération du conseil d’administration de la CAFO en date du 15 novembre 2012 mentionne le vote de la résolution suivante, relatif aux sanctions pécuniaires concernant les coopérateurs défaillants dont faisait partie Mme C.’:

«’Pour ces 10 associés coopérateurs, la présidente propose au Conseil d’administration de lancer la procédure prévue à l’article 8 § 8 des statuts visant à prononcer contre eux des sanctions pécuniaires (frais ‘xes et pénalités) en les mettant préalablement en demeure de fournir toutes explications sur les manquements constatés.

La notification aux 10 associés coopérateurs comportera, en outre, mise en demeure de respecter leurs engagements pour l’avenir.

Cette résolution mise aux voix est adoptée à l’unanimité (6 voix)’».

Par courrier recommandé du 27 novembre 2012, précédemment relaté, Mme C. a été mise en demeure de respecter ses engagements pour l’avenir, et a été invitée à formuler ses observations sur les manquements contractuels qui lui étaient imputés, avant que le conseil d’administration ne se prononce sur les frais fixes et les sanctions pécuniaires.

Mme C. a été mise en mesure de faire valoir ses explications avant la décision du conseil d’administration sur les sanctions pécuniaires, ce qu’elle a d’ailleurs fait en écrivant à la CAFO, par l’intermédiaire de son conseil, le 12 décembre 2012. En outre, il n’est nullement établi que les sanctions pécuniaires avaient déjà été prononcées lors de la réunion du 15 novembre 2012, le conseil d’administration ayant seulement décidé de mettre en ‘uvre la procédure pouvant conduire au prononcé de sanctions pécuniaires, dont la première étape était la délivrance de la mise en demeure du 27 novembre 2012. L’atteinte aux droits de la défense n’est donc nullement établie, la CAFO ayant par ailleurs respecté la procédure prévue par ses statuts.

Le conseil d’administration de la CAFO, aux termes du procès-verbal de délibération du 19 décembre 2012, a décidé de l’exclusion de Mme C. à l’unanimité et de l’application des sanctions pécuniaires prévues par les statuts.

Ce procès-verbal porte mention de la date de la réunion du conseil d’administration et des décisions prises, les noms des membres présents soit neuf personnes permettant d’atteindre le quorum, et les noms des membres excusés, soit une personne. Il est donc établi que le conseil pouvait valablement délibérer en présence de six membres sur les dix membres en exercice dont Mme C., coopératrice, ne pouvait d’ailleurs pas en ignorer leur nombre et leur identité. La délibération est donc conforme aux statuts de la CAFO.

Mme C. sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nulle, voire inopposable la décision du conseil d’administration en date du 19 décembre 2012.

Sur les sanctions pécuniaires applicables au coopérateur :

L’appelante indique que Mme C. n’a pas repris les livraisons malgré la première mise en demeure suivant courrier recommandé en date du 27 novembre 2012′; qu’il a été fait application des sanctions pécuniaires prévues à l’article 8 § 6 et 7 des statuts de la CAFO’; que seule la pénalité statutaire de 20’% a la nature de clause pénale, à l’exclusion de la participation aux frais fixes qui est de droit’; que les pénalités mises à la charge de l’associé défaillant se calculent non pas sur un seul exercice, mais sur la durée de l’engagement restant à courir’; qu’elle n’a pas eu un comportement discriminatoire vis-à-vis de Mme C. par rapport à d’autres associés qui ont fait valoir leur retrait, qui n’étaient pas dans la même situation que cette dernière.

L’intimée soutient que l’application des sanctions pécuniaires n’est pas prévue d’office’; que la CAFO a accepté le départ d’autres producteurs, sans prononcer la moindre sanction à leur encontre et a signé des conventions d’abandon de créance avec d’autres producteurs qui ont donné leur démission’; que la cour pourra s’interroger sur la différence de traitement et la discrimination réalisée par la CAFO à son encontre’; que le conseil d’administration doit motiver sa décision prononçant la sanction, ce qu’il n’a pas fait’; que la CAFO ne justifie pas de son prétendu préjudice’; que les chiffres avancés par la CAFO ne correspondent pas aux charges fixes régulières visées à l’article 8 § 6 des statuts, de sorte qu’ils lui sont inopposables’; que son départ n’a causé aucun préjudice à la CAFO’; que la comptabilité de la CAFO, versée aux débats au titre de la pénalité de 20’%, est globale et ne distingue pas entre les différentes productions (avicole, spécifique ou classique), de sorte qu’elle n’est pas probante’; que les frais fixes et pénalités auxquels prétend la CAFO sont assimilables à des dommages-intérêts et seront considérés comme une clause pénale que la cour réduira, à titre subsidiaire, dès lors qu’elle n’est pas en mesure de les régler.

L’article 8 des statuts de la CAFO stipule en ses paragraphes 6 et 7′:

«’6. Sauf cas de force majeure dûment établi, le conseil d’administration pourra décider de mettre à la charge de l’associé coopérateur n’ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs.

Cette participation correspond à la quote-part que représentent les quantités non livrées et les chiffres d’affaires de l’approvisionnement non effectués pour la couverture des charges suivantes constatées au cours de l’exercice du manquement’:

– les charges correspondant à celles comptabilisées dans les comptes 61 et 62′;

– les impôts et taxes (compte 63)’;

– les charges de personnel (compte 64)’;

– les autres charges de gestion courante (compte 65)’;

– les charges financières (compte 66)’;

– les charges exceptionnelles (compte 67)’;

– les dotations aux amortissements et aux provisions (compte 68)’;

– les participations des salariés aux résultats de l’entreprise (compte 69)’;

– les impôts sur les sociétés (compte 69).

7. En cas d’inexécution totale ou partielle de ses engagements par un associé coopérateur, le conseil d’administration pourra, en outre, décider de prononcer une ou plusieurs des sanctions suivantes’:

1°) Pénalité égale à 20’% de la valeur des produits non livrés, estimés sur la base du prix de règlement aux éleveurs pendant la période où la livraison n’a pas été effectuée, ou 20’% de la valeur des approvisionnements ou des services non sollicités.

2°) Non respect des règles de production et de mise en marché’: application des dispositions du paragraphe 5 de l’article 10.

3°) L’exclusion définitive peut être prononcée par le conseil d’administration en cas de refus de reprise de livraison à la coopérative après mise en demeure et en cas de récidive dans le non-respect des règles de production et de mises en marché.

4°) La coopérative peut refuser d’accepter la livraison des produits de l’associé coopérateur ne correspondant pas aux normes fixées.

Tous frais de gestion et éventuellement tous frais de poursuites quelconques entraînés par la mise en application des sanctions ci-dessus sont à la charge de l’associé coopérateur lorsque la décision du Conseil d’administration prononçant la sanction est devenue définitive soit après recours éventuel, soit en l’absence d’un tel recours.’».

L’article 8 § 8 des statuts de la CAFO prévoit’: «’Avant de se prononcer sur la participation aux frais fixes et sur les sanctions respectivement prévues aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus, le conseil d’administration devra, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mettre en demeure l’intéressé de fournir des explications’».

En application de ces dispositions, la présidente du conseil d’administration a, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 novembre 2012 adressé à Mme C., une mise en demeure de fournir par écrit des explications sur les manquements constatés, avant le 15 décembre 2012, étant précisé qu’en fonction de ces explications, le conseil d’administration se réunissant le 19 décembre 2012 serait conduit à se prononcer sur la participation aux frais fixes et sur les sanctions en application des articles 8.6 et 8.7 des statuts.

Le procès-verbal de délibération du conseil d’administration du 19 décembre 2012 comporte la décision suivante, relative à Mme C.’: «’son courrier de réponse a été vu et transmis à Me G., le conseil a voté à l’unanimité en faveur de son exclusion et de l’application des sanctions pécuniaires prévues par les statuts’».

Cette décision succincte et non précise, ne permet pas de connaître le détail des sanctions pécuniaires que le conseil d’administration a décidé d’appliquer à Mme C., en plus de son exclusion.

Or ces sanctions devaient être choisies parmi celles énoncées par l’article 8 § 7 des statuts, qui ne s’appliquent nullement de plein-droit par seule référence aux statuts.

En outre, la délibération du 19 décembre 2012 ne mentionne pas de décision quant à la participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs qui aurait dû être mise à la charge de Mme C..

Par courrier recommandé adressé à Mme C., le 7 janvier 2013, la présidente du conseil d’administration de la CAFO a sollicité le paiement de la somme de 48’258 euros au titre de la participation aux frais fixes et de la pénalité pour préjudice subi de 2011 au 2e trimestre 2012.

Toutefois, le choix de la sanction et de la participation aux frais fixes s’appliquant à un coopérateur ne respectant pas ses engagements, ne peut résulter, aux termes des statuts de la CAFO, que d’une décision du conseil d’administration et non du président de celui-ci. Le courrier du 7 janvier 2013 ne peut donc pallier l’absence de décision claire, précise et motivée du conseil d’administration, lors de sa réunion du 19 décembre 2013, quant aux frais et aux sanctions devant s’appliquer à Mme C..

Si le conseil d’administration de la CAFO a, dans sa réunion du 3 juin 2016, décidé d’actualiser la participation de Mme C. aux frais fixes et la pénalité pour préjudice subi de 2011 à 2013, à la somme totale de 128’378,82 euros, cette délibération ne peut régulariser l’absence de choix des sanctions et de la participation aux frais fixes, lors de la décision d’exclusion de Mme C. de la coopérative, prise le 19 décembre 2012.

Il convient, en effet, de relever que le conseil d’administration avait d’ores-et-déjà prononcé la sanction d’exclusion définitive de Mme C. lors de sa réunion du 19 décembre 2012, et qu’aucune mise en demeure préalable au prononcé de la participation aux frais fixes et des sanctions pécuniaires, n’avait été adressée à Mme C. avant la réunion du conseil d’administration du 3 juin 2016, de sorte que celle-ci n’a pu faire valoir les explications prévues à l’article 8 des statuts.

La CAFO n’établissant pas l’existence d’une décision motivée du conseil d’administration sur la participation de Mme C. aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs ainsi que sur le type de sanction pécuniaire devant lui être appliquée, il convient de la débouter de ses demandes formées à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Mme C. succombant en ses demandes, il convient de la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu’il a’:

– déclaré inopposable à Mme C. la décision non datée du conseil de surveillance de la Coopérative agricole des fermiers de l’orléanais rejetant sa démission’;

– constaté la validité de la démission de Mme C. en date du 15 septembre 2012′;

– condamné la Coopérative agricole des fermiers de l’Orléanais à payer à Mme C. la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile‘;

– condamné la coopérative agricole des fermiers de l’Orléanais aux dépens’;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT’:

DÉCLARE opposable à Mme Danièle C. la décision du conseil d’administration de la Coopérative agricole des fermiers de l’Orléanais, en date du 15 novembre 2012, rejetant sa demande de départ anticipé’;

DIT que Mme Danièle C. ne justifie pas d’un motif valable de retrait anticipé de la Coopérative agricole des fermiers de l’Orléanais’;

CONFIRME le jugement pour le surplus’;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile‘;

CONDAMNE Mme Danièle C. aux entiers dépens de première instance et d’appel’:

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

Cour d’appel Orléans Chambre civile 8 Février 2021 Répertoire Général : 19/00959

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